Sermon de Mgr Lefebvre – Premiers ordres mineurs – 1er février 1986

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Les céré­mo­nies d’ordination sont tou­jours l’occasion de rendre grâces à Dieu, l’occasion de nous réjouir des dons que le Bon Dieu nous fait, par l’intermédiaire de son sacer­doce et de son Sacrifice.

En effet, mes chers amis, vous qui dans quelques ins­tants allez rece­voir les ordres de Portier, de Lecteur, vous allez par­ti­ci­per, d’une manière concrète, réelle, au Sacerdoce de Notre Seigneur JésusChrist.

La ton­sure n’est pas un ordre à pro­pre­ment par­ler, elle ne confère pas de pou­voirs. Tandis que les ordres de Portier et de Lecteur, confèrent des pou­voirs et par­ti­cu­liè­re­ment des pou­voirs sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur. Car nous devons tou­jours nous rap­pe­ler que le but du sacer­doce – c’est saint Thomas qui nous l’enseigne – se réa­lise en deux actions par­ti­cu­lières : Une action sur le Corps du Christ Lui-​même et une action sur son Corps mystique.

Évidemment, l’action sur son Corps, sur le Corps de Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même, est la plus impor­tante. Et la deuxième action ne peut se réa­li­ser qu’en dépen­dance de la première.

Cette pre­mière action, c’est le Saint Sacrifice de l’autel, le Sacrifice de Notre Seigneur Jésus-​Christ réac­tuant le Sacrifice de la Croix. C’est cela qui est le but même du sacer­doce, la fina­li­té du sacerdoce.

Et la deuxième, c’est l’action sur le Corps mys­tique. Et c’est à celle-​là, par­ti­cu­liè­re­ment qu’aujourd’hui le Bon Dieu veut vous don­ner un pou­voir particulier.

Ces ordres sont appe­lés mineurs, c’est vrai, mais ce n’est pas une rai­son pour croire que ces ordres n’ont pas d’importance. Bien au contraire. Ce qui touche au sacer­doce, ce qui touche aux pou­voirs don­nés par Notre Seigneur pour par­ti­ci­per à son propre Sacerdoce, n’aurait aucune impor­tance ! Cela n’est pas pos­sible. Bien au contraire, par le fait que nous par­ti­ci­pons, même d’une manière infime aux pou­voirs sacer­do­taux de Notre Seigneur, nous pou­vons vrai­ment voir dans ces ordi­na­tions, une impor­tance considérable.

Portier. Comme le dit le Pontifical, vous allez avoir à son­ner les cloches qui appellent les fidèles à venir par­ti­ci­per au sacre­ment de l’Eucharistie, à venir par­ti­ci­per à la prière de l’Église, à la prière de Notre Seigneur. Ce n’est pas une petite chose que d’appeler les âmes à venir s’unir à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et puis, vous le savez, dans les béné­dic­tions, les consé­cra­tions des cloches, ces cloches ont une impor­tance toute par­ti­cu­lière. Elles chassent les démons ; elles appellent les grâces du Bon Dieu sur les pays qui entendent les sons de ces cloches. Elles sont comme les anges, les anges de la paroisse, les anges de l’Église, qui pro­tègent toute la paroisse. Elles sonnent pour les évé­ne­ments impor­tants, les évé­ne­ments publics. dans les cas de catas­trophes, dans les cas de guerre, on sonne les cloches, pour appe­ler les grâces du Bon Dieu, pour conju­rer les mal­heurs qui peuvent fondre sur l’ensemble des fidèles de la paroisse. Les cloches sonnent pour les évé­ne­ments de la vie des paroisses ; les cloches demandent en quelque sorte à tous ceux qui ne sont pas pré­sents de s’unir aux joies et aux tris­tesses des parois­siens. Elles ont donc une impor­tance vitale dans une paroisse, dans une église. Et le Portier est char­gé de son­ner ces cloches.

Et puis, l’ordre du Portier confie par les clefs qui vous sont remises, confie à celui qui en a la charge, la Maison même de Dieu. Domum Dei et sacra­rium. Que veut dire sacra­rium ? La sacris­tie, là où sont enfer­mées les choses, les objets sacrés. C’est donc sur toutes ces choses des­ti­nées au culte de Dieu et par­ti­cu­liè­re­ment la Maison de Dieu, c’est sur ces choses que s’étend le pou­voir de Portier et sa charge.

Il me semble que cela a une impor­tance vrai­ment très grande pour la foi, pour la pié­té des fidèles. Une église bien ordon­née, une église où tout concourt à aider les fidèles à prier, à se recueillir, où rien ne les dis­trait de l’attention que demande la pré­sence de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’église. Cette église, par consé­quent, aide­ra les fidèles à s’unir à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Tout dans la déco­ra­tion de l’église, dans la dis­po­si­tion de l’église, doit per­mettre aux fidèles et à tous ceux qui prient en ce lieu, de se sen­tir plus près du Ciel, de se sen­tir comme dans l’antichambre du Ciel, au milieu des saints, les élus, les âmes du Purgatoire, avec les anges, avec la Vierge Marie, s’unir à la Sainte Trinité. L’église doit nous por­ter vers ces régions célestes et nous faire un peu oublier les choses de la terre. De tout cela, le Portier est res­pon­sable en par­tie, par la dis­po­si­tion et par le soin qu’il doit avoir des choses sacrées de l’église.

Et ce sont les prières du Pontifical qui le disent : Non seule­ment le Portier doit ouvrir les portes de la Maison de Dieu, mais il doit aus­si s’efforcer d’ouvrir le cœur des fidèles.

Comment ? Par son exemple, par l’exemple d’une Vie sainte : ouvrir le cœur des fidèles, c’est-àdire, les por­ter vers le Seigneur, les por­ter vers Notre Seigneur, vers les choses célestes par l’exemple de sa cha­ri­té, l’exemple de son res­pect pour les Choses saintes. Rien n’est plus édi­fiant lorsque l’on entre dans une église, de voir les per­sonnes qui sont char­gées de l’église, avoir un res­pect pro­fond pour la Sainte Eucharistie, les voir s’agenouiller, les voir prier, deman­der le silence, afin d’être davan­tage unis à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Rien n’est édi­fiant comme l’accueil qui est fait aux fidèles qui viennent, un accueil dis­cret, un accueil cha­ri­table, un accueil res­pec­tueux. Tout cela fait par­tie des ver­tus chré­tiennes. Tout cela fait par­tie de cette grâce de l’Église catho­lique, de cette pré­sence de l’Esprit Saint dans le cœur des fidèles, dans le cœur par­ti­cu­liè­re­ment de ceux qui sont char­gés d’accueillir les fidèles, de les rece­voir, de les aider à prier. Voilà le rôle du Portier.

Et puis il est dit encore de lui, qu’il doit rece­voir les fidèles et qu’il doit évi­ter de rece­voir les infi­dèles. C’est une réflexion très courte, c’est enten­du, mais qui a une très grande impor­tance ; qui montre quelle est l’estime et l’importance que l’Église attache à la foi catho­lique. Si l’on n’a pas la foi catho­lique, on ne peut pas ren­trer dans les Lieux saints. Si l’on n’a pas la foi en Notre Seigneur JésusChrist tel qu’il a été ensei­gné par l’Église, on ne peut pas s’adresser à Lui, comme les fidèles.

Et l’Église a tou­jours ensei­gné, que quelqu’un qui refuse de croire une seule véri­té défi­nie par l’Église, n’est plus catho­lique. C’est un infi­dèle. Il n’est pas néces­saire de nier toutes les véri­tés, il suf­fit d’en nier une seule pour que l’on ne puisse plus – en prin­cipe – entrer dans les églises et prier avec les fidèles. Et ces fidèles sont membres de l’Église par le bap­tême. Les membres de l’Église sont des per­sonnes juri­diques dans l’Église par le bap­tême valide, le bap­tême de l’eau.

On peut faire par­tie du Corps mys­tique de l’Église par le bap­tême du Sang, par le bap­tême de désir. Mais l’on n’en fait pas par­tie juri­di­que­ment. On n’est pas une per­sonne dans l’Église, si l’on n’a pas été bap­ti­sé par le bap­tême d’eau valide. C’est ce que nous enseigne l’Église. Il est impor­tant de nous rap­pe­ler cela. Parce que pré­ci­sé­ment, c’est cela qui nous met sur le che­min du salut.

Encore une fois sans doute, par le bap­tême de désir expli­cite ou impli­cite, le Bon Dieu peut rat­ta­cher au Corps mys­tique de l’Église, les âmes qui peuvent se sau­ver, tou­jours par le Corps mys­tique de l’Église.

Parce que c’est une erreur qui devient de plus en plus com­mune dans l’Église, on se fait une idée de l’Église qui est tout à fait inexacte. L’Église sans fron­tière, l’Église com­mu­nion, l’Église qui n’est pour ain­si dire plus une socié­té, qui est une espèce de groupe indé­fi­ni, impré­cis, dont les fron­tières s’étendent bien­tôt à tous les hommes. Tous les hommes plus ou moins impli­ci­te­ment feraient par­tie de l’Église ! C’est là une erreur grave. C’est une véri­table héré­sie ! Et c’est trom­per ceux qui devraient deve­nir des fidèles et man­quer de cha­ri­té à leur égard. Parce qu’ils peuvent s’imaginer par là, qu’il n’est pas néces­saire d’être bap­ti­sé pour être sauvé.

Ainsi l’Église rap­pelle au Portier qu’il doit accep­ter les fidèles et ne pas accep­ter les infidèles.

Et puis les Lecteurs eux auront pour rôle de lire les Écritures, de lire les Livres saints, publi­que­ment, à haute voix et par­ti­cu­liè­re­ment sur la demande du prêtre qui prêche, qui est char­gé de l’enseignement. Dans l’église, le Lecteur se char­ge­ra de lire l’Évangile, de lire les prières. Et à lui aus­si, il est deman­dé de don­ner l’exemple aux fidèles. L’Église lui dit : Vous êtes pla­cé sur un lieu éle­vé pour faire entendre la voix de Dieu aux fidèles. Soyez aus­si pla­cé sur un lieu éle­vé, dans la ver­tu. Soyez dans un degré éle­vé de ver­tu, afin de mani­fes­ter Notre Seigneur Jésus-​Christ aux fidèles et les aider à se sanctifier.

C’est déjà donc, voyez-​vous, un rôle apos­to­lique qui vous est don­né. Rôle apos­to­lique qui est une par­ti­ci­pa­tion encore de l’autorité de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et il est impor­tant, je pense, au moment où vous com­men­cez à par­ti­ci­per à cette auto­ri­té, à ce pou­voir, à ce minis­tère de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de vous accou­tu­mer à exer­cer l’autorité auprès des fidèles de la manière qui convient à l’autorité don­née par Notre Seigneur Jésus-​Christ, comme Notre Seigneur Jésus-​Christ le veut.

Il est bon pour cela de lire et de relire l’Évangile, de voir com­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ conseillait à ses apôtres de faire leur apos­to­lat ; com­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ exer­çait Luimême ses fonc­tions sacer­do­tales ; com­ment Il exer­çait son apos­to­lat. Pour bien voir com­ment vous devez vous-​même exer­cer le vôtre. Cela a une très grande impor­tance pour les fruits de l’apostolat.

Et les fidèles sans doute, ont besoin de notre minis­tère, ain­si l’a vou­lu Notre Seigneur. Notre Seigneur a vou­lu que son sacer­doce soit exer­cé par des membres choi­sis. Mais encore faut-​il que ce minis­tère soit exer­cé de la manière dont Notre Seigneur Jésus-​Christ le veut. Et non pas avec un sen­ti­ment que ce minis­tère vient de nous, qu’il nous appar­tient, que nous en sommes les déten­teurs par notre propre ver­tu et donc avoir une cer­taine hau­teur, presque un cer­tain dédain pour les fidèles. Avoir cette atti­tude ne convient pas du tout au prêtre, qui ne convient pas du tout à celui qui par­ti­cipe à l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous devons vivre tou­jours en pen­sant que ces dons que Notre Seigneur nous a don­nés, ne nous appar­tiennent pas. Ils ne sont pas à nous. Ils nous sont don­nés et il nous sera deman­dé aus­si, com­ment nous les avons gérés. Comment nous les avons uti­li­sés. Nous n’en sommes pas dignes. Alors n’oublions pas que ces dons ne nous appar­tiennent pas et que nous devons les exer­cer sans doute, dans l’esprit que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a don­né, avec toute l’autorité qui nous est don­née, mais aus­si, avec toute l’humilité que nous devons avoir vis-​à-​vis de Dieu et vis-​à-​vis des fidèles.

S’il est vrai que nous devons avoir une sain­te­té par­ti­cu­lière, une sain­te­té plus grande, parce que nous avons reçu ces dons qui exigent de nous une sain­te­té plus grande, nous ne devons pas oublier et nous le consta­tons com­bien de fois, que les fidèles ont des grâces encore plus abon­dantes que les nôtres. Non pas dans la par­ti­ci­pa­tion au sacer­doce, mais des grâces de sain­te­té. Alors ne croyons pas que parce que nous avons reçu ces dons, nous sommes dans l’état de per­fec­tion et que nous avons des droits qui nous per­mettent d’user et d’abuser de notre auto­ri­té vis-​à-​vis des fidèles.

Et cela a une très grande impor­tance, afin de répandre vrai­ment les grâces de l’Esprit Saint dans les âmes des fidèles en abon­dance et que les fidèles pro­fitent de ces grâces, qu’elles ne soient pas – je dirai – limi­tées, empê­chées, dimi­nuées par la manière dont nous don­nons ces grâces, d’une manière quelque peu orgueilleuse, quelque peu pleine de suf­fi­sance. Prenons garde, au moment où nous rece­vons des dons qui nous pré­parent à l’apostolat, qui nous donnent des pou­voirs sur les fidèles et des devoirs vis-​à-​vis des fidèles, eh bien pre­nons la réso­lu­tion d’imiter Notre Seigneur Jésus-​Christ ; d’imiter les apôtres ; d’imiter les saints qui ont exer­cé cet apos­to­lat, afin que vrai­ment notre apos­to­lat soit effi­cace. Efficace pour les fidèles et effi­cace pour nous aus­si, pour notre sanc­ti­fi­ca­tion. Car le minis­tère bien exer­cé – et c’est une conso­la­tion que j’ai par­fois de rece­voir des lettres de vos confrères qui sont main­te­nant dans l’apostolat, qui com­mencent leur apos­to­lat – et qui nous disent : Ah, je croyais que fai­sant de l’apostolat, je serais rapi­de­ment dans la séche­resse, dans un état spi­ri­tuel défi­cient et je m’aperçois, qu’au contraire, en fai­sant mon apos­to­lat et par­ti­cu­liè­re­ment mon apos­to­lat dans la confes­sion, le sacre­ment de péni­tence, je me sens au contraire encou­ra­gé, encou­ra­gé par des grâces par­ti­cu­lières que le Bon Dieu donne dans l’exercice de l’apostolat.

Alors ayez confiance. Si vous exer­cez votre apos­to­lat comme le Bon Dieu le veut, vous aurez des grâces par­ti­cu­lières, qui vous per­met­tront de faire du bien à ceux vers les­quels vous aurez été envoyés.

Demandez à la Vierge Marie, à notre bonne Mère du Ciel de répandre en abon­dance ses grâces dans vos âmes ce matin par la par­ti­ci­pa­tion aux grâces du sacer­doce de Notre Seigneur, tous ici pré­sents nous prions pour vous. Nous deman­dons à la Vierge Marie, d’être votre Mère, d’une manière encore plus par­ti­cu­lière puisqu’elle est la Mère du Prêtre éter­nel, donc elle devien­dra un peu plus encore votre Mère, par le fait que vous aurez reçu cette par­ti­ci­pa­tion au Sacerdoce de Notre Seigneur.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.