La confession de la foi – Octobre 2008 – Editorial de l’abbé de Cacqueray

La confession de la foi

« Sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu. » He. 11, 6

« En cette Foi, je veux vivre et mou­rir. » François Villon

Mais pour­quoi donc, chers amis et bien­fai­teurs de la Fraternité, tant tenir à notre foi ? Au point d’espérer que nous serions capables, s’il le fal­lait, de mou­rir tout de suite avec nos enfants, à l’instar de l’admirable mère de ces sept frères dont le livre des Maccabées nous décrit le mar­tyre, plu­tôt que de pen­ser qu’ils pour­raient nous sur­vivre, hors d’elle, sur la terre ! Pourquoi nous entêtons-​nous à ne rien vou­loir concé­der de notre Credo, à ne pas vou­loir chan­ger un iota de nos rites ? Pourquoi, tou­jours en rai­son de notre foi, en être aujourd’hui réduits au sta­tut de ban­nis, aux yeux de l’Eglise ? Pourquoi nous être oppo­sés jusqu’au pape lui-​même, au motif de notre foi ? Il vient de venir en France et nous ne sommes même pas allés assis­ter à sa messe, la messe qu’il célèbre, la nou­velle messe.

Pourquoi, les uns et les autres, avons-​nous été atti­rés par cette Fraternité Saint-​Pie X et pour­quoi nous sommes-​nous retrou­vés sous ses ailes ? Pourquoi avoir choi­si, pour les uns, de deve­nir prêtres, frères ou reli­gieuses en son sein, pour les autres de fré­quen­ter désor­mais ses cha­pelles, pour tous de s’en remettre à son ensei­gne­ment et à son action de sup­pléance dans la crise de l’Eglise ?

Comment est-​il pos­sible, lorsque l’on appar­tient à des familles de tra­di­tion catho­lique immé­mo­riale, dont chaque géné­ra­tion ne s’était jamais appli­quée qu’à croire avec la même pié­té ce qui était cru par la pré­cé­dente, d’en arri­ver à notre situa­tion d’aujourd’hui ?

Nous le concé­dons volon­tiers à tous ceux que cet aveu pour­rait inté­res­ser : une telle opi­niâ­tre­té est ou de Dieu ou du démon !

Nous avons conscience de ne pas être meilleurs que les autres. Et nous pen­sons que, si ceux qui nous entourent avaient reçu autant de grâces que nous, ils en auraient certes fait un bien meilleur usage ! Nous devons bien prendre garde de ne pas oublier les malé­dic­tions de Notre- Seigneur envers les villes de Corozaïn et de Bethsaïda :

« Malheur à toi Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïda ! Car si mes miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, depuis long­temps elles auraient fait péni­tence, revê­tues d’un sac et assises dans la cendre. » Lc 10, 13.

Cependant, nous ne vou­drions jus­te­ment pas encore ajou­ter, à toutes nos misères et à toutes nos insuf­fi­sances, celle de dou­ter main­te­nant de notre foi et de ne plus vou­loir en être les pro­pa­ga­teurs sur cette terre. Et c’est en rai­son de la détresse où elle se trouve que nous nous fai­sons un devoir d’inviter cha­cun, ceux qui n’ont pas la foi ou ceux qui l’ont per­due, à s’interroger et à réflé­chir, et ceux qui l’ont gar­dée, à s’y affer­mir davan­tage et à se conver­tir plus pro­fon­dé­ment pour qu’elle ne leur soit pas sub­ti­li­sée par l’hérésie et la confu­sion des idées.

Nous en sommes arri­vés là où nous en sommes parce qu’avant toute autre chose, nous croyons fer­me­ment à toutes les véri­tés que Jésus-​Christ nous a révé­lées et nous a ensei­gnées par son Eglise, et qu’au préa­lable, nous croyons non moins fer­me­ment que Jésus-​Christ est vrai­ment Dieu Lui-​même, deuxième Personne de la Sainte Trinité, qui s’est incar­née et a vécu par­mi nous. Nous croyons que l’Eglise, fon­dée par Lui, est la seule véri­table et que toutes les héré­sies et autres pré­ten­dues « reli­gions » sont ins­pi­rées ou fabri­quées par le démon : « Il n’y a qu’un nom dans lequel il nous soit don­né d’être sau­vés. » Act. 4, 12

Bien que conscients de notre inca­pa­ci­té fon­cière à prendre la mesure de ce fait his­to­rique admi­rable et incom­pré­hen­sible de l’Incarnation de Dieu, et de la pau­vre­té de l’énonciation que nous pou­vons seule­ment en ris­quer avec nos mots inadap­tés, nous avons la cer­ti­tude qu’il s’est bel et bien réa­li­sé et nous savons que toute recherche loyale au sujet des fon­de­ments de la foi catho­lique amène ceux qui s’y livrent avec sin­cé­ri­té à décou­vrir l’accumulation inouïe des signes cer­tains que le Christ a don­nés de sa mes­sia­ni­té et de sa divi­ni­té. « O Dieu », lui dit David : « Vous avez revê­tu vos témoi­gnages d’un excès de cré­di­bi­li­té. » Ps. 92, 5.

Remplis de cette convic­tion dont l’objet même fait perdre toute consis­tance à toute autre à ses côtés, il appa­raît à l’évidence que Notre Seigneur Jésus-​Christ étant venu sur la terre, aucune vie ne peut plus désor­mais être envi­sa­gée, pen­sée et vécue hors de Lui, et que seuls ses exemples et sa doc­trine consti­tuent, à jamais, l’infaillible véri­té et le doux joug sau­veur aux­quels doivent se sou­mettre tous les hommes. Même, ceux-​ci n’auraient-ils pas dû, depuis cet avè­ne­ment, pas­ser le meilleur de leur exis­tence ter­restre à res­ter sai­sis d’admiration et d’adoration à cette unique pen­sée que Dieu, dans son inef­fable condes­cen­dance, est venu habi­ter par­mi eux et s’est fait « sem­blable à eux en tout sauf le péché » ? He. 4, 15. Après son pas­sage ici-​bas et la révé­la­tion de ses mys­tères, n’aurions-nous pas dû ne plus lais­ser d’autre douce occu­pa­tion à notre Dieu que celle de devoir, de son Ciel de gloire, sans cesse dili­gen­ter de nou­veaux anges pour arra­cher à leur contem­pla­tion les hommes qui n’auraient plus rien fait, sinon d’y vivre abî­més, tels les Apôtres au jour de l’Ascension ?

Et pour­tant, une fois cité ce sai­sis­se­ment que cause le dévoi­le­ment de Dieu devant nos yeux de chair, nous ne connais­sons ensuite, sur la terre, aucun plus grand sujet d’étonnement que celui-​là : nous autres hommes, après l’Incarnation, nous nous sommes mon­trés capables de conti­nuer à vivre ici-​bas comme nous vivons, c’est-à-dire à peu près comme si Dieu n’y était jamais des­cen­du, et même, pire encore, en nous dres­sant inso­lem­ment contre sa venue et contre son salut. Comment, mais com­ment donc est-​il pos­sible qu’une telle infi­nie bon­té de Dieu soit deve­nue si mécon­nue des hommes et si mépri­sée d’eux ? La cha­ri­té s’est refroi­die à tra­vers les siècles. Reste-​t-​il encore aujourd’hui des âmes en qui résonne la plainte du Saint-​Esprit : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu. » ?Jn 1,11. Comment est-​il pos­sible, Seigneur, que vous ayez invi­té les hommes à décou­vrir et à par­cou­rir sur vos traces ces sen­tiers inté­rieurs d’une beau­té si intense – « Le sen­tier des justes est sem­blable à une clar­té qui va sans cesse crois­sant jusqu’à la splen­deur du plein jour. » (Prov. 4, 18) – et que ces pro­fon­deurs de la foi et de l’amour demeurent tel­le­ment igno­rées ? Pauvres géné­ra­tions qui ne croient plus en la véri­té et ont per­du jusqu’à l’idée des tré­sors infi­nis que recèle la foi.

Car nous-​mêmes, lorsque nous croyons croire, que croyons-​nous vrai­ment ? Croyons-​nous fer­me­ment, comme aux véri­tés les plus pré­cieuses, à tous les dogmes de notre Foi ? Les croyons-​nous parce que c’est Jésus-​Christ qui nous les a révé­lés ; que Jésus-​Christ est Dieu et qu’Il ne peut ni se trom­per ni nous trom­per ? Croyons-​nous au point de n’être pré­oc­cu­pés de rien, sur cette terre, davan­tage que d’augmenter notre foi et de la trans­mettre sans corruption ?

Croyons-​nous que nos enfants et nous-​mêmes ne pour­rons en aucune manière être sau­vés hors de cette foi ? Que, si par mal­heur, nous la per­dions ou qu’elle se cor­rom­pait en nous et que nous par­ve­nions dans cet état à l’heure de notre juge­ment, nous tom­be­rions alors cer­tai­ne­ment en enfer pour toute l’éternité ? Qu’il est par­fai­te­ment vain – et c’est là l’une de ces dupe­ries du moder­nisme qui a mal­heu­reu­se­ment trou­vé sa for­tune jusque dans nos rangs- d’imaginer une cha­ri­té qui pour­rait exis­ter sans la foi car, comme l’a fort bien expri­mé Monseigneur Gay : « L’amour est le terme de la foi, son der­nier acte et sa cou­ronne » ?

Croyons-​nous qu’il ne suf­fit pas d’avoir la foi mais qu’il est éga­le­ment néces­saire de la confes­ser et de la confes­ser d’autant plus ardem­ment qu’elle est par­tout décriée, décon­si­dé­rée et tenue pour rien ? Que Notre-​Seigneur, dans l’Evangile, n’a de cesse que de pres­ser en réa­li­té davan­tage tous ceux aux­quels Il s’adresse pour les exhor­ter à aug­men­ter leur foi : « Pourquoi n’avons-nous pas pu chas­ser ce démon ? Jésus leur dit : « A cause de votre peu de foi. Je vous le dis, en véri­té, si vous aviez une foi grosse comme un grain de séne­vé, vous diriez à cette mon­tagne : Transporte-​toi d’ici là, et elle s’y trans­por­te­rait. Rien ne vous serait impos­sible. » » Mt. 17, 18–19. La foi est donc sus­cep­tible de plus et de moins dans les âmes et aucun d’entre nous, au motif qu’il l’a déjà, ne se trouve pour autant quitte à l’égard de cette vertu.

Les esprits modernes sont enclins à mépri­ser la doci­li­té avec laquelle les catho­liques de tant de siècles ont conti­nué à se cour­ber devant les mêmes dogmes. Ils se disent per­sua­dés que cette seule per­ma­nence de foi suf­fit à démon­trer leur fana­tisme. Ils n’ont accep­té de déco­lé­rer de ce spec­tacle qu’en rai­son du sou­la­ge­ment que leur a pro­cu­ré l’émergence d’une géné­ra­tion catho­lique enfin intel­li­gente, après toutes ces autres si long­temps demeu­rées pri­son­nières de l’obscurantisme et de l’asservissement où les tenait l’Eglise. Leur moindre sévé­ri­té envers son actuelle hié­rar­chie est la récom­pense jus­te­ment octroyée pour sa rup­ture d’avec la Tradition.

Nous n’avons aucun mal à recon­naître que nous nous sen­tons réel­le­ment aux anti­podes de ce moder­nisme et nous avouons méri­ter ample­ment tout le mépris dont nous honorent ses ténors. Notre esprit, nous le retrou­vons, à l’identique, en celui que Ronsard, confron­té aux mal­heurs déclen­chés par l’hérésie du pro­tes­tan­tisme, a consi­gné en ces vers de sa « Remontrance au peuple de France » :

« Mais l’Evangile saint du Sauveur Jésus-Christ
M’a fer­me­ment gra­vé une foi dans l’esprit
Que je ne veux chan­ger dans une autre nouvelle,
Et, dussé-​je endu­rer une mort très cruelle,
De tant de nou­veau­tés je ne suis curieux :
Il me plaît d’imiter le train de mes aïeux ;
Je crois qu’en Paradis ils vivent à leur aise,
Encor qu’ils n’aient sui­vi ni Calvin ni de Bèze. »

Ainsi donc, quoi qu’il en soit du juge­ment de nos contem­po­rains, nous croyons, nous conti­nuons à croire à tous les articles de notre foi catho­lique et qu’elle doit tou­jours demeu­rer. Nous la voyons par­tout en train de s’éroder, de se perdre et de déchoir et nous ne vou­lons pas que celle de nos âmes subisse le même sort. Nous ne deman­dons rien d’autre que la grâce de ne jamais aban­don­ner notre foi et de pou­voir la trans­mettre à nos enfants dans toute son inté­gri­té. Nous prions pour que nos enfants, à leur tour, y per­sé­vèrent et puissent la com­mu­ni­quer en héri­tage – pareille­ment inchan­gée – à leurs enfants, et qu’il en soit tou­jours ain­si. Nous vou­lons de tout notre cœur, et par la grâce de Dieu, encore répandre cette foi jusqu’aux extré­mi­tés de la terre et la rendre à tous ceux qui l’ont per­due. Nous croyons ce que nos pères ont tou­jours cru et que per­sonne ne peut nous deman­der de ne plus croire.

Nous tenons à notre foi plus qu’à tous les biens de la terre, bien plus qu’à notre vie et qu’à celle de nos enfants. Nous avons dû quit­ter nos paroisses pour ne pas ris­quer de la voir cor­rom­pue par une litur­gie et une pré­di­ca­tion désor­mais convoyeuses d’un autre chris­tia­nisme, évi­dé du Sacrifice et de la Croix. C’est volon­tai­re­ment que nous sommes des­cen­dus vers nos sous-​sols et vers nos cata­combes, parce que nous ne vou­lions pas chan­ger de reli­gion et mou­rir dans une foi autre que celle qui nous avait été léguée.

Plutôt que de com­pa­raître devant Dieu, alors que nous aurions mépri­sé sa parole et vécu sans elle, nous esti­me­rions bien pré­fé­rable de retour­ner dans le néant. La ter­rible parole de Notre-​Seigneur à pro­pos de Judas s’impose à nos âmes : « Il eût mieux valu pour cet homme qu’il ne fût jamais né. » Mt. 26, 24. Que l’on admette, en consé­quence, lorsque se pré­sente à nous comme un appa­rent dilemme entre foi et obéis­sance, que nous ne le com­pre­nons même plus, tant nous savons que rien, et l’obéissance moins que toute autre chose, ne sub­siste sans la foi. Oui, une injonc­tion d’obéir qui affai­bli­rait la foi ne serait qu’une tra­hi­son, s’y sou­mettre une lâcheté !

C’est pour­quoi nous ne connais­sons aucun erre­ment, sinon celui où conduit la perte ou la dimi­nu­tion de la foi, aucune quête, sinon celle qui y mène ou y ramène. L’on a vou­lu nous chu­cho­ter qu’elle était encore pré­sente dans telle paroisse, que tel ins­ti­tut (auto­ri­sé) la trans­met­tait tou­jours à ses membres. Et cepen­dant, com­ment pouvions-​nous ne pas remar­quer, lorsque écla­taient, à la face de toute l’Eglise, ces immenses scan­dales qui rava­laient notre foi à ne plus être qu’un « hono­rable sen­ti­ment reli­gieux » au milieu de tant d’autres « non moins hono­rables », que leur foi n’était plus suf­fi­sam­ment cou­ra­geuse et vigou­reuse pour pro­tes­ter, pour s’indigner, pour être capable de par­ler : « J’ai cru, c’est pour­quoi j’ai par­lé. » ? II Cor. 4, 13. Comment aurions-​nous donc pu recher­cher autre chose que cette foi confes­sée ? Saint Paul écrit encore : si « la foi qu’on a au cœur mène à la jus­tice », il n’est, pour conduire au salut que « la confes­sion qu’on a aux lèvres. » Rom. 10, 10.

Non, nous ne pou­vions pas nous satis­faire de jouer aux devi­nettes pour savoir dans quels cœurs ou dans quelles sacris­ties elle se trou­vait encore gar­dée ; ce n’était pas seule­ment cela qui nous impor­tait. Ce dont nous avions besoin, ce qu’il nous fal­lait impé­rieu­se­ment trou­ver, c’est qu’elle soit encore quelque part, non pas enfouie ou chu­cho­tée, mais pro­fes­sée, pro­cla­mée, confes­sée. Et c’est fina­le­ment parce que nous avons pla­cé la pré­ser­va­tion et la trans­mis­sion de la foi au-​dessus de toutes choses que nous nous sommes retrou­vés là où sa confes­sion demeu­rait pleine et entière, dans le lignage de Monseigneur Lefebvre et de sa Fraternité.

Nous n’y sommes allés qu’au moment où nous avons com­pris que, si la foi sur­vi­vait cer­tai­ne­ment ailleurs, elle ne se trou­vait véri­ta­ble­ment confes­sée que là. Ce n’est pas notre faute s’il s’est mys­té­rieu­se­ment mani­fes­té qu’il n’y avait plus guère que ces pros­crits et ces excom­mu­niés à oser encore la confes­sion du mes­sage de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous n’y pou­vions rien, nous nous bor­nions à le consta­ter. Mais rien ni per­sonne n’aurait pu nous détour­ner de nous rendre chez ces exclus, puisque se confir­mait chez eux la quasi-​exclusivité de la confes­sion de la foi.

Les excom­mu­ni­ca­tions ? Il est vrai que c’est à pâlir et à mou­rir de devoir suivre des évêques « frap­pés d’excommunication ». Et à ne consi­dé­rer que la ter­rible sen­tence, nous nous serions cer­tai­ne­ment éga­rés. Mais il est jus­te­ment réser­vé à cette lumière de la foi de juger de cette condamnation.

L’on nous rétor­que­ra peut-​être qu’il est théo­ri­que­ment pos­sible à des schis­ma­tiques de conser­ver la foi, et l’on nous deman­de­ra alors, non sans malice, si, pour conser­ver cette foi, nous serions prêts à deve­nir schis­ma­tiques. Mais nous ne voyons pas que l’on puisse aller au schisme, en réa­li­té, sans ver­ser rapi­de­ment dans l’hérésie par le rejet où l’on se place du Primat Pontifical. Notre Fraternité n’a jamais man­gé de ce pain-​là. Se révol­ter contre le pape, fon­der une autre « Eglise » sont signi­fi­ca­tifs d’une telle dépra­va­tion du sens catho­lique que la pro­fon­deur de l’adhésion à la foi les repousse avec horreur !

Sous le fais­ceau lumi­neux de la foi qui éclaire nos intel­li­gences, nous recon­nais­sons que c’est par cette admi­rable hié­rar­chie sacrée, au som­met de laquelle se trouve le pape, que la foi est conser­vée et trans­mise. Qu’il en a été tou­jours ain­si dans toute l’histoire de l’Eglise même s’il est arri­vé que cer­tains des maillons humains de cette hié­rar­chie se soient mon­trés défaillants. Qu’il res­sort donc du sens catho­lique d’obéir à cette hié­rar­chie parce qu’elle est le canal de la trans­mis­sion de la foi. Cependant, com­ment nierions-​nous la réa­li­té de l’heure pré­sente ? Si non des paroles iso­lées, non des chan­ge­ments acci­den­tels, non tel ou tel acte de fai­blesse, mais des dis­cours répé­tés et solen­nels, des signes osten­sibles, des varia­tions sub­stan­tielles mani­festent que cette hié­rar­chie, aujourd’hui, ne trans­met plus la foi, nous ne pou­vons pas nous voi­ler la face et nous réfu­gier der­rière l’obéissance ! Obéir au risque de perdre la foi ? Personne n’a le droit de nous deman­der une chose pareille. L’obéissance est subor­don­née à la foi et la foi nous donne non seule­ment le droit mais encore le devoir de nous tour­ner vers qui la com­mu­nique encore.

Il ne nous appar­tient pas de juger de cette hié­rar­chie gra­ve­ment four­voyée. En revanche, et Dieu qui donne les grâces nous deman­de­ra des comptes pour cela, il nous faut impé­ra­ti­ve­ment ne rien négli­ger, nous, pour gar­der intact le dépôt sacré des véri­tés divines et le trans­mettre, autant qu’il dépend de nous, après nous et autour de nous. Elle est sim­ple­ment arri­vée, cette époque où se dresse cette néces­si­té décrite par saint Thomas d’Aquin : « La confes­sion de la foi est un pré­cepte posi­tif. Or les pré­ceptes posi­tifs n’obligent pas à tout ins­tant, encore qu’ils obligent tout le temps : ils obligent à l’endroit et au moment vou­lu, et sui­vant les autres cir­cons­tances vou­lues dans les­quelles doit se limi­ter un acte humain pour pou­voir être un acte de ver­tu. Ainsi donc confes­ser la foi n’est pas de néces­si­té de salut à tout moment ni en tout lieu ; mais il y a des moments et des endroits où c’est néces­saire :c’est quand par omis­sion de cette confes­sion on sous­trai­rait à Dieu l’honneur qui lui est dû, ou bien au pro­chain l’utilité qu’on doit lui pro­cu­rer. Par exemple, si quelqu’un, alors qu’on l’interroge sur la foi, se tai­sait, et qu’on pût croire par là ou qu’il n’a pas la foi ou que cette foi n’est pas vraie, ou que d’autres par son silence pussent être détour­nés de la foi. Dans ces sortes de cas, la confes­sion de la foi est de néces­si­té de salut.»

Nous ne disons pas que les dif­fé­rents ins­ti­tuts et fra­ter­ni­tés régu­la­ri­sés ne conservent plus cette foi. Nous ne disons pas non plus qu’ils la taisent en pri­vé mais nous ne pou­vons pas igno­rer qu’ils ne s’opposent jamais publi­que­ment aux ter­ribles scan­dales des­truc­teurs de la foi et qu’un cer­tain nombre d’entre eux en deviennent peu à peu les défen­seurs et les chantres.

Aucune voix ne s’est récem­ment éle­vée, par exemple, pour expri­mer son indi­gna­tion sur les funé­railles scan­da­leuses dont a béné­fi­cié Yves Saint-​Laurent dans une église pari­sienne. Comment cela est-​il pos­sible ? Dans ce cas pré­cis, c’est en rai­son de la peur, face à la réac­tion des évêques en par­ti­cu­lier. Ces prêtres sont éga­le­ment écoeu­rés de l’invraisemblable trai­te­ment de faveur accor­dé à un homo­sexuel affi­ché, de la per­mis­sion qui fut don­née à son com­pa­gnon de dépra­va­tion de faire l’éloge de leur vie com­mune dans l’église en pré­sence du cler­gé. Cependant, s’ils pro­tes­taient, l’espoir d’obtenir de nou­velles églises s’estomperait, celui de conser­ver les églises qui leur ont déjà été accor­dées leur sem­ble­rait compromis.

Mais les scan­dales oecu­mé­nistes venus de Rome et des der­niers papes eux-​mêmes sont encore bien pires que cette céré­mo­nie. C’est la foi elle-​même qui, au plus haut niveau de l’Eglise, se trouve humi­liée et cor­rom­pue. Le devoir de s’y oppo­ser en est infi­ni­ment grave, en pro­por­tion du mal qui est fait. Or, qui pro­teste encore aujourd’hui contre l’abandon des droits de Notre Seigneur Jésus-​Christ et de son règne sur les socié­tés, contre l’apologie de la laï­ci­té posi­tive sur laquelle ont conver­gé les dis­cours du pape Benoît XVI et du pré­sident de la République fran­çaise, le 12 sep­tembre der­nier ? Si nous avons salué le cou­rage du pape à avoir publié son motu pro­prio, nous consi­dé­re­rions comme un men­songe que de décrire son action comme étant celle d’un pape « tra­di­tio­na­liste dans son cœur », qui cher­che­rait insen­si­ble­ment à rame­ner les esprits à l’intégrité de la foi !

Qui s’oppose au prin­cipe inju­rieux et blas­phé­ma­toire pour le seul vrai Dieu de l’égalité des droits des reli­gions ? Comment est-​il deve­nu pos­sible que le Supérieur d’un ins­ti­tut récem­ment créé en soit lui-​même main­te­nant arri­vé à affir­mer sur les ondes (le 13 sep­tembre 2008 sur RTL) être entiè­re­ment d’accord, d’un point de vue reli­gieux, avec le prin­cipe que les musul­mans puissent vivre « leur reli­gion » à éga­li­té avec toutes les autres reli­gions ? Il va même jusqu’à prendre le soin de pré­ci­ser qu’il inter­prète la ques­tion posée par le jour­na­liste qui l’interroge comme une ques­tion reli­gieuse et il sou­ligne que c’est bien de ce point de vue reli­gieux qu’il se trouve en accord avec le prin­cipe d’accorder les mêmes droits à la reli­gion de Jésus-​Christ et à celle de Mahomet !

Nous ne jugeons per­sonne. Cependant, nous écri­vons ces choses pour démon­trer pour­quoi nous met­tons en garde contre l’enseignement, la pré­di­ca­tion de prêtres qui, dans la réa­li­té, ne sont pas libres. La véri­té, sans que l’on puisse don­ner une seule excep­tion, est qu’aucun des ins­ti­tuts et des prêtres qui ont été nor­ma­li­sés par Rome n’a réel­le­ment conser­vé sa liber­té de parole.

Ne nous endor­mons donc pas main­te­nant, chers amis et bien­fai­teurs, nous qui, il y a quelque deux, trois ou presque quatre dizaines d’années, avons pris cette déci­sion de fuir nos paroisses pour ne pas chan­ger de reli­gion, et jus­te­ment pour gar­der notre foi. Mais éga­le­ment, vous, plus jeunes, qui, ayant désor­mais com­pris le réflexe de sur­vie spi­ri­tuelle de vos parents, avez mar­ché sur leurs traces. Et vous enfin, chers amis reve­nus ou conver­tis, qui n’avez mys­té­rieu­se­ment trou­vé ou retrou­vé le che­min de l’Eglise qu’au tra­vers du dédale de ses ruines.

Ne nous endor­mons pas, pour ne pas périr à notre tour, après avoir été sau­vés du nau­frage de notre reli­gion, non par nos mérites mais par la grâce de Dieu. Demandons la grâce de ne pas suc­com­ber main­te­nant à cet insi­dieux assou­pis­se­ment et à ce sub­til enli­se­ment qui nous entraînent, de la pro­fes­sion nette et claire de notre Credo et de la détes­ta­tion de l’hérésie, à ce chris­tia­nisme vague des textes du concile Vatican II et à ce flirt avec les fausses reli­gions. C’est parce que nous ne vou­lons pas encore com­pro­mettre ce qu’il reste de foi et de confes­sion de foi sur la terre et que nous nous refu­sons à cet accord seule­ment pra­tique avec Rome.

Au fur et à mesure que la foi s’affaiblit par­tout sur la terre et dans les âmes et que sa confes­sion n’existe plus, com­pre­nons d’autant plus notre devoir pres­sant de la trans­mettre et de la pro­cla­mer contre l’apostasie galopante.

C’est dans cette même foi et dans cette même confes­sion, dans cette même prière et dans ce même com­bat que nous devons demeu­rer unis contre toutes les forces de l’Enfer : « Demeurons fermes dans la Foi que nous pro­fes­sons jusqu’à la fin. » Hebr. 13,14

Courage, per­sé­vé­rons, éle­vons nos cœurs et n’ayons comme seule pas­sion que de trans­mettre la foi autour de nous ! « La foi : voi­ci la vic­toire qui a le des­sus sur le monde. » I Jo 5, 4.

Chantons la divine prière du Rosaire : à la fin, le Cœur Immaculé de la très sainte Vierge Marie triomphera.

Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.