Lettre aux mamans n° 11

N° 11 – Mai 2007

hère Madame,

Dans ma pré­cé­dente lettre, je vous disais que le meilleur moyen de cor­ri­ger l’é­goïsme chez votre enfant, c’est de lui créer des occa­sions de « poser » des actes posi­tifs, notam­ment des actes de cha­ri­té. Je vous par­lais de l’in­gra­ti­tude de l’en­fant, défaut qu’il est pos­sible de redres­ser quand il est petit, en lui appre­nant à dire « MERCI ».

A pré­sent, mon pro­pos est d’ap­pro­fon­dir ce point qui a une très grande impor­tance dans la for­ma­tion du cœur de l’enfant.

Savoir dire « mer­ci » n’est pas si com­mun dans notre monde actuel ! N’avez-​vous pas consta­té qu’au­jourd’­hui remer­cier (Dieu et les hommes) est deve­nu chose rare ? Dire mer­ci, c’est recon­naître un bien­fait reçu de la part d’un autre et, de ce fait, dépendre d’un autre. Or, actuel­le­ment, on pro­clame tant l’es­prit d’in­dé­pen­dance (orgueil et égoïsme) que l’on a du mal à conve­nir que l’on a dépen­du d’un autre en rece­vant de lui. Car, au fond, tout nous est dû. Tel est l’es­prit moderne issu du libé­ra­lisme ! Ce n’est pas l’es­prit de Jésus-​Christ. Or, Chère Madame, je m’a­dresse à vous qui vou­lez faire de votre enfant un vrai chré­tien selon l’es­prit de Notre-Seigneur.

La recon­nais­sance est une atti­tude, plus encore un sen­ti­ment nor­mal qu’il n’est pas sans dan­ger d’ex­tir­per d’un cœur humain. En effet, que ferons-​nous éter­nel­le­ment au ciel si ce n’est louer Dieu et Le remer­cier pour tous les bien­faits dont Il nous aura com­blés ? Il nous faut apprendre à bal­bu­tier cette recon­nais­sance ici-​bas, en atten­dant qu’elle soit notre prin­ci­pale occu­pa­tion dans la Maison du Père, lorsque, dans la lumière du para­dis, nous com­pren­drons mieux la magna­ni­mi­té de Dieu à notre égard, et aus­si tout ce que nous devons les uns envers les autres.

« Dire mer­ci » est un des élé­ments essen­tiels du « savoir-​vivre » ici-​bas et du « savoir-​vivre » éter­nel. Il est indis­pen­sable de l’ap­prendre à votre enfant, dès son plus jeune âge. Pourquoi ? Parce que c’est le moment le plus pro­pice. Tout petit, il est entiè­re­ment dépen­dant de sa mère. De ce fait, il vous est très facile de for­mer son cœur à la recon­nais­sance. Plus tard, cela vous sera beau­coup plus difficile.

On ne sait guère dire mer­ci aujourd’­hui pour 4 raisons :

1 – l’es­prit d’in­dé­pen­dance qui est prô­né. Or, il y a chez l’être humain une réac­tion ins­tinc­tive contre toute expres­sion de dépen­dance, vis-​à-​vis de qui que ce soit. Ce n’est pas le cas chez le tout petit. C’est pour­quoi, com­men­cez très tôt à apprendre à votre enfant à vous dire : « mer­ci Maman », afin de vous rendre ce qu’il vous doit.
2 – l’or­gueil qui, dans tout être humain, lui fait consi­dé­rer comme un dû tout ce qu’il reçoit et tout ce qu’il pos­sède. Or, l’on constate com­bien, l’en­fant très jeune res­pire cet air mal­sain du libé­ra­lisme : tout lui est dû ! Pensez seule­ment à ce que l’en­fant voit dans les maga­sins, à ce qu’il entend de la part de ses petits cama­rades à l’é­cole ou ailleurs,… Comment pro­té­ger votre enfant ? En anti­ci­pant, c’est-​à-​dire en for­mant son cœur, tout petit, alors qu’il vous est tout récep­tif. Je crois que les mamans ne pro­fitent pas assez de ce moment pri­vi­lé­gié où, bébé, l’en­fant attend tout de sa maman. Quel dommage !
3 – la légè­re­té. Quand on jouit dans le pré­sent de ce que l’on a, on a ten­dance à oublier le reste, à savoir : les autres.
4 – l’é­goïsme. Pour deman­der, il faut pen­ser à « soi », à ce dont on a besoin, à ses inté­rêts. Pour remer­cier, il faut pen­ser à celui qui s’est déran­gé pour nous rendre ser­vice ; et cela est d’un autre domaine : l’ordre avec les autres.

Qui ne recon­naît pas ici les suites funestes du péché originel ?

Dire « mer­ci » est pour­tant un devoir de jus­tice élé­men­taire, car nous avons beau­coup reçu de Dieu et des autres.

Mais voi­là ! La tech­nique moderne, le pro­grès, le maté­ria­lisme, etc,… nous aveuglent, nous empêchent de voir la réa­li­té, plus encore, nous empêchent de réflé­chir. Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons, tout ce que nous savons, – tout, abso­lu­ment tout – nous le tenons de Dieu, soit direc­te­ment, soit par l’in­ter­mé­diaire de sa créa­ture. Notre corps et ses membres, notre âme et ses facul­tés, l’air et la lumière, la nais­sance et la vie,… tout est de Dieu en nous et pour nous. Pas une seule excep­tion ! En fait, nous n’y pen­sons pas, tant cela nous est deve­nu natu­rel. N’avez-​vous pas remar­qué que c’est sur­tout quand nous per­dons quelque chose que nous nous aper­ce­vons de sa valeur sans avoir su l’apprécier ?

Gustave Thibon disait que nous ne voyons pas le bien que Dieu nous fait parce que Dieu ne cesse jamais de nous faire du bien. Rien ne frappe moins la conscience qu’un bien­fait continu.

En fai­sant la prière avec votre enfant, apprenez-​lui, par une petite orai­son jacu­la­toire (petite phrase très courte adres­sée à Dieu) à remer­cier Dieu pour ce beau temps, pour ce beau soleil, pour cette pluie qui arrose les plantes (au lieu de gémir parce qu’il pleut et qu’on ne peut sor­tir !), pour cette jour­née, pour la messe de ce matin, de cette com­mu­nion, de cette visite à Jésus au Saint Sacrement,…. Il y a tant d’oc­ca­sions dans une jour­née pour remer­cier Dieu ! Y pensons-​nous et pour­quoi ne pas l’in­cul­quer à l’en­fant que Dieu nous donne pour for­mer en lui l’es­prit de Jésus ? S’il faut remer­cier Dieu pour les bien­faits connus, il faut aus­si remer­cier Dieu pour tous les bien­faits incon­nus que nous rece­vons de Lui.

Sainte Thérèse de l’Enfant-​Jésus raconte dans sa vie ceci : « Je sup­pose que le fils d’un habile doc­teur ren­contre sur son che­min une pierre qui le fasse tom­ber et lui casse un membre. Son père vient promp­te­ment, le relève avec amour, soigne ses bles­sures, employant à cet effet toutes les res­sources de son art, et bien­tôt son fils, com­plè­te­ment gué­ri, lui témoigne sa recon­nais­sance. Sans doute, cet enfant a bien rai­son d’ai­mer un si bon père. Mais voi­ci une autre sup­po­si­tion : Le père, ayant appris qu’il se trouve sur le che­min de son fils une pierre dan­ge­reuse, prend les devants et la retire sans être vu de per­sonne. Certainement ce fils, objet de sa pré­voyante ten­dresse, ne sachant pas le mal­heur dont il est pré­ser­vé par la main pater­nelle, ne lui témoi­gne­ra aucune recon­nais­sance, et l’ai­me­ra moins que s’il l’eut gué­ri d’une bles­sure mor­telle. Mais s’il vient à tout connaître, ne l’aimera-​t-​il pas davan­tage ? Eh bien, c’est moi qui suis cet enfant, objet de l’a­mour pré­voyant d’un Père « qui n’a pas envoyé son Verbe pour rache­ter les justes, mais les pécheurs ». Il veut que je l’aime parce qu’il m’a remis, non pas beau­coup, mais tout. Sans attendre que je l’aime beau­coup, comme Sainte Marie Madeleine, il m’a fait savoir com­ment il m’a­vait aimée d’un amour d’i­nef­fable pré­voyance, afin que main­te­nant je l’aime à la folie ! »

Alors vous com­pren­drez que la recon­nais­sance expri­mée conduit à l’a­mour, et à l’a­mour réci­proque. N’est-​ce pas ce que Dieu demande et attend de cha­cune de ses créa­tures ? Il nous aime le pre­mier et Il attend notre amour, notre cœur vibrant d’a­mour pour Lui. C’est cela que vous devez com­mu­ni­quer à votre petit enfant qui, par le Baptême, est deve­nu le Temple de la Très Sainte Trinité. Mais pour le lui com­mu­ni­quer, il faut d’a­bord que vous en soyez convain­cue et que vous en viviez. C’est ce que je vous sou­haite de tout cœur pour la plus grande Gloire de Dieu….

(à suivre)

Une Religieuse.

Adresse cour­riel de la Lettre aux mamans sur l’éducation

Conseil de lecture :

Relire le pas­sage cité, de Ste Thérèse de L’E‑J. dans « Histoire d’une âme » (chap.IV).