Inauguration et bénédiction de l’église Sainte-​Thérèse de Compiègne

Les 15 et 16 jan­vier 2005 ont eu lieu la réou­ver­ture de l’église Sainte-​Thérèse après les tra­vaux de réno­va­tion et la reprise du culte. Samedi 15 jan­vier, en pré­sence de l’abbé Loïc Duverger (assis­tant du Supérieur de District), des abbés Claude Boivin et Laurent Serres-​Ponthieu (anciens des­ser­vants), des frères Alphonse-​Marie et Bernard-​Marie (anciens parois­siens), de M. Philippe Marini, sénateur-​maire de Compiègne, de M. Éric de Valroger, conseiller géné­ral du can­ton, de plu­sieurs offi­ciels de la ville et des jour­na­listes locaux, l’abbé Grégoire Celier, des­ser­vant de la com­mu­nau­té catho­lique tra­di­tion­nelle de l’Oise depuis 1999, a rou­vert les portes de l’église Sainte-​Thérèse après les tra­vaux de rénovation.

L’après-midi a com­men­cé par un très beau concert de chants de Noël pro­po­sé par les trente-​cinq cho­ristes et musi­ciens du Chœur Saint-​Michel sous la direc­tion de l’abbé Jean-​Yves Tranchet et du frère Dominique. Puis une plaque retra­çant l’histoire de l’église Sainte-​Thérèse a été dévoi­lée par le sénateur-​maire, occa­sion pour l’abbé Celier de racon­ter plus au long cette émou­vante his­toire. Après quelques mots de conclu­sion du sénateur-​maire, un apé­ri­tif ami­cal a réuni les 300 par­ti­ci­pants, qui pou­vaient durant ce temps visi­ter toute l’église, y com­pris les par­ties habi­tuel­le­ment inaccessibles.

Assemblée
Assemblée
Messe
Messe

« Monsieur l’ab­bé de Cacqueray pen­dant la lec­ture de l’Evangile de la fête de saint Marcel 1er, Pape et martyr »

Le len­de­main, dimanche 16 jan­vier, fête de saint Marcel Ier, l’abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District, a célé­bré la messe de reprise du culte, devant 250 per­sonnes (l’église com­porte en temps ordi­naire 150 places assises).

Lors de son ser­mon, il a sou­li­gné qu’en une seule semaine, la Providence per­met­tait à la Fraternité Saint-​Pie X la réou­ver­ture de deux églises (Compiègne et Toulon), signe d’espérance au moment où tant d’églises se ferment.

Le repas de l’a­mi­tié chré­tienne avec l’ab­bé de cacqueray
Monsieur l’ab­bé Celier avec ses invités

Après cette belle céré­mo­nie, un repas dans les pièces en cave éton­nam­ment bien mises en valeur a réuni 160 par­ti­ci­pants, tout à la joie d’être enfin « dans leurs murs » et de pou­voir déve­lop­per désor­mais une authen­tique et com­plète vie paroissiale.

Histoire de l’église Sainte-​Thérèse de Compiègne

Abbé Grégoire Celier, desservant.

essieurs les Abbés, Monsieur le Maire, Monsieur le Conseiller géné­ral, chers amis,

Monsieur Marini vient de dévoi­ler la plaque qui sera appo­sée dans quelques jours sur notre église, et que vous pour­rez lire et admi­rer après ce dis­cours. Cette plaque rap­pelle suc­cinc­te­ment l’histoire de l’église Sainte-​Thérèse qui, mal­gré sa rela­tive jeu­nesse, s’insère pro­fon­dé­ment dans l’histoire de Compiègne au XXe siècle. C’est cette his­toire de l’église Sainte-​Thérèse que je vou­drais retra­cer ici ce soir en quelques mots, afin que la mémoire n’en soit pas perdue.

Avant de com­men­cer ce récit, je dois remer­cier deux per­sonnes sans les­quelles il n’aurait pas été pos­sible : M. Jean-​Paul Besse, his­to­rien, auteur d’un Compiègne dans l’Histoire (DUC, 1992), qui a effec­tué à ma demande les recherches sur l’histoire de l’église ; Mlle Monique Collemant, tré­so­rière de l’Association Saint-​Pie X de l’Oise, qui a réa­li­sé à ma sol­li­ci­ta­tion un très inté­res­sant tra­vail manus­crit sur l’histoire de la com­mu­nau­té catho­lique tra­di­tion­nelle de l’Oise.

L’histoire de Sainte-​Thérèse com­mence donc ici-​même, dans ce fau­bourg de la Porte-​Chapelle (appe­lé impro­pre­ment aujourd’hui quar­tier Bellicart), sur les bords de l’Oise, au XIXe siècle, avec peut-​être un enra­ci­ne­ment encore plus ancien.
Comme tous les cours d’eau navi­gables, l’Oise connaît une acti­vi­té de batel­le­rie. Or, les bateaux ont besoin de cor­dages, et le plus pra­tique consiste à confec­tion­ner ces cor­dages au bord de l’eau, pour évi­ter des trans­ports dif­fi­ciles et coû­teux. C’est donc bien natu­rel­le­ment que s’est éta­blie ici la cor­de­rie Ouarnier, sur le ter­rain même où nous nous trou­vons, au bord de l’Oise, au XIXe siècle, comme je l’ai dit, pré­cé­dée peut-​être par une autre corderie.
Alexandrine Ouarnier, unique héri­tière de la cor­de­rie, épou­sa Jean-​Baptiste Debruxelles. La vie sui­vit son cours. La cor­de­rie était pro­ba­ble­ment, tout comme la batel­le­rie, une indus­trie sur le déclin au début du XXe siècle. Jean-​Baptiste Debruxelles mou­rut, lais­sant une veuve sans enfant. Finalement, Alexandrine Ouarnier, veuve Debruxelles, décé­da elle-​même en 1929.

Mais Mme Debruxelles était ce qu’on appe­lait alors une « bonne per­sonne » et une « femme d’œuvres », pro­fon­dé­ment chré­tienne et dévouée à son pro­chain. Mourant sans héri­tier, elle déci­da de léguer tous ses biens aux Hospices de Compiègne, à charge pour ceux-​ci de créer, dans sa pro­prié­té sise alors entre la rue de Soissons, la route de Choisy (aujourd’hui du Bataillon de France), la rue du Petit-​Canal (aujourd’hui du Lieutenant Ducloux) et la route de Soissons (aujourd’hui du pré­sident Clémenceau), une œuvre de bien­fai­sance (mai­son de retraite, orphe­li­nat ou autre œuvre, au choix des léga­taires), œuvre devant por­ter le nom de Debruxelles-Ouarnier.

Les exé­cu­teurs tes­ta­men­taires dési­gnés par Mme Debruxelles était le maire de l’époque, M. Robert Fournier-​Sarlovèze, et un notaire, éga­le­ment admi­nis­tra­teur des Hospices, Me Chéreau. Il fal­lut attendre de réa­li­ser au moins une par­tie du capi­tal de deux mil­lions cinq cent mille francs com­pris dans le legs avant de com­men­cer quelques tra­vaux que ce soit.

Entre-​temps, nom­mé en 1933, le nou­veau curé de la paroisse Saint-​Jacques, en charge de ce fau­bourg de la Porte-​Chapelle, sen­tit le besoin d’une cha­pelle de secours pour ce quar­tier popu­leux et en plein déve­lop­pe­ment. Averti de cette dif­fi­cul­té, M. Fournier-​Sarlovèze offrit à l’archiprêtre de modi­fier les dimen­sions pri­mi­ti­ve­ment envi­sa­gées pour le petit ora­toire de la future « Fondation Debruxelles », afin de réa­li­ser du même coup la cha­pelle de secours désirée.

Les tra­vaux de construc­tion de l’immeuble de trois étages des­ti­né à une mai­son de retraite com­men­cèrent en 1936 pour s’achever au prin­temps 1939. La cha­pelle de secours fut éga­le­ment construite durant ce temps, mais seule­ment dans ses struc­tures essen­tielles, les fini­tions devant adve­nir par après. La dépense totale de l’ensemble était esti­mée à un peu plus de dix mil­lions de francs.

La com­mis­sion des Hospices de Compiègne ayant jugé ne pou­voir assu­mer seule le fonc­tion­ne­ment de la Fondation, une conven­tion fut signée le 1er avril 1939 avec l’Union fémi­nine fran­çaise, qui s’engageait à uti­li­ser les locaux comme mai­son de retraite « pour des retrai­tés et vieillards peu for­tu­nés, moyen­nant un prix de pen­sion aus­si peu éle­vé que pos­sible ». Cependant, dès juillet 1939, l’Union fémi­nine fran­çaise, invo­quant des dif­fi­cul­tés de mise en fonc­tion­ne­ment de la mai­son, renon­ça à son pro­jet. C’est donc à l’Union des femmes de France, dépen­dant de la Croix-​Rouge, que la com­mis­sion des Hospices confia le bâti­ment, en vue d’y ins­tal­ler un hôpi­tal complémentaire.

Mais, le 3 sep­tembre 1939, c’est le début de la Seconde Guerre mon­diale. Cet évé­ne­ment impré­vu va bou­le­ver­ser tous les plans éta­blis. Le 10 juin 1940, les troupes alle­mandes pénètrent dans Compiègne et occupent la Fondation Debruxelles où elles font can­ton­ner leurs sol­dats. Ce n’est qu’en mars 1941 que les bâti­ments seront libé­rés, y per­met­tant l’installation de salles de chirurgie.

Après la Libération, la Fondation Debruxelles accueille une pen­sion pour enfants et adultes. C’est la Caisse d’Allocations Familiales de la Région Parisienne qui, pro­ba­ble­ment dès la fin de la guerre, était deve­nue le loca­taire des lieux en rem­pla­ce­ment de l’Union des Femmes de France. La cha­pelle de secours, pour sa part, atten­due pour­tant depuis 1933, n’était tou­jours pas en acti­vi­té. Ce fut le député-​maire de Compiègne de l’époque, M. Jean Legendre qui, en 1948, fit pro­cé­der aux ultimes tra­vaux, notam­ment au pla­fon­nage de la cha­pelle, et qui obtint de la Caisse d’Allocations Familiales que le chauf­fage soit assu­ré en même temps que celui du bâti­ment principal.
L’aumônier de l’Hôpital géné­ral, M. le cha­noine Trousselle, accep­ta d’en être le cha­pe­lain, pour déchar­ger le cler­gé de Saint-​Jacques et, dès cette époque, la messe y fut célé­brée chaque dimanche à 11 heures.

Mais en 1951, une péti­tion signée par 140 habi­tants du quar­tier sup­pliait Mgr l’évêque de Beauvais, Noyon et Senlis de pro­cla­mer sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus comme titu­laire de la cha­pelle de la Fondation Debruxelles. Par sa réponse en date du 8 juin 1951, Mgr Félix Rœder don­na son accord et, le dimanche 30 novembre 1952, accom­pa­gné notam­ment du curé de Saint-​Jacques et du cha­noine Trousselle, il vint bénir solen­nel­le­ment la cha­pelle et la dédier à la sainte de Lisieux. On remar­quait dans l’assistance, en par­ti­cu­lier, M. Jean Legendre, député-​maire, et M. Amédée Bouquerel, séna­teur de l’Oise.

Apparemment, de 1950 à 1967, les bâti­ments ser­virent direc­te­ment à la Caisse d’Allocations Familiales : s’agissait-il uni­que­ment des ser­vices admi­nis­tra­tifs ? Existait-​il en sus ou paral­lè­le­ment des acti­vi­tés telles que mai­son d’enfants ou de vieillards ? Ceux qui ont connu cette période à Compiègne pour­ront sans doute nous ren­sei­gner. En 1967 ou 1968, en tout cas, s’ouvre à nou­veau une pen­sion pour per­sonnes âgées. En 1976, un nou­veau bâti­ment, pla­cé sous le patro­nage d’Alexis Carrel, est inau­gu­ré pour accueillir des malades inva­lides. Vers 1986, comme en témoignent des plans d’architecte en ma pos­ses­sion, plu­sieurs pavillons hos­pi­ta­liers sont édi­fiés, recons­truits ou rénovés.

Pendant ce temps, la cha­pelle Sainte-​Thérèse conti­nue d’accueillir les fidèles. Mais deux évé­ne­ments vont suc­ces­si­ve­ment lui por­ter un coup fatal. Ce sera d’abord, à par­tir de 1959, la construc­tion de l’église Saint-​Éloi, située à quelques cen­taines de mètres d’ici et inau­gu­rée en 1962. Ce sera ensuite, à la fin des années soixante, la crise qui frappe l’Église, avec notam­ment la raré­fac­tion du cler­gé. Les messes deviennent moins régu­lières. Certaines acti­vi­tés spi­ri­tuelles, telles que le cha­pe­let, sub­sistent tant bien que mal, mais la cha­pelle meurt dou­ce­ment. Cependant, il y a dix ans, il exis­tait encore un petit reste d’activité spi­ri­tuelle, puisque j’ai retrou­vé, dans la sacris­tie, une bou­teille d’eau de Lourdes datée de 1995.

Mais un dan­ger beau­coup plus sérieux menace, à cette date, la cha­pelle Sainte-​Thérèse : tout sim­ple­ment la démo­li­tion. En effet, à la suite de l’inauguration du nou­vel et magni­fique Hôpital géné­ral à la péri­phé­rie de Compiègne, les 11 et 12 novembre 1995, la pré­sence de ces pavillons hos­pi­ta­liers en pleine ville est deve­nue inutile. Les Hôpitaux de Compiègne, pro­prié­taires, décident donc de vendre le ter­rain et les bâti­ments dans le cadre d’une opé­ra­tion de pro­mo­tion immo­bi­lière. Les pavillons hos­pi­ta­liers sont voués à la des­truc­tion (qui sera réa­li­sée en 2001), pour bâtir à leur place la Villa Josephine et la rési­dence des Beaux Monts, tan­dis que le bâti­ment Alexis Carrel, vidé de ses habi­tants et conser­vé seule­ment dans ses struc­tures fon­da­men­tales, subit actuel­le­ment une pro­fonde réno­va­tion pour deve­nir une HLM sous le nom de « La Corderie ».

Reste la ques­tion de l’ancienne cha­pelle de la Fondation Debruxelles. Certains estiment qu’elle n’a pas grand inté­rêt et peut sans incon­vé­nient être démo­lie. D’autres sou­hai­te­raient la conser­ver. C’est fina­le­ment M. Marini qui va prendre la déci­sion de la conser­ver, d’une part pour sau­ve­gar­der un élé­ment de monu­men­ta­li­té dans cette par­tie de Compiègne moins bien pour­vue, d’autre part parce que cette cha­pelle est déjà entrée dans l’histoire de la ville.

C’est ain­si que, le 15 février 2002, le Conseil muni­ci­pal vote l’achat, pour l’euro sym­bo­lique, de la cha­pelle Debruxelles, étant pré­ci­sé par la déli­bé­ra­tion du Conseil d’administration du Centre hos­pi­ta­lier, en date du 18 mai 2001, que sa des­ti­na­tion de lieu de culte doit être main­te­nue. Apparemment, la Municipalité risque d’être plus embar­ras­sée qu’autre chose de cet achat, car il serait néces­saire de réno­ver le bâti­ment, et de plus il est fort dou­teux que l’évêque de Beauvais soit inté­res­sé à le rache­ter ou à le reprendre. Mais, à cette date, Monsieur le Maire a sans doute déjà sa petite idée sur ce que pour­rait deve­nir cette chapelle.

Pour com­prendre l’idée qui trotte dans la tête de Monsieur Marini, il faut reve­nir en arrière de quelques années, très pré­ci­sé­ment à la fin des années soixante.

Dans l’Église, le début du concile Vatican II, en 1962, inau­gure une décen­nie de pro­fonds bou­le­ver­se­ments, dans tous les domaines, depuis la théo­lo­gie jusqu’au cos­tume du prêtre. Le chan­ge­ment qui frap­pe­ra le plus les catho­liques (comme les non-​catholiques, au demeu­rant), c’est la modi­fi­ca­tion pro­fonde de la messe, en 1969, par l’introduction d’une messe nou­velle dans sa langue (le fran­çais au lieu du latin), dans ses rites et dans sa théo­lo­gie sous-​jacente (l’aspect sacri­fi­ciel étant gom­mé, voire omis).

Cette réforme de la messe va sus­ci­ter, dans le monde entier, des réac­tions d’incompréhension et de refus, et c’est ain­si que vont se consti­tuer ceux que l’on appelle sou­vent les « catho­liques tra­di­tio­na­listes » ou « catho­liques de Tradition », qui se carac­té­risent notam­ment par l’attachement à la messe dite « tra­di­tion­nelle », tout sim­ple­ment la messe qui était célé­brée par le pape, les évêques et tous les prêtres de rite latin durant le concile Vatican II.

Le com­bat pour le main­tien de la Tradition catho­lique dans le dépar­te­ment de l’Oise, et à Compiègne en par­ti­cu­lier, est ancien et bien enra­ci­né. L’une des prin­ci­pales rai­sons en est qu’à la limite ouest du dépar­te­ment, un simple curé de vil­lage devint très vite l’un des ténors de la résis­tance catho­lique. Il s’agissait, vous l’avez recon­nu, de l’abbé Louis Coache, alors curé de Montjavoult.

Toutefois, l’abbé Coache ne fut pas le seul prêtre du dio­cèse de Beauvais à main­te­nir la Tradition contre vents et marées. L’abbé Gentilhomme, curé d’Agnetz, l’abbé Henrio, curé de Morienval, l’abbé Garnier, curé du Bois-​Saint-​Denis à Chantilly, en par­ti­cu­lier, gardent toute la recon­nais­sance des fidèles pour l’hospitalité de leurs églises et de leur foi, sans oublier l’abbé Boidart, du dio­cèse voi­sin de Soissons, qui vint bien sou­vent sup­pléer ses confrères.

C’est en 1978, à Saint-​Léger d’Agnetz, que quelques fidèles pro­fon­dé­ment atta­chés à la Tradition catho­lique déci­dèrent la créa­tion d’une asso­cia­tion. La pre­mière mani­fes­ta­tion publique de l’Association Saint-​Pie X de l’Oise eut lieu le 1er juillet de la même année, par la célé­bra­tion d’une messe tri­den­tine en l’église de Hodenc-​en-​Bray, messe assu­rée par l’abbé Jean Robin. Par ailleurs, l’Association fit paraître des avis dans la presse afin de se faire connaître, elle com­men­ça à dif­fu­ser un bul­le­tin (qui en est aujourd’hui à son 82e numé­ro), et son Bureau obtint audience de l’évêque du dio­cèse, sans résul­tat cependant.

Des messes furent orga­ni­sées par l’Association dans diverses salles à Senlis, Clermont, Compiègne, ain­si qu’une pro­ces­sion du Saint-​Sacrement à Vendeuil. L’Association put ensuite dis­po­ser de l’église de Maulers chaque dimanche après-​midi, à charge pour elle de trou­ver un prêtre dis­po­nible. Malheureusement, le curé de Maulers, l’abbé Georges Delattre, mou­rut en 1983, léguant ses biens à la Fraternité Saint-​Pie X, laquelle n’avait pas à l’époque les moyens de des­ser­vir régu­liè­re­ment cette communauté.

Après encore bien des déboires, le maire de Compiègne, alors M. Jean Legendre, mit à la dis­po­si­tion de l’Association Saint-​Pie X de l’Oise la cha­pelle Saint-​Nicolas, monu­ment situé en centre ville et doté, en par­ti­cu­lier, d’un superbe retable en bois de près de 100 m². Et c’est le 1er sep­tembre 1985 qu’eut lieu la pre­mière messe à Saint-​Nicolas, avec la des­serte régu­lière assu­rée désor­mais par les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X.

Le 4 mai 1986, Mgr Marcel Lefebvre, fon­da­teur de la Fraternité Saint-​Pie X, fut reçu solen­nel­le­ment à la mai­rie de Compiègne par M. Philippe Marini, alors pre­mier adjoint (repré­sen­tant M. Legendre empê­ché) et aujourd’hui maire de Compiègne.

Les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X se suc­cé­dèrent : de 1985 à 1990, l’abbé Claude Boivin (pré­sent par­mi nous) ; de 1990 à 1995, les abbés Carlo Cecchin et Guillaume de Tanoüarn ; de 1995 à 1996, l’abbé Laurent Serres-​Ponthieu (pré­sent par­mi nous) ; de 1996 à 1997, les abbé Paul Ricquier et Pierre Barrère ; de 1997 à 1999, l’abbé Jacques Berrou ; depuis le 15 août 1999, l’abbé Grégoire Celier.
Lorsque j’arrive à Compiègne, après onze ans pas­sés à des­ser­vir la com­mu­nau­té tra­di­tion­nelle de La Chapelle d’Angillon, près de Bourges, puis deux ans celle d’Angers, je découvre une com­mu­nau­té solide et vigou­reuse, béné­fi­ciant d’un cadre litur­gique excep­tion­nel mis à sa dis­po­si­tion à titre gra­tuit par la muni­ci­pa­li­té de Compiègne. Pour moi, qui n’ait connu jusqu’ici que des cha­pelles de for­tune, c’est un immense progrès.

Cependant, à la lumière de mes expé­riences pré­cé­dentes, et par l’analyse d’autres situa­tions où des mai­ries ont prê­té des cha­pelles à la Fraternité Saint-​Pie X, je per­çois assez vite que la magni­fique et priante cha­pelle Saint-​Nicolas, qui a per­mis à la com­mu­nau­té de se consti­tuer et de gran­dir, pré­sente des incon­vé­nients notables. Elle est, en effet, uti­li­sée toute la semaine pour des réunions pro­fanes. Chaque dimanche, il faut donc ins­tal­ler entiè­re­ment le mobi­lier litur­gique ran­gé dans une simple armoire. La cha­pelle ne pos­sède pas le Saint-​Sacrement, bien enten­du : il est alors dif­fi­cile d’apporter la com­mu­nion aux malades et per­sonnes âgées. Pour tout évé­ne­ment impré­vu (notam­ment les enter­re­ments), la com­mu­nau­té dépend de la dis­po­ni­bi­li­té des lieux. Il n’existe ni sacris­tie, ni salle de caté­chisme, ni salle de réunion pour la paroisse. Enfin et sur­tout, étant accueillie gra­cieu­se­ment par la muni­ci­pa­li­té, la com­mu­nau­té peut du jour au len­de­main se retrou­ver à la rue, si un évé­ne­ment quel­conque rend la cha­pelle indis­po­nible (situa­tion qui se pré­sen­tait de fait quelques dimanches dans l’année, et tout récem­ment durant un mois complet).

Toutefois, je ne sou­haite pas prendre de déci­sion hâtive, je réflé­chis, je pros­pecte dans Compiègne et me ren­seigne sur les pos­si­bi­li­tés, je cherche la meilleure solu­tion durant dix-​huit mois.

Le 11 mars 2001, M. Philippe Marini est réélu au pre­mier tour. Je prends alors ma déci­sion : il faut qu’avant six ans, fin de ce nou­veau man­dat, nous soyons chez nous, dans nos murs. Le 3 avril sui­vant, je pro­voque une réunion avec mes supé­rieurs de la Fraternité Saint-​Pie X afin de savoir si mon pro­jet reçoit leur appro­ba­tion, et s’ils sont près à nous épau­ler tech­ni­que­ment et finan­ciè­re­ment. Après leur réponse posi­tive, je convoque le 23 juin une réunion avec dix fidèles, pour lan­cer les recherches. Pour l’anecdote, je note que cinq de ces fidèles ont, entre-​temps, quit­té Compiègne pour des rai­sons pro­fes­sion­nelles et suivent notre aven­ture de loin : preuve que cette église Sainte-​Thérèse est vrai­ment le fruit de toute une com­mu­nau­té, dans sa conti­nui­té, et non le caprice de telle ou telle personne.

Nous déci­dons de com­men­cer par essayer de trou­ver des bâti­ments d’origine ecclé­sias­tique, afin de pro­po­ser à la muni­ci­pa­li­té de les louer ou de les ache­ter. Dans une pre­mière approche, nous en sélec­tion­nons trois : la cha­pelle des Capucins, qui venait d’être res­tau­rée ; la cha­pelle Debruxelles ; et la cha­pelle de l’ancien hôpi­tal Saint-​Joseph. Nous pré­pa­rons soi­gneu­se­ment notre dos­sier, notre argu­men­taire, et deman­dons audience à Monsieur Marini.

Celui-​ci reçoit le dimanche 21 octobre 2001 deux parois­siens accom­pa­gnés du frère Alphonse-​Marie (ancien employé de la Mairie de Compiègne). Le prin­cipe d’une demande offi­cielle pour l’achat ou la loca­tion d’une des trois cha­pelles est accep­té par M. Marini, même si le choix de la cha­pelle qui sera rete­nue n’est pas encore fixé. M. Marini man­date M. Nicolas Leday, maire-​adjoint, pour suivre le dos­sier. Et c’est le 26 novembre 2001 qu’au cours d’une nou­velle réunion entre M. Leday et deux parois­siens, la pro­po­si­tion offi­cielle de vente de la cha­pelle Debruxelles à la Fraternité Saint-​Pie X est faite par la Mairie de Compiègne.

Le lun­di 3 décembre, accom­pa­gné de M. Bertrand Mailley, notre conseiller pour l’immobilier, je visite pour la pre­mière fois la cha­pelle Debruxelles, que je n’ai vue jusqu’ici que de l’extérieur. Je suis frap­pé immé­dia­te­ment par deux points essen­tiels : la cha­pelle est beau­coup plus vaste vue de l’intérieur que ce qu’elle paraît de l’extérieur ; elle est en bon état géné­ral, et convient par­fai­te­ment à notre pro­jet. Dès ce moment, ma déci­sion est prise : ce sera « Oui ».

C’est le 27 février 2002 que lors d’une réunion à la Mairie, M. l’abbé Loïc Duverger, bien meilleur négo­cia­teur que moi, tom­be­ra d’accord avec M. Leday sur le prix et les condi­tions. Ceci per­met, le 28 juin 2002, le vote par le Conseil muni­ci­pal du prin­cipe de la vente de la cha­pelle Debruxelles à la Fraternité Saint-​Pie X.

Mais nous nous heur­tons à une dif­fi­cul­té : en rai­son des cir­cons­tances, la cha­pelle Debruxelles ne pos­sède pas de par­vis, or la sor­tie directe sur la rue pose un réel pro­blème de sécu­ri­té. Il fau­drait que les copro­prié­taires de la Villa Josephine, alors en construc­tion, acceptent de nous vendre un petit mor­ceau de ter­rain à l’extrémité de la cha­pelle. M. Leday passe alors la main à M. Raymond Viault, autre membre du Conseil muni­ci­pal, pour tous les aspects juri­diques. Le 17 décembre 2002 a lieu en pré­sence de M. Viault une assem­blée géné­rale extra­or­di­naire des copro­prié­taires de la Villa Josephine, qui vote le prin­cipe de la vente d’un ter­rain de 69 m² des­ti­né à deve­nir notre parvis.

Toutes les condi­tions sont donc réunies pour la vente, et je rêve déjà du début des tra­vaux. C’est que jusqu’ici je n’ai jamais fré­quen­té de notaires : je vais donc apprendre à leur école la patience. Après diverses péri­pé­ties dont je vous passe le détail, ce ne sera que le 27 novembre 2003, un an après, que l’achat par la Fraternité, tant de la cha­pelle Debruxelles à la Mairie de Compiègne que du par­vis à la Villa Josephine, pour­ra être signé.

Le per­mis de construire, dépo­sé dans l’intervalle, est accor­dé le 10 décembre 2003, et déjà je rêve du début des tra­vaux. Si j’ignorais jusqu’ici ce qu’est un notaire, j’ai déjà par­ti­ci­pé à deux chan­tiers avec l’excellent archi­tecte que j’ai choi­si, M. Michel Bodin. Je pense donc que nous ne ren­con­tre­rons pas de dif­fi­cul­tés par­ti­cu­lières, mais je me trompe. Le choix des entre­prises sera plus long et plus dif­fi­cile que pré­vu. Malgré mon impa­tience, le pre­mier coup de pioche ne sera don­né que le 23 juin 2004, six mois après la vente.

Toutefois, si le chan­tier a tar­dé à démar­rer, je dois avouer que, sous la vigi­lante direc­tion de M. Bodin et le contrôle de M. Mailley, il s’est par­fai­te­ment dérou­lé et que les entre­prises sélec­tion­nées m’ont don­né toute satis­fac­tion. Citons-​les pour leur faire hon­neur. Il s’agit de l’entreprise Conte pour le gros œuvre, de l’entreprise Delcourt pour la charpente-​couverture, de l’entreprise AMTH pour la menui­se­rie, de l’entreprise Goiseau-​Leclère pour l’électricité, de l’entreprise Pageot pour les grilles de pro­tec­tion, de M. Didier Vigreux pour le sanitaire-​chauffage, de l’entreprise Top-​Décor pour les pein­tures, de l’entreprise Huchez pour la cloche, de l’entreprise Houssard pour les bancs, de l’entreprise Blase-​Langlois pour la plaque, sans oublier M. Galoin et les membres de l’atelier de vitrail sis à l’école des Beaux-​Arts pour la réfec­tion des six pre­miers vitraux.

Le 20 décembre, six mois seule­ment après le début d’un chan­tier fina­le­ment assez com­plexe et inter­rom­pu par les vacances d’été, l’église Sainte-​Thérèse nous était livrée. Le 24 décembre au soir, je cou­chais pour la pre­mière fois dans l’appartement du prêtre, après cinq années de nuits à l’hôtel. Durant ces cinq années, j’avais été accueilli très sym­pa­thi­que­ment près du pont de Solférino par M. et Mme Verdy, à l’hôtel de Flandres, hôtel que je vous recom­mande vive­ment : cepen­dant, de cou­cher pour la pre­mière fois dans mon lit chan­geait tout.

Et le 15 et le 16 jan­vier 2005, aujourd’hui et demain, l’église rouvre ses portes et reprend le culte catholique.
Nous voi­ci donc dans nos murs. Ce n’est pas que tout soit abso­lu­ment fini : nous n’avons eu que quelques jours pour net­toyer les restes du chan­tier, trans­por­ter nos affaires et nous ins­tal­ler. Vous excu­se­rez donc le carac­tère inévi­ta­ble­ment som­maire de l’installation. Il reste encore de mul­tiples net­toyages et encaus­ti­cages à réa­li­ser dans les mois à venir, ain­si que des petits amé­na­ge­ments, comme la mise en place du gisant de sainte Thérèse que vous pour­rez admi­rer pour le moment à la sacris­tie. Nous avons com­man­dé à cer­taines entre­prises quelques tra­vaux com­plé­men­taires, comme la réa­li­sa­tion et la mise en place d’une grille de com­mu­nion, à l’endroit même où je me trouve. Sans oublier, len­te­ment mais sûre­ment dans les années à venir, la réno­va­tion de tous les vitraux de l’église.

Nous voi­ci donc dans nos murs. Mais ceci ne s’est pas fait tout seul. Près de cinq cents bien­fai­teurs, dis­per­sés sur toute la France, nous ont aidés avec géné­ro­si­té, le plus sou­vent sans que nous les connais­sions. Nous leur devons une vive recon­nais­sance, et nous n’aurons garde de les oublier dans nos prières. Pour sup­pléer à ce qui man­quait, nous devons remer­cier la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X et les supé­rieurs du District de France, dont l’aide a été indis­pen­sable : nous n’oublierons pas de remer­cier ces autres bien­fai­teurs, et de prier pour eux. Enfin, cette magni­fique aven­ture n’aurait pas été pos­sible sans la géné­ro­si­té, la dis­po­ni­bi­li­té, le tra­vail, les prières et les sacri­fices de tous les parois­siens, que je veux remer­cier de m’avoir sou­te­nu et accom­pa­gné durant ces quatre années.

Nous voi­ci donc dans nos murs. Mais nous ne devons pas croire que ce soit prin­ci­pa­le­ment grâce à nos efforts. C’est bien du Ciel que nous avons reçu cette grâce. Nos actions de grâces doivent d’abord se tour­ner vers sainte Jeanne d’Arc et vers les bien­heu­reuses car­mé­lites, patronnes et pro­tec­trices de Compiègne. Elles doivent se tour­ner vers saint Nicolas, patron de la cha­pelle qui nous a accueillis durant vingt années, et vers sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne de l’église qui nous accueille désor­mais. Elles doivent sur­tout se tour­ner vers Notre Seigneur Jésus-​Christ et vers sa sainte Mère.

C’est donc dans un esprit d’action de grâces que le culte repren­dra solen­nel­le­ment demain, après envi­ron dix années d’interruption. Vous êtes cor­dia­le­ment invi­tés à cette pre­mière messe, célé­brée par M. l’abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France de la Fraternité Saint-​Pie X, à 10 h demain matin. Le culte repren­dra : en fait et en droit. Le culte repren­dra en fait, puisque désor­mais, la messe sera de nou­veau célé­brée ici chaque dimanche et fête à 10 h. Mais le culte repren­dra sur­tout en droit, puisque la messe qui sera célé­brée ici sera exac­te­ment celle pour laquelle cette église a été bâtie, celle qu’a célé­brée Mgr Félix Rœder, celle qu’a célé­brée M. le cha­noine Trousselle, celle qu’ont célé­brée tous les prêtres qui ont des­ser­vi cette église jusqu’en 1970.

Et pour mani­fes­ter cette conti­nui­té, la messe de demain sera célé­brée avec un mis­sel d’autel en par­fait état, que j’ai trou­vé lorsque j’ai vidé la sacris­tie avant les tra­vaux, un mis­sel que vous pour­rez voir tout à l’heure dans la sacris­tie. Ce mis­sel date de 1958, une année qui repré­sente beau­coup pour moi, disons-​le en pas­sant. Ce mis­sel nous donne la messe qui était célé­brée durant le concile Vatican II, la messe célé­brée sous Pie XII, la messe célé­brée par le Curé d’Ars, la messe célé­brée par saint Vincent de Paul, la messe de tous les siècles, mais aus­si la messe d’aujourd’hui et de demain, parce qu’elle est la messe éter­nelle, la messe catho­lique, renou­vel­le­ment non san­glant du sacri­fice de la Croix. C’est pour cette messe que cette église a été construite, c’est pour cette messe que nous avons res­tau­ré cette église, et c’est pour cette messe que cette église ser­vi­ra, de longues années j’espère, et pour­quoi pas de longs siècles.

Je vous remer­cie de votre attention.

Compiègne, le same­di 15 jan­vier 2005.
Abbé Grégoire Celier †