Sermon de Mgr Lefebvre – Sitientes – Ordinations – 22 mars 1980

Mes bien cher amis,
Mes bien chers frères,

Nous voi­ci réunis à nou­veau, en cette date du same­di avant la Passion pour confé­rer les ordi­na­tions. Et cette année, occa­sion­nel­le­ment, nous n’aurons pas seule­ment des ordi­na­tions aux ordres mineurs, mais éga­le­ment une ordi­na­tion au Diaconat et deux ordi­na­tions au Sacerdoce, à la prêtrise.

Et pré­ci­sé­ment, c’est à l’occasion de ces ordi­na­tions sacer­do­tales que je vou­drais insis­ter, atti­rer votre atten­tion, mes chers amis, sur le fait que ces ordi­na­tions ont pour effet – non seule­ment ordi­na­tion au sacer­doce, mais toutes les ordi­na­tions qui vous sont confé­rées – que toutes ces ordi­na­tions ren­forcent en vous, la ver­tu et le fait de l’unité, de l’unité dans l’Église et par l’Église, de l’unité dans le temps avec tous ceux qui vous ont pré­cé­dés dans le sacer­doce. Sacerdoce qui se rat­tache au sacer­doce des apôtres, qui se rat­tache à celui de Notre Seigneur Jésus-Christ.

La sacer­doce qui a été trans­mis à tra­vers les siècles, à tra­vers les géné­ra­tions de prêtres, par les évêques suc­ces­seurs des apôtres, par ceux qui par la filia­tion épis­co­pale donnent aus­si la filia­tion sacer­do­tale – filia­tion apos­to­lique, filia­tion à Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même, le Grand Prêtre, le seul Prêtre, le vrai Prêtre, au sacer­doce duquel nous participons.

Cette uni­té à tra­vers le temps se mani­feste sur­tout dans l’unité de la foi, uni­té de la foi que les apôtres ont eue en Notre Seigneur Jésus-​Christ. Ils ont affir­mé la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », à dit Pierre à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Étant Fils du Dieu vivant, Notre Seigneur Jésus-​Christ était donc le Grand Prêtre par excel­lence. Saint Pierre affir­mait donc la véri­té du sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et bien­tôt d’ailleurs, ils allaient le consta­ter eux-​mêmes, aux jours où ils seraient réunis dans le Cénacle, où Notre Seigneur leur confé­ra le grand mys­tère du sacer­doce qu’il veut leur don­ner, auquel ils doivent par­ti­ci­per, lorsqu’il leur dira :

Hæc fece­ri­tis, in mei memo­riam facie­tis.

« Faites cela en mémoire de moi ». Faites cela par la ver­tu que je vous donne, par la ver­tu du sacer­doce que je vous confère.

Notre Seigneur ensuite, réa­li­se­ra son Sacrifice sur le Calvaire. Alors les apôtres, conscients du sacer­doce auquel ils par­ti­cipent, conscients de cette union à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la grâce du sacer­doce, les trans­met­tront à d’autres. Et d’année en année, ain­si, les évêques le trans­met­tront à leur tour. Et d’année en année, ain­si, les évêques trans­mettent le vrai sacer­doce à ceux aux­quels ils confèrent la grâce de l’ordination sacerdotale.

Et si aujourd’hui, cette grâce va vous être don­née à des degrés divers, mes chers amis, eh bien vous pou­vez avoir cette convic­tion que c’est la même grâce que les apôtres ont reçue dans le Cénacle ; la même grâce qu’ils ont confé­rée eux-​mêmes à leurs suc­ces­seurs, que vous allez rece­voir, vous aus­si. Vous allez par­ti­ci­per, d’une manière plus grande, plus par­faite, au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il y a donc une uni­té, une uni­té par­faite dans le temps, dans cette foi que vous avez dans le sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ et dans la grâce qui vous est conférée.

Ce n’est donc pas seule­ment une uni­té de foi, c’est aus­si une uni­té de vie. Car c’est bien la vie de la grâce qui vous est confé­rée d’une manière toute par­ti­cu­lière, d’une manière plé­nière je dirai, en ce sens que rece­vant la grâce du sacer­doce, par­ti­ci­pant au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ – sur­tout vous qui allez être ordon­nés prêtre – eh bien vous rece­vrez cette pater­ni­té de la grâce, que vous aurez à don­ner, à confé­rer aux autres. Désormais cette grâce n’est plus seule­ment pour vous, elle est aus­si pour les autres. Quelle gran­deur, quelle subli­mi­té dans cette uni­té, uni­té de foi, uni­té de vie, que nous avons et que nous com­mu­ni­quons avec Notre Seigneur Jésus-​Christ et avec tous ceux qui ont suc­cé­dé à Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la grâce du sacerdoce.

Et j’ajouterai qu’il y a non seule­ment une uni­té de foi, une uni­té de vie, mais il y a aus­si une uni­té de juri­dic­tion d’une cer­taine manière. Parce que par le sacer­doce, par la grâce du sacer­doce est com­mu­ni­quée au moins radi­ca­le­ment, cette juri­dic­tion sur les âmes. Ce pou­voir sur les âmes, le pou­voir de gui­der les âmes. Elle sera en pra­tique don­née d’une manière plus concrète, d’une manière plus réelle dans le minis­tère qui vous sera confié, qui vous sera affec­té. Et si cer­tains pour­raient dou­ter de cette juri­dic­tion qui vous est don­née, je pense que le Droit canon est suf­fi­sam­ment clair pour nous mon­trer que dans des cir­cons­tances par­ti­cu­lières, dans les cir­cons­tances extra­or­di­naires dans les­quelles nous vivons – cette crise de l’Église incroyable – eh bien le Droit a pré­ci­sé ces cir­cons­tances extra­or­di­naires afin que la vie de la grâce ne cesse pas. Afin que ceux qui pos­sèdent ces richesses spi­ri­tuelles que le Bon Dieu leur confère, que le Bon Dieu leur donne ; que ces richesses ne soient pas sté­riles mais qu’elles puissent s’appliquer aux âmes. Vous ne devez pas dou­ter que cette grâce sera vrai­ment trans­mise à ceux à qui vous la transmettrez.

Et nous pou­vons même ajou­ter que cette uni­té de juri­dic­tion existe pré­ci­sé­ment dans la mesure où nous fai­sons par­tie d’une famille à l’intérieur de l’Église. Le prêtre en effet, ne doit pas être un iso­lé. Il ne doit pas ne pas être rat­ta­ché à une famille. Il doit l’être soit par l’intermédiaire d’un dio­cèse, soit par l’intermédiaire d’une famille, d’une famille reli­gieuse, une famille sacerdotale.

Alors, rat­ta­ché à cette famille, il est aus­si rat­ta­ché à l’Église. Et c’est pour­quoi il est si impor­tant pour nous, d’être atta­chés pro­fon­dé­ment à la famille dont nous fai­sons par­tie. Aujourd’hui, comme dans les autres ordi­na­tions, nous avons la joie d’accueillir par­mi nous les membres de familles reli­gieuses et nous les accueillons avec joie pré­ci­sé­ment parce qu’ils font par­tie de familles, parce qu’ils font par­tie de familles qui sont à l’intérieur de l’Église.

Et quand bien même ces familles n’auraient pas reçu une appro­ba­tion offi­cielle, abso­lu­ment cano­nique de la part des auto­ri­tés de l’Église, on peut dire en véri­té qu’elles reçoivent une consé­cra­tion et une recon­nais­sance impli­cite par le fait même qu’elles sont dans l’Église, qu’elles vivent de l’Église, qu’elles reçoivent aus­si le sacer­doce de l’Église.

Et par nous, mes chers amis, qui fai­sons par­tie de cette Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, qui a été recon­nue par l’Église et qui, si elle a été sup­pri­mée, l’a été d’une manière par­fai­te­ment illé­gale et par­fai­te­ment injuste, elle est encore recon­nue. Elle l’est d’une manière cer­tai­ne­ment sinon expli­cite, du moins impli­cite, par le fait même que ceux qui ont auto­ri­té dans l’Église, nous appellent à Rome ; nous demandent de venir comme fon­da­teur, comme Supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X. Et nous sommes per­sua­dé qu’avec la grâce de Dieu, dans les temps qui vien­dront, quand ? Dieu seul le sait, peu importe, les années ne comptent pas pour Dieu, nous sommes per­sua­dé que jus­te­ment étant dans cette uni­té du sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ, étant dans cette uni­té de foi de l’Église, étant dans cette uni­té de la grâce de l’Église, étant dans cette uni­té de juri­dic­tion de l’Église, eh bien, il n’est pas pos­sible que nous ne soyons pas recon­nus un jour, par les auto­ri­tés de l’Église d’une manière officielle.

Alors nous devons avoir conscience de cette uni­té. Et c’est pour­quoi, nous déplo­rons d’autant plus le départ de cer­tains de nos membres. Sans doute cela est dû aux cir­cons­tances dans les­quelles nous vivons. Circonstances où le doute s’installe par­tout ; où les esprits sont trou­blés. Circonstances qui veulent que, étant, d’une cer­taine manière, un corps de com­bat de pre­mière ligne, faci­le­ment, ceux qui sont en pre­mière ligne, devien­dront des francs-​tireurs. Ils se croi­ront avoir une mis­sion par­ti­cu­lière. Mais il est dan­ge­reux de se consti­tuer en francs-​tireurs. On peut, non seule­ment ne pas accom­plir la volon­té de Dieu, ne pas accom­plir la volon­té des supé­rieurs, mais on peut aus­si détruire, invo­lon­tai­re­ment sans doute, l’œuvre que le Bon Dieu nous demande d’accomplir. Et s’ils peuvent être excu­sés d’une cer­taine manière, par le fait que nous sommes très dis­per­sés, que phy­si­que­ment nous sommes très éloi­gnés les uns des autres, dans ce minis­tère qui absorbe nos acti­vi­tés, cepen­dant étant don­nées les années qu’ils ont pas­sées dans cette mai­son, étant don­nés les liens qui les unis­saient à la Fraternité, il est dou­lou­reux, il est triste de pen­ser qu’ils ont cru devoir nous quit­ter. Et nous prions Dieu, afin qu’ils com­prennent que leur place est dans la Fraternité et que leur acti­vi­té sacer­do­tale doit s’exercer dans l’intérieur de la Fraternité, dans l’intérieur d’une famille sacerdotale.

Sinon, elle risque d’être fort sté­rile et de ne pas être bénie par Dieu. Alors c’est pour­quoi j’insiste aujourd’hui par­ti­cu­liè­re­ment sur cette uni­té entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles reli­gieuses qui sont des familles mona­cales, qui forment des monas­tères, il est plus facile de main­te­nir cette unité.

Pour nous qui sommes très dis­per­sés par la nature même de notre Fraternité Sacerdotale, l’unité peut paraître quel­que­fois plus dif­fi­cile. Eh bien, si elle est plus dif­fi­cile, jus­te­ment elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus réso­lus afin de demeu­rer unis les uns aux autres et de tra­vailler au règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans cette famille reli­gieuse qui est – encore une fois – unie à l’Église de tou­jours. Et unie à l’Église d’aujourd’hui, et même unie, je dirai, à ses chefs qui, s’ils sont influen­cés par les idées modernes – aux­quelles nous ne pou­vons pas adhé­rer – s’ils sont influen­cés par des idées de ce droit nou­veau, comme le disait Léon XIII – droit qui a été condam­né par Léon XIII et par tous ces pré­dé­ces­seurs – si en ce sens nous ne nous sen­tons pas par­fai­te­ment en com­mu­nion de pen­sée, avec ceux avec les­quels nous devrions être en pleine com­mu­nion de pen­sée, eh bien, cela, peu importe. Cela ne rompt pas cepen­dant cette uni­té, car à tra­vers leurs per­sonnes qui devraient être par­fai­te­ment sou­mises à la Tradition, par­fai­te­ment sou­mises à ce que leurs pré­dé­ces­seurs ont ensei­gné, eh bien nous sommes réunis par eux, quand même à cette apos­to­li­ci­té qui des­cend à tra­vers tous les sou­ve­rains pon­tifes jusqu’au Souverain Pontife régnant aujourd’hui.

Et en cela nous devons être per­sua­dés, convain­cus, que nous sommes jus­te­ment inti­me­ment plus que n’importe qui, membres de la Sainte Église et qu’avec tous les membres de l’Église, nous lut­tons pour le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Même si cer­tains d’entre eux, hélas, par leur conduite, par leurs pen­sées, par leurs écrits, par leurs actes, ne favo­risent pas le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Cela a été de tous les temps d’ailleurs dans l’Histoire de l’Église.

Alors main­te­nons cette uni­té, mes chers amis, soyons unis les uns aux autres et soyons unis dans le temps, au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Soyons unis aus­si dans cette foi pro­fonde que nous devons gar­der en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie, Mère de l’Église, d’être tou­jours ses enfants, de tra­vailler tou­jours avec elle au règne de son divin Fils.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.