Sermon de Mgr Lefebvre – Pentecôte – Diaconat – Ordres mineurs – 6 juin 1976

Mes bien chers frères,

Il me semble que confé­rer des ordi­na­tions en ce jour de la Pentecôte est un signe de l’Esprit Saint qui est don­né d’une manière toute par­ti­cu­lière à ceux qui vont rece­voir les grâces des ordres mineurs et ordre du dia­co­nat : il ne peut – me semble-​t-​il – y avoir de jour meilleur pour rece­voir ces grâces dont ils ont besoin et dont ils feront pro­fi­ter tous ceux qui seront plus tard l’objet de leur ministère.

Qu’est-ce donc que cet Esprit qui leur est don­né aujourd’hui et qui nous a été don­né à tous, le jour de notre bap­tême ? Car nous ne devons pas oublier que nous avons été bap­ti­sés de l’Esprit Saint.

L’Évangile nous dit que les apôtres allèrent bap­ti­ser dans l’Esprit Saint ceux qui n’avaient été bap­ti­sés que dans le bap­tême de Jean. Ils leur confé­rèrent l’Esprit Saint et, des mani­fes­ta­tions – même exté­rieures –, se pro­dui­saient lorsque ces néo­phytes rece­vaient le bap­tême de l’Esprit.

Nous ne devons pas oublier que nous aus­si chré­tiens, nous avons été bap­ti­sés dans l’Esprit Saint.

Qu’a don­né l’Esprit Saint aux apôtres qui l’ont reçu le jour de la Pentecôte ? Il leur a don­né une foi vive, une foi pro­fonde, résul­tat de leur adop­tion divine, car c’est cela que l’Esprit Saint donne par la grâce du bap­tême, le bap­tême de l’Esprit. C’est que nous deve­nons enfants de Dieu ; nous deve­nons des fils adop­tifs de Dieu, en Notre Seigneur Jésus-Christ.

C’est alors que par cette grâce de l’Esprit Saint, les apôtres ont cru en la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ et dans ses attri­buts qui sont d’être Roi, d’être Prêtre, d’être juge. Désormais pour eux il n’y avait plus aucun doute, aucune hési­ta­tion. Ils étaient vrai­ment rem­plis de l’Esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et cet Esprit que Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même leur avait pro­mis : « Je vous enver­rai mon Esprit », qui a reçu de moi, de meo acci­pit : « Il a reçu de moi. Parce que tout ce que le Père a m’appartient ; tout ce que le Saint-​Esprit vous don­ne­ra, vien­dra de moi ». Voilà ce qu’a dit Notre Seigneur. C’est l’Esprit de Vérité « Vous com­pren­drez alors, pour­quoi je suis venu ici-bas ».

Et en effet, les apôtres se mirent à prê­cher : et cœpe­runt loqui (Ac 2,4) : « Et ils ont com­men­cé à par­ler ». Qu’ont-ils dit ? Ils ont chan­té les louanges de Dieu : loquentes magna­lia Dei (Ac 2,11), la gloire de Dieu. Ils ont désor­mais com­pris qu’il n’y avait d’autre chose, ici-​bas, de beau, de grand, de vrai pour nous, que d’aimer Dieu, de chan­ter ses louanges, de Le remer­cier, de chan­ter des actions de grâces.

Parce que Dieu nous a créés ; parce que Dieu nous a rache­tés ; parce que Dieu nous a envoyé son Fils ici-​bas. Parce que Notre Seigneur Jésus-​Christ a été cru­ci­fié pour nous et a don­né tout son Sang pour nous et nous a rache­tés et nous a faits enfants de Dieu.

Alors ils ont chan­té les louanges de Dieu, dans toutes les langues, ou du moins dans ces langues qu’ils par­laient, ils étaient com­pris par tous ceux qui étaient venus de tous les hori­zons du monde.

Voilà ce que les apôtres ont reçu : une foi pro­fonde en la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors que, peu de temps aupa­ra­vant, ils deman­daient encore à Notre Seigneur : « Quand donc restituerez-​vous le règne d’Israël ? » Ils avaient encore une idée tout à fait gros­sière de la per­sonne de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils le voyaient roi d’Israël, roi tem­po­rel, roi qui aurait don­né la supré­ma­tie à Israël dans le monde entier. Voilà quelle était encore l’idée des apôtres peu de temps avant que Notre Seigneur monte au Ciel, après sa Résurrection, après qu’il eut pas­sé qua­rante jours avec eux, pour leur ensei­gner ce qu’était le règne de Dieu. Ils n’avaient pas encore compris.

Mais par le Saint-​Esprit, alors ils ont com­pris qu’il ne s’agissait plus d’un règne tem­po­rel, mais qu’il s’agissait d’un règne sur les âmes, sur les cœurs, sur les volon­tés, sur les intel­li­gences, de leur volon­té par le Saint-​Esprit, par son Esprit.

Et alors, ils se sont mis à par­ler, à par­ler de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Saint Pierre a dit tout de suite à tous ces juifs qui l’entouraient : « Vous avez cru­ci­fié le Fils de Dieu, le juste. Celui qui était venu pour vous rache­ter, vous l’avez crucifié. »

Alors les juifs ont deman­dé : « Mais que devons-​nous faire ? Nous nous ren­dons compte de notre erreur. Que devons-​nous faire ? »

Soyez bap­ti­sés ; regret­tez vos péchés ; faites péni­tence et vous rece­vrez l’Esprit Saint. Et alors, trois mille par­mi eux ont reçu le bap­tême de l’Esprit et tous furent trans­for­més éga­le­ment et leur esprit était com­plè­te­ment sou­mis à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà ce que le Saint-​Esprit doit mettre aus­si dans vos cœurs et ce que nous devons nous rap­pe­ler tou­jours : la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Jésus-​Christ est Fils de Dieu. Il était homme, mais Il était Dieu. Et par consé­quent, nous devons L’adorer. Nous devons Le recon­naître comme notre Roi, l’unique Roi, l’unique Seigneur, l’unique Dieu que nous avons à adorer.

Il est Roi et Il est Prêtre, l’unique Prêtre. Il n’y a pas d’autre prêtre. Il est Prêtre par nature, par son essence même. Et Il sera notre juge. Tout juge­ment lui a été remis dans les mains. Il l’a dit Lui-​même. C’est Lui qui juge­ra tous les hommes, quels qu’ils soient. Voilà ce qu’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous n’avons pas le droit d’hésiter un ins­tant sur ces véri­tés fon­da­men­tales de notre sainte religion.

Et c’est cela qui fait le cœur de notre âme, de notre esprit, de notre volon­té. Nous devons sou­mettre nos intel­li­gences, sou­mettre nos volon­tés à Notre Seigneur Jésus-​Christ qui est notre Roi et notre Dieu.

Et parce que Notre Seigneur Jésus-​Christ est pré­sent dans la Sainte Eucharistie, que nous avons la foi, une foi pro­fonde, dans la Santé Eucharistie et dans le Saint Sacrifice de la messe qui, par les paroles de la Consécration que pro­nonce le prêtre, se trouve pré­sent sur nos autels, nous ado­rons Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie.

Et nous le ferons dans quelques jours, d’une manière publique et solen­nelle, dans les pro­ces­sions du Saint-​Sacrement. Nous recon­naî­trons que l’Eucharistie contient le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ, son Âme, sa Divinité, sa per­sonne divine et par consé­quent nous ado­re­rons la très Sainte Eucharistie. Nous devons aimer cette ado­ra­tion. Elle doit être essen­tielle à la vie de nos âmes, à la vie de nos foyers, à la vie de nos enfants. Il faut leur apprendre à ado­rer la Sainte Eucharistie. Car de même que Notre Seigneur Jésus-​Christ homme repré­sen­tait un véri­table mys­tère pour ceux qui l’entouraient – com­ment cet homme qui est comme nous, qui mange comme nous, qui voyage comme nous, qui est fati­gué comme nous, qui se nour­rit comme nous – com­ment est-​il pos­sible que cet homme soit Dieu ? Que ce soit le Créateur de l’univers ; que ce soit Lui qui a lan­cé les astres dans le monde ; qui ait tout créé ; qu’il nous tienne dans ses mains tous et cha­cun d’entre nous. Est-​ce pos­sible, un homme comme nous ?

Eh oui, il n’y a aucun doute, nous ne pou­vons pas dou­ter. Cet homme qui est né de la Vierge Marie, qui a gran­di à Nazareth, qui a cir­cu­lé sur les routes de Palestine, qui a accom­pli des miracles par­mi les hommes de sa nation. Il était Dieu.

Et de même qu’en Palestine, de même qu’après la pré­di­ca­tion de saint Pierre, de même qu’après la Pentecôte, le monde a nié Notre Seigneur Jésus-​Christ ; le monde a reje­té Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car, comme le dit l’Évangile, le monde ne peut pas com­prendre Notre Seigneur ; il ne peut pas l’accepter ; il est contre Notre Seigneur, parce que le monde veut être libre, libre de faire ce qu’il veut. Or, Notre Seigneur Jésus-​Christ nous apporte une loi, la loi d’amour, la loi de la cha­ri­té, la loi de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain.

Et en ver­tu de cette loi, nous avons des exi­gences à rem­plir qui sont pénibles. Et c’est cette loi que le monde refuse. Nolumus hunc regnare super nos (Lc 19,14) : « Nous ne vou­lons pas qu’il règne sur nous ». C’est ce qu’ont dit les juifs lorsqu’ils L’ont crucifié.

Et que de gens ont répé­té ces paroles à tra­vers les géné­ra­tions, à tra­vers l’histoire de l’humanité ! Et aujourd’hui encore que de per­sonnes dans le monde disent : Nous ne vou­lons pas que Notre Seigneur Jésus-​Christ règne sur nous. Nous vou­lons la liber­té. Laissez-​nous libres ! Que per­sonne ne nous com­mande ; que per­sonne ne nous donne une loi ; que per­sonne ne nous oblige à ado­rer Dieu. Nous devons être libres de l’adorer ou de ne pas l’adorer. Cela nous regarde. Nous devons être libres d’avoir la morale que nous dési­rons. Nous vou­lons être libres de croire ce que nous vou­lons ; de par­ler comme nous le vou­lons ; de faire ce que nous vou­lons. Laissez-​nous libres. Nous ne vou­lons pas que Notre Seigneur Jésus-​Christ règne sur nous.

Ah bien, nous ne pou­vons pas accep­ter cela. Nous chré­tiens, nous pro­fes­sons que Notre Seigneur Jésus-​Christ est notre Roi, que nous L’adorons, que nous vou­lons obéir à ses com­man­de­ments, obéir à sa volon­té, sou­mettre nos intel­li­gences et nos cœurs à son doux règne.

Et par consé­quent, nous devons nous sou­mettre et aimer la Sainte Eucharistie, ado­rer la très Sainte Eucharistie. Car de même que Notre Seigneur était un mys­tère pour les juifs lorsqu’il cir­cu­lait en Palestine et lorsqu’ils Le ren­con­traient, de même la Sainte Eucharistie pour nous est un mys­tère aussi.

Adorer cette appa­rence de pain. Est-​ce pos­sible que la sub­stance de ce pain ait dis­pa­ru et lais­sé place à la sub­stance du Corps, du Sang, de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Est-​ce pos­sible ? Mystère incroyable. Oh oui, mys­tère extra­or­di­naire : mys­te­rium fidei : mys­tère de notre foi. Et c’est là que l’on juge­ra les chré­tiens et les non-​chrétiens. Ceux qui adorent l’Eucharistie et ceux qui refusent d’adorer la Sainte Eucharistie ; et ceux qui ricanent devant la très Sainte Eucharistie ; et ceux qui se moquent des chré­tiens parce qu’ils adorent la très Sainte Eucharistie.

Voilà com­ment seront jugés ceux qui aiment Notre Seigneur, qui ont la foi en Notre Seigneur et ceux qui Le rejettent. Nous devons avoir une véné­ra­tion pro­fonde pour la très Sainte Eucharistie. Et c’est pour­quoi nous sommes atta­chés à notre Sainte Messe, parce que nous sommes cer­tains que notre Sainte Messe, met Notre Seigneur Jésus-​Christ sur nos autels. Nous ne pou­vons pas en douter.

Cette messe qui a été dite pen­dant des siècles, qui a sanc­ti­fié les saints, qui a été dite par les saints Pontifes, qui a été dite par des géné­ra­tions de prêtres qui se sont sanc­ti­fiés par cette messe, nous ne pou­vons pas croire que cette messe aujourd’hui soit réprou­vée. Et nous sommes cer­tains que cette messe est vrai­ment la messe catho­lique puisqu’elle a été dite pen­dant deux mille ans et que nous sommes cer­tains qu’elle nous donne Notre Seigneur Jésus-​Christ en Personne.

Et nous avons besoin de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous ne pou­vons pas nous trou­ver dans une cha­pelle où nous ne savons pas si Notre Seigneur est pré­sent ou non dans la Sainte Eucharistie. Ce n’est vas pos­sible pour nous de venir dans une église et de nous deman­der si réel­le­ment Notre Seigneur est pré­sent dans la Sainte Eucharistie.

Alors nous ne savons plus si nous devons ado­rer ou ne pas ado­rer. C’est le droit de tout chré­tien de savoir. S’il adore l’Eucharistie, c’est parce que Notre Seigneur Jésus-​Christ s’y trouve pré­sent réel­le­ment, son Dieu.

Ainsi nous devons conclure que si nous vou­lons vrai­ment accom­plir ce que le Saint-​Esprit nous ins­pire par le bap­tême que nous avons reçu et non par cette impo­si­tion des mains pen­te­cô­tiste ou cha­ris­ma­tique qui n’a rien à voir avec le bap­tême que nous avons reçu, qui n’est cer­tai­ne­ment pas véri­table, qui n’est pas un sacre­ment. Il n’y a pas huit sacre­ments, il n’y en a que sept. Et c’est par ces sacre­ments que Notre Seigneur Jésus-​Christ a ins­ti­tués que nous rece­vons la vie de Notre Seigneur Jésus-​Christ, que nous rece­vons vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ en nous.

Prenons garde de ne pas nous lais­ser atti­rer par ces fausses reli­gions, par ces faux dieux que Notre Seigneur Jésus-​Christ a Lui-​même annon­cés : « Un jour, on vous dira le Christ est dans le désert ; le Christ est dans la mon­tagne ; le Christ est dans la plaine ; n’y allez pas, n’y croyez pas ! », a dit Notre Seigneur Jésus-Christ.

Est-​ce que nous ne sommes pas aujourd’hui dans ces temps où par­tout on voit le Christ. On nous attire à droite, à gauche. Nous n’avons qu’un Dieu, nous n’avons que Notre Seigneur Jésus-​Christ comme Dieu et nous savons qu’il est pré­sent dans la Sainte Eucharistie.

Là nous sommes cer­tains de pou­voir L’adorer, lorsque par un vrai Saint Sacrifice de la messe. Notre Seigneur s’y trouve pré­sent. Aimons à ado­rer Jésus, à L’aimer, à sou­mettre nos cœurs, nos intel­li­gences et nos foyers et nos cités à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Prions Dieu que le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ arrive dans nos familles et dans nos cités.

Et deman­dons par­ti­cu­liè­re­ment au cours de cette céré­mo­nie, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie qui était pré­sente au moment où les apôtres ont reçu l’Esprit Saint alors qu’elle était déjà elle-​même rem­plie de l’Esprit Saint – elle n’a pas eu besoin de la Pentecôte pour être rem­plie de l’Esprit Saint ; si elle était pré­sente, c’est bien ce qu’ont affir­mé les Souverains Pontifes, c’est ce qu’affirmé l’Église, c’est parce par la très Sainte Vierge Marie que les apôtres ont reçu l’Esprit Saint. C’est grâce à la pré­sence de la très Sainte Vierge Marie que Notre Seigneur a vou­lu remettre toutes ses grâces dans les mains de la très Sainte Vierge, les a fait pas­ser par les mains de Marie pour qu’elles arrivent à ses apôtres.

Demandons donc à la très Sainte Vierge Marie, rem­plie de l’Esprit Saint, qui est comme le cou de l’Église par lequel passe toutes les grâces de Jésus, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie qu’elle accorde ses grâces en abon­dance à ceux qui vont être ordon­nés dans quelques ins­tants et à tous ceux que nous por­tons dans nos cœurs et à nous-​mêmes qui avons tant besoin de ses grâces.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.