Sermon de Mgr Lefebvre – 8e dimanche après la Pentecôte – 25 juillet 1982

Mes bien chers frères,

Puisque l’occasion m’est don­née de vous adres­ser quelques mots au cours de ces vacances, à mon retour de Rome, je me per­met­trai de vous recom­man­der, de recom­man­der à vos prières quelques intentions.

Et d’abord, l’intention prin­ci­pale que je retire de ces quelques jours pas­sés dans la Ville éter­nelle, c’est que nous devons prier beau­coup, sans cesse, pour que Rome rede­vienne le phare de la foi, le phare de la véri­té. Que Rome conti­nue à être ce qu’elle a été depuis qu’à la place de l’autorité païenne qui régnait, c’est l’autorité de l’Église et de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui s’est mani­fes­tée au monde.

Ex magis­tra erro­ris fit magis­tra veri­ta­tis.

Alors qu’elle était, dit saint Léon, maî­tresse d’erreurs ; Rome est deve­nue maî­tresse de véri­té. Et tout au cours de l’Histoire ce fut bien le rôle de Rome de dis­pen­ser la véri­té, de conduire non seule­ment les peuples catho­liques, mais même le monde entier, par sa foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ, par l’exemple de la sain­te­té que don­nait l’Église, par la morale que l’Église mani­fes­tait, expri­mait dans la vie chré­tienne des familles, des peuples catho­liques. Tout cela était une lumière pour le monde entier, même pour les païens.

Et voi­ci que depuis quelques années, il semble que cette lumière se soit un peu obs­cur­cie. Des nuages se sont éle­vés dans le ciel de Rome et ont obs­cur­ci la lumière. Et alors si Rome n’est plus ce phare aus­si écla­tant, aus­si lumi­neux qu’il est néces­saire, pour la conduite des âmes et pour la conduite des peuples, les consé­quences s’en font sen­tir immé­dia­te­ment. Et non seule­ment chez les fidèles, mais d’abord chez les pas­teurs, chez les évêques, chez les prêtres et ensuite dans le peuple fidèle et dans le monde entier.

C’est pour­quoi nous consta­tons aujourd’hui cet état de désordre, de désordre intel­lec­tuel, de désordre moral, de désordre spi­ri­tuel qui règne dans les intel­li­gences, dans les cœurs ; alors il semble que l’on ne sache plus exac­te­ment ce qu’est la véri­té, ce qu’est la loi morale. Les esprits sont désemparés.

Alors nous devons prier beau­coup. Car ce ne sont pas seule­ment des ren­contres ou des lettres qu’il peut m’être don­né de faire, que sans doute d’autres per­sonnes envoient à Rome pour deman­der la lumière, pour deman­der de réaf­fir­mer la véri­té de tou­jours, le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur le monde, le règne de sa Croix, la néces­si­té du salut des âmes. Je pense que c’est par la grâce de Dieu, avec le secours de Dieu, que Rome rede­vien­dra la lumière du monde.

Quand ? Nous ne le savons pas. Mais ce que je puis vous dire en véri­té, pour l’avoir sai­si encore mieux cette fois-​ci que les fois pré­cé­dentes : l’action que vous menez, vous, per­son­nel­le­ment, cha­cun d’entre vous, dans vos familles, par votre atti­tude de vrais chré­tiens, de vrais catho­liques, en gar­dant votre foi, cette foi qui vous a été ensei­gnée dans votre enfance ; cette foi qui vous a été ensei­gnée par de vrais prêtres, par de saints Évêques, cette foi que vous vou­lez maintenir.

Eh bien soyez per­sua­dés que votre action por­te­ra des fruits et qu’elle en porte déjà. Sans doute, il est dou­lou­reux de se trou­ver, appa­rem­ment, en oppo­si­tion avec ceux qui devraient être nos pères, nos pères spi­ri­tuels et qui le sont, mais qui, mal­heu­reu­se­ment, eux aus­si, dans ces dif­fi­cul­tés actuelles, ne mani­festent plus réel­le­ment leur rôle de pas­teurs ; ne l’exercent plus comme ils devraient le faire.

C’est dou­lou­reux pour nous de devoir par­fois nous oppo­ser à eux, mais soyons cer­tains que de main­te­nir la foi de tou­jours, de main­te­nir la tra­di­tion, est un grand ser­vice que nous ren­dons à l’Église.

Donc pre­mière inten­tion de prière : Prier pour que des grâces abon­dantes des­cendent sur ceux qui, à Rome, sont char­gés du salut des âmes du monde entier.

Prier éga­le­ment pour nos jeunes prêtres. Nos jeunes prêtres ont un très grand rôle à accom­plir dans cette œuvre de redres­se­ment de l’Église, vous le savez bien vous-​mêmes. Que peuvent faire les fidèles qui veulent gar­der la foi s’ils n’ont plus de prêtres, plus de prêtres catholiques ?

Et je me suis per­mis de dire cette phrase au car­di­nal Ratzinger, puisque c’est lui que le pape a char­gé d’être l’intermédiaire entre lui et nous, je me suis per­mis de lui dire ceci :

Éminence, croyez-​vous que dans dix ans, vous trou­ve­rez encore dans un pays comme la France, des prêtres ayant une qua­ran­taine d’années et ayant été for­més dans ces nou­veaux sémi­naires, qui aient encore la foi inté­grale, une foi com­plète, par­faite sur tous les articles du Credo et sur tout ce que l’Église nous enseigne pour la foi et la morale, afin que vous puis­siez faire d’eux – choi­sir par­mi eux – des évêques, char­gés de conduire le peuple chré­tien, le peuple fidèle ?

Et il a dû recon­naître que ce serait sans doute bien difficile.

Alors, me suis-​je per­mis de lui dire : Sans doute ne serai-​je plus ici-​bas, à ce moment, vous serez heu­reux de pou­voir vous repo­ser sur cent, cent-​cinquante, deux cents prêtres qui eux ont la foi catho­lique, qui ont le désir de ser­vir l’Église, qui ont le désir de ser­vir le Souverain Pontife, les évêques, être au ser­vice de l’Église et des âmes, qui n’ont que cela comme objec­tif et qui veulent sanc­ti­fier vrai­ment les âmes comme l’Église l’a tou­jours fait. Alors vous serez heu­reux de trou­ver ces prêtres aux­quels vous pour­rez don­ner des charges, per­sua­dé qu’ils sanc­ti­fie­ront les âmes, comme l’Église le désire et comme l’Église l’a tou­jours fait. Et il n’a pas pu le nier.

Alors si nous vou­lons que ces jeunes prêtres puissent tou­jours davan­tage ser­vir l’Église, il faut qu’ils se main­tiennent dans l’esprit de la foi, dans l’esprit de sain­te­té dans lequel ils ont été éle­vés ici à Écône et dans nos séminaires.

Et vous savez com­bien la situa­tion aujourd’hui dans le milieu de ce monde actuel, com­bien il est dif­fi­cile pour ces jeunes prêtres de se main­te­nir avec cette fer­veur des pre­miers jours.

Au cours de ce mois de juillet, nous avons l’occasion d’assister à des pre­mières messes, avec quelle conso­la­tion, avec quelle joie nous assis­tons aux pre­mières messes de ces prêtres, de ces jeunes prêtres, tout don­nés au Bon Dieu, dont le cœur est tout entier tour­né vers la gloire du Bon Dieu et le salut des âmes et le bien de l’Église. Mais il faut qu’ils per­sé­vèrent dans ce désir ; il faut que cette dis­po­si­tion qu’ils ont en eux, dure, demeure, mal­gré les dif­fi­cul­té, mal­gré les épreuves, mal­gré le poids du jour et les dif­fi­cul­tés de l’apostolat. Qu’ils ne se perdent pas dans un acti­visme qui leur ferait perdre la pié­té ; qui leur ferait perdre le sens de la prière. Tout cela est très impor­tant, impor­tant pour l’Église.

Alors je recom­mande cette seconde inten­tion à vos prières. Priez pour ces jeunes prêtres. Demandez au Bon Dieu qu’ils gardent leur fer­veur ini­tiale ; qu’ils gardent leur désir de se sanc­ti­fier et de sanc­ti­fier les autres.

Et enfin troi­sième inten­tion de prière : c’est l’extension du car­mel. Par la grâce du Bon Dieu, par une Providence toute par­ti­cu­lière, le car­mel fon­dé à Quiévrain se déve­loppe si bien qu’il fau­drait main­te­nant en fon­der deux nou­veaux. Et ce n’est pas une petite chose. Sans doute les dif­fi­cul­tés maté­rielles sont peu de choses. Le Bon Dieu per­met tou­jours que l’on arrive à les résoudre. Mais il est impor­tant que ces car­mels existent le plus tôt pos­sible, parce que ce sont des centres de prière ; parce que ce sont des para­ton­nerres pour tous les fidèles, pour tous les catho­liques qui veulent demeu­rer fidèles à l’Église. Le fait de savoir qu’il y a des per­sonnes consa­crées à Dieu qui vivent dans cette prière, dans cette union à Dieu, enfer­mées dans leur cloître pour être plus unies à Notre Seigneur Jésus-​Christ, se sanc­ti­fier, se sacri­fier pour la sanc­ti­fi­ca­tion des autres, com­bien cela est conso­lant pour nous ; com­bien cela nous aide à nous main­te­nir dans la fer­veur et dans le désir de la sainteté.

Alors, deman­dez au Bon Dieu, que ces deux car­mels futurs puissent s’établir le plus tôt pos­sible, afin que tous les efforts des catho­liques fidèles soient sou­te­nus par cette prière, prière incessante.

Voilà mes bien chers frères, ce que je vou­lais vous recom­man­der aujourd’hui, car le temps vient tout dou­ce­ment, avec la patience, avec le sup­port des dif­fi­cul­tés, avec les sacri­fices que nous devons faire, le Bon Dieu nous écoute et le Bon Dieu nous entend.

Peu à peu, les esprits se rendent compte, les esprits droits se rendent compte que le tra­vail que vous faites, le tra­vail que font par­tout ceux qui veulent main­te­nir la foi est un tra­vail de salut public. Nous sommes dans une situa­tion d’une catas­trophe, d’une réelle catas­trophe qui s’est pro­duite dans l’Église, à l’intérieur de l’Église. Et alors au moment où les catas­trophes se pro­duisent, cha­cun doit se dévouer pour sau­ver ce qui peut être sauvé.

Alors vous, à votre place, à votre poste, vous essayez de sau­ver, sau­ver vos familles, sau­ver l’âme de vos enfants, sau­ver votre âme, sau­ver l’âme de ceux qui vous entourent, vous regrou­per auprès de prêtres fidèles.

C’est cela qu’il faut faire. Dans une période de dif­fi­cul­tés comme celle dans laquelle nous nous trou­vons aujourd’hui, il n’y a pas d’hésitation à avoir. C’est un réflexe tout natu­rel d’un bon catho­lique, d’un bon chré­tien, qui essaye de retrou­ver la véri­table source de sain­te­té, par­ti­cu­liè­re­ment le Saint Sacrifice de la messe.

Alors je vous encou­rage beau­coup à conti­nuer, à ne pas vous décou­ra­ger, à main­te­nir cette fer­me­té dans votre foi, à ne pas hési­ter. C’est là le vrai che­min. Il n’y en a pas d’autre. Il ne peut pas y en avoir d’autres.

Et soyez per­sua­dés qu’un jour, ce que vous aurez fait, obtien­dra ses fruits et obtien­dra sa récompense.

Demandons à notre bonne Mère du Ciel, elle a vain­cu toutes les héré­sies, elle a vain­cu toutes les erreurs, alors elle ne man­que­ra pas non plus de vaincre les erreurs modernes qui sont à l’état dif­fus à l’intérieur de l’Église. La très Sainte Vierge Marie fini­ra par les vaincre et par don­ner la vic­toire à son Divin Fils Notre Seigneur Jésus-Christ.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.