Au feu, il faut une conduite de feu !

Encore un beau pèle­ri­nage, encore un beau témoi­gnage mis­sion­naire et com­bien d’âmes sanc­ti­fiées, ragaillar­dies, conver­ties ! Mais tout n’est pas fini, et notre pèle­ri­nage était un envoi en mis­sion. Soyez convain­cus que trois qua­li­tés vous seront néces­saires pour mener ce com­bat mis­sion­naire jus­qu’au bout.

Etre sacrifié

On ne peut résis­ter au démon avec des demi-​mesures, en essayant de res­ter en équi­libre entre une bas­sesse mani­feste et le vrai bien qui aujourd’­hui réclame sou­vent l’héroïsme.

La croix est plus féconde que l’es­prit de com­mo­di­té. Le sacri­fice est quelque chose qui ne se cal­cule pas, quelque chose qui n’ad­met pas de réserve. Dépouillons-​nous donc de tout le fatras des escla­vages modernes pour retrou­ver enfin la joie mis­sion­naire qui seule fleu­rit dans les âmes qui aiment la croix.

Il est navrant par exemple de voir des parents qui construisent pour leurs enfants une vie sans risques et sans contra­rié­tés, une vie dans laquelle tout est cou­vert par les assu­rances. En culti­vant l’es­prit de sacri­fice il n’y a pas de doute que l’on contri­bue plus faci­le­ment à unir notre vie au Saint Sacrifice.

« Qu’importe le tra­vail épui­sant de la recon­quête, ou les pré­oc­cu­pa­tions qu’elle engen­dre­ra, si l’es­sen­tiel est d’a­voir au fond de l’âme cette grande force de la grâce qui ranime, pousse en avant et conquiert ».

Nous savons tous très bien que « la faci­li­té endort l’i­déal. L’angoisse du Sacré-​Cœur lance en vain des cris qui devraient hor­ri­fier et geler d’ef­froi ».

La grâce ne dis­pense pas de l’ef­fort per­son­nel, car Dieu donne la vic­toire seule­ment par la croix.

« Quelle contra­dic­tion de croire en la grâce et de s’ac­com­mo­der à la paresse et à la mol­lesse » disait le Père Calmel.

La voie large pour conduire au ciel n’existe pas. Comme un sol­dat, le chré­tien doit savoir s’im­po­ser de nom­breux renon­ce­ments. La voie de la sanc­ti­fi­ca­tion, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ et Jésus cru­ci­fié ; la voie de la per­fec­tion, c’est la croix de Notre Seigneur. L’âme chré­tienne, âme vaillante, sait qu’il n’y a rien de plus pré­cieux ni de plus pro­fond que le renon­ce­ment, et le grand idéal de la vie chré­tienne donne tou­jours la force pour sou­mettre le corps, sup­por­ter la fatigue, la faim et la soif.

« Les âmes dorment ou sont sté­riles, ou se sont sui­ci­dées, alors que pour nous tirer de la tor­peur, de la boue, de la mort, ce corps tout divin pend dou­lou­reu­se­ment entre le ciel et la terre ».

Etre fort

Il est impos­sible d’être mis­sion­naire sans pra­ti­quer les ver­tus chré­tiennes, pra­tique néces­saire aux élites sociales ; et par­mi ces ver­tus il y a la force. Le règne de Dieu souffre vio­lence, et seuls les vio­lents, c’est-​à-​dire les géné­reux, les cou­ra­geux, les fidèles peuvent par­ve­nir au règne. Les forts, non pas les orgueilleux, non pas les pré­po­tents, ni les « fri­meurs ». Donc enga­ge­ment et enthou­siasme ! Soyez forts d’une foi irré­sis­tible, d’une fidé­li­té inébran­lable, d’une loyau­té intrépide.

Une fois de plus, il est néces­saire de rap­pe­ler que c’est de la prière et de la vie sacra­men­telle que nous extrai­rons cette force, pour aider les plus faibles, pour résis­ter au mal et non pac­ti­ser avec lui, pour entraî­ner les pusil­la­nimes, pour ne pas se rendre com­plices du mal, pour gar­der la sainte soif de jus­tice, de sain­te­té. C’est de Dieu en effet qu’il nous faut espé­rer la force et la lumière néces­saires au com­bat contre le men­songe et l’erreur.

Il y a seule­ment deux atti­tudes pos­sibles en dehors de la tra­hi­son : ou la lâche­té qui aban­donne et tend le cou, ou l’éner­gie confiante qui croit que les portes de l’en­fer ne pré­vau­dront pas si l’on sait tra­vailler cou­ra­geu­se­ment et intel­li­gem­ment pour la victoire.

La ver­tu de force est d’au­tant plus vita­le­ment indis­pen­sable pour nos contem­po­rains que l’é­tat de dis­so­cié­té dans lequel ils macèrent depuis plu­sieurs géné­ra­tions, les affaiblit.

Selon saint Thomas, la force sup­porte et éloigne les assauts et les dan­gers extrêmes dans les­quels il est dif­fi­cile de demeu­rer ferme. Elle inclut la résis­tance à un monde exté­rieur enne­mi. Pour accom­plir ce qui doit être fait, il fau­dra tou­jours en pre­mier lieu être plein de cou­rage. Reculer devant un dan­ger, une dif­fi­cul­té, c’est la crainte qui fait battre en retraite devant un mal dif­fi­cile à vaincre. Il nous faut sou­te­nir fer­me­ment les chocs, les dif­fi­cul­tés, en répri­mant toute crainte sté­rile, et les atta­quer ; c’est cela l’au­dace. L’acte prin­ci­pal de la force, c’est de résis­ter. Mais atten­tion, il ne s’a­git pas là uni­que­ment de défen­sive. Le libé­ra­lisme nous a tou­jours invi­tés à la pure défen­sive, et la grande loi du silence sur notre com­bat pour­rait peut-​être nous clouer dans une salle d’at­tente, car le libé­ra­lisme qui a la force en hor­reur, et le libé­ra­lisme « reli­gieux » qui tolère les pires attaques contre les lois divines, se sont tou­jours don­né la main. « Plus d’a­na­thèmes » cla­mait Jean XXIII au concile Vatican II. Notre âme s’ac­croche à une réa­li­té plus haute qu’elle-​même, à Dieu, mais sup­por­ter le mal par pure accep­ta­tion pas­sive, ce n’est pas chré­tien, et c’est bien pour cela que la ver­tu de force implique en second lieu et néces­sai­re­ment l’at­taque. La tolé­rance maçon­nique nous le fait oublier bien sou­vent. Mais nous, ne l’ou­blions pas, une juste colère, une sainte colère, auxi­liaire des forts, sera notre élan contre ce qui fait souffrir.

Tout réclame sans cesse effort et éner­gie. Dans le tra­vail de notre per­fec­tion chré­tienne, qui n’a­vance pas recule. Notre vie spi­ri­tuelle est faite ain­si et pour cela chaque conver­sion demande effort et persévérance.

L’âme inté­rieure – et per­sonne n’é­chappe à l’exi­gence d’être une âme inté­rieure – doit être une âme éner­gique, com­bat­tant le bon com­bat, c’està- dire une âme mis­sion­naire, conqué­rante. Ne soyons pas des romantiques :

« les roman­tiques ne sont autres que de pauvres gens sen­ti­men­taux » (Anzoategui).

Ne pas désespérer

Tout sera pos­sible si nous ne déses­pé­rons pas, car Dieu veut que nous arri­vions. Que nos prin­cipes ne s’é­moussent pas avec les années, et que l’hé­roïsme ne cède point la place à la pure rési­gna­tion. La crise que tra­verse l’Eglise, on l’a sou­vent enten­du, pour­rait décou­ra­ger les meilleurs, et même les plus anciens, et nous le déplo­rons. Or, ce n’est pas le moment d’ab­di­quer, mais plu­tôt au contraire le moment de redou­bler d’éner­gie et de cou­rage sur­na­tu­rels pour nous main­te­nir fermes dans la foi.

Dieu est le maître de l’his­toire et c’est bien pour cela qu’au­cun motif ne peut nous faire perdre confiance. Le pou­voir de l’en­ne­mi nous décou­rage par­fois, mais n’ou­blions jamais que c’est Dieu qui nous guide.

« C’est facile à dire, s’ex­cla­mait Monseigneur Lefebvre, c’est la lutte de David contre Goliath. Je le sais. Mais dans la lutte qui l’af­fron­ta à Goliath, David a obte­nu la vic­toire. Comment obtint-​il cette vic­toire ? avec une petite pierre qu’il était allé cher­cher dans le tor­rent. Et quelle est la pierre que nous avons ? C’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Donc, comme nos ancêtres ven­déens, disons : Nous n’a­vons qu’une peur au monde, c’est d’of­fen­ser Notre-​Seigneur. Nous aus­si nous chan­te­rons avec cou­rage : nous n’a­vons qu’un amour au monde, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ, et nous avons une seule crainte, celle de l’offenser ».

L’apostolat mis­sion­naire n’est pas seule­ment un com­bat, c’est sur­tout une conti­nua­tion dans le temps, par­fois écra­sante, par­fois fati­gante, de renon­ce­ment silen­cieux, de sacri­fices quo­ti­diens qui ne se remarquent pas. Ne déses­pé­rons pas d’ar­ri­ver à notre vraie patrie, car Dieu veut que nous y arri­vions. Que per­sonne ne déses­père mais que cha­cun ait grande confiance en Dieu. Désespérer est un mal, et comp­ter trop seule­ment sur soi-​même est aus­si un mal.

« Il n’y a pas d’ar­mée qui sans uni­té de com­man­de­ment et de dis­ci­pline, puisse obte­nir la vic­toire, ni même sub­sis­ter. Elle s’af­fai­bli­ra rapi­de­ment et cour­ra sûre­ment à sa ruine. Vous êtes les troupes d’é­lite de l’Eglise catho­lique. Au milieu de toutes les peines, de toutes les dif­fi­cul­tés et de tous les dan­gers, tou­jours en pre­mière ligne des com­bats du Seigneur, ne per­dez jamais ni la confiance ni le courage ».

Paroles encou­ra­geantes de notre fon­da­teur ! Ni les épreuves, ni les dan­gers, ni les per­sé­cu­tions sour­noises ne peuvent nous abattre. Un sol­dat – et nous sommes tous sol­dats du Christ par la confir­ma­tion – ne doit pas craindre les épreuves parce qu’il a Dieu, la Sainte Vierge Marie et toute la cour céleste prête à l’ai­der à gagner la bataille.

Une fois de plus, ne per­met­tez pas à la las­si­tude de vous tenir pour vain­cus. Il est néces­saire de lut­ter et sur­tout de ne pas se décou­ra­ger quand l’on nous dit et quand on voit que l’en­ne­mi rôde autour de la cité de Dieu avec les moyens capables de la détruire. Rappelez- vous les paroles du pape Urbain II en 1024 :

« Soldats de Dieu, tirez l’é­pée et frap­pez cou­ra­geu­se­ment les enne­mis de Jérusalem. Dieu le veut ».

Jusqu’à notre der­nier sou­pir il fau­dra lut­ter : contre nous-​mêmes, contre tout ce qui autour de nous sent l’ha­leine de Satan. Nous n’a­vons pas à dépo­ser les armes ni à déman­te­ler les for­te­resses construites depuis qua­rante ans ou plus, nous n’a­vons pas à détruire les vieux bas­tions. Même seuls contre tous, si nous lut­tons pour la véri­té, il nous sera impos­sible d’a­ban­don­ner le com­bat. « Au feu il faut une conduite de feu » et quand tout sem­ble­ra per­du, ce sera le moment de don­ner le der­nier assaut.

Abbé Xavier BEAUVAIS †

Extrait du Chardonnet n° 219 de juin 2006