C’est pour vous jeune homme, c’est pour vous jeune fille

Vous étiez un jour ado­les­cents, ado­les­centes et déjà vous com­men­ciez à regar­der le monde avec des yeux neufs.

Les nouveaux horizons de l’âge adulte

Votre ima­gi­na­tion s’envolait vers de nou­veaux hori­zons : ceux de l’âge adulte. Vous regar­diez alors vivre les hommes et les femmes avec une âme nou­velle. Vous cher­chiez à les imi­ter peut-​être. Le sou­ci de l’amour avait même jailli dans vos cœurs. Vous étiez encore trop jeunes pour oser en par­ler. On se serait moqué de vous et vous le saviez. Des idées confuses et des ima­gi­na­tions folles vous sol­li­ci­taient peut-​être. L’éducation fami­liale, la for­ma­tion reli­gieuse s’efforçaient alors de sta­bi­li­ser tout cela, de don­ner une place, un rang, un sens, un but à cha­cun de ces appels inté­rieurs. Mais en même temps, vous étiez sai­sis par un cli­mat social, une atmo­sphère de vie, atti­rés peut-​être par la séduc­tion des moyens de dif­fu­sion, l’image, l’imprimé, la parole, le son qui dis­til­lent toute une fadeur sen­ti­men­tale, toute une fausse concep­tion de l’amour humain, qui répandent mal­heu­reu­se­ment une concep­tion maté­ria­liste et fausse de l’amour humain. Un homme de métier fai­sait la remarque suivante :

« On offre des « tranches de vie » habi­le­ment agen­cées et d’un pou­voir sug­ges­tif éton­nant. Les intrigues se confinent le plus sou­vent dans l’évocation des conquêtes sen­ti­men­tales éphé­mères, et des mésen­tentes conju­gales, assai­son­nées de coups de théâtre les plus divers. Tantôt la coquet­te­rie de la femme est mise en relief, tan­tôt la fidé­li­té de l’épouse est mise à l’épreuve. La vie morale des per­son­nages étant sans véri­table étoffe, on ima­gine bien que dans chaque roman-​fleuve, il y a des gens qui se noient. Et les nau­frages sont aus­si nom­breux non loin des rives qu’en haute mer. On pour­rait croire que c’est dans l’ordre. Illusions roma­nesques, incom­pré­hen­sion des époux, fugues de l’un, déses­poir de l’autre, chi­canes, rac­cor­de­ments, cas d’hystérie… et quoi encore ! »

Les chimères modernes

Radio, télé­vi­sion, jour­naux, inter­net, revues illus­trées, on sait le genre de sug­ges­tions que tout cela apporte. Sortons main­te­nant du milieu fami­lial. Vous étiez à l’âge où l’imagination était bien sou­vent débri­dée, ne sachant plus très bien ce qui était conforme à l’ordre natu­rel ou ne l’était pas. Vous n’aviez aucune expé­rience, mais vous dési­riez – et c’était légi­time – savoir et com­prendre le plan de Dieu sur l’amour humain. Et que vous en révé­laient les rues, les kiosques à jour­naux et revues, les romans à bon mar­ché, la publi­ci­té du métro, les affiches publi­ci­taires et de ciné­ma, les lec­tures, les films, les musiques, toute cette sara­bande qui vous escor­tait un peu par­tout comme pour mieux s’incruster dans votre imagination ?

Qu’est-ce que vous disaient, et disent encore aujourd’hui plus que jamais, sans jamais le for­mu­ler, ces images, ces films, ces chan­sons et cette publi­ci­té ? Eh bien, elles vous disent ceci :
– que l’amour est en pre­mier lieu une occa­sion de jouis­sance sen­ti­men­tale ;
– que l’amour en second lieu est une occa­sion de plai­sir physique.

Et ici le dis­cours que la socié­té contem­po­raine vous tient, jeunes gens et jeunes filles, n’est plus seule­ment stu­pide et navrant, mais tout sim­ple­ment odieux. L’image du plai­sir est en effet évo­quée par tous les moyens de l’image et du film, par celle dont la sil­houette phy­sique seule occupe l’imagination. Or cette sil­houette, cette créa­ture fac­tice n’a ni cœur, ni carac­tère, ni pudeur. Elle n’a ni parent, ni milieu social, ni tra­di­tion natio­nale, elle n’a pas d’époux, ni d’enfant, elle n’en aura jamais ; elle n’est plus une jeune fille, elle ne sera jamais mère. Tout ce qui fait la digni­té, la noblesse de la chré­tienne est détruit, arra­ché, déra­ci­né en elle, à savoir la vir­gi­ni­té et la fécondité.

Voilà ce que les dépra­vés du maté­ria­lisme contem­po­rain exhibent à quelques mil­lions d’exemplaires : une créa­ture comme pri­vée d’âme.

Vous le savez, c’est un cli­mat si habi­tuel, si per­ma­nent qu’il y a grand risque à en subir l’effet sans plus le remar­quer, un risque à ne plus sen­tir, au moins confu­sé­ment que tout cela est abject. Une aspi­ra­tion secrète, pro­fonde à la pure­té, jusqu’alors pro­té­gée par la grâce divine, si vive dans votre âme alors que vous étiez enfants et même ado­les­cents, est alors len­te­ment, pro­gres­si­ve­ment embuée, ter­nie, par l’obsession quo­ti­dienne des mirages, des paroles, des musiques que le ciné­ma, inter­net, la publi­ci­té, les revues sug­gèrent, en fai­sant de vous par­fois des com­plices honteux.

Voilà, c’est le décor dans lequel vous gran­dis­sez aujourd’hui. Cette concep­tion dia­bo­lique de l’économie sociale où l’appât du gain jus­ti­fie tous les moyens y com­pris ceux qui désho­norent l’amour, avi­lissent les âmes et détruisent les foyers. Et tout cela fait que vous êtes aux prises avec des dif­fi­cul­tés plus graves et plus nom­breuses que les géné­ra­tions anté­rieures. Vous êtes invo­lon­tai­re­ment et incons­ciem­ment façon­nés par tout cela. On vous rap­pelle pour­tant quelques véri­tés chré­tiennes sur le mariage. Ce fut au col­lège, en famille, à l’église, mais chez beau­coup, les choses de la morale ne leur par­viennent plus, hélas, que comme des inter­dic­tions, des tabous, et ils n’y voient trop sou­vent que des affir­ma­tions vides de sens, for­ma­listes et conventionnelles.

Et, peu à peu, sous l’aiguillon de ce cli­mat de vie, il n’y a qu’un pas à fran­chir pour affir­mer un jour que toute cette morale n’est plus adap­tée à notre temps, qu’elle n’est pas pra­tique, qu’elle ne tient pas compte des faits, qu’il faut être de son temps. Et s’installe alors la révolte face à tout ce qui ne suit pas le cou­rant de faci­li­té auquel tant de sol­li­ci­ta­tions diverses vous invitent. Et le cou­rant, on sait où il entraîne.

De dangereux glissements

Là-​dessus, se greffent cer­taines fré­quen­ta­tions. Même avec une inten­tion plus ou moins loin­taine de mariage, com­bien de fré­quen­ta­tions ne pour­suivent pas, le plus sou­vent, leur but rai­son­nable, qui serait de connaître, puis de com­pa­rer, pour mieux choi­sir. Ce que cer­tains cherchent dans les fré­quen­ta­tions, c’est une inti­mi­té sen­ti­men­tale, un besoin affec­tif que l’on veut voir com­bler. Eh bien, cela ne mérite pas le nom d’amour. De part et d’autre, c’est l’égoïsme de la sen­si­bi­li­té qu’on cherche à satis­faire, une satis­fac­tion qui se dégra­de­ra progressivement.

Ensuite, que ces ren­contres se fassent dans l’obscurité d’une salle de ciné­ma, dans l’atmosphère éner­vante d’une soi­rée, ou qu’elles se pour­suivent tard, la nuit, dans une cave à la mode, elles inclinent – vous ne me direz pas le contraire – elles inclinent beau­coup plus au désir lan­ci­nant d’une plus grande inti­mi­té phy­sique qu’à la réserve pro­fonde, noble et vraie d’un jeune homme et d’une jeune fille qui cherchent à se connaître vrai­ment, pour savoir, avant d’avouer leur amour, si cet aveu ne sera que celui d’un ins­tinct indif­fé­ren­cié, ou s’il sera, pour des motifs pro­fonds et graves, celui de leur âme.

Toutes ces ques­tions ne vous paraissent peut-​être pas aus­si sérieuses, pour ceux qui ne sont pas encore mariés. Et pour­tant, elles appa­raissent de manière par­fois tra­gique dans les mois qui suivent le mariage ; car lorsque les feux du désir sont apai­sés, ce sont vrai­ment deux âmes qui se retrouvent face à face, deux carac­tères, deux atti­tudes de vie… et peut-​être, hélas, deux égoïsmes. Et lorsque les mirages d’un attrait trop exclu­si­ve­ment sen­sible se sont dis­si­pés – et l’expérience montre qu’ils se dis­sipent vite – de jeunes époux, de jeunes épouses com­mencent sans oser en rien dire, à faire des com­pa­rai­sons. « Ah ! si j’avais épou­sé celui-​ci… il était moins sédui­sant mais tel­le­ment plus solide. Si j’avais su choi­sir celle-​là ! Elle était moins coquette, plus effa­cée, mais aujourd’hui, com­bien elle m’apparaît plus féminine ».

Ce n’est pas en écou­tant aveu­glé­ment ses élans qu’on est à jamais pré­ser­vé contre toute adver­si­té. Il y a un piège sub­til, fré­quent dans lequel il faut deman­der à l’Esprit Saint de ne pas tom­ber : celui de croire que jeunes gens et jeunes filles seront amou­reux dans la mesure où ils seront dérai­son­nables. La rai­son n’aurait-elle rien à faire dans le domaine des sen­ti­ments ? Y a t‑il contra­dic­tion et impos­si­bi­li­té à conci­lier le point de vue du cœur et celui de l’intelligence ? Même si la jeu­nesse est l’âge des pas­sions, elle ne doit pas pour autant vivre plus ou moins en révolte contre la sagesse pru­dente de la matu­ri­té. La rai­son n’est pas enne­mie de l’amour humain. Accompagner notre amour de réflexions, d’observations, de médi­ta­tions déli­bé­rées, ce n’est pas l’amoindrir ni le tra­hir, c’est au contraire l’enrichir, l’élargir, non plus seule­ment lui impri­mer un élan aveugle et pas­sion­nel, mais le sou­mettre à un autre élan rai­son­nable et volon­taire. C’est per­mettre à l’amour, au-​delà du mariage, de demeu­rer intact, de se for­ti­fier, de res­ter une flamme, la flamme même qui éclaire et réchauffe le foyer.

Réfléchir avant d’agir…

L’ordre natu­rel des choses en un tel domaine, c’est pre­miè­re­ment de juger avant de déci­der, et deuxiè­me­ment, de cher­cher à connaître avant de se lais­ser aller à aimer. Or, par un sin­gu­lier ren­ver­se­ment auquel inclinent les ten­ta­tions, les jeunes ont ten­dance à déci­der avant de juger, et à aimer avant de connaître. Il est bon, il est néces­saire de juger un gar­çon, de juger une jeune fille avant de déci­der de l’épouser. Il est bon, il est néces­saire, autant qu’il est rai­son­na­ble­ment pos­sible, de connaître le carac­tère, les apti­tudes, les goûts, les qua­li­tés morales de celui ou de celle à qui on pense lier sa vie, avant de se lais­ser aller à rêver, à désirer.

C’est dif­fi­cile, me direz-​vous ! Oui. C’est dou­lou­reux ? Oui. Mais cela exige incon­tes­ta­ble­ment un renon­ce­ment inté­rieur. N’est-il pas plus dou­lou­reux de se trom­per ? De lier sa vie à un incon­nu, à une incon­nue, sim­ple­ment parce qu’on a cru que son sou­rire, son regard, ou sa situa­tion, sa for­tune ou sa classe sociale étaient des pro­messes suf­fi­santes de bonheur ?

Il y a comme cela des jeunes filles qui épousent une sil­houette, une auto­mo­bile ou une situa­tion. Et cinq ou dix ans plus tard, au fond de leur cœur, lorsqu’elles souffrent de l’égoïsme d’un mari, et de toutes les consé­quences cru­ci­fiantes pour elles, pensent-​elles que les motifs qui ont déter­mi­né le mariage pro­nos­ti­quaient déjà ces mal­heurs ? Elles n’avaient pas réflé­chi au dan­ger qui les mena­çait. Elles avaient pen­sé que les hommes sont tou­jours plus ou moins égoïstes. Tandis qu’ils n’ont pas tou­jours une pro­prié­té, un phy­sique agréable ou une intel­li­gence remarquable.

Il y a aus­si comme cela des jeunes gens qui épousent une ligne, une ten­dresse ou un héri­tage à venir, ou même une culture excep­tion­nelle et qui découvrent trop tard, que dans d’autres foyers, la vie est plus douce, la cui­sine meilleure, les enfants mieux soi­gnés, mieux éle­vés, la mai­son plus propre, et que tous ces détails ne sont que le reflet d’un amour plus pro­fond, d’un dévoue­ment plus tendre.

Les fréquentations catholiques

C’est en son­geant à de tels exemples que l’on peut vrai­ment com­prendre le rôle de ces rela­tions entre jeunes gens et jeunes filles au sein d’une paroisse, au sein d’un mou­ve­ment catho­lique. Le rôle de ces fré­quen­ta­tions n’est pas d’ébaucher, dans un des­sin incons­ciem­ment égoïste, une liai­son sen­ti­men­tale, pour attendre plus com­mo­dé­ment l’âge ou l’heure du mariage. Le rôle de ces fré­quen­ta­tions que vous avez au sein d’un groupe, lors de sor­ties à plu­sieurs est, avant tout, de vous apprendre à vous juger réci­pro­que­ment. Dans cet effort, la recherche inquiète d’une inti­mi­té sen­ti­men­tale ou d’abandons plus équi­voques ne peuvent que ter­nir les âmes de ceux qui se trouvent à cette heure où leur des­tin s’oriente. Plus que jamais alors, il faut que vous soyez ten­dus vers cette pré­sence vivante et agis­sante de Jésus-​Christ dans vos âmes, nour­ries par la prière et les sacre­ments. C’est Lui, Jésus-​Christ, qui vous don­ne­ra la force d’être entiè­re­ment réser­vés pour le don total que sup­pose un amour total. C’est Lui qui vous don­ne­ra la lumière qui for­me­ra votre juge­ment et évi­te­ra que la pas­sion ne vienne l’obscurcir.

Ayez cette foi, cette foi que Dieu sait mieux que vous ce qui convient à votre bon­heur véri­table, cela vous évi­te­ra d’être tou­jours en train de sub­sti­tuer votre pro­vi­dence à la Sienne, votre confiance en vous à votre confiance en Lui.

Car, par grâce, c’est alors avec une vraie liber­té, si vous êtes appe­lés au mariage, que vous vous ren­con­tre­rez : la vraie liber­té qui vous incli­ne­ra à évi­ter le rendez-​vous où l’on ne cherche nul­le­ment à se connaître, ni à se juger, mais seule­ment à jau­ger les fai­blesses et à ébau­cher des aven­tures de plai­sir. Celles-​ci sont autant d’imprudences qui détruisent d’avance le bon­heur conju­gal, car elles ne font qu’exacerber l’égoïsme de cha­cun des futurs époux. Comment serez-​vous spon­ta­né­ment, demain, l’un pour l’autre, occa­sion de per­fec­tion­ne­ment si vous êtes aujourd’hui inévi­ta­ble­ment, l’un pour l’autre, occa­sion de chute ?

Abbé Xavier BEAUVAIS

Bibliographie :
- « La joie d’aimer » (Marcel Clément)
- « Le com­bat pour ces jeunes » (Yves Salem)