La France « chrétienne » à l’épreuve du Coronavirus

Tous les ans au début sep­tembre des mil­liers de valen­cien­nois portent en pro­ces­sion la sta­tue de Notre-​Dame du saint Cordon pour com­mé­mo­rer le sau­ve­tage mira­cu­leux de leur ville.

1008 : Une ter­rible peste ravage la ville de Valenciennes, tuant des mil­liers d’habitants en quelques jours. Les églises ne désem­plissent pas de fidèles qui sup­plient la mère de Dieu de se sou­ve­nir que la misé­ri­corde est le plus beau fleu­ron de sa couronne.

La sainte Vierge se laisse tou­cher par leur sup­plique. Elle appa­raît à Bertholin, un saint ermite vivant près la ville, et lui dit :

« Va trou­ver mon peuple de Valenciennes. La nuit qui pré­cé­de­ra la fête de ma nati­vi­té, mon peuple sau­ra que ses vœux seront exau­cés. Que les habi­tants se rendent alors sur les murailles de la ville, là ils y ver­ront des merveilles. »

Ce soir-​là, 15 000 per­sonnes se pressent sur les murailles et voient la Sainte Vierge leur appa­raître dans le ciel, entou­rée d’anges. Elle tient à la main un immense cor­don écar­late. Un ange en prend une extré­mi­té et fait le tour de la ville en lais­sant tom­ber sur son pas­sage le pré­cieux cor­don qui bien­tôt envi­ronne la cité comme une cein­ture pro­tec­trice. Le cir­cuit ter­mi­né, la vision s’évanouit. À cet ins­tant même, la conta­gion cesse et ceux qui étaient atteints par la peste sont guéris.

Nous pour­rions mul­ti­plier les his­toires de ce genre, racon­tant com­ment le ciel met fin aux cala­mi­tés à la prière des hommes ou com­ment un curé stoppe la pro­gres­sion d’une inon­da­tion ou d’un feu en allant à sa ren­contre por­tant le Saint Sacrement, etc… Au temps de la chré­tien­té, les gens vivaient leur foi qui ins­pi­rait toute leur vie sans aucune bar­rière super­fi­cielle entre la vie natu­relle et la vie sur­na­tu­relle. Ils croyaient à la toute-​puissance et la bon­té de Dieu qui n’est indif­fé­rent à rien de ce qui nous affecte et veille sur nous par sa pro­vi­dence. Il leur était tout natu­rel de se tour­ner vers Dieu pour récla­mer son aide qu’ils obte­naient souvent.

2020 : Les réseaux et les médias dis­cutent inter­mi­na­ble­ment de l’épidémie, cher­chant com­ment s’en pro­té­ger et y mettre fin. Des mesures bar­rières sont adop­tées, le confi­ne­ment est impo­sé à tous, on se tourne vers des remèdes alter­na­tifs à la fia­bi­li­té dou­teuse ; mais hélas, pas un mot, ou très peu, pour invi­ter les gens à se tour­ner vers le ciel pour implo­rer de Dieu son secours.

Certes les moyens natu­rels de lutte contre l’épidémie ne doivent pas être négli­gés car Dieu n’intervient pas sys­té­ma­ti­que­ment dès qu’un mal­heur sur­vient ; Il laisse les choses suivre leur cours natu­rel et il revient à l’homme de faire ce qu’il peut pour remé­dier aux désordres de la nature. Cependant, la Providence divine veille sur nous, tout est dans les mains de Dieu. Et, si, bien sûr, une solu­tion pure­ment natu­relle est pos­sible, il est très utile d’implorer notre Créateur pour qu’Il hâte cette solu­tion ou même inter­vienne plus direc­te­ment pour venir au secours de ses fils, les hommes. Hélas, les Français, autre­fois si atta­chés à la reli­gion catho­lique ont per­du ce réflexe de se tour­ner vers Dieu pour trou­ver auprès de Lui récon­fort et aide dans leurs épreuves.

Les églises sont fermées et vides

On pour­ra pré­tex­ter que le confi­ne­ment rend impos­sible les ras­sem­ble­ments, même dans les églises ; mais il est encore pos­sible de les visi­ter et cha­cun en a une près de chez lui. Elles res­tent pour­tant déses­pé­ré­ment vides. On invente ingé­nieu­se­ment des moyens pour sou­te­nir le per­son­nel soi­gnant (les applau­dis­se­ments chaque soir à vingt heures par exemple) et assis­ter les plus iso­lés et les plus fra­giles. Mais, aucune ini­tia­tive n’a été prise, du moins à grande échelle, pour inci­ter les gens à la prière. Ce n’est, hélas, pas par impuis­sance mais par manque de foi et indif­fé­ren­tisme. Pour ne don­ner qu’un seul exemple, n’aurait-on pas pu, en s’inspirant de la « com­mu­nion de vingt heures » (sic, enten­dez les applau­dis­se­ments), orga­ni­ser la réci­ta­tion de quelques prières ? Que les fran­çais n’aient plus le réflexe de se tour­ner vers leur Père du Ciel dans leurs besoins est un clair signe de la déchris­tia­ni­sa­tion de la France. Les fran­çais ont chas­sé Dieu de leur vie aus­si bien au plan indi­vi­duel que sociétal.

Les auto­ri­tés civiles, s’appuyant sur une laï­ci­té qu’ils pré­tendent être neutre, ont tota­le­ment négli­gé le fait que les chré­tiens auraient trou­vé récon­fort dans la pra­tique de leur reli­gion et n’ont pas hési­té à remettre en cause leur droit à celle-​ci. On peut aller faire ses courses au super­mar­ché, se dépla­cer pour tra­vailler, sor­tir pour faire du sport, mais pas ques­tion de se réunir, même à quelques-​uns, pour un office reli­gieux ou de lais­ser le prêtre aller au che­vet des mou­rants dans les hôpi­taux et les Ehpad. Cette igno­rance pra­tique de la vie reli­gieuse des catho­liques s’apparente à une « per­sé­cu­tion » lar­vée. Elle témoigne du natu­ra­lisme de nos gou­ver­nants, bien répan­du aus­si dans la popu­la­tion, puisque le soin du corps et l’économie sont consi­dé­rés comme plus impor­tants que le bien–être de l’âme.

L’attitude des évêques n’aide pas

Il faut dire, hélas, que l’attitude de nos évêques n’aide pas. Dès la mise en place de mesures bar­rières, ils ont pris la parole pour les appuyer et adap­ter cer­taines pra­tiques reli­gieuses pour en assu­rer le res­pect. Mais rien de plus. Certes leur démarche se jus­ti­fiait car, comme nous l’avons déjà dit plus haut, les moyens natu­rels de lutte contre l’épidémie ne sont pas à négli­ger, mais n’attend-on pas d’un chef catho­lique qu’il élève son dis­cours au niveau spi­ri­tuel et sur­na­tu­rel ? N’aurait-on pas dû entendre de leur part au moins un appel à la prière ? Et même d’autres initiatives.

Le car­di­nal Antonio Marto, évêque de Leiria-​Fatima, a, le 25 mars, renou­ve­lé la consé­cra­tion de vingt-​quatre pays au Sacré Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie, afin de deman­der la gué­ri­son des malades et la fin de la pan­dé­mie du coro­na­vi­rus. 24 confé­rences épis­co­pales se sont unies publi­que­ment à sa démarche, mais, hélas pas la nôtre. Pourtant elle ne pou­vait pas igno­rer cette consé­cra­tion. Elle a donc choi­si de ne pas y par­ti­ci­per et de ne pas s’en ins­pi­rer pour une démarche plus fran­çaise. Il faut, pour être hon­nête, men­tion­ner qu’il y a eu quelques excep­tions comme la Messe célé­brée à la Basilique du Sacré Cœur sui­vie de la béné­dic­tion de Paris par Mgr Aupetit. Elles sont tout à l’honneur de leurs auteurs, mais ne font qu’accentuer le manque d’esprit sur­na­tu­rel de la plu­part de nos évêques qui n’ont rien fait dans ce sens.

Abus de pouvoir

Soulignons aus­si la ser­vi­li­té avec laquelle plu­sieurs com­mu­nau­tés de la Fraternité Saint Pierre se sont empres­sées de suivre les consignes des évêques au point de renon­cer à dis­tri­buer la com­mu­nion car ceux-​ci ont inter­dit sa dis­tri­bu­tion sur la langue. Avec jus­tesse, ils ont rap­pe­lé que, dans le rite de saint Pie V, seule la com­mu­nion sur la langue est pré­vue pour la dis­tri­bu­tion de l’Eucharistie. Ne vou­lant donc pas don­ner la com­mu­nion dans la main tout en res­pec­tant l’ordre de leur évêque, ils ont pris la déci­sion de pri­ver leurs fidèles de l’Eucharistie. Pourtant une telle consigne des évêques est très dis­cu­table. Mgr Schneider n’a pas hési­té à la qua­li­fier d’abus de pou­voir en remar­quant qu’elle était infon­dée car la com­mu­nion dans la main n’est pas moins pro­pa­ga­trice poten­tielle du virus que la com­mu­nion sur la langue. Sans aller aus­si loin, on aurait pu s’attendre à ce que la fra­ter­ni­té Saint Pierre, appli­quant la ver­tu d’épikie1 au droit cano­nique, juge que l’intention de l’évêque n’était pas d’imposer aux prêtres saint-​pierristes le dilemme de soit don­ner la com­mu­nion dans la main, soit renon­cer à la dis­tri­buer. On peut rai­son­na­ble­ment pen­ser que l’intention de l’évêque était de deman­der que la com­mu­nion dans la main soit pri­vi­lé­giée là où elle est tolé­rée. Il n’est pas sans igno­rer que la com­mu­nion dans la main n’est pas pré­vue dans le rite de saint Pie V et pour­tant il n’a rien sti­pu­lé pour celui-​ci. Il n’a pas vou­lu, et de toute manière n’en a pas le pou­voir, réfor­mer le rite de saint Pie V pour y intro­duire la com­mu­nion dans la main. On peut donc conclure rai­son­na­ble­ment que l’évêque, en don­nant cette consigne, n’avait pas l’intention d’interdire aux prêtres célé­brant selon le rite de saint Pie V de dis­tri­buer la com­mu­nion, même s’ils le font sur la langue. Mais le choix qu’a fait la Fraternité saint Pierre de se sou­mettre à l’église conci­liaire lui rend bien dif­fi­cile un tel rai­son­ne­ment, para­ly­sée qu’elle est par la peur d’être accu­sée de retom­ber dans son « ancien esprit d’opposition et d’indépendance ». Elle s’est elle-​même impo­sé un esprit de sou­mis­sion à l’Eglise conci­liaire qui lui rend psy­cho­lo­gi­que­ment impos­sible la « résis­tance » au moindre ordre des évêques.

Il reste, cepen­dant, un petit nombre de catho­liques ayant encore une foi vivante qui leur ins­pire le réflexe de se tour­ner dans cette dif­fi­cile épreuve vers le ciel pour implo­rer le secours divin. Espérons que le bon Dieu sera sen­sible à leurs prières et nous accor­de­ra une fin rapide de cette pandémie.

Ab. Fr. Castel, prieu­ré de Plauzat (63)

  1. Epikie : par­tie de la ver­tu de pru­dence qui consiste à juger des cas sor­tant des cir­cons­tances et des règles ordi­naires. []