25 décembre 1980

Sermon de Mgr Lefebvre de la Nuit de Noël 80

Mes bien chers frères,
Mes bien chers amis,

Au cours de cette nuit de Noël, nous avons écou­té la litur­gie que l’Église nous a pré­pa­rée pour entre­te­nir notre foi et nous hési­te­rions dans la richesse des véri­tés qui nous ont été expo­sées dans cette litur­gie, sur celles qui devaient être l’objet par­ti­cu­lier de nos méditations.

Cependant, il en est une qui est essen­tielle à cette jour­née et qui est répé­tée fré­quem­ment dans la Sainte Écriture et répé­tée aus­si dans la sainte Liturgie d’aujourd’hui : Pourquoi celui qui est né et qui vit éter­nel­le­ment dans la Trinité Sainte – nous venons de l’entendre dans la lec­ture de l’Évangile – s’est fait homme, est né dans le sein de la Vierge Marie ?

Nous pou­vons nous deman­der pour quelle rai­son, comme saint Joseph qui, hési­tant devant l’événement qui sur­ve­nait à la Vierge Marie, les ber­gers éga­le­ment stu­pé­faits, par la voix des anges, se demandent quelle est cette nou­velle qui est annon­cée et ce sont les anges eux-​mêmes qui répondent à Joseph et qui répondent aux bergers.

« Ne crains pas d’accepter Marie pour ton épouse, dit l’ange, car Celui qui naî­tra d’elle, sera Celui qui sau­ve­ra son peuple de ses péchés ».

Et aux ber­gers les anges annoncent éga­le­ment que Celui qu’ils sont invi­tés à aller ado­rer, à por­ter leurs hom­mages. Celui-​là, c’est le Sauveur du monde : Hic est sal­va­to­rem mun­di.

Et la litur­gie donne une place spé­ciale à cette véri­té que Notre Seigneur Jésus-​Christ est le Sauveur du monde. Rarement la litur­gie nous fait ajou­ter des paroles au Canon de la messe, mais aujourd’hui elle exprime cette véri­té d’une manière par­ti­cu­lière dans le Canon de la messe. C’est en effet le Sauveur du monde qui s’offre sur nos autels. Et pour­quoi ? Demandons-​nous pour­quoi Notre Seigneur Jésus-​Christ est-​il nom­mé le Sauveur ?

Cette notion de Sauveur évoque une mul­ti­tude de véri­tés qui nous sont salu­taires, qu’il est bon de médi­ter, qu’il est bon de recon­naître. Sauveur, parce que nous avons péché. Sauveur, parce que Dieu a déci­dé que le Verbe s’incarnerait pour nous sau­ver de nos péchés. Sauveur, Il le sera par la déci­sion divine prise de toute éter­ni­té et déjà annon­cée à nos pre­miers parents. Il le sera par la Croix, par son Sacrifice. Enfin, Sauveur Il le sera dans la gloire de l’éternité, en réunis­sant autour de Lui tous ceux qui ont cru qu’Il était le Sauveur et qu’Il était le Fils de Dieu incarné.

C’est tout cela que doit évo­quer en nous cette grande véri­té qui carac­té­rise et qui est comme l’essence même de la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il est essen­tiel­le­ment notre Sauveur. Il est notre Sauveur depuis qu’Il a été conçu dans le sein de la Vierge Marie. Et à l’énumération de toutes ces véri­tés, nous pou­vons déjà res­sen­tir les sen­ti­ments que nous devons avoir et les ver­tus que nous devons ; pra­ti­quer, pour être vrai­ment dignes de rece­voir notre Sauveur et de l’imiter.

Pécheurs, nous sommes pécheurs. Songeons que Notre Seigneur Jésus-​Christ aurait pu ne pas s’incarner, que Dieu aurait pu ne pas vou­loir notre Rédemption. Que serions-​nous devenus ?

Saint Paul le dit bien : Nous étions tous des­ti­nés à la mort. Fils de colère. Alors c’est un sen­ti­ment d’humilité qui doit enva­hir nos âmes. Pécheurs nous le sommes. Et nous le sommes après que Dieu nous a mani­fes­té sa cha­ri­té d’une manière extra­or­di­naire en nous créant.

Et voi­ci que désor­mais nous aurons à expri­mer aus­si cette humi­li­té vis-​à-​vis du Dieu incarné.

L’humilité, la très Sainte Vierge nous en a mon­tré l’exemple et c’est parce qu’elle a été humble qu’elle a été choi­sie par le Seigneur. L’humilité, nos crèches nous le rap­pellent : Jésus, le Fils de Dieu, Celui qui a tout fait, qui a tout créé. Celui sans lequel nous ne pour­rions opé­rer, nous ne pour­rions vivre, nous ne pour­rions pas nous mou­voir, Jésus s’est incar­né et Il se pré­sente aujourd’hui comme un enfant, dans une crèche. Quelle humi­li­té ! Quelle leçon pour nous, nous qui sommes pécheurs, alors que Jésus n’est pas pécheur. Mais Il est venu pour por­ter nos péchés et a vou­lu ain­si nous mon­trer qu’il fal­lait pra­ti­quer l’humilité si nous vou­lions vrai­ment être dans les dis­po­si­tions néces­saires pour que nos péchés soient vrai­ment rachetés.

L’humilité se join­dra aus­si au sen­ti­ment de contri­tion, de péni­tence, de renon­ce­ment et Notre Seigneur Jésus-​Christ nous l’enseigne éga­le­ment. Lui qui n’a pas péché. Renoncement. Il est reje­té d’une hôtel­le­rie vers laquelle se diri­geaient Joseph et Marie pour y trou­ver un abri pour la nais­sance de Jésus.

Non, il n’aura même pas cette hôtel­le­rie, cette auberge. Il naî­tra dans une crèche, dans le renon­ce­ment le plus par­fait, le plus com­plet et dans quelques jours. Il devra même renon­cer à demeu­rer dans son vil­lage natal. Un ange annon­ce­ra à Joseph que Hérode veut tuer l’Enfant Jésus et il lui inti­me­ra l’ordre de par­tir immé­dia­te­ment pour l’Égypte.

Nous devons donc aus­si, imi­ter Notre Seigneur Jésus-​Christ dans notre renon­ce­ment, si nous vou­lons vrai­ment pro­fi­ter des mérites du Sauveur qui se pré­sente à nous.

Notre Seigneur a choi­si pour nous sau­ver : sa Croix, son Sacrifice. Alors, nous aus­si, il nous fau­dra Le suivre, Le suivre tout au long de sa vie qui n’est qu’une offrande, offrande de la Victime qui va s’immoler sur la Croix.

Retenons la leçon que nous donne Notre Seigneur, par obéis­sance par­faite à la volon­té de Dieu. Tout au cours de sa vie, Il sera obéis­sant, obéis­sant jusqu’à la mort de la Croix.

Que nous aus­si, nous sachions accep­ter les sacri­fices en obéis­sant à la volon­té du Bon Dieu, que nous accep­tions les épreuves, afin de nous sanc­ti­fier, afin de rece­voir en abon­dance les mérites de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Mais si Jésus a déci­dé de mou­rir sur la Croix pour nous rache­ter, pour être notre Sauveur, Il a vou­lu aus­si que cette Croix soit une vic­toire, que cette Croix porte en elle l’espérance, que cette Croix porte en elle toute la gloire, la gloire dont Il sera revê­tu au Ciel, car bien­tôt Il res­sus­ci­te­ra et Il retour­ne­ra dans la gloire du son Père.

Alors Il nous demande de Le suivre dans cette gloire. Il nous demande de Le suivre au Ciel pour la vie éter­nelle. C’est pour cela qu’il est venu. C’est pour cela qu’Il s’est fait notre Sauveur.

Alors que ferons-​nous ? Ferons-​nous comme Hérode ? Persécuterons-​nous Notre Seigneur ? Ou ferons-​nous comme ces gens de l’auberge qui ont tout sim­ple­ment reje­té Notre Seigneur de leur mai­son ? Ou oublierons-​nous Notre Seigneur, notre Sauveur ? Ferons-​nous comme tant d’âmes aujourd’hui qui s’éloignent de Notre Seigneur Jésus-​Christ par indif­fé­rence, par atta­che­ment aux biens de ce monde, par manque de renon­ce­ment, par manque d’humilité, étant tout entiers rem­plis d’égoïsme et d’orgueil ?

Eh bien, remer­cions le Bon Dieu qui nous a fait la grâce d’être bap­ti­sés et de nous confir­mer dans cette grâce du bap­tême et par consé­quent de nous encou­ra­ger à main­te­nir les pro­messes de notre baptême.

Aujourd’hui, en cette fête de Noël, renou­ve­lons les pro­messes de notre bap­tême. Demandons à Jésus de Le suivre, de Le suivre cou­ra­geu­se­ment au milieu de toutes les épreuves de la vie, au milieu de toutes les dif­fi­cul­tés de la vie chrétienne.

Demandons-​Lui la grâce d’être auprès de Lui, comme la Vierge Marie, comme saint Joseph. Vivons de cette union à Notre Seigneur Jésus-​Christ, par­ti­cu­liè­re­ment dans la Sainte Eucharistie. Car si Jésus a vou­lu mou­rir sur la Croix et ren­trer dans sa gloire, Il ne nous a pas oubliés. Il nous a lais­sé son Sacrifice et Il nous est res­té Lui-​même, comme vic­time, afin que nous puis­sions avoir cette union intime avec Notre Seigneur, dans la Sainte Eucharistie et dans le Saint Sacrifice de la messe.

Voilà ce que nous apprend cette grande véri­té de la Rédemption de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de ce titre qui lui est don­né si fré­quem­ment par la litur­gie : le Sauveur. Il est le Sauveur du monde. Que nous aus­si, nous par­ti­ci­pions aux mérites de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans cette Rédemption, afin que nous puis­sions un jour Le suivre dans sa gloire et y retrou­ver avec la très Sainte Vierge Marie, saint Joseph, tous les anges qui ont si bien chan­té la fête de Noël et tous ceux qui nous ont pré­cé­dés : nos parents et amis qui par­tagent les fruits de la Rédemption.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.