Homélie de la messe de funérailles de François Brunet le 24 déc. 2013 par M. l’abbé Jean de Lassus

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Monsieur le Curé,

Bien chers Monsieur et Madame Brunet,

Chers frères et soeurs de François,

Chères familles et amis du défunt,

Il n’est pas chose facile pour moi de trou­ver les paroles justes pour éle­ver vos coeurs dans un total aban­don et une sainte rési­gna­tion à la volon­té de Dieu.

Cher Monsieur, chère Madame, chers frères et soeurs, il faut pour­tant, comme nous le rap­pelle l’Épitre et l’Évangile, éle­ver nos coeurs et nos regards bien haut. Il y a encore dans la sainte Écriture beau­coup de phrases d’Espérance, beau­coup de phrases rem­plies de conso­la­tion sur la mort pré­ma­tu­rée de ces âmes justes. Le livre de la Sagesse nous dit : « les Âmes des justes sont dans les mains de Dieu. Leur sor­tie de ce monde semble un mal­heur et leur départ du milieu de nous un anéan­tis­se­ment, mais ils sont dans la paix. Le juste lors­qu’il meurt avant l’âge trouve le repos. Étant agréable à Dieu, il a été aimé de Lui, et comme il vivait par­mi les pécheurs, il a été trans­fé­ré. Il a été enle­vé de peur que la malice n’al­té­rât son intel­li­gence ou que la ruse ne per­ver­tît son âme. Son âme était agréable à Dieu, c’est pour­quoi le Seigneur s’est hâté de le reti­rer du milieu de l’i­ni­qui­té. Les peuples le voient, sans com­prendre les des­seins de Dieu sur lui, ni pour­quoi le Seigneur l’a mis en sureté. Ils oublient que la grâce de Dieu et sa misé­ri­corde sont avec ses élus et qu’Il a sou­ci de ses saints ».

! Pour trou­ver des paroles de récon­fort, je ne peux que me tour­ner vers François et vous racon­ter ce que j’ai vu et ce que j’ai enten­du ; vous faire le compte ren­du, don­ner le témoi­gnage de ce qu’il m’a confié. Je vou­drais rendre compte de mes entre­tiens de prêtre avec cette âme sainte. Et pour cela je com­men­ce­rai par ces der­niers ins­tants, cette der­nière semaine où l’o­bla­tion de lui-​même fut la plus totale et la plus parfaite.

Les prin­ci­pales étapes de la mala­die de François. 

Le 24 jan­vier 2012, François apprend qu’il est atteint d’une mala­die mor­telle : une leu­cé­mie aigüe. Quelques jours plus tard j’ai la grâce de lui don­ner l’extrême-​onction. Puis à l’hô­pi­tal de Toulouse, il sui­vit de nom­breuses séances de chimios. !

En juillet 2012, les méde­cins essayent une greffe de moelle osseuse. C’est une période très dif­fi­cile. Pendant 60 jours il sera reclus dans une toute petite salle. Il me dira que ce fut si dif­fi­cile que s’il devait recom­men­cer, il pense ne pas en avoir le cou­rage. Les années 2012 et 2013 sont des années dif­fi­ciles. Il y a des hauts et des bas dans sa maladie.

Début novembre 2013, il est hos­pi­ta­li­sé à Montauban pour une infec­tion des pou­mons puis trans­por­té à l’hô­pi­tal Larrey de Toulouse, où il arrive le 20 novembre. Les anti­bio­tiques essayés par les méde­cins, à trois reprises, ne montrent aucun effet. Aussi le ven­dre­di 6 décembre, les méde­cins convoquent les parents pour leur annon­cer que la mala­die fera son che­min, qu’ils ne peuvent plus rien faire et qu’il reste à François 15 jours à vivre.

Deux jours plus tard, le dimanche 8 décembre, je me rends auprès de Francois, lui apporte la com­mu­nion, je lui parle de la gra­vi­té de son état, je lui parle de la pos­si­bi­li­té de la mort et je l’in­vite à s’a­ban­don­ner tota­le­ment à la volon­té de Dieu. Dieu peut le gué­rir, Dieu peut le rap­pe­ler à Lui, que sa volon­té soit faite. En lui par­lant de la gra­vi­té de son état je lui pro­pose de rece­voir l’extrême-​onction, comme il l’a­vait reçu une pre­mière fois et qui lui avait alors appor­té tant de grâces.

Le 10 décembre, François fait une confes­sion géné­rale, reçoit la com­mu­nion, l’extrême-​onction, et fait en pré­sence de ses parents l’acte d’ac­cep­ta­tion de la mort.

Le jeu­di 12 décembre débute une neu­vaine de prières et de messe à l’Enfant Jésus de Prague pour deman­der, s’il plait à Dieu, la gué­ri­son de François, ou s’il plait plus encore à Dieu, qu’il meure saintement.

Le 13 puis 14 décembre, je passe le voir et lui apporte la communion.

Dans la der­nière semaine, le lun­di 16 il rece­vra la visite des Capucins d’Aurenque qui le confes­se­ront pour la der­nière fois. Puis le mer­cre­di 18, l’ab­bé Espi le visite, lui apporte la com­mu­nion. Il est frap­pé de sa paix et de sa grande sim­pli­ci­té. Ce même jour la res­pi­ra­tion de François devient plus dif­fi­cile ; il faut encore aug­men­ter l’oxygène.

Le jeu­di 19 décembre au soir, je me rends à son che­vet pour une conver­sa­tion longue, sur­ement la plus impor­tante et la plus mar­quante pour lui. Je passe trois heures avec lui de 19h30 à 22h30. Il me dit consta­ter que sa mala­die pro­gresse. Je lui dis que les méde­cins lui cache­ront qu’il n’y a plus d’es­poir. Il doit le com­prendre par lui-​même. Je lui dis qu’il faut qu’il puisse par­ler de la mort ; la mort n’est pas un anéan­tis­se­ment pour le chré­tien, mais c’est une nou­velle vie. Je l’in­vite sur­tout à ne pas se lais­ser mou­rir, à ne pas lais­ser le bon Dieu prendre sa vie, mais à la Lui don­ner, à la Lui offrir. Il me dit ne pas avoir peur de la mort. Alors suit toute une dis­cus­sion qu’il serait trop long de rap­pe­ler ici. Nous par­lons du ciel, de Dieu, de la beau­té de Dieu, de la Foi, de cette parole du Christ en Croix qui le frap­pe­ra par­ti­cu­liè­re­ment : Père entre vos mains je remets mon esprit. Nous par­lons du cou­rage des mar­tyrs pour affron­ter la mort et je lui dis qu’il faut que, lui aus­si, il ait le même cou­rage qu’eux et que fina­le­ment sur son lit d’hô­pi­tal c’est un peu un petit mar­tyr. Il me répond que non, il n’est pas mar­tyr car il n’en a pas les souf­frances. Avant de le quit­ter je lui recom­mande de prendre et de ser­rer son cha­pe­let dans ses mains s’il se sent angois­sé. Enfin après lui avoir don­né la béné­dic­tion des malades, je le quitte vers 22h30.

Le len­de­main matin, la res­pi­ra­tion de Francois a encore bais­sé. L’assistance res­pi­ra­toire est à son maxi­mum. Mme Brunet aver­tie par les méde­cins de l’é­tat de son fils quitte l’é­cole et se rend à son che­vet. Je célèbre tout de suite la messe pour François puis je me rends à l’hô­pi­tal avec le Saint Sacrement. Je lui donne la com­mu­nion sous la forme du Viatique. Ce sera sa der­nière com­mu­nion. Je lui donne ensuite la béné­dic­tion avec indul­gence plé­nière à l’ar­ticle de la mort et je reste là seul envi­ron une heure avec lui. Il est calme mais semble plus son­geur que la veille au soir. Il me dit ne pas avoir dor­mi, il n’a pas faim et dit ne pas être angois­sé. Je lui demande si les méde­cins sont venus le voir. Il me répond que oui et qu’il a com­pris qu’il n’y avait plus rien à faire : « je n’ai plus qu’à attendre ». Je l’in­vite alors à se confier à la très Sainte Vierge Marie et à saint Joseph. Je lui pro­pose de se consa­crer tout entier à Jésus par les mains de Marie selon la for­mule de saint Louis-​Marie Grignon de Montfort, consé­cra­tion qu’il n’a­vait pas faite (mise à part la consé­cra­tion que ses parents avait faite à Marie le jour de son saint Baptême). Il me dit être très pai­sible, espé­rer ren­trer chez lui pour Noël. Je le quitte le lais­sant dans une grande paix et un grand aban­don à la volon­té de Dieu.

Le der­nier jour… 

Pendant la nuit, François est veillé par sa soeur Angèle jus­qu’au matin où il se réveille tou­jours aus­si pai­sible. Dans l’après-​midi il com­mence à être agi­té et demande lui-​même qu’on récite le cha­pe­let. C’est alors que deux rosaires seront réci­tés à ses côtés. Ils lui appor­te­ront une grande paix. Vers 16h30 je suis aver­ti par la famille que François est au plus mal. Je me rends à son che­vet avec le Saint Sacrement. Sa famille l’en­toure. Je me place à sa droite, sa maman est à sa gauche et il tient nos deux mains res­pec­tives. Il est calme et rési­gné. Sa res­pi­ra­tion est rapide. Nous prions autour de lui et réci­tons un cha­pe­let, les lita­nies de la Sainte-​Vierge et quelques autres prières que François aiment particulièrement.

Vers 17h30 il demande le silence. Je pro­fite alors de ce moment pour réci­ter les prières de recom­man­da­tion de l’âme à Dieu. François nous dit souf­frir. Il est tout en sueur. Sa bouche est sèche mais il ne peut pas boire. Il ne sup­porte plus la lumière et garde les yeux fer­més. Je lui indique que j’ai appor­té le Saint Sacrement mais il me répond qu’il ne peut rece­voir Jésus car il ne peut ava­ler. Je l’in­vite alors à se confier à son Dieu qui est si près de lui et à poser sa main sur la bourse que je porte sur moi. Il parle peu, prie avec nous des lèvres.

Vers 17h45 il appelle ses parents et dans un acte magni­fique d’hu­mi­li­té il leur demande par­don de toutes les offenses qu’il a pu leur faire. Puis il demande qu’on appelle le méde­cin. À ce moment-​là aus­si il offre sa vie pour sa famille, ses parents, ses frères et soeurs, ses oncles et tantes, cou­sins et cou­sines, il dit aus­si l’of­frir pour les prêtres, le Pape et pour son école bien aimée, l’é­cole Saint Joseph des Carmes.

Il est dans une grande paix inté­rieure. Il nous demande de lui don­ner son cha­pe­let, le cha­pe­let de Terre Sainte qui a tou­ché tous les lieux où Notre-​Seigneur a tant souf­fert. De lui-​même il lâche ma main et celle de sa maman, et il joint ses mains sur sa poi­trine tenant son cha­pe­let. Puis il demande qu’on dépose dans ses mains les reliques des saints qui lui avaient été confiées. Il est par­fai­te­ment conscient et dans une grande paix. Il sait ce qu’il veut et il sait ce qu’il fait. Il nous demande alors de lui lire les paroles de Notre Dame de Guadalupe à Juan Diego. Prière magni­fique qu’il n’a ces­sé de relire les deux jours qui ont pré­cé­dé sa mort.

« Mon cher petit, dit la Sainte-​Vierge, écoute ce que je vais te dire et laisse le péné­trer dans ton cœur : ne laisse jamais quoique ce soit te décou­ra­ger, te dépri­mer. Que rien n’al­tère ton cœur, ni ton com­por­te­ment. Ne redoute, non plus, ni la mala­die, ni les contra­rié­tés, ni l’in­quié­tude, ni la dou­leur. Ne suis-​je pas ici, moi, ta Mère ? N’es-​tu pas sous mon ombre et ma pro­tec­tion ? Ne suis-​je pas ta fon­taine de vie ? N’es-​tu pas dans les plis de mon man­teau, au creux de mes bras ? Que te faut-​il de plus ?»

Quand le méde­cin arrive, François, à la stu­pé­fac­tion de tous, demande qu’on donne la sta­tue de l’Enfant-​Jésus de Prague qu’il a tant aimé et tant prié au cours de sa vie, au méde­cin non croyant qui a eu soin de son corps pen­dant sa mala­die et les der­niers ins­tants de sa vie.

Voyant que sa fin est proche, je dépose le Saint Sacrement sur son cœur, et je lui indique de s’of­frir tout entier à Jésus par les mains de Marie, ce Jésus qu’il a tant aimé et qui repose sur lui. C’est alors que de lui-​même, il com­mence cette pre­mière parole : « Mon Dieu, je remets mon âme entre vos mains. » Puis cette seconde parole : « Jésus, Marie, Joseph, je vous aime » en insis­tant sur ces der­niers mots « de tout mon cœur ». Et il conti­nue : « Jésus, Marie, Joseph faites que je meure en paix en votre sainte com­pa­gnie ». C’est alors que tout dou­ce­ment sa tête s’in­cli­nant, comme Notre-​Seigneur en croix, il dit un der­nier mot que je pour­rai lire sur ses lèvres « Jésus », et remet sa belle âme à Dieu.

Comment François en est arri­vé là ? 

Chers parents, chères familles, chers fidèles, c’est une grâce de pou­voir être témoin d’une si belle scène. C’est encore plus une grâce, que de comp­ter cette âme si belle par­mi notre famille ou notre connaissance.

Vous le savez comme moi, la mort est la signa­ture d’une vie. Et si François est arri­vé si haut, ce n’est nul­le­ment un hasard. Aussi je vou­drais pour ter­mi­ner vous mon­trer com­ment, dans la vie de François, le bon Dieu a tout pré­pa­ré pour per­mettre à ce gar­çon de 19 ans de faire le don total de lui-​même à Dieu par les mains de Marie.

Si nous cher­chons dans la vie de François quelque chose d’ex­tra­or­di­naire, c’est en vain que nous cher­che­rons. Car d’ex­tra­or­di­naire dans sa vie il n’y a peut-​être que sa mort. Cependant, trois choses res­sortent, trois choses qui ont for­gé mon admi­ra­tion pour cette âme. Trois choses dont le bon Dieu va se ser­vir pour conduire François jus­qu’à ce som­met de sain­te­té par l’of­frande de sa vie.

Une grande sim­pli­ci­té, source de sa joie continuelle. 

La pre­mière c’est une grande sim­pli­ci­té. Ceux qui ont côtoyé cette âme ont comme moi été très frap­pé par cette âme si simple. La sim­pli­ci­té de François fut la source de sa joie conti­nuelle même pen­dant sa mala­die. François était une âme simple en ce sens qu’il n’y avait en lui aucune dupli­ci­té. Il allait droit au but et quelques fois, comme il le disait lui­même d’ailleurs, bien mal­adroi­te­ment. Il était sans com­pli­ca­tion. Dans sa mala­die, il a espé­ré la gué­ri­son tant qu’il pou­vait l’es­pé­rer ; il s’est mon­tré rési­gné quand la volon­té de Dieu lui a mani­fes­té qu’il devait mou­rir. C’était aus­si une âme simple au sens moral, une âme humble. Il savait recon­naître ses imper­fec­tions, ses limites et il m’en par­lait avec une grande sim­pli­ci­té. Il me disait ain­si qu’il n’é­tait pas intel­lec­tuel, qu’il serait plu­tôt manuel mais en même temps très mal­adroit de ses mains. Qu’il était très impa­tient et colé­rique avant sa mala­die. Nous avons une âme d’en­fant en ce gar­çon, nous avons une can­deur. C’est cette sim­pli­ci­té enfan­tine, qui donne tout son éclat à son humi­li­té et toute sa pure­té à sa cha­ri­té. Nous pou­vons rendre grâce à Dieu d’a­voir fait de cette âme un véri­table miroir de sa grâce. François fut une âme si simple que Dieu pu se reflé­ter, reflé­ter la beau­té de sa grâce dans son âme enfantine.

Un aban­don à la volon­té de Dieu, source de sa paix profonde. 

Le deuxième moteur de l’as­cen­sion de cette âme était un grand aban­don aux cir­cons­tances de la vie. François n’é­tait pas com­pli­qué, il était même faci­le­ment rési­gné à toutes les cir­cons­tances que le bon Dieu avait pré­vues pour lui. Et c’est là la source d’une deuxième de ses grandes ver­tus : la paix. C’était une âme joyeuse et pai­sible du fait de sa conti­nuelle rési­gna­tion à la volon­té de Dieu mani­fes­tée dans les évè­ne­ments de sa vie.

Pour ceux qui l’ont bien connu, cet aban­don dans les cir­cons­tances était par­fois chez lui, il est vrai, un défaut. C’était une sorte de non­cha­lance, de paresse. Il le disait lui-​même. Et nous voyons pour­tant com­ment Dieu va, mal­gré cette imper­fec­tion, faire triom­pher sa grâce et mani­fes­ter la force cachée de cette âme.

Cette rési­gna­tion dans les cir­cons­tances de la vie appa­rait dès sa jeu­nesse, notam­ment dans les moque­ries qu’il aura à subir à l’é­cole, lui qui est mal­adroit, lui qui est un peu gros ( on lui don­ne­ra d’ailleurs comme sur­nom, il me le disait en riant et sans amer­tume, le « petit gros »). Résignation à ces moque­ries, patience dans les dif­fi­cul­tés de la vie, accep­ta­tion des contraintes de la mala­die. Quand auprès de lui je m’é­tonne de le voir tou­jours si sou­riant, patient et de bonne humeur, alors que cela fait un mois qu’il est sur son lit d’hô­pi­tal, il me répond : « c’est comme çà, que voulez-​vous que je fasse sinon accep­ter ». Les infir­mières, les méde­cins seront frap­pés de cette joie, de ce calme, de cette résignation.

Cette accep­ta­tion totale, cet aban­don aux cir­cons­tances de la vie, cette rési­gna­tion à la volon­té de Dieu, nous avons vu aus­si com­ment dans les der­niers ins­tants de sa vie, elle est deve­nue une force extra­or­di­naire dans l’âme de cet enfant. Il accepte la mort, il offre sa vie. Dans cette der­nière semaine, dans les jours qui ont pré­cé­dés sa mort, François a écrit une lettre. Cette lettre, il semble l’a­dres­ser tout spé­cia­le­ment à une de ses soeurs, qui doit trou­ver en cela une grande conso­la­tion au fait de n’a­voir pas été pré­sent aux der­niers ins­tants de son frère. Voilà ce que François a écrit quelques jours avant sa mort : « tout a com­men­cé un 24 jan­vier. Pourquoi cette mala­die m’a tou­ché ? Je ne sais pas, mais je sais que c’est pour me rendre plus patient, car main­te­nant j’ai cette mala­die, je l’ai, je l’ac­cepte. » Nous voyons en ces quelques mots écrit de sa main le témoi­gnage de sa grande rési­gna­tion devant la réa­li­té qui n’est autre que la volon­té de Dieu.

Un pro­fond amour de Dieu et des âmes. !

À cette sim­pli­ci­té et à cet aban­don vient s’a­jou­ter un très grand amour de Dieu. Je pense que c’est là la rai­son pour laquelle le Bon Dieu a fait de François un trans­pa­rent de Sa Sainteté. François était ani­mé d’un très pro­fond amour de Dieu. Nous pou­vions le voir un peu quand on par­lait avec lui des réa­li­tés célestes. Cet amour se mani­fes­tait aus­si dans la joie qu’il avait à ser­vir la messe tous les dimanches. Il m’a dit com­bien il aimait la messe, cette même messe dans les­quelles sont célé­brées ses funé­railles. Il dira son cha­pe­let tous les jours. Quand je lui deman­dais quelle était sa grande dévo­tion, quel saint il aimait par­ti­cu­liè­re­ment, il répon­dra : « la Sainte Vierge, et aus­si un peu mon saint Patron, saint François ». Il se confes­se­ra régu­liè­re­ment. Il aura sou­cis de la conver­sion des âmes, notam­ment du per­son­nel soi­gnant de l’hô­pi­tal. Il n’hé­site pas d’ailleurs à leur par­ler de sa Foi.

Il sau­ra en toutes choses aimer le bon Dieu et se rési­gner à sa volon­té. Nous voyons cela dans les der­niers mots de cette même lettre écrite peu avant de mou­rir : « cela est pareil pour la greffe (je l’ac­cepte) car pen­dant ma chi­mio, j’é­tais avec un jeune gar­çon qui avait la même mala­die que moi et il se posait lui aus­si les mêmes ques­tions, pour­quoi il a eu cette mala­die. Il avait du mal à l’ac­cep­ter, il n’é­tait pas croyant, donc il n’a­vait pas de but, que moi je me dis que toutes ces souf­frances, toute cette mala­die je l’offre pour les autres, pour moi, pour faire plai­sir au Bon Dieu…»

Nous avons dans ces der­niers mots toute l’at­ti­tude d’âme de François. Il accepte tout pour faire plai­sir au Bon Dieu. Moi qui ai eu la tâche dif­fi­cile de lui annon­cer que sa mala­die le condui­rait pro­ba­ble­ment à la mort, et de lui faire com­prendre que sa mala­die le condui­rait au ciel, j’ai vu aus­si sa grande rési­gna­tion quand il com­prit qu’il n’y avait plus d’es­poir de gué­ri­son. Quant au début il fal­lait lui par­ler de la pos­si­bi­li­té de la mort, on sen­tait qu’il ne pou­vait s’y résoudre puis­qu’il y avait encore de l’es­poir. Et jus­qu’à l’avant-​veille de sa mort il mani­fes­te­ra encore cet espoir. Mais quand vien­dra la com­pré­hen­sion par­faite du sacri­fice que Dieu attend de lui, alors c’est le Fiat le plus total et le plus rési­gné. Puisqu’il aime Dieu, il aime aus­si la volon­té de Dieu sur lui. !

Voilà donc ce qui a pré­pa­ré une mort si sainte. Voilà cette ascen­sion pos­sible par les trois ver­tus de ce jeune gar­çon : cette sim­pli­ci­té, cet aban­don à la volon­té de Dieu et ce pro­fond amour de Dieu. Ces trois ver­tus se mani­fes­te­ront dans les épreuves par une grande joie, une grande paix et une grande cha­ri­té. Charité pour Dieu d’a­bord et cha­ri­té pour les siens en cette der­nière parole qu’il leur dira : « je vous emporte tous dans mon cœur ».

Alors que vous dire chers parents, que vous dire chers frères et soeurs, chers fidèles en conclu­sion. ! Que dire ? J’ose le mot : nous devons dire MERCI.

Merci pour cette mort si sainte, et mer­ci à la grâce de Dieu d’a­voir conduit cette âme à ce som­met de sain­te­té qu’est la rési­gna­tion par­faite à la volon­té de Dieu dans l’of­frande de sa vie. François a dit son Fiat. Chers parents, chers frères et soeurs vous devez dire votre Magnificat.

Que faire ? Il nous faut bien sûr prier pour lui. Même si le bon Dieu nous a don­né d’être les témoins d’une mort digne de celle des saints, François avait pour sa part conscience de ses péchés, voi­là pour­quoi il a deman­dé par­don à ses parents. Il nous faut donc prier pour lui. Que la misé­ri­corde de Dieu se répande, si ce n’est déjà fait, le plus vite pos­sible sur son âme. Mais je veux encore dire un mot d’es­pé­rance, et pour cela j’ose un deuxième mot : il faut PRIER François. Il faut le prier pour que nous puis­sions bien l’i­mi­ter. Le Bon Dieu a per­mis que dans ses der­niers ins­tants, il soit véri­ta­ble­ment un trans­pa­rent de Dieu. François avait la joie de la crèche et sa sim­pli­ci­té ; le Bon Dieu lui a don­né la force et l’ab­né­ga­tion du cal­vaire. En ce temps de l’Avent, en ce jour de la Vigile de cette Nativité si rem­plie de sim­pli­ci­té, deman­dons lui, deman­dons à Dieu, deman­dons à la très Sainte Vierge Marie qu’ils nous donnent cette sim­pli­ci­té et cette cha­ri­té qui conduisent à un amour par­fait de Dieu.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Ainsi soit-​il.

Abbé Jean de Lassus, prêtre de la Fratrernité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Ecole Saint-​Joseph-​des-​Carmes/​LPL/​La Croix de Saint-​Gilles n° 126