La médiocrité est toujours prompte à justifier sa veulerie…

La médio­cri­té est tou­jours prompte à jus­ti­fier sa veu­le­rie. Les enfants du Concile le prouvent avec brio depuis qua­rante ans. Mais les héré­sies n’ont-​elles pas sou­vent pour ori­gine l’es­prit mon­dain et la fai­blesse morale de leurs auteurs ? Alors la tris­tesse ne peut qu’en­va­hir notre cour lorsque ce venin s’empare des nôtres.

Le monde de la consom­ma­tion cherche à impo­ser son maté­ria­lisme pra­tique par tous les moyens. Tout doit être tra­duit en terme de valeur, de mar­chan­dise. L’être humain, la vie, la reli­gion et leur auteur Dieu ne sont aujourd’­hui accep­tés, en Occident, que dans la mesure où ils se sou­mettent à la loi du mar­ché pour mieux les anéantir.

Vatican II a livré Notre Seigneur Jésus-​Christ et son Église à la « liber­té » du com­merce et l’es­prit nihi­liste suit inlas­sa­ble­ment le plan mar­xiste visant à tout trans­for­mer en produit.

La reli­gion devient ain­si, chez cer­tains, un objet de consom­ma­tion comme un autre. On mesure sa valeur, son prix à la satis­fac­tion per­son­nelle, au plai­sir ressenti.

C’est oublier l’ordre posé par le Créateur.

Plus la socié­té est minée par ce maté­ria­lisme et plus les chré­tiens adoptent une atti­tude consom­ma­trice. Or la reli­gion est avant tout une ouvre de jus­tice. La créa­ture rai­son­nable y accom­plit son devoir en pré­sence du Créateur, dans la com­mu­nion des saints à l’é­glise au moins le dimanche et les jours de fête, à la mai­son par les rendez-​vous quo­ti­diens avec Dieu autour du père de famille, dans le secret de son cour à tra­vers nos mul­tiples élans vers le Ciel et nos efforts pour unir notre volon­té à la volon­té de Dieu.

« Celui qui a mes com­man­de­ments et qui les garde, c’est celui-​là qui m’aime ; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; et je l’ai­me­rai et je me mani­fes­te­rai à lui », Jean 14, 21.

La grâce spé­ciale, reçue dans la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, à tra­vers son fon­da­teur Mgr Marcel Lefebvre, vise l’ordre géné­ral de la cha­ri­té. Il faut assu­ré­ment y faire appel pour com­prendre la devise de Mgr Lefebvre : « Et nos cre­di­di­mus caritati ».

Pour pra­ti­quer les com­man­de­ments et vivre de la cha­ri­té, il faut les avoir, les connaître. Mgr Lefebvre se plaît alors à citer S. Pie X :

« Nous croyons qu’il faut adhé­rer au juge­ment de ceux qui attri­buent le relâ­che­ment actuel des âmes et leur fai­blesse, avec les maux si graves qui en résultent, prin­ci­pa­le­ment à l’i­gno­rance des choses divines. C’est exac­te­ment ce que Dieu disait par la bouche du pro­phète Osée : « Il n’y a plus de science de Dieu sur la terre. La calom­nie, le men­songe, l’ho­mi­cide, le vol et l’a­dul­tère débordent et le sang suit le sang. Voilà pour­quoi la terre gémi­ra et tous ceux qui l’ha­bitent seront affaiblis ».

Le cha­risme de la Fraternité relève de cet ordre de la cha­ri­té : la connais­sance sur­na­tu­relle des « choses divines », de soi-​même et du pro­chain pour les aimer de la sorte. La Tradition trans­met ces connais­sances reçues de nos pères. Elle est donc la base incon­tour­nable de toute vie chré­tienne. Parce que rien n’y est négo­ciable, elle pré­serve du mar­ché ce qu’elle enseigne.

Le jeune sémi­na­riste Sarto avait reçu du Pape Léon XIII un avis per­son­nel qui l’a mar­qué toute sa vie et par­ti­cu­liè­re­ment comme Pape :

« Souviens-​toi tou­jours : de sacer­dote totum pedet. »

Tout dépend du prêtre.

Le som­met de ce don fait par Dieu à la Fraternité réside pré­ci­sé­ment dans son culte pour le sacre­ment de l’ordre.

Monseigneur Lefebvre a défi­ni ce cha­risme dans ses statuts :

« Le but de la Fraternité est le sacer­doce et tout ce qui s’y rap­porte et rien que ce qui le concerne. »

Le sacer­doce est garant de l’ordre dans la socié­té sur­na­tu­relle qu’est l’Église et indi­rec­te­ment dans nos socié­tés natu­relles. Il assure la sta­bi­li­té des hié­rar­chies, l’a­mour de l’au­to­ri­té pour éta­blir les âmes dans l’ordre divin, en les sanc­ti­fiant, en les gou­ver­nant et en les orien­tant vers leur fin surnaturelle.

La Fraternité répond à cette mis­sion dans l’ouvre des sémi­naires, les écoles et toutes les acti­vi­tés de for­ma­tion. Mais avec un fon­da­teur mis­sion­naire, cette voca­tion se par­fait dans la pra­tique de cette for­ma­tion, dans l’a­pos­to­lat que Notre-​Seigneur com­mande à ses apôtres.

« Tout pou­voir m’a été don­né au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des dis­ciples, les bap­ti­sant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur appre­nant à obser­ver tout ce que je vous ai pres­crit », Mat. 28, 18–20.

Certes notre petit nombre autour de la Fraternité ne peut pas tout faire. Les occa­sions d’a­pos­to­lat sont innom­brables, parce que les besoins sont infi­nis, parce que les attaques aus­si sont plus nom­breuses et plus vio­lentes. Cependant les prêtres reçoivent des grâces pour orien­ter cette cha­ri­té fondamentale.

Notre monde s’emploie à ban­nir Dieu, la reli­gion et tout spi­ri­tuel insou­mis à la loi du mar­ché, pour pra­ti­quer les pires hor­reurs. Le mal s’at­taque à la racine. En l’oc­cur­rence, le mal fon­da­men­tal contre lequel Saint-​Pie X insiste, dans l’en­cy­clique « Acerbo nimis », c’est l’i­gno­rance. Elle est à com­battre chez nous, elle est à repous­ser dans la société.

Le « Da Vinci Code » triomphe grâce à l’i­gno­rance voi­lée par une illu­sion de savoir, dis­til­lée par l’es­prit mon­dain et dif­fu­sée par les moyens média­tiques. Les modes éso­té­riques, sata­nistes et chris­tia­no­phobes, au ser­vice de Mammon, ne vivent que grâce à l’ex­clu­sion du mes­sage évan­gé­lique dans le domaine public. Cet assaut puis­sant cherche à éloi­gner défi­ni­ti­ve­ment les âmes du Christ.

Il appelle au moins notre prière de répa­ra­tion publique et, si pos­sible, un témoi­gnage mani­feste de foi. Dénoncer le mal par la répa­ra­tion per­met aus­si, un tant soit peu, de faire connaître la véri­té. Cela demande peu de temps et peu de moyens. Lorsqu’on entend, ou qu’on lit dans nos rangs, cer­taines objec­tions qui tendent à jus­ti­fier un silence cou­pable, on mesure l’emprise de l’es­prit du monde sur cer­taines âmes. Est-​ce que le risque très impro­bable de faire de la publi­ci­té au mal devrait nous inter­dire de le fus­ti­ger ? Les chré­tiens seraient-​ils les seuls à ne plus pou­voir appa­raître au grand jour ? Sommes-​nous der­rière l’é­ten­dard du Christ et de Son Église ou en sommes-​nous à gérer notre petit fond de com­merce ? Est-​ce que défendre la divi­ni­té du Christ revient à sou­te­nir un Opus Dei crypto-​matérialiste ? Non :

« Nous n’a­vons qu’un hon­neur au monde, c’est l’hon­neur de Notre-Seigneur ».

Dans notre lutte contre l’i­gno­rance, nous avons d’im­menses pro­grès à réa­li­ser. Fils de ce siècle, le tra­di­tio­na­liste s’en­combre par­fois de quelques tra­vers nar­cis­siques. Quand il s’a­dresse au pro­chain, on peut avoir l’im­pres­sion qu’il se parle à lui-​même. Et son apos­to­lat demeure stérile.

Nous sou­hai­tons vivre dans le réel et l’on s’a­per­çoit que cer­tains se fabriquent un petit monde vir­tuel pour ne pas trop souf­frir. Ils se rendent inca­pables de se mettre à la por­tée du pro­chain. Cultivant de fausses tra­di­tions, condam­nées par Mgr Lefebvre, ils s’en­ferment dans leur petit univers.

Notre apos­to­lat a une cible, appre­nons à la connaître et à l’ai­mer telle qu’elle est et non telle qu’on la sou­hai­te­rait. Utilisons son lan­gage, comme les mis­sion­naires ont tou­jours fait, et ces­sons de lui par­ler une langue qu’elle est inapte à entendre.

Le pas­sé nous confie notre mis­sion et notre iden­ti­té par la foi, l’a­ve­nir sti­mule notre espé­rance, et le pré­sent est, qu’on le veuille ou non, le seul moment de notre sanc­ti­fi­ca­tion et de notre charité.

« Mes frères bien-​aimés, met­tez en pra­tique la parole de Dieu. Ne vous conten­tez pas de l’é­cou­ter ; ce serait vous abu­ser », S. Jacques 1, 22.

Abbé Marc Vernoy †