Résolution de Carême : que choisir ?

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L’année litur­gique com­porte deux cycles : celui de Noël et celui de Pâques. Chaque cycle compte une pré­pa­ra­tion, une fête avec son Octave et un pro­lon­ge­ment. La fête de Noël avec son Octave est pré­pa­rée par l’Avent et pro­lon­gées par l’Épiphanie et les dimanches après l’Épiphanie. La fête de Pâques avec son Octave est pré­pa­rée par trois temps litur­giques –la Septuagésime, le Carême et la Passion– et pro­lon­gées par la Pentecôte et la longue série des dimanches après la Pentecôte. Tout chré­tien est donc invi­té à pro­fi­ter du Carême pour se dis­po­ser à célé­brer les mys­tères de la pas­sion et de la résur­rec­tion du Christ.

D’ordinaire, cette pré­pa­ra­tion passe par des efforts dont le but est de mieux nous confor­mer, sous l’impulsion de la grâce, à notre divin Modèle. Or, à l’heure de prendre des réso­lu­tions, nous nous trou­vons sou­vent désem­pa­rés. Non pas que notre vie chré­tienne soit exempte de défauts et d’imperfections. Au contraire, elle en est si pleine que nous ne savons plus où don­ner de la tête. Pour faci­li­ter notre prise de déci­sion, inspirons-​nous de la conduite des rois mages.

Selon l’Écriture, les rois mages firent au roi qui venait de naître un triple pré­sent : l’or, l’encens et la myrrhe. Saint Grégoire le Grand voit dans ce geste une pro­fes­sion de foi : « Les mages pro­clament, par leurs pré­sents sym­bo­liques, qui est celui qu’ils adorent. Voici l’or : c’est un roi ; voi­ci l’encens : c’est un Dieu ; voi­ci la myrrhe : c’est un mor­tel » (10e Homélie sur l’Épiphanie). On peut éga­le­ment y décou­vrir les trois voies d’accès à Dieu qui s’offrent au chré­tien, par­ti­cu­liè­re­ment pen­dant le Carême : les bonnes œuvres, la prière et la pénitence.

L’or des bonnes œuvres

A la fin du 3e siècle, saint Cyprien rédige un petit opus­cule inti­tu­lé Des bonnes œuvres et des aumônes, dont voi­ci quelques pas­sages suggestifs :

« Si l’eau bap­tis­male éteint le feu de l’enfer, les aumônes et les bonnes œuvres éteignent dans les âmes régé­né­rées la flamme du péché. Dans le bap­tême, la rémis­sion n’est accor­dée qu’une fois ; mais les bonnes œuvres, par leur conti­nui­té et leur mul­ti­pli­ca­tion, nous obtiennent sans cesse l’indulgence et le par­don de Dieu. […] L’aumône, mes frères bien-​aimés, est une chose divine. Elle est la conso­la­tion des croyants, le gage de notre salut, le sou­tien de notre espé­rance, l’appui de notre foi, l’expiation de nos péchés. Œuvre à la fois grande et facile, elle dépend uni­que­ment de celui qui la fait. On n’a pas à craindre la per­sé­cu­tion ; c’est la cou­ronne de la paix. L’aumône est le plus grand de nos devoirs envers Dieu ; elle sou­lage la fai­blesse et honore la for­tune. Aidé par elle, le chré­tien s’enrichit de la grâce divine ; il flé­chit la colère du sou­ve­rain Juge ; il compte Dieu par­mi ses débiteurs. »

L’aumône à laquelle l’évêque de Carthage invite ses lec­teurs d’hier et d’aujourd’hui est celle que l’on fait en dis­po­sant de son super­flu au béné­fice des néces­si­teux. On aurait cepen­dant tort de n’y voir qu’une affaire d’argent.

Le Christ énu­mère, en effet, toute une série d’œuvres de misé­ri­corde que le chré­tien est for­te­ment convié à pra­ti­quer : « J’ai eu faim, et vous m’avez don­né à man­ger ; j’ai eu soif, et vous m’avez don­né à boire ; j’étais étran­ger, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visi­té ; en pri­son, et vous êtes venus à moi » (Mt 25, 35–36).

Offrir du temps, rendre ser­vice, visi­ter les per­sonnes seules, ensei­gner les igno­rants, conso­ler les affli­gés : autant de bonnes œuvres qui s’offrent à notre bon vou­loir durant le temps du Carême.

L’encens de la prière

Outre la pra­tique des bonnes œuvres, ces 40 jours peuvent aus­si être l’occasion d’un regain de prière. Dans Le grand moyen de la prière, saint Alphonse de Liguori met l’accent sur l’importance du lien que nous devons entre­te­nir avec notre Père qui est dans les cieux :

« Ce fut déjà une erreur des Pélagiens de pré­tendre que la prière n’est pas néces­saire pour par­ve­nir au salut. L’impie Pélage, leur maître, disait que « l’homme ne se perd que pour autant qu’il néglige d’apprendre les véri­tés qu’il est néces­saire de connaître ». Mais chose curieuse, disait saint Augustin, « Pélage dis­pute de tout plu­tôt que de la prière ». Pélage vou­lait trai­ter de tout, sauf de la prière qui est l’unique moyen, comme le pen­sait et l’enseignait le saint Docteur, d’acquérir la science des saints, selon ce que saint Jacques écri­vait : « Si l’un de vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu ; il donne à tous géné­reu­se­ment, sans récri­mi­ner » (Jc 1, 5).

« Les textes de la Sainte Écriture, qui nous montrent la néces­si­té où nous sommes de prier, si nous vou­lons assu­rer notre salut sont trop clairs : « Il leur fal­lait prier sans cesse, et ne pas se décou­ra­ger » (Lc 18, 1), « Veillez et priez pour ne pas entrer en ten­ta­tion » (Mt 26, 41), « Demandez et l’on vous don­ne­ra » (Mt 7, 7). » (1re par­tie, ch. 1, n° 1)

Quant à la prière, nos efforts peuvent prendre une triple direc­tion. D’abord, assu­rer la régu­la­ri­té sans faille de nos prières quo­ti­diennes : la prière du matin avec son offrande de la jour­née, la prière du soir avec son exa­men de conscience. Ensuite, la réci­ta­tion quo­ti­dienne du cha­pe­let, si pos­sible en famille, pour nous mettre à l’école de Notre-​Dame. Enfin, l’assistance à l’une ou l’autre messe de semaine pour avoir en nous « les mêmes sen­ti­ments dont était ani­mé le Christ Jésus » (Phil 2, 5).

La myrrhe de la pénitence

Dans L’amour de la Sagesse éter­nelle, saint Louis-​Marie Grignon de Montfort recom­mande au dis­ciple de Jésus-​Christ la pra­tique de la péni­tence continuelle :

« Pour avoir la Sagesse, il faut mor­ti­fier son corps, non seule­ment en souf­frant patiem­ment les mala­dies du corps, les injures des sai­sons et les atteintes qu’il reçoit, en cette vie, des créa­tures ; mais encore en se pro­cu­rant quelques peines et mor­ti­fi­ca­tions, comme jeûnes, veilles et autres aus­té­ri­tés de saint pénitent.

« Il faut du cou­rage pour cela, parce que la chair est natu­rel­le­ment ido­lâtre d’elle-même, et le monde regarde et rejette comme inutiles toutes les mor­ti­fi­ca­tions du corps. Que ne dit-​il point, que ne fait-​il point pour détour­ner de la pra­tique des aus­té­ri­tés des saints, de cha­cun des­quels il est dit, à pro­por­tion : « Le sage, ou le saint, a réduit son corps en ser­vi­tude par des veilles, par des jeûnes, par des dis­ci­plines, par le froid, la nudi­té et toute sorte d’austérités et il avait fait pacte avec lui de ne lui don­ner aucun repos en ce monde ». Le Saint-​Esprit dit de tous les saints qu’ils étaient « enne­mis de la robe souillée de leur chair » (Jud. 23).

« Afin que cette mor­ti­fi­ca­tion exté­rieure et volon­taire soit bonne, il faut néces­sai­re­ment la joindre avec la mor­ti­fi­ca­tion du juge­ment et de la volon­té, par la sainte obéis­sance ; parce que, sans cette obéis­sance, toute mor­ti­fi­ca­tion est souillée de la volon­té propre, et sou­vent plus agréable au démon qu’à Dieu. C’est pour­quoi il ne faut faire aucune mor­ti­fi­ca­tion consi­dé­rable sans conseil. » (ch. 15, n° 201–202)

Pour « ache­ver dans sa chair ce qui manque la Passion du Christ pour son corps qui est l’Église » (Col 1, 24), le chré­tien com­mence par obser­ver fidè­le­ment les péni­tences pres­crites par l’Église : abs­ti­nence des ven­dre­dis, jeûne et abs­ti­nence du Mercredi des Cendres et du Vendredi Saint. Libre à lui d’y ajou­ter quelques mor­ti­fi­ca­tions per­son­nelles com­pa­tibles avec l’accomplissement de son devoir d’état.

Abbé François Knittel

Sources : La Lettre de Saint Florent /​La Porte Latine du 27 février 2020