Editorial du n° 47 de juin 2017 – Aux Sources du Carmel – Fatima et le Carmel

Cher frère, Chère sœur,

Pour nous sau­ver et sau­ver le monde, la très sainte Vierge a pro­non­cé à Fatima, en mai 1917, ces paroles qui ont eu un pro­fond reten­tis­se­ment dans l’âme des trois voyants :

« Voulez-​vous vous offrir à Dieu pour sup­por­ter toutes les souf­frances qu’il vou­dra vous envoyer, en acte de répa­ra­tion pour les péchés par les­quels Il est offen­sé, et de sup­pli­ca­tion pour la conver­sion des pécheurs ? »

Au mois de juin, s’adressant à Lucie et lui fai­sant com­prendre qu’elle devait res­ter sur la terre alors que ses deux petits cou­sins iraient bien­tôt au ciel, Marie ajoutait :

« Ne te décou­rage pas. Je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le che­min qui te condui­ra jusqu’à Dieu. »

En juin comme en mai, à tra­vers ses témoins choi­sis, c’était à tous ses enfants que la Vierge s’adressait. C’est donc à nous qu’Elle demande de prier, souf­frir et de nous offrir pour Dieu et pour nos frères ? Et c’est éga­le­ment à nous qu’Elle pro­met son aide, en nous offrant son Cœur comme refuge et comme che­min condui­sant vers Dieu.

Dans ses feuillets com­po­sés pour les pre­miers same­dis du mois, le R.P. Joseph de Sainte-​Marie, Carme Déchaux, com­mente ain­si les paroles de la Très sainte Vierge que nous venons de citer :

« Réparer les péchés et sau­ver les pécheurs, voi­là ce qu’Elle demande. Et com­ment ne pas voir l’urgence de cette demande, aujourd’hui plus encore qu’en 1917 ? Or c’est un fait que la plu­part de nos contem­po­rains, et nous-​mêmes avec eux, la voient peu, ou mal, ou même pas du tout. D’abord parce qu’ils cherchent à oublier le désordre crois­sant de la socié­té et du monde, le seul remède qu’ils y trouvent étant de ne pas y pen­ser. Et lorsque mal­gré tout ils y pensent, ce qu’ils voient, c’est la masse des crimes qui se com­mettent et ce sont les catas­trophes vers les­quelles ces crimes nous entraînent à grands pas. Mais voient-​ils en eux le péché ? Et dans ceux qui les com­mettent, des pécheurs ? Or, c’est à cela que nous devons arri­ver si nous vou­lons trou­ver les vrais et ultimes remèdes, qui sont d’ordre spi­ri­tuel, comme est d’ordre spi­ri­tuel, en der­nière ana­lyse, cette réa­li­té du mal : il est péché, c’est-à-dire offense à Dieu. Et l’homme qui le com­met est pécheur, et donc pas­sible du juge­ment de Dieu et du châ­ti­ment que sa jus­tice fait peser sur lui. Mais l’homme de ce temps, l’homme moderne cen­tré sur lui-​même et fer­mé dans son monde, ne voit que sa propre per­sonne, sa souf­france et les dan­gers qui le menacent.

D’où la néces­si­té d’une pre­mière conver­sion : celle du regard, pour voir le mal pré­sent comme péché, et celle du cœur pour apprendre à le détes­ter comme tel, c’est-à-dire comme une offense à notre Dieu d’amour et comme bles­sure au Cœur de son Fils et au Cœur de sa Mère. Par là seule­ment nous pour­rons com­prendre l’appel de Notre-​Dame et en sen­tir l’urgence. Et de là naî­tra en nous le désir, d’abord de répa­rer cette offense faite à Dieu par le péché, mais aus­si de sau­ver les pécheurs : de les sau­ver de leur perte éter­nelle. Car nous ne pen­se­rons plus seule­ment aux châ­ti­ments du temps pré­sent, qui fina­le­ment sont tou­jours œuvre de misé­ri­corde, puisqu’ils ont pour but de nous sau­ver dans l’éternité en nous ame­nant à la conver­sion et au repen­tir. Et c’est pré­ci­sé­ment pour que les pécheurs reçoivent les grâces néces­saires à cette conver­sion qu’il faut que ceux qui ont déjà la lumière de la foi et le tré­sor de la cha­ri­té se mettent en prière et en état de sacri­fice. C’est par là qu’ils obtien­dront ces grâces et ce par­don, en même temps qu’ils offri­ront à Dieu lui-​même l’œuvre d’amour qui répa­re­ra l’offense qui lui est faite par le péché.

Commençons donc par médi­ter sur ces choses afin de réveiller en nous le sens du péché et de la des­ti­née éter­nelle de l’homme. Alors nous serons plus géné­reux pour répondre à la demande de la Vierge.

Un cœur qui sauve et qui conduit à Dieu. Mais com­ment nous-​mêmes, « pauvres pécheurs », pourrons-​nous accom­plir une œuvre aus­si grande, alors que nous sommes les pre­miers à tom­ber dans le péché ? De nous-​mêmes, assu­ré­ment, nous ne pou­vons rien. Mais voi­ci la pro­messe de la Vierge : son Cœur Immaculé, refuge et che­min condui­sant à Dieu. L’image du refuge évoque la tem­pête, le dan­ger. « Pour le pauvre, Yahvé est un refuge, un refuge dans les heures de détresse. » (Ps. 9, 10) ; Dieu est un refuge vivant, Il pro­tège de toutes les menaces, délivre de tous les enne­mis. Mais pour cela Il veut la confiance et qu’on recoure à lui : « Dieu est mon refuge (…) j’ai invo­qué Yahvé et de mes enne­mis j’ai été déli­vré. » (Ps. 17, 3–4).

Ce refuge, c’est en Marie que Dieu veut nous le faire trou­ver aujourd’hui, parce que c’est seule­ment par Elle que nous pou­vons aller à Lui et obte­nir son aide. Elle ne se sub­sti­tue pas à Dieu. Elle conduit à Lui : « Mon Cœur Immaculé sera (…) le che­min qui te condui­ra jusqu’à Dieu ; et ain­si Il sera « ton refuge ». C’est aus­si parce que c’est Lui qui nous obtient et qui nous donne la grâce de Dieu, comme Elle le fit com­prendre aux enfants en mai, dans un geste mer­veilleux. Mais c’est d’abord parce qu’Elle nous prend en Elle pour nous conduire à Dieu qu’Elle est notre refuge. Telle est sa pro­messe, et telle est la volon­té de Dieu Lui-​même. Mais la condi­tion à rem­plir pour en rece­voir les bien­faits, c’est de recou­rir à Elle inlas­sa­ble­ment. Alors Elle nous por­te­ra dans son Cœur et nous éta­bli­ra en Dieu. Alors nous rece­vrons la force de nous conver­tir, de prier et de faire péni­tence. Alors nos sup­pli­ca­tions et nos sacri­fices seront très puis­sants sur le Cœur du Christ. Car, ce n’est pas seule­ment au terme de notre vie que notre Mère au Cœur imma­cu­lé nous condui­ra à Dieu. Elle le fait à chaque ins­tant, à chaque sacri­fice accep­té et offert.

En pra­tique, appre­nons, par la prière confiante et renou­ve­lée sans fin, à nous éta­blir dans ce refuge imma­cu­lé (ce qui veut dire : sans péché). Là, nous serons pré­ser­vés du péché et puri­fiés de ceux que nous avons com­mis. Là nous répa­re­rons les péchés qui offensent Dieu, et nous sau­ve­rons nos frères pécheurs de la perte éter­nelle vers laquelle ils courent, et dans laquelle ils tom­be­ront si per­sonne ne vient à leur secours.

Ces réflexions aide­ront à com­prendre ce qui peut et ce qui doit être fait, concrè­te­ment, pour pra­ti­quer la « dévo­tion » des pre­miers same­dis du mois. Que ce jour-​là soit spé­cia­le­ment consa­cré à cet effort de réflexion, de médi­ta­tion, de prière et de sacri­fice. Mais si un tel effort doit être spé­cia­le­ment accom­pli en ces pre­miers same­dis, pour­quoi ne pas le reprendre éga­le­ment les autres same­dis ? C’est chaque same­di qui est jour de Marie. Et pour­quoi nous en tenir à ce seul jour ? N’est-ce pas tout notre être et toute notre vie qui, dès le bap­tême, ont été don­nés à la Vierge ? Le sens des « pre­miers same­dis », dans l’intention de la Vierge, est de nous faire siens, non pas seule­ment pour un jour, mais pour tous les jours. L’amour ne peut vou­loir moins. Ces pre­miers same­dis sont donc un point de départ. Mettons-​nous ou remettons-​nous en route, comme nous pou­vons, du mieux que nous pou­vons. Et nous ver­rons alors comme le Vierge est fidèle à ses pro­messes. » [R.P. Joseph de Sainte-​Marie, L’Heure de Marie, Versailles, 4 rue st Louis, feuillet n°2, juin 1983.]

Pour nous qui sommes rat­ta­chés à l’Ordre de la Très sainte Vierge, com­ment ne pas voir le lien étroit qui unit Fatima au Carmel ? Souci de pure­té de l’âme qui cherche, avec la grâce, par les puri­fi­ca­tions suc­ces­sives et l’oraison, à s’unir à Dieu ; inté­rêt por­té au salut du pro­chain en priant et en se sacri­fiant pour lui. Nos saints du Carmel illus­trent bien cet idéal. Suivons leur exemple avec zèle.

Je vous bénis.

27 juin 2017, en la fête de Notre-​Dame du Perpétuel Secours.

Abbé L.-P. Dubrœucq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X