Le catéchisme de 7 à 77 ans

Dans son ency­clique Acerbo nimis du 15 avril 1905 sur l’enseignement de la doc­trine chré­tienne, saint Pie X remarque que « de nos temps sur­tout, l’âge plus avan­cé n’a pas moins besoin d’enseignement reli­gieux que l’enfance » et en consé­quence pres­crit aux curés et aux autres prêtres ayant charge d’âmes « d’adresser aux fidèles une caté­chèse en un lan­gage facile, appro­prié à leur intel­li­gence », à une autre heure que l’instruction des enfants, et cela, « sans pré­ju­dice de l’homélie ordi­naire sur l’évangile qui doit se faire tous les jours fériés à la messe parois­siale ». Plus d’un siècle après, la remarque n’a rien per­du – bien au contraire – de sa per­ti­nence et la pres­crip­tion de son urgence.

Pourtant quel catho­lique adulte aujourd’hui se sent concer­né par le caté­chisme, c’est-à-dire par l’enseignement des véri­tés de la foi ? Mis à part les caté­chu­mènes et tous ceux qui reviennent de loin, beau­coup s’illusionnent, croyant en savoir suf­fi­sam­ment avec ce qu’ils ont enten­du autre­fois à l’école catho­lique ou au caté­chisme de la paroisse. De bonne foi beau­coup estiment ne pas avoir besoin de caté­chisme, alors que leur connais­sance de la véri­té révé­lée est sou­vent par­cel­laire, super­fi­cielle, quand elle n’est pas cari­ca­tu­rale… Sans mécon­naître les obs­tacles réels – les impé­ra­tifs de la vie fami­liale et pro­fes­sion­nelle comme l’éloignement géo­gra­phique – qui écartent les adultes du caté­chisme, trois rai­sons tou­te­fois doivent les inci­ter à reprendre régu­liè­re­ment les véri­tés essen­tielles de la foi pour les appro­fon­dir et les rafraîchir.

D’abord le pro­grès natu­rel de l’intelligence humaine inter­dit de réser­ver le caté­chisme aux seuls enfants. Il est évident, en effet, que notre pen­sée évo­lue au cours de la vie. Déjà, avant qu’elle n’atteigne son âge de matu­ri­té, l’intelligence humaine passe par dif­fé­rents stades, que le caté­chisme doit suivre. Laisser un ado­les­cent ou un jeune adulte avec les connais­sances élé­men­taires de l’enfance l’empêcherait tout sim­ple­ment de gran­dir et de mûrir dans sa foi.

Même l’âge adulte une fois atteint, le regard de l’homme sur le monde et sur Dieu se modi­fie peu à peu : la vie fami­liale et pro­fes­sion­nelle, une connais­sance plus concrète de l’homme et de ses hom­me­ries, l’expérience de l’épreuve et de la mala­die jusqu’à l’approche de la mort : autant de réa­li­tés, qui ne cessent d’apporter à l’intelligence humaine de quoi moudre son grain et de mûrir sa pen­sée. Ici encore le caté­chisme s’impose : en ensei­gnant les véri­tés les plus hautes et les plus néces­saires – qui forment en quelque sorte la colonne ver­té­brale de notre pen­sée – il per­met d’accompagner et de gui­der ce déve­lop­pe­ment de l’intelligence, lui garan­tis­sant de ne jamais s’écarter de la véri­té ; l’empêchant sur­tout d’oublier Dieu.

Ensuite la pro­fon­deur des mys­tères de Dieu exige que le caté­chisme, qui les expose, soit repris plu­sieurs fois dans la vie. A la dif­fé­rence d’une leçon de cal­cul ou de gram­maire, les véri­tés sur Dieu et sur notre salut demeurent mys­té­rieuses, au sens où elles dépassent infi­ni­ment nos capa­ci­tés de com­pré­hen­sion. On peut donc tou­jours les appro­fon­dir sans pour­tant jamais les épui­ser. Pour qui a fait plu­sieurs fois le tour du caté­chisme, cer­taines véri­tés appa­raissent plus lumi­neuses ; plus encore la connexion des véri­tés entre elles devient plus évidente.

Enfin la déchris­tia­ni­sa­tion du monde, dans lequel on vit, oblige à appro­fon­dir d’autant plus les connais­sances de foi, que ces der­nières sont oubliées, quand elles ne sont pas direc­te­ment ou indi­rec­te­ment niées par les opi­nions à la mode. Si les deux pré­cé­dentes rai­sons ont tou­jours et par­tout été vraies, cette troi­sième rai­son explique la néces­si­té et l’urgence pour nos contem­po­rains de ren­for­cer leurs connais­sances de caté­chisme. L’expérience montre en effet que sans for­ma­tion chré­tienne régu­lière, la convic­tion des véri­tés de foi s’émousse peu à peu, les connais­sances claires et dis­tinctes bien­tôt se brouillent et les mots pour les dire, plus vite encore, s’embrouillent. Ce phé­no­mène s’observe d’autant plus net­te­ment et rapi­de­ment, que ces adultes vivent dans un milieu pro­fes­sion­nel, social, par­fois même fami­lial, étran­ger à la foi et qu’ils y sont expo­sés à entendre des opi­nions par­fois invrai­sem­blables, à côté des­quelles les simples et fortes véri­tés de la foi paraissent d’un autre monde ; d’un autre temps : celui de l’éternité.

Certains pen­se­ront peut-​être trou­ver sur Internet de quoi revoir le caté­chisme, tout en res­tant chez soi… A vrai dire, d’heureuses ini­tia­tives per­mettent à un grand nombre de rece­voir par ce biais la véri­té révé­lée. Il faut tou­te­fois demeu­rer conscient des limites et des dan­gers de l’apprentissage en auto­di­dacte der­rière son écran. Rien ne vaut le contact humain pour rece­voir l’enseignement des véri­tés de foi : les questions-​réponses per­mettent de s’assurer une com­pré­hen­sion juste et une assi­mi­la­tion per­son­nelle de la véri­té ; la dis­ci­pline et l’ordre impo­sés par un cours orga­ni­sé garan­tissent une bonne péda­go­gie et une vue syn­thé­tique du plan de Dieu
 ; sans par­ler de l’insertion dans un groupe, qui assure, outre la per­sé­vé­rance, l’équilibre de l’esprit…facilement débous­so­lé par des véri­tés si fortes, après en avoir été si long­temps privé…

Abbé Louis-​Marie Berthe, prêtre de la FSSPX

Sources : Apostol n°135 – Octobre 2019