« Et Moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tout à moi » Jn XII, 32

C’ÉTAIT bien de sa mort dont le Fils de l’homme par­lait à cet ins­tant. Les juifs le com­prirent ain­si. Mais en repre­nant l’image du ser­pent d’airain, le Christ annon­çait l’autre réa­li­té de sa cha­ri­té qui attire tout à Lui.

Aux Hébreux, il suf­fi­sait de regar­der le ser­pent d’airain pour être gué­ris. Pour nous, le regard de Jésus vient nous cher­cher le pre­mier : « quand tu étais sous le figuier, Nathanaël, je t’ai vu. »

« Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob… non des phi­lo­sophes et des savants », écri­vait une der­nière fois Pascal. Le Dieu des phi­lo­sophes et des savants est un abso­lu de plé­ni­tude sans souf­france, un abso­lu d’harmonie sans dis­so­nance mais un abso­lu froid et distant.

Notre Dieu est un Dieu incar­né, per­son­nel. Il a été en tout notre sem­blable, sauf pour le péché. Notre rela­tion à lui est unique ; elle est aus­si, par la grâce, ce qui nous rend uniques. « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob », Il est le Dieu des élus. Jésus est le nom par lequel nous l’appelons et Il appelle sa créa­ture par son nom et en son nom.

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi – et qu’il boive ». C’est par un désir jaloux que Jésus se mani­feste à nos âmes. Ce désir n’attend qu’une réponse de notre part : un choix exclu­sif. Le Christ est l’autre de mon âme, il est au-​dessus de toute pen­sée et de toute la créa­tion et il m’a regar­dé le pre­mier, là où j’étais. Souvenons-​nous du regard que Notre-​Seigneur a adres­sé à saint Pierre dans le pré­toire : celui-​ci venait de le renier par trois fois. L’évangile le dit : Notre-​Seigneur et saint Pierre se virent, ils se ren­con­trèrent. Pensez à tout ce qu’il y eut dans le regard de Jésus.

C’est donc au milieu des choses que nous devons retrou­ver son regard, en habi­tuant notre cœur à le pos­sé­der en tout temps comme quelqu’un de présent.

Comment se réa­lise une telle pos­ses­sion de Dieu ? C’est un sen­ti­ment du cœur – non une sen­si­bi­li­té – et une orien­ta­tion conti­nuelle de la volon­té vers Dieu. Ce n’est pas une idée fixe ou per­ma­nente ; ce serait humai­ne­ment impos­sible et Dieu dis­pa­raî­trait de l’âme en même temps que cette idée. C’est une soif spi­ri­tuelle que rien ne satisfait.

Qui a ain­si Dieu, a Dieu divi­ne­ment et Dieu rayonne devant lui à tra­vers toutes choses : tout lui donne le goût de Dieu et lui rap­pelle cette soif inté­rieure et pres­sante de Jésus. C’est ce que l’on appelle la vie de foi. Cette ren­contre ne peut être l’objet d’un dis­cours. Abraham condui­sait Isaac au sacri­fice et gar­dait le silence. La foi dans son cœur était si inti­me­ment sienne qu’il n’avait aucun autre mot à répondre à Isaac qu’un « Dieu y pourvoira ».

Dans quelques jours la litur­gie nous mon­tre­ra notre Dieu humi­lié. Nous le sui­vrons au pied de la Croix où il pend, comme un autre nous-​mêmes. Nous le retrou­ve­rons au matin de Pâques, glo­rieux et res­sus­ci­té, et désor­mais conti­nuel­le­ment à nos côtés. Ayons seule­ment soif de Lui et ouvrons nos poi­trines : tout le vide que notre foi fera en nous, la grâce le comblera.

Abbé V. Bétin, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Source : L’Aigle de Lyon n°345 /​La Porte Latine du 10 avril 2019