Lettre n° 30 de l’abbé Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de février 1986

« Deus, vene­runt gentes in hære­di­ta­tem tuam,
pol­lue­runt tem­plum sanc­tum tuum,
posue­runt Jérusalem in pomo­rum custodiam ».
(Ps. 78,1)
O Dieu, les païens ont enva­hi votre héritage,
ils ont pro­fa­né votre saint temple,
ils ont fait de Jérusalem un mon­ceau de pierres.

Chers Amis et Bienfaiteurs,

es semaines et les mois pas­sés ont été dra­ma­tiques pour l’Eglise. Le Synode extra­or­di­naire qui s’est dérou­lé à Rome du 25 novembre au 8 décembre 1985 a confir­mé Vatican II avec toutes ses erreurs et ambi­guï­tés, en dépit du désastre qu’elles ont entraî­né depuis vingt ans. Voici ce qu’on peut lire dans le rap­port final de syn­thèse : « Unanimement et avec joie aus­si nous avons véri­fié que le Concile Vatican II est une expres­sion, légi­time et valable, et une inter­pré­ta­tion du dépôt de la foi, tel qu’il est conte­nu dans l’Ecriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Eglise ». Citons ensuite : « Unanimement, nous avons célé­bré le Concile Vatican II comme une grâce de Dieu et un don de l’Esprit-Saint : il s’en répan­dit de nom­breux fruits spi­ri­tuels pour l’Eglise uni­ver­selle comme pour les Eglises par­ti­cu­lières, ain­si que pour les hommes de notre temps ».

Et le 25 jan­vier, le Pape, dans un ser­mon don­né en la basi­lique Saint-​Paul-​Hors-​les-​Murs, invite toutes les reli­gions à Assise pour prier ensemble pour la paix.

Il suf­fit de jeter un regard sur les évé­ne­ments des trois der­nières années pour voir à quel point nous nous appro­chons main­te­nant de l’établissement d’une grande reli­gion uni­ver­selle sous la pré­si­dence du Pape, avec le seul dogme de la liber­té, éga­li­té et fra­ter­ni­té de la révo­lu­tion fran­çaise et des loges maçonniques.

1. Le nou­veau Droit Canon, pro­mul­gué par le Pape lui-​même le 25 jan­vier 1983, abo­lit l’état clé­ri­cal. Dorénavant, l’Eglise est le « peuple de Dieu » dans un sens pro­tes­tant et éga­li­taire, sans subor­don­nés et sans chefs. La hié­rar­chie n’est qu’un « ser­vice » ; selon l’exposé de Jean-​Paul II dans sa Constitution, l’Eglise se défi­nit comme une « com­mu­nion » et par son « sou­ci de l’œcuménisme ». Le canon 844 per­met expres­sé­ment l’intercommunion, le canon 204 mélange le sacer­doce du prêtre avec le sacer­doce spi­ri­tuel des laïcs, etc.

2. Le dimanche 11 décembre 1983, le Pape prêche dans une église pro­tes­tante de Rome, et ceci après s’y être invi­té plus ou moins lui-même.

3. L’évêque de Sherbrooke au Québec (Canada) a invi­té à plu­sieurs reprises les pro­tes­tants dans sa cathé­drale pour leur fausse ordi­na­tion. Il a lui-​même par­ti­ci­pé à une de ces céré­mo­nies et a reçu la « com­mu­nion » de la main d’une pas­to­resse nou­vel­le­ment ordonnée.

4. Le 18 février 1984, un nou­veau concor­dat est conclu entre le Saint Siège et l’Italie : désor­mais en appli­ca­tion de la décla­ra­tion conci­liaire sur la liber­té reli­gieuse, l’Italie n’est plus un Etat catho­lique, mais un Etat laïc, c’est-à- dire athée ; d’après le même docu­ment, Rome n’est plus la Ville sainte !

5. Le 10 mai 1984, le pape visite un temple boud­dhiste en Thaïlande, il se déchausse et s’assied au pied du bonze boud­dhiste, assis lui-​même devant l’autel où se trouve une grande sta­tue de Bouddha.

6. Dans leur lettre pas­to­rale du 16 sep­tembre 1984, les évêques suisses arrivent à cette conclu­sion impor­tante que « Le désir de rece­voir ensemble le même pain à la même table, c’est-à-dire le désir que la messe et la cène ne soient plus célé­brées sépa­ré­ment, vient de Dieu ». « Il faut cepen­dant envi­sa­ger avec pru­dence le moment où nous allons réa­li­ser ce désir », ajoutent les évêques. De plus ils ont sou­te­nu un pro­jet de loi visant à chan­ger le droit matri­mo­nial et qui détruit, ni plus ni moins, le mariage et la famille. Et bien, grâce à leur sou­tien, ce nou­veau droit matri­mo­nial a été accep­té en Suisse le 22 sep­tembre 1985. Une fois de plus, les évêques s’avèrent être non seule­ment les fos­soyeurs de l’ordre sur­na­tu­rel, mais même de l’ordre natu­rel éta­bli par Dieu.

7. L’épiscopat fran­çais conti­nue à impo­ser le caté­chisme héré­tique Pierres vivantes pour l’instruction reli­gieuse, au grand détri­ment des enfants. « Mais celui qui scan­da­li­se­ra un de ces petits qui croient en moi, il vau­drait mieux pour lui qu’on lui atta­chât au cou la meule qu’un âne tourne, et qu’on le pré­ci­pi­tât au fond de la mer » (Mtt. 18, 6).

8. Une décla­ra­tion com­mune du Cardinal Höffner et de M. Lohse, pré­sident du conseil de l’Eglise Evangélique d’Allemagne, signée le 1er jan­vier 1985, accorde aux époux des mariages mixtes la liber­té de se marier, de faire bap­ti­ser leurs enfants et de les éle­ver dans l’une ou l’autre Eglise. Or le Droit Canon de 1917, canon 2319, punit cha­cun de ces trois crimes d’une excom­mu­ni­ca­tion spéciale.

9. Dans son livre Entretien sur la Foi (1985), le Cardinal Ratzinger pré­tend que les autres reli­gions sont à la rigueur des moyens « extra­or­di­naires » de salut. Non, Eminence, Jésus-​Christ seul, Lui tout seul, est la Voie, la Vérité et la Vie ; per­sonne ne vient au Père que par Lui !

10. Dans une note sur la pré­sen­ta­tion du judaïsme dans la caté­chèse, publiée le 24 juin 1985, le Cardinal Willebrands pré­tend que nous atten­dons le Messie avec les Juifs ! Et il se réfère au Pape lui-​même, qui a décla­ré devant les Juifs, le 17 novembre 1980 à Mayence, que l’Ancienne Alliance n’est pas encore abolie.

11. Durant l’été 1985, le Vatican envoie un délé­gué offi­ciel à la pose de la pre­mière pierre d’une nou­velle mos­quée géante à Rome.

12. En août 1985, il pro­clame aux jeunes musul­mans à Casablanca que nous chré­tiens, nous ado­rons le même Dieu qu’eux – comme s’il y avait une très Sainte Trinité et une Incarnation de Dieu dans l’Islam ! – Peu de jours après, il se rend, avec des prêtres ani­mistes et leur escorte, à la péri­phé­rie de Lohomay, à un culte dans la « forêt sainte » où l’on évoque « la force de l’eau » et les âmes divi­ni­sées des ancêtres. Et au moins deux fois, à Kara et à Togoville – à Kara avant la sainte Messe ! – il verse de l’eau et jette de la farine de maïs dans le fond sec d’une écorce de courge, geste par lequel on pro­fesse une croyance reli­gieuse fausse.

13. Une com­mis­sion catholique-​évangélique, consti­tuée pour clô­tu­rer la visite du Pape en Allemagne en 1980, déclare dans son rap­port final publié le 24 jan­vier 1986 qu’il n’y a plus de diver­gences entre les deux confes­sions en ce qui concerne la jus­ti­fi­ca­tion, l’eucharistie, le sacer­doce et la papau­té. Il n’échappe pas à un obser­va­teur atten­tif qu’on pro­clame ici ouver­te­ment la reli­gion uni­fiée œcuménique.

14. Et main­te­nant, le 25 jan­vier 1986, il appelle toutes les reli­gions à se réunir à Assise pour une prière de paix en automne. Selon les jour­naux, la date du 24 octobre, anni­ver­saire de la fon­da­tion de l’ONU, pour­rait être choi­sie. – « Quel Dieu vont donc prier ceux qui nient expres­sé­ment la divi­ni­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? C’est là une véri­table insi­nua­tion du diable », com­mente Monseigneur Lefebvre.

15. Enfin, au cours du voyage en Inde, le Pape ne parle que de dia­logue, de com­pré­hen­sion mutuelle des reli­gions, afin de pro­mou­voir en com­mun la fra­ter­ni­té humaine et le bien-​être social.

Croyez-​vous, bien chers amis, que cet expo­sé soit pour nous un mes­sage joyeux ? C’est rem­pli de dou­leur que nous l’avons rédi­gé, dans le seul sou­ci du bien de la sainte Eglise. De même, nous sommes loin de vou­loir juger le Pape. – Nous lais­sons volon­tiers cette tâche déli­cate à un juge­ment ulté­rieur de l’Eglise. Nous ne fai­sons pas par­tie de ceux qui déclarent hâti­ve­ment le siège papal vacant, mais nous nous lais­sons conduire par l’Histoire de l’Eglise. Le Pape Honorius fut ana­thé­ma­ti­sé par le VIe Concile œcu­mé­nique à cause de ses faux ensei­gne­ments, mais jamais on n’a pré­ten­du que Honorius n’était pas Pape. Cependant, il nous est impos­sible de fer­mer les yeux devant les faits.

Et les ins­truc­tions secrètes des Carbonari ain­si que leur cor­res­pon­dance, vers 1820, sont aus­si des faits ! Nous y lisons : « Le tra­vail que nous allons entre­prendre (…) peut durer plu­sieurs années, un siècle peut-​être (…) Ce que nous devons cher­cher et attendre, comme les Juifs attendent le Messie, c’est un pape selon nos besoins (…) Avec cela, pour bri­ser le rocher sur lequel Dieu a bâti son Eglise, (…) nous avons le petit doigt du suc­ces­seur de Pierre enga­gé dans le com­plot (…). Pour nous assu­rer un pape dans les pro­por­tions vou­lues, il s’agit d’abord de lui façon­ner (…) une géné­ra­tion digne du règne que nous rêvons (…). Faites vous une répu­ta­tion de bon catho­lique (…). Cette répu­ta­tion don­ne­ra faci­le­ment accès à nos doc­trines par­mi le jeune cler­gé (…). Dans quelques années, ce jeune cler­gé aura, par la force des choses, enva­hi toutes les fonc­tions (…) ; il sera appe­lé à choi­sir le Pontife (…) et ce Pontife, comme la plu­part de ses contem­po­rains, sera néces­sai­re­ment (…) imbu des prin­cipes (…) huma­ni­taires que nous allons mettre en circulation ».

« Nous devons (…) arri­ver, par de petits moyens bien gra­dués (…), au triomphe de l’idée révo­lu­tion­naire par un pape (…). Ce pro­jet m’a tou­jours paru d’un cal­cul surhumain ».

Bien plus, nous lisons dans le petit exor­cisme de Léon XIII, en sa ver­sion ori­gi­nale : « voi­ci que des enne­mis très rusés ont rem­pli d’amertume l’Eglise, épouse de l’Agneau imma­cu­lé, l’ont abreu­vée d’absinthe, ils ont jeté des mains impies sur tout ce qui est dési­rable en elle. Là où le Siège du bien­heu­reux Pierre et la Chaire de la véri­té fut éta­blie comme une lumière pour les nations, là ils ont posé le trône de l’abomination de leur impié­té ; afin que, le pas­teur une fois frap­pé, ils puissent dis­per­ser le troupeau ».

Que faire, face à cette situa­tion, humai­ne­ment par­lant, déses­pé­rée ? Prier, tra­vailler et souf­frir avec l’Eglise. Nous fai­sons ce qui est en notre pou­voir, et cela signi­fie avant tout, selon nos sta­tuts, la for­ma­tion de saints prêtres pour l’Eglise. Les ordi­na­tions de la Reja (Argentine), le 1er dimanche de l’Avent, 1er décembre, aux­quelles Mgr de Castro Mayer et quatre de ses prêtres ont éga­le­ment par­ti­ci­pé, a éle­vé le nombre total des nou­veaux prêtres ordon­nés pour la Fraternité en 1985, au nombre de 30. C’est beau­coup et en même temps peu si l’on consi­dère tous les appels au secours urgents qui affluent du monde entier.

Il y a quelques semaines seule­ment, nous avons pu ouvrir une nou­velle mai­son au Gabon. Bientôt les deux pre­miers de nos prêtres s’établiront au prieu­ré que nous venons d’acquérir avec une église à Santiago du Chili. D’autres nou­velles fon­da­tions sont en vue, au cours de cette année : en Inde, en Nouvelle Zélande et pro­ba­ble­ment au Brésil. Nos édi­fices exté­rieurs ne sont rien d’autre que des signes de la construc­tion inté­rieure du Corps Mystique de Jésus-​Christ, son Eglise. C’est pour­quoi nous ouvri­rons, en automne, un sémi­naire en France, car Ecône ne suf­fit plus à accueillir les nom­breuses voca­tions qui y affluent.

Mais ce sont aus­si nos Sœurs fidèles col­la­bo­ra­trices de notre apos­to­lat dans les mai­sons de retraite et les prieu­rés, qui pré­voient de nou­velles fon­da­tions : elles pren­dront en charge le novi­ciat qui existe déjà auprès de notre sémi­naire argen­tin de La Reja ; et au mois de juillet, elles fon­de­ront un novi­ciat de langue anglaise à Armada (Michigan, Etats-​Unis). Un novi­ciat de langue alle­mande devrait naître en 1987.

Chers amis et bien­fai­teurs ! Soyez fermes dans la foi, gar­dez l’espérance chré­tienne, nour­ris­sez la cha­ri­té divine ! C’est de sain­te­té, et d’elle seule, que le monde a besoin aujourd’hui : sain­te­té des prêtres et des reli­gieux et reli­gieuses, sain­te­té dans la famille et le mariage, sain­te­té de la jeu­nesse et de la vieillesse. « Je char­ge­rai mes enfants de croix », a dit la très Sainte Vierge à Fatima, et elle a ajou­té : « nom­breuses et lourdes ». Sans aucun doute, notre office est de semer aujourd’hui en tri­bu­la­tions ce que d’autres demain pour­ront récol­ter en joies. Les épreuves actuelles trou­ve­ront une fin. Tôt ou tard, le moder­nisme pro­gres­siste s’écroulera comme un châ­teau de cartes. Préparons dès aujourd’hui l’avenir qui appar­tient au Christ et à sa Très Sainte Mère.

Ne vous lais­sez pas non plus abu­ser par de faux pro­phètes : fausses appa­ri­tions et révé­la­tions, qui repré­sentent sou­vent un grave dan­ger pour la foi, de même que le mou­ve­ment pen­te­cô­tiste et les machi­na­tions cha­ris­ma­tiques. L’antique caté­chisme, le cha­pe­let, la vraie Messe et les sacre­ments non fal­si­fiés, tels sont les moyens que Dieu lui-​même nous a don­nés sur notre route vers le ciel.

Nous comp­tons bien sûr tou­jours sur votre aide cha­ri­table, afin de pou­voir faire face aux dépenses énormes de chaque jour. Cherchez à apai­ser les dou­leurs de l’Eglise qui saigne de mille bles­sures, par une géné­reuse aumône de carême en faveur de nos dif­fé­rentes ins­ti­tu­tions. L’aumône, jointe au jeûne, efface les péchés comme l’eau éteint le feu.

Nous vous por­tons tous dans notre cœur sacer­do­tal. La cha­ri­té du Christ nous fait demeu­rer jour et nuit auprès de vous et de vos familles regrou­pées pour la prière dans nos cha­pelles et mis­sions dis­per­sées de par le monde. Qu’ainsi le Dieu tout-​puissant, Père, Fils et saint-​Esprit vous bénisse et vous protège !

Rickenbach, le ven­dre­di du Sacré-​Cœur, 7 février 1986

Abbé Franz Schmidberger, Supérieur Général de la FSSPX

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