Les rapports glacés entre le Pape et le cardinal Vingt-​Trois – 04/​12/​09


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In Osservatore Vaticano du 04/​12/​09

La der­nière assem­blée des évêques de France, à Lourdes, le mois der­nier, a mis en évi­dence la ner­vo­si­té « gal­li­cane » du car­di­nal de Paris vis-​à-​vis de ses confrères rat­zin­gué­riens. On peut rap­pe­ler que la visite du pape à Paris, en sep­tembre 2008 a été, en fait, extrê­me­ment ten­due entre l’archevêché de Paris et le Saint-​Siège. De véri­tables négo­cia­tions avaient eu lieu avant, menées par l’intermédiaire de l’ambassade de France auprès du Saint-​Siège, et met­tant face à face les repré­sen­tants du Saint-​Siège et les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques fran­çaises (essen­tiel­le­ment le car­di­nal André Vingt-​Trois, à la fois arche­vêque de Paris, pré­sident de la confé­rence des évêques de France). On a même par­fois for­te­ment haus­sé le ton du côté des inter­lo­cu­teurs romains devant les réserves et les freins oppo­sés par les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques françaises.

Finalement, sur deux points en litige, on a cou­pé la poire en deux : André Vingt-​Trois a dû accep­ter l’exigence du pape, qui tenait à dis­tri­buer la com­mu­nion à genoux sur la bouche (c’était avant la grippe A…) ; mais le Pape a dû admettre qu’il pro­non­ce­rait son grand dis­cours sur la culture chré­tienne, non pas, comme il l’aurait vou­lu, sous la cou­pole de l’Académie fran­çaise (le car­di­nal Joseph Ratzinger avait été reçu à l’Académie des Sciences morales et poli­tiques), mais au col­lège des Bernardins res­tau­ré à grands frais par l’archevêché de Paris. Malgré ce, offi­ciel­le­ment, tout a été très cor­dial. Cependant, tous les télé­spec­ta­teurs ont pu voir en gros plans que le car­di­nal de Paris était plus que ten­du. Même dans les échanges les plus banals, où on aurait pu faire sem­blant, les petites dis­tances défiantes que sait poser le Pape étaient fréquentes.

Le chef‑d’œuvre du genre fut lors du déjeu­ner avec les évêques de la région d’Ile-de-France que le car­di­nal de Paris avait vou­lu, le same­di 12 sep­tembre, après la messe aux Invalides. On dit que le Pape aurait aimé une ren­contre avec les jeunes prêtres qui étaient venus en masse à la céré­mo­nie. Il a eu droit à un club épis­co­pal pari­sien très typé. Le per­son­nel ancil­laire et autre a alors assis­té médu­sé, dans la grande salle à man­ger de la non­cia­ture, à un spec­tacle éton­nant, dont on com­prend que les convives évêques n’aient pas vou­lu le rap­por­ter. Tout d’abord, les évêques éton­nés ont été invi­tés à se mettre à table seuls avant l’arrivée du pape, le nonce atti­sant la conversation.

Au bout d’un cer­tain temps, le Pape est enfin arri­vé. On lui a alors ser­vi une assiette à l’allemande avec un repas com­plet léger, arro­sé d’un jus d’orange, puis pour finir d’un fond de vin. Il a ensuite bu une tasse de café, cepen­dant que les évêques conti­nuaient leur repas au rythme du ser­vice. Puis il s’est levé et les a lais­sé ache­ver entre eux. Pendant le moment où il était à table, il a par­lé au nonce, à quelques évêques… mais n’a pas adres­sé un seul mot au car­di­nal Vingt-​Trois assis en face de lui. Et toc.

Deux jours après, le 14 sep­tembre, à Lourdes, dans l’hémicycle Sainte-​Bernadette, le Pape adres­sait au car­di­nal et aux autres évêques de France un dis­cours qui leur fai­sait la leçon :

« La caté­chèse n’est pas d’a­bord affaire de méthode, mais de conte­nu. […] J’ai été ame­né à pré­ci­ser, dans le Motu pro­prio Summorum Pontificum, les condi­tions d’exer­cice de cette charge, en ce qui concerne la pos­si­bi­li­té d’u­ti­li­ser aus­si bien le mis­sel du bien­heu­reux Jean XXIII (1962) que celui du Pape Paul VI (1970). […] Nul n’est de trop dans l’Église. Chacun, sans excep­tion, doit pou­voir s’y sen­tir chez lui, et jamais reje­té. […] Une ques­tion par­ti­cu­liè­re­ment dou­lou­reuse est celle des divor­cés rema­riés. L’Église, qui ne peut s’op­po­ser à la volon­té du Christ, main­tient fer­me­ment le prin­cipe de l’in­dis­so­lu­bi­li­té du mariage, tout en entou­rant de la plus grande affec­tion ceux et celles qui, pour de mul­tiples rai­sons, ne par­viennent pas à le res­pec­ter. On ne peut donc admettre les ini­tia­tives qui visent à bénir des unions illégitimes ». 

Et retoc.

La douche était si froide (essen­tiel­le­ment à pro­pos du Motu Proprio, dont le Pape sait que la majo­ri­té des évêques de France, et sur­tout le pre­mier d’entre eux, n’arrivent tou­jours pas à l’avaler) que Mgr Vingt-​Trois « s’est lâché » au cours d’une confé­rence de presse qui a sui­vi immé­dia­te­ment ce voyage (le 14 septembre) : 

« Les rap­ports du pape avec les évêques ne sont pas des rap­ports de patron à employés. Il n’est pas un PDG d’une mul­ti­na­tio­nale qui vient visi­ter une suc­cur­sale » : entre les évêques de France et le Pape il n’y a pas de « rap­ports de subor­di­na­tion servile »…

Gallicans nous sommes, gal­li­cans nous resterons !

Vini Ganimara, In Osservatore Vaticano du 04/​12/​2009