Sermon de Mgr Lefebvre – Purification – Prise de soutane – Ordres mineurs – 2 février 1978

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

L’Église, aujourd’hui, dans cette fête émou­vante de la Purification, repré­sente la ren­contre de Notre Seigneur avec le Temple de Jérusalem. La ren­contre de Notre Seigneur avec le vieillard Siméon par la sug­ges­tion de la lumière.

L’Église veut que nous médi­tions, d’une manière toute par­ti­cu­lière, sur Notre Seigneur Lumière du monde. Lumière des Gentils.

Et ce n’est pas seule­ment dans la fête de la Purification que l’Église nous sug­gère cette image et cette réa­li­té qu’est Notre Seigneur, mais c’est tout au cours de notre vie chré­tienne et tout au cours de la liturgie.

Déjà à notre bap­tême, l’Église nous a remis dans nos mains, par l’intermédiaire de nos par­rains et mar­raines qui nous repré­sen­taient, nous a remis un cierge allu­mé, un cierge lumi­neux, sym­bole du Saint-​Esprit qui venait d’habiter dans nos âmes et qui devait com­men­cer cette vie chré­tienne que nous devions pour­suivre tout au cours de nos années.

L’Église demande à tous ceux qui se pré­parent à des céré­mo­nies reli­gieuses impor­tantes – et en par­ti­cu­lier celle de l’ordination, aux per­sonnes qui veulent se consa­crer à Dieu – de por­ter éga­le­ment un cierge allu­mé dans leur main, afin de mani­fes­ter par là le désir qu’elles ont d’être ani­mées de la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ et de sa charité.

L’Église dans toute la litur­gie, emploie le cierge et en par­ti­cu­lier le grand jour du Samedi saint : Lumen Christi. Elle signe d’ailleurs ce cierge par­ti­cu­liè­re­ment béni, afin qu’il demeure avec nous pen­dant les semaines qui suivent, jusqu’au moment de l’Ascension, afin qu’il demeure comme la lumière de nos âmes, elle le bénit du signe de la Croix. Sur ce cierge se trouvent les cinq grains d’encens qui sont dis­po­sés en forme de croix.

C’est que vrai­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ est la lumière de nos âmes et pour vous par­ti­cu­liè­re­ment, mes chers amis qui allez dans quelques ins­tants, revê­tir l’habit qui signi­fie­ra votre appar­te­nance à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Méditez spé­cia­le­ment sur la conjonc­tion de cette fête avec votre prise de soutane.

Si Notre Seigneur a dit Lui-​même – et c’est l’Évangile de saint Jean qui nous le rap­porte — : Ego sum lux mun­di (Jn 8,12) : « Je suis la lumière du monde », Qui sequi­tur me, non ambu­lat in tene­bris, sed habe­bit lumen vitæ (op. cit.) : « Celui qui me suit, ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ».

Et Notre Seigneur a vou­lu, non seule­ment affir­mer qu’il était, lui, la lumière du monde, mais il le

dit pour nous aus­si et par­ti­cu­liè­re­ment pour ses dis­ciples et évi­dem­ment par­ti­cu­liè­re­ment pour ses prêtre et ses futurs prêtres : Vos estis lux mun­di : « Vous êtes la lumière du monde ». Et l’on ne cache pas la lumière sous le bois­seau, on la met sur un chan­de­lier, afin qu’elle luise et qu’elle éclaire tous ceux qui l’entourent.

Faites en sorte d’être la lumière du monde par vos œuvres et non pas seule­ment par vos paroles, non pas seule­ment par vos pré­di­ca­tions, mais par votre exemple, afin que les hommes voyant les bonnes œuvres que vous accom­plis­sez, chantent la gloire de Dieu et du Père céleste. Voilà ce que dit Notre Seigneur.

Si Lui est la vraie Lumière du monde, vous devez être, vous aus­si, la lumière du monde, à l’image de Notre Seigneur Jésus-​Christ, en par­ti­ci­pant à la lumière de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et quelle est cette Lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ? Évidemment c’est le Verbe de Dieu ; mais c’est la Vérité. Il est la Vérité.

Et en quoi consiste la Vérité que vous aurez à prê­cher, en quoi consiste l’Évangile que vous aurez à mani­fes­ter par vos actions, à mani­fes­ter par votre atti­tude, par votre tenue, par votre vête­ment ? C’est l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-​Christ et c’est Jésus-​Christ crucifié.

La croix de Notre Seigneur est aus­si une lumière : Refulget Christi mys­te­rium, reful­get Crucis. Nous le chan­tons le Vendredi saint. Oui, le mys­tère de la Croix est une splen­deur qui rayonne à tra­vers le monde. Nous ne pou­vons pas sépa­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ de sa Croix. Ce serait fal­si­fier le témoi­gnage que nous avons à don­ner au monde, que de sépa­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ de sa Croix. Comme le dit saint Paul : « Je prêche Jésus-​Christ, et Jésus-​Christ crucifié ».

Et alors, aujourd’hui, vous allez mani­fes­ter d’une manière par­ti­cu­lière, aban­don­nant l’habit du monde, aban­don­nant l’habit du siècle, revê­tant l’habit de Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous allez le mani­fes­ter au monde.

Et vous serez à la suite de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; vous por­te­rez sa Croix si vous vou­lez vrai­ment être d’autres Christs, il vous faut por­ter la Croix avec Lui. Il l’a dit : « Si quelqu’un veut être mon dis­ciple, qu’il porte sa croix et qu’il me suive. »

Alors vous sui­vrez Notre Seigneur Jésus-​Christ avec votre croix, avec vos épreuves, avec vos dif­fi­cul­tés, car, repré­sen­tant Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous aurez les mêmes réac­tions du monde contre Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il n’est pas pos­sible que nous ne par­ta­gions pas le mépris que le monde a pour nous, parce qu’il méprise Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et dans la mesure où vous mon­tre­rez Notre Seigneur Jésus-​Christ en vous, dans cette mesure-​là aus­si, vous serez haïs. Le monde m’a haï a dit Notre Seigneur et vous serez haïs aus­si à ma suite. Ce n’est pas pos­sible autrement.

Ne nous ima­gi­nons pas que parce que nous repré­sen­tons Notre Seigneur Jésus-​Christ, per­sonne ne nous haï­ra, que nous n’aurons que de l’amitié et du res­pect qui nous entou­re­ra. Sans doute, ceux qui ont la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ se réjoui­ront de vous voir, se réjoui­ront d’accueillir votre exemple, d’accueillir vos paroles et ils en loue­ront le Seigneur.

Mais ceux qui ont refu­sé Notre Seigneur Jésus-​Christ ; ceux qui le refusent, vous atta­que­ront comme Notre Seigneur Jésus-​Christ a été atta­qué ; comme Notre Seigneur Jésus-​Christ a été mépri­sé ; comme Notre Seigneur Jésus-​Christ a été crucifié.

Voilà la véri­té, voi­là celle que vous aurez à mon­trer, à mani­fes­ter au monde. Et aujourd’hui, plus que jamais, mes chers amis, vous le savez, vous venez de ce monde, vous y avez vécu, vous avez peut-​être fré­quen­té des uni­ver­si­tés, des col­lèges, dans les­quels vous avez vu ce monde.

Et ce monde a besoin de la lumière de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et cette lumière, c’est la lumière de sa Croix.

Mais le monde refuse le sacri­fice ; le monde refuse le renon­ce­ment ; le monde refuse l’abnégation. On ne veut pas se sépa­rer de ses jouis­sances, de ces jouis­sances déré­glées qui nous viennent des suites du péché originel.

Mais non seule­ment vous aurez à prê­cher la véri­té par votre exemple et par vos paroles, mais vous aurez à prê­cher l’amour. Car si la lumière luit, elle réchauffe aus­si. Et la cha­leur de la flamme qui luit, c’est la cha­ri­té. Il faut que vous soyez rem­plis de la cha­ri­té de Dieu, de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et la Croix est l’acte de cha­ri­té le plus beau, le plus grand, le plus sublime, qui ait jamais eu lieu ici sur la terre. Aucun acte de cha­ri­té n’a jamais res­sem­blé d’aussi loin que pos­sible à celui que Notre Seigneur a accom­pli sur sa Croix. Car c’est un acte infi­ni de cha­ri­té qu’il a fait sur sa Croix.

Il a aimé Dieu. Il a chan­té la gloire de son Père, la gloire de la Trinité, par son immo­la­tion. Et a‑t-​il pu accom­plir un acte plus grand d’amour du pro­chain que celui de répandre tout son Sang pour nous rache­ter. Ce n’est pas possible.

Alors, nous ne pou­vons pas, nous, pré­di­ca­teurs de la Croix, ne pas prê­cher la cha­ri­té. Ne pas être cha­ri­table. Dieu est cha­ri­té : Deus cari­tas est, dit saint Jean. Par consé­quent, nous devons prê­cher la charité.

La cha­ri­té, elle se mani­feste sans doute à ceux qui comme nous, ont reçu la grâce du bap­tême. D’abord, comme le dit saint Paul : nous devons d’abord pra­ti­quer la cha­ri­té vis-​à-​vis de nos frères dans la foi. Vis-​à-​vis de ceux qui, comme nous, portent la grâce de Notre Seigneur Jésus-​Christ en eux. Mais nous devons aus­si la mani­fes­ter vis-​à-​vis des pécheurs ; vis-​à-​vis de ceux qui sont dans l’erreur ; vis-​à-​vis de ceux qui sont dans l’hérésie ; vis-​à-​vis de ceux qui sont dans le schisme ; vis-​à-​vis de ceux qui aban­donnent Notre Seigneur Jésus-​Christ ; vis-​à-​vis des pécheurs ; vis-​à-​vis de ces per­sonnes qui vivent dans l’erreur. C’est la miséricorde.

La Croix est une œuvre par­ti­cu­liè­re­ment écla­tante de misé­ri­corde. Car si Notre Seigneur Jésus-​Christ ne s’était pas pen­ché sur notre misère et si, nous voyant pécheurs, il nous avait reje­tés parce qu’il haïs­sait le péché, nous aurions tous été condam­nés ; per­sonne d’entre nous n’aurait pu être sau­vé, excep­tée la très Sainte Vierge Marie.

Et par consé­quent, nous n’avons pas le droit, nous non plus, de ne pas être misé­ri­cor­dieux, de ne pas nous pen­cher sur les misères de ce monde ; de ne pas ren­con­trer les pécheurs. Non pas pour être atti­rés par leurs péchés ; non pas pour les confir­mer dans leurs péchés ; non pas pour être faibles devant l’erreur et le désordre du péché, mais pour les gué­rir ; pour les atti­rer à la san­té, à la san­té spi­ri­tuelle, comme le méde­cin se penche sur le malade, pour lui faire recou­vrer la santé.

Voilà ce que vous serez. Et vous devez l’être dès main­te­nant, mes chers amis. N’attendez pas d’être prêtres pour cela. Parce que revê­tant la sou­tane, vis-​à-​vis de ceux qui vous ren­con­tre­ront main­te­nant dans le monde, ils pen­se­ront que vrai­ment si vous êtes sémi­na­riste, vous avez un cœur de prêtre, une intel­li­gence de prêtre. Et déjà, ils vien­dront vers vous pour deman­der la lumière, pour deman­der un peu de cha­ri­té, un peu de misé­ri­corde et vous devrez la leur mani­fes­ter. Et vous devrez déjà vous sen­tir prêtre avant de l’être, afin de rece­voir la grâce du sacer­doce, avec plus d’abondance et plus de fruit.

Alors nous allons prier tous ensemble au cours de cette céré­mo­nie, pour deman­der que le Saint-​Esprit des­cende vrai­ment dans vos âmes. Et que vous revê­tiez vrai­ment Notre Seigneur Jésus-Christ.

Induat me Dominus novum homi­nem, qui secun­dum Deum crea­tus (…) « Ô Seigneur, revêtez-​moi du nou­vel homme qui est créé selon Dieu »

(…) in sanc­ti­tate et jus­ti­fia veri­ta­tis.

« dans la sain­te­té et la jus­tice véri­tables », dans la sain­te­té de la Vérité.

Voilà ce que l’évêque vous dira tout à l’heure et je suis per­sua­dé que bien pré­pa­rés comme vous l’avez été et bien dis­po­sés comme vous l’êtes, vous rece­vrez toutes ces grâces dont vous avez besoin.

Nous le deman­de­rons par­ti­cu­liè­re­ment à la très Sainte Vierge Marie, puisque c’est aujourd’hui la fête de la Purification. C’est en cette belle fête que vous rece­vez l’habit ecclé­sias­tique. Et demandez-​lui, que chaque fois que vous le revê­tez, vous pro­non­ciez ces paroles que l’évêque a pro­non­cées lorsqu’il vous a revê­tu, afin que vous soyez vrai­ment la lumière du monde.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.