26 novembre 1360

Sainte Delphine

Née en 1282 à Pui-​Michel,
et morte le 26 novembre 1360 à Apt.

Delphine((Doufino en pro­ven­çal.)), fille unique((Elle a deux demi-​sœurs.)) de Guillaume de Signe((Sinha en pro­ven­çal, Signes (aujourd’hui avec un s) est un vil­lage sur un pla­teau entre Méounes et La Ciotat. Il se trouve dans l’église parois­siale un grand béni­tier sur pied qui était le bap­tis­tère sur lequel Delphine reçut le bap­tême.)), sei­gneur de Pui-Michel((Village entre Manosque et Digne.)), de la Maison de Glandevès((Aujourd’hui Entrevaux, vil­lage entre Nice et Digne.)), qui pos­sé­dait une grande for­tune, et de Delphine Barras, est née en 1282((Cerbelaud-Salagnac.))/3/4((Histoire des saints, André Vauchez, Hachette, 1986.)).

Orpheline à sept ans en 1291, ses oncles la placent chez sa tante Cécile du Puget (près Glandevès ?), abbesse de Ste-​Catherine de Sorbs (Dioc. Riez) ; dès l’âge de 10 ans, elle pro­jette de vivre dans la virginité.

Charles II de Salerne, sur­nom­mé le Boiteux, comte de Provence et roi de Seconde Sicile (Naples), neveu de saint Louis, remar­qua sa beau­té, et déci­da, en 1295, de la fian­cer à Elzéar((Ou Auzias.)), de la Maison de Sabran((Village au sud de Pont-​Saint-​Esprit, dont il reste les ves­tiges du châ­teau.)). Elle ne s’y résout que sur le conseil de son confes­seur franciscain.

Le mariage se célé­bra en 1299 au châ­teau de Pui-​Michel, Elzéar ayant qua­torze ans. Le soir, Delphine expose à Elzéar son sou­hait de vivre dans la conti­nence. Elzéar accorde un délai pour réfléchir/​promet de ne pas s’y oppo­ser. Tombée malade, Delphine lui dit qu’elle pré­fère mou­rir à consom­mer le mariage, et que seul le double vœu de chas­te­té la guérirait.

Vivant à Ansouis((Village entre Aix et Apt, les Sabran ont ven­du le châ­teau en 2010. Godescard écrit qu’il vivait à Puimichel, puis res­ta cinq ans en Italie avant de s’installer à Ansouis et repar­tir en Italie.)), Elzéar, deve­nu comte d’Arian en 1309, est pro­mu en 1310 à la cour de Naples, Elzéar la rejoint en 1313, ils repartent en 1314. En 1316, ils pro­non­cèrent le vœu de chas­te­té en pré­sence de Gersende Alphent, leur confi­dente, et de leur confes­seur com­mun, et devinrent ter­tiaires fran­cis­cains. Ils por­tèrent haire sous leur vête­ment luxueux, et la nuit, ils priaient en se don­nant mutuel­le­ment la discipline.

L’Ordre fran­cis­cain était depuis plu­sieurs décen­nies divi­sé entre conven­tuels, plus souples quant à la pau­vre­té vou­lue par saint François, et les spi­ri­tuels, prô­nant la stricte obser­vance. Un zèle amer avait gagné beau­coup de spi­ri­tuels au point de les faire som­brer dans diverses héré­sies que les papes Clément V et Jean XXII durent condam­ner. Certains spi­ri­tuels furent livrés par l’Inquisition au bûcher sécu­lier. Un Tiers-​Parti, auquel abon­dait Delphine et son amie, la reine Sanche, se dis­tin­gua de la dia­lec­tique fran­cis­caine, s’opposant tant à l’enrichissement fran­cis­cain, à la rigueur de l’Inquisition((Philippe de Majorque, frère de Sanche, prêche contre la rigueur de Jean XXII.)), qu’à l’hétérodoxie ou à la déso­béis­sance au pape.

Veuve le 27 sep­tembre 1323/25((Guérin : Barjavel, Dictionnaire bio­gra­phique du Vaucluse.)), elle eut, un an après, une vision de son mari. Dès 1327, elle com­mence à liqui­der ses biens et à dis­tri­buer des aumônes. En 1332, une femme impo­tente gué­rit en tou­chant le bas du man­teau de Delphine qui sor­tait d’une église fran­cis­caine de Marseille. En 1333, elle fit vœu de pau­vre­té devant son confes­seur fran­cis­cain, et fonde une communauté((Suivie par sa demi-​sœur Alayette/​Alasie.)). On la vit men­dier à Naples ou à Apt.

En 1341, elle ren­contre à Naples Philippe Cabossole((Cardinal, il fait cette dépo­si­tion en 1363.)), évêque de Cavaillon, et le conver­tit à une vie meilleure.

L’été 1343, elle ne demeure plus qu’en Provence. Elle enjoint plu­sieurs vierges et veuves à pro­non­cer le vœu de chas­te­té devant l’évêque d’Apt. Dans cette cité, elle obtient la réforme de deux cou­vents relâ­chés de moniales.

La peste atteint la Provence de 1348 à 1360.

En 1350, malade, elle est por­tée sur une litière d’Apt à Cavaillon pour régler le litige entre Hugues de Baux et Raimond d’Agout.

En 1351, au sor­tir d’un entre­tien avec elle, le pape Clément VI avoua n’avoir jamais enten­du per­sonne trai­ter avec autant de pro­fon­deur sur l’essence de Dieu et les Personnes divines.

Ayant lu la vie des saints Josaphat et Barlaam, elle finit ses jours dans un réclusoir((Ermitage. Une petite lucarne de sa chambre don­nait sur la cha­pelle atte­nante.)) à Cabrières d’Aigues((Village près d’Ansouis, entre Pertuis et Apt.)).

En 1352, Clément VI ini­tie le pro­cès de cano­ni­sa­tion d’Elzéar, véri­fiant les miracles obte­nus par son inter­ces­sion. Son filleul, le futur Bx Urbain V, après le décès de Delphine, signe­ra en 1370 le décret de cano­ni­sa­tion, qui sera publié par Grégoire XI, son successeur.

En 1353, son confes­seur lui annonce qu’une troupe d’aveugles, d’épileptiques, et autres malades est là pour voir la sainte com­tesse dans l’espoir d’obtenir la san­té par sa sain­te­té et ses mérites. Elle lui réplique : Veuillez ne pas me saluer ain­si et dire : Dieu te sauve ! Mais dites plu­tôt mal­heur à toi !, c’est-à-dire, malé­dic­tion, car je suis une fille d’Eve, et non pas de Marie. – Pourquoi dites-​vous de telles paroles ?Que dirai-​je d’une créa­ture si abo­mi­nable qui, sous l’apparence et le signe de la sain­te­té, dégrin­gole vers l’enfer ? Ces gens viennent là en troupe ser­rée. Ils me demandent en disant la sainte com­tesse ! La sainte com­tesse ! Mais je ne suis ni le Christ, ni Jean, ni Elie. Je suis seule­ment une viande des­ti­née aux vers, un récep­tacle d’iniquité et de péché. Elle les fit attendre quatre jours !

Elle impo­sait les mains, mais don­nait plus volon­tiers des conseils. Elle éta­blit à Apt une caisse rurale où l’on prê­tait sans intérêt.

Vers 1357, le vil­lage d’Ansouis lui attri­bua de n’avoir pas été pillé par les Gascons d’Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre.

Une femme, souf­frant du mal des ardents (ergo­tisme), fut gué­rie en sai­sis­sant la main de Delphine, por­tée sur une litière, laquelle rame­nant le bras vers elle, le vit cou­vert de pus et fut sai­sie de nau­sées, tan­dis que la mira­cu­lée criait de joie. Delphine eut peur : Si Dieu ne me vient en aide, je serai bien­tôt pré­ci­pi­tée en Enfer à cause de cela.

Elle pleure et prie pour les chré­tiens per­sé­cu­tés par les maho­mé­tans en Orient.

Le soir, après com­plies, elle com­mente la Ste Ecriture : son méde­cin et direc­teur de conscience, le cha­noine Durand André, n’avait jamais enten­du une exé­gèse aus­si pers­pi­cace des pas­sages difficiles.

Le 22 novembre 1360, elle se confesse au cha­noine André ; le récent évêque d’Apt, Elzéar de Pontevès, lui fit dire une pro­fes­sion de foi, ce qu’elle fit.

Ses der­nières paroles le 26 novembre à Apt : Désormais je ne veux plus que Dieu.

A ses obsèques, une pros­ti­tuée qui n’avait jamais osé l’approcher de son vivant, se conver­tit devant sa dépouille mortelle.

Urbain V ordon­na un pro­cès de cano­ni­sa­tion de Delphine. Les com­mis­saires enquê­tèrent à Apt du 13 mai 1363 au 5 juillet, le pro­cès se pour­sui­vit jusqu’en octobre, mais sans conclu­sion. On recen­sa 62 miracles, dont la moi­tié de son vivant, et les deux-​tiers sur des mala­dies orga­niques et contagieuses.

En 1562, François de Beaumont, baron des Adrets, pro­tes­tant, incen­dia l’église fran­cis­caine d’Apt. Les reliques furent néan­moins pré­ser­vées. On pla­ce­ra son crâne dans un buste d’argent doré l’autel d’une cha­pelle de la cathé­drale. On y conserve aus­si son livre d’heures.

Le pape Urbain VIII en 1642, pour le dio­cèse d’Apt, puis en 1694, Innocent VII, pour l’Ordre fran­cis­cain, approuvent le culte concer­nant la bien­heu­reuse Delphine. Ses reliques, ain­si que celles de saint Elzéar, furent trans­fé­rées en 1791 à la cathé­drale d’Apt.

A la Ste-​Delphine, mets ton man­teau à pèlerine.

Abbé L. Serres-Ponthieu

P.S. Marie de Miserey a écrit Delphine et Roseline aux éd. Pauline.