Lettre n° 73 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’octobre 2008

Chers amis et bienfaiteurs,

ette lettre aurait vou­lu avant tout vous livrer quelques nou­velles concer­nant la vie interne de la Fraternité. Cependant, l’ac­tua­li­té plus géné­rale de l’Eglise et en par­ti­cu­lier des déve­lop­pe­ments en faveur de la Tradition nous obligent à nous arrê­ter davan­tage à des sujets plus externes à cause de leur impor­tance. Une fois encore, il nous semble néces­saire d’a­bor­der ce thème, afin d’exposer aus­si clai­re­ment que pos­sible ce qui a pu cau­ser un cer­tain trouble au début de l’été.

Comme la presse l’a annon­cé, d’une manière assez sur­pre­nante d’ailleurs, nous avons effec­ti­ve­ment reçu un ulti­ma­tum du Cardinal Castrillón Hoyos. Mais la chose est assez com­plexe et demande à être cla­ri­fiée afin d’être bien com­prise. Un regard sur le pas­sé récent nous aide­ra à y voir un peu plus clair.

Nos demandes préalables

Dès les pre­mières approches et pro­po­si­tions de solu­tion de la part de Rome, c’est-​à-​dire au début de 2001, nous avions dit clai­re­ment que la manière dont les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques trai­taient les pro­blèmes posés par ceux qui avaient vou­lu ten­ter l’ex­pé­rience de la Tradition avec Rome ne nous ins­pi­rait pas confiance et que nous devions logi­que­ment nous attendre à nous voir être trai­tés comme eux dès que nos rela­tions auraient été réglées. Dès ce moment, et pour nous pro­té­ger, nous deman­dions des actions concrètes qui indi­que­raient sans équi­voque les inten­tions romaines à notre égard : la messe pour tous les prêtres et le retrait du décret d’ex­com­mu­ni­ca­tion. Ces deux mesures n’é­taient pas récla­mées pour obte­nir direc­te­ment un avan­tage propre, mais bien pour redon­ner un souffle tra­di­tion­nel au Corps mys­tique et ain­si, indi­rec­te­ment, aider à un sain rap­pro­che­ment entre la Fraternité et Rome.

Les pre­mières réponses n’é­taient guère enga­geantes et confir­maient plu­tôt nos craintes : il n’é­tait pas pos­sible d’ac­cor­der la liber­té de la messe car, mal­gré la consta­ta­tion que cette messe n’a­vait jamais été abro­gée, des évêques et des fidèles pen­saient que ce serait un désa­veu de Paul VI et de la réforme litur­gique… Quant à l’ex­com­mu­ni­ca­tion, elle serait levée au moment de l’accord.

Malgré cette fin de non-​recevoir, nous n’a­vons pas cou­pé le fil ténu de rela­tions assez dif­fi­ciles, bien conscients que l’en­jeu nous dépasse de très loin. Il n’y va pas de nos per­sonnes mais d’une atti­tude qui, pen­dant des siècles, a été celle de tous les membres de l’Eglise et qui demeure la nôtre, à l’op­po­sé du nou­vel esprit, bap­ti­sé « esprit de Vatican II », et dont nous per­ce­vons à l’é­vi­dence qu’il est l’o­ri­gine et la cause prin­ci­pale des mal­heurs actuels de la sainte Eglise. Dès lors, le motif fon­da­men­tal de notre action et de nos rela­tions avec les auto­ri­tés romaines a tou­jours été, pru­dem­ment, de tout mettre en œuvre pour le retour de l’Eglise à ce dont elle ne peut se pri­ver sans cou­rir au suicide.

Notre situa­tion est bien déli­cate : d’un côté, nous recon­nais­sons ces auto­ri­tés, tant romaines qu’é­pis­co­pales comme légi­times, et d’autre part, nous contes­tons cer­taines de leurs déci­sions parce qu’op­po­sées, à dif­fé­rents degrés, à ce que le Magistère a tou­jours ensei­gné et com­man­dé. Il n’y là aucune pré­ten­tion à nous éri­ger en juge ou à choi­sir ce qui nous plai­rait. Il y a sim­ple­ment le constat extrê­me­ment dou­lou­reux d’une oppo­si­tion qui heurte notre conscience et notre foi catho­liques. Une telle situa­tion est d’une gra­vi­té extrême et ne peut en aucun cas être trai­tée à la légère. C’est aus­si pour cela que nous n’a­van­çons que très len­te­ment et avec pru­dence. Pour nous, si nous sommes évi­dem­ment très inté­res­sés à obte­nir une situa­tion concrète vivable dans l’Eglise, la per­cep­tion de l’enjeu beau­coup plus pro­fond que nous venons de décrire, nous inter­dit de mettre sur le même plan les deux ques­tions. Il est si clair pour nous que la ques­tion de la foi et de l’es­prit de foi passe avant tout, que nous ne pour­rons pas envi­sa­ger une solu­tion pra­tique avant que la pre­mière ques­tion ne trouve une solu­tion assu­rée. Notre Mère l’Eglise nous a tou­jours ensei­gné qu’il fal­lait être prêt à tout perdre, même la vie, pour ne pas perdre la foi.

Ce qui est étrange, c’est que les coups, désor­mais, viennent de l’in­té­rieur de l’Eglise, et c’est bien tout le drame que nous vivons.

La réponse sur un des points en 2007, le motu proprio

En 2007, le nou­veau sou­ve­rain Pontife Benoît XVI a fina­le­ment accor­dé le pre­mier point que nous deman­dions, la messe pour tous les prêtres du monde entier. Nous sommes pro­fon­dé­ment recon­nais­sants de ce geste per­son­nel du pape. Et cela est pour nous la cause d’une très grande joie, car nous y voyons avec un grand espoir un renou­veau pour tout le Corps mys­tique. Cependant le Motu Proprio est deve­nu, de par la nature de ce qu’il affirme et redonne – la messe tra­di­tion­nelle –, l’objet du com­bat dont nous avons par­lé plus haut : car le culte tra­di­tion­nel s’op­pose au culte qui s’est vou­lu nou­veau, « novus ordo mis­sae ». Il devient une occa­sion de lutte entre les pro­gres­sistes, d’une part, qui pro­testent des lèvres de leur pleine com­mu­nion ecclé­siale alors qu’ils s’op­posent plus ou moins ouver­te­ment aux ordres et aux dis­po­si­tions du Souverain Pontife, et les conser­va­teurs, d’autre part, qui, du coup, se retrouvent en posi­tion de résis­tance à leurs évêques… A qui faut-​il donc obéir ? Les pro­gres­sistes savent bien que l’en­jeu est bien plus que litur­gique. Malgré les efforts du Motu Proprio de mini­mi­ser l’op­po­si­tion en affir­mant la conti­nui­té, ce qui est en jeu, c’est le sort d’un Concile qui s’est vou­lu pas­to­ral et qu’on a appli­qué d’une manière telle que, déjà, Paul VI pou­vait par­ler « d’autodémolition de l’Eglise ».

L’espérance que le 2e point se réa­lise assez rapidement

Ce pre­mier pas de Rome en notre direc­tion lais­sait pré­sa­ger que le deuxième acte sui­vrait bien­tôt. Certains signes sem­blaient l’in­di­quer. Mais, alors que depuis long­temps nous avions pro­po­sé notre feuille de route, il semble bien que Rome ait vou­lu choi­sir une autre voie. Malgré notre demande réité­rée de reti­rer le décret d’ex­com­mu­ni­ca­tion, et bien qu’il semble ne plus y avoir d’obs­tacle majeur à la réa­li­sa­tion de cet acte, nous assis­tons à un coup de théâtre : le Cardinal Castrillón veut nous impo­ser des condi­tions avant d’al­ler plus avant, bien que nous ayons clai­re­ment dit que nous atten­dions un acte uni­la­té­ral. Il estime notre atti­tude ingrate envers le Souverain Pontife, et sur­tout hau­taine, orgueilleuse, puisque nous conti­nuons de dénon­cer ouver­te­ment les maux qui affectent l’Eglise. Surtout la der­nière n’a pas plu. Cela nous a valu cet ulti­ma­tum dont nous n’ar­ri­vons tou­jours pas à sai­sir les termes pré­cis. Car soit nous accep­tons la solu­tion cano­nique, soit on nous déclare schismatiques !

Nos prises de posi­tion sont inter­pré­tées comme des retards, des ater­moie­ments vou­lus, on met en doute nos inten­tions et notre bonne volon­té de dis­cu­ter vrai­ment avec Rome. On ne com­prend pas pour­quoi nous ne vou­lons pas d’une solu­tion cano­nique immé­diate. Pour Rome, le pro­blème de la Fraternité serait par là-​même réso­lu, les dis­cus­sions doc­tri­nales seraient évi­tées ou repor­tées. Pour nous, chaque jour nous apporte des preuves sup­plé­men­taires de la néces­si­té de cla­ri­fier au maxi­mum les ques­tions sous-​jacentes avant d’al­ler plus avant dans une situa­tion cano­nique, qui n’est cepen­dant pas pour nous déplaire. Mais c’est là un ordre de nature, et inver­ser les choses nous met­trait imman­qua­ble­ment dans une situa­tion invi­vable ; nous en avons la preuve tous les jours. Il y va ni plus ni moins de notre exis­tence future. Nous ne pou­vons pas et nous ne vou­lons pas lais­ser d’am­bi­guï­té sur la ques­tion de l’ac­cep­ta­tion du Concile, des réformes, des nou­velles atti­tudes tolé­rées ou favorisées.

Devant ces nou­velles dif­fi­cul­tés, nous nous per­met­tons de faire appel à nou­veau à votre géné­ro­si­té, et au vu du suc­cès de notre pre­mière croi­sade de rosaires pour obte­nir le retour de la messe tri­den­tine, nous vou­lons pré­sen­ter à Notre Dame un nou­veau bou­quet d’un mil­lion de cha­pe­lets pour obte­nir de son inter­ces­sion le retrait du décret d’ex­com­mu­ni­ca­tion. A par­tir du 1er novembre jus­qu’à la fête de la Nativité, nous aurons à cœur de prier avec une ardeur renou­ve­lée pour que le Saint Père, en ces heures dif­fi­ciles de l’his­toire, rem­plisse avec fidé­li­té ses augustes fonc­tions selon le Cœur de Jésus, pour le bien de toute l’Eglise. Nous sommes inti­me­ment per­sua­dés qu’une telle mesure de la part du Souverain Pontife pro­dui­rait des effets tout aus­si pro­fonds sur le Corps mys­tique que la liber­té de la litur­gie traditionnelle.

En effet, l’ex­com­mu­ni­ca­tion ne nous a pas cou­pés de l’Église, mais elle a sépa­ré bon nombre de ses membres du pas­sé de l’Église, de sa Tradition, ce dont elle ne peut se pri­ver sans graves dom­mages. Cela relève de l’é­vi­dence que la sainte Église ne peut pas faire fi de son pas­sé, elle qui a tout reçu et qui reçoit encore aujourd’­hui tout de son divin fon­da­teur, Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Car par l’ex­com­mu­ni­ca­tion, c’est l’at­ti­tude même qui spé­ci­fiait le com­bat de Mgr Lefebvre qui a été fus­ti­gée et péna­li­sée, ce rap­port au pas­sé de l’Église, à sa Tradition. Et depuis, à cause de cette répro­ba­tion, nom­breux sont ceux qui craignent d’aller aux sources de l’eau vive, seules capables de rame­ner de beaux jours à notre Mère l’Église. Pourtant, Mgr Lefebvre ne fai­sait qu’épouser l’attitude d’un saint Paul, au point qu’il deman­da que soit gra­vée sur sa tombe « tra­di­di quod et acce­pi » : j’ai trans­mis ce que j’ai reçu. Saint Pie X lui-​même n’a‑t-il pas écrit que « les vrais amis de l’Eglise ne sont ni révo­lu­tion­naires, ni nova­teurs, mais traditionalistes » ?

Voilà pour­quoi, chers fidèles, nous relan­çons une croi­sade du Rosaire à l’oc­ca­sion de notre pèle­ri­nage à Lourdes, pour les cent cin­quante ans des appa­ri­tions de la Sainte Vierge. Nous remer­cions la Mère de Dieu pour sa mater­nelle pro­tec­tion pen­dant toutes ces années, en par­ti­cu­lier pour les vingt ans des consé­cra­tions épis­co­pales, nous lui confions toutes vos inten­tions, per­son­nelles, fami­liales et pro­fes­sion­nelles. Nous lui confions notre ave­nir et implo­rons cette fidé­li­té à la foi et à l’Eglise sans laquelle nul ne peut faire son salut.

En vous remer­ciant de tout cœur pour votre inlas­sable géné­ro­si­té qui nous per­met de conti­nuer l’œuvre magni­fique fon­dée par Mgr Lefebvre, nous deman­dons à notre bonne Mère du Ciel de dai­gner vous pro­té­ger et vous gar­der tous dans son Cœur Immaculé.

+ Bernard Fellay

A Menzingen, le 23 octobre 2008, en la fête de saint Antoine-​Marie Claret

Participer au nouveau bouquet spirituel de un million de chapelets

Un mil­lion de cha­pe­lets pour obte­nir de l’in­ter­ces­sion de Notre Dame le retrait du décret d’excommunication

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FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.