Sermon de Mgr Lefebvre – Jeudi-​Saint – Messe chrismale – 7 avril 1977

Mes bien chers confrères dans le sacer­doce,
Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Nous pou­vons aujourd’hui nous deman­der pour­quoi l’Église a‑t-​elle choi­si le Jeudi Saint pour deman­der à l’évêque de consa­crer les Saintes Huiles.

C’est à mesure que nous appro­chons du grand mys­tère de la Rédemption de Notre Seigneur, en ce jour du Vendredi Saint, ce jour qui sera celui du Sacrifice de Notre Seigneur, ce jour pour lequel Notre Seigneur est venu ici-​bas et s’est incar­né. À mesure que nous appro­chons de ce grand mys­tère, nous appro­chons aus­si du mys­tère – car c’en est un – du mys­tère du sacer­doce, du sacer­doce de Notre Seigneur et de ceux qui par­ti­cipent au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et c’est pré­ci­sé­ment ce jour-​là que l’Église a choi­si pour la béné­dic­tion des Saintes Huiles ; le jour où Notre Seigneur a com­mu­ni­qué son propre sacer­doce, son unique sacer­doce. Il l’a com­mu­ni­qué à ses apôtres, au moment de la Cène.

C’est qu’en effet, ce sont les prêtres par­ti­cu­liè­re­ment, qui sont sem­blables à Notre Seigneur Jésus-​Christ et qui, par consé­quent, par­ti­ci­pe­ront à cette onc­tion sacer­do­tale qui fait de Notre Seigneur, le Grand Prêtre, le Prêtre unique, le Grand Prêtre.

En effet, pour­quoi Notre Seigneur Jésus-​Christ est-​Il appe­lé le Christ, l’Oint. Celui qui a reçu en pre­mier lieu et je dirai d’une manière abso­lu­ment conna­tu­relle cette onc­tion ; que signi­fie cette onc­tion pour Notre Seigneur ?

Ce que nous enseigne la théo­lo­gie est admi­rable à ce sujet. Notre Seigneur a été fait Prêtre, au moment où sa divi­ni­té a assu­mé sa nature humaine, donc dans le sein de la Vierge Marie. À l’instant même de l’Incarnation ; par le fait même que le Verbe, le Fils de Dieu, pre­nait pos­ses­sion de cette huma­ni­té. Cette huma­ni­té, cette âme et toutes les facul­tés de Notre Seigneur étaient divi­ni­sées, étaient ointes de la divi­ni­té de Notre Seigneur, du Verbe de Dieu.

Et c’est pour­quoi Notre Seigneur est l’Oint par excellence.

En effet, toute sa nature humaine, son âme, ses facul­tés, son Corps ont été rem­plis de la divi­ni­té, de la divi­ni­té du Verbe, de la divi­ni­té du Fils de Dieu. Et c’est cette onc­tion qui l’a fait Prêtre. Dès l’instant de son Incarnation, Jésus était le Grand Prêtre, le Médiateur, le Pontife ; celui qui fai­sait l’union entre l’humanité et Dieu Lui-même.

Et pré­ci­sé­ment c’est à cette onc­tion que par­ti­cipent les prêtres. Le sacer­doce que nous avons, que le Bon Dieu nous donne, que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous com­mu­nique, n’est autre que le sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous ne sommes pas les grands-​prêtres ; il n’y a qu’un seul Grand Prêtre. Et nous sommes prêtre, dans la mesure où nous par­ti­ci­pons à l’onction qu’a reçue Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ainsi la grâce du sacer­doce est une grâce toute par­ti­cu­lière, parce qu’elle fait par­ti­ci­per à cette grâce d’union, cette grâce qui a uni la divi­ni­té et l’humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ.

C’est pour­quoi la grâce sacer­do­tale qui est reçue par le sacre­ment de l’ordre, met le futur prêtre à un niveau presque divin. Cette onc­tion que reçoit le prêtre est une onc­tion qui lui donne un carac­tère et qui le marque pour l’éternité. Il sera désor­mais uni pour tou­jours à Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans le sacer­doce de Notre Seigneur.

Et non seule­ment, le prêtre est celui qui reçoit cette onc­tion, celui qui est essen­tiel­le­ment aus­si oint de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ par la grâce du sacre­ment de l’ordre qu’il a reçue, mais l’Église lui demande – au prêtre – d’utiliser pré­ci­sé­ment les Saintes Huiles pour oindre tous ceux qui rece­vront le sacre­ment de bap­tême, le sacre­ment de confir­ma­tion, le sacre­ment de l’ordre, le sacre­ment de l’extrême-onction.

Dans tous ces sacre­ments, le prêtre use des Saintes Huiles ; qu’il s’agisse de l’huile des infirmes que nous allons d’abord bénir en pre­mier lieu ; qu’il s’agisse ensuite du Saint Chrême et de l’huile des caté­chu­mènes ; toutes ces Saintes Huiles ser­vi­ront à consa­crer, ser­vi­ront à faire par­ti­ci­per aus­si à la divi­ni­té de Notre Seigneur, tous ceux qui rece­vront et seront oints par ces Saintes Huiles.

Notre Seigneur n’a‑t-il pas sanc­ti­fié ces huiles, lorsque, au Jardin des Oliviers, avant de mon­ter sur la Croix, dans son ago­nie. Il a en quelque sorte mêlé sa sueur, son Sang qui cou­lait déjà au Jardin des Oliviers, avec cette huile qui venait des oli­viers, l’huile d’olive ? Il y a là cer­tai­ne­ment un mys­tère que le Bon Dieu a vou­lu réa­li­ser, que Notre Seigneur a vou­lu réaliser.

Cujus livore sana­ti estis (1 P. 2,24) : « C’est par ses meur­tris­sures et par ses plaies que vous avez été guéris ».

Nous sommes gué­ris ; nous sommes sau­vés par les sueurs de Notre Seigneur, par son Sang qui a cou­lé. Et tout cela est signi­fié par les Saintes Huiles que nous recevons.

Lorsque l’enfant est bap­ti­sé et qu’il reçoit l’huile des caté­chu­mènes ; lorsqu’il est béni avec le Saint Chrême, il est vrai­ment consa­cré à Dieu. Il reçoit une par­ti­ci­pa­tion à la divi­ni­té de Dieu.

Divinæ consortes naturæ (2 P. 1,4) : « Pour vous rendre par ces grâces par­ti­ci­pant de la nature divine ».

Le prêtre devient vrai­ment par­ti­ci­pant à la nature divine. Comme tout ce mys­tère est beau ! Comme Notre Seigneur a pen­sé à toutes choses. Et Il nous a aidés à mieux com­prendre ce grand pri­vi­lège que nous avons de par­ti­ci­per à la nature de Dieu.

Il nous le montre d’une manière sen­sible. Nous avons besoin de ces signes sen­sibles, afin de mieux com­prendre la grande grâce que le Bon Dieu nous fait, en nous fai­sant chré­tien, en nous baptisant.

Et puis, c’est aus­si le confir­mé qui rece­vra le signe de la Croix avec le Saint Chrême ; le prêtre, lui, aura les mains consa­crées avec l’huile des caté­chu­mènes ; l’évêque aura la tête, en quelque sorte, consa­crée par le Saint Chrême qu’il rece­vra et enfin, le mou­rant rece­vra, lui, l’huile des infirmes qui le consa­cre­ra de nou­veau pour le pré­pa­rer à entrer dans la gloire de Dieu, dans l’éternité. Comme tout cela est beau et comme tout cela est émouvant.

Nous entrons vrai­ment là, dans le mys­tère de l’Incarnation, dans le mys­tère de la Rédemption. Il faut que ces heures que nous allons vivre aujourd’hui et demain, auprès de Notre Seigneur, dans sa souf­france, dans sa Passion, nous fassent entrer dans ces mys­tères ; que nous les com­pre­nions ; que nous esti­mions à sa juste valeur tout le don que le Bon Dieu nous a fait de sa grâce, par son Sang, par sa Rédemption, par son Sacrifice et la grâce qu’il nous a faite de nous don­ner des prêtres, des prêtres qui par­ti­cipent vrai­ment à son Sacerdoce ; des prêtres qui peuvent nous com­mu­ni­quer sa divi­ni­té, non seule­ment par les Saintes Huiles, mais en par­ti­cu­lier par le Saint Sacrifice de la messe, en nous don­nant la Sainte Eucharistie.

C’est pour­quoi, aujourd’hui, nous devons toute la jour­née, rendre grâces à Dieu de nous avoir 210

don­né des prêtres et qu’Il nous en donne beau­coup. C’est le sens de l’oraison de ce matin. Que Dieu fasse en sorte qu’il y ait tou­jours davan­tage de peuple consa­cré, qui se consacre à Lui dans le sacerdoce.

Eh oui, qu’il y ait tou­jours davan­tage de prêtres, pour sanc­ti­fier l’humanité, pour sanc­ti­fier ceux qui dési­rent être unis à Dieu.

Nous deman­de­rons en ces jours – et en ce jour en par­ti­cu­lier – qu’il y ait beau­coup de prêtres et qu’il y ait beau­coup de saints Prêtres.

Nous deman­de­rons à Notre Seigneur Jésus-​Christ et aus­si à sa Sainte Mère, qui est la mère du Grand Prêtre et qui cer­tai­ne­ment dans son cœur nour­rit le désir de voir beau­coup de prêtres s’unir à son Divin Fils et au Sacerdoce de son Divin Fils.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.