« Présent » du 7 septembre 2007


« Présent » du 7 septembre 2007 – Jean Madiran 

Depuis le 7 juillet, il est deve­nu offi­ciel­le­ment clair que la messe de Paul VI n’est pas obli­ga­toire à l’ex­clu­sion de toute autre. Par abus de pou­voir, elle l’a été pen­dant 37 ans. Elle ne l’est plus. Elle est donc une messe facul­ta­tive. Et ain­si, il est deve­nu offi­ciel­le­ment clair que nul n’a le droit de l’u­ti­li­ser comme une « arme par des­ti­na­tion » pour tuer la messe traditionnelle.

Comme le rap­pelle fort oppor­tu­né­ment La Nef, c’est bien, c’est expli­ci­te­ment au nom de « l’au­to­ri­té suprême qui nous vient du Christ », avait dit Paul VI, que « le nou­vel Ordo a été pro­mul­gué pour rem­pla­cer l’ancien ».

Il n’en est plus question. 

Ce des­sein des­truc­teur est offi­ciel­le­ment aban­don­né, quel que soit le com­bat d’arrière-​garde d’une par­tie de la hié­rar­chie ecclésiastique. 

Donc, nous dit-​on par­fois, l’heure est à un « cessez-​le-​feu ». Il n’y a plus à éle­ver d’ob­jec­tions contre une messe deve­nue inof­fen­sive : elle n’est plus une agres­sion contre la messe tra­di­tion­nelle. La contro­verse doit main­te­nant s’ar­rê­ter. Il n’y a plus d’in­con­vé­nient à la célé­brer désormais. 

Je n’ai ni l’in­ten­tion ni la capa­ci­té de por­ter quelque juge­ment que ce soit sur les prêtres jus­qu’i­ci réfrac­taires qui estiment pou­voir (ou même devoir) célé­brer ou concé­lé­brer la messe facul­ta­tive. A l’oc­ca­sion. Voire, à la demande. Je n’ai pas non plus l’in­ten­tion de nier que cette messe soit valide quand elle est célé­brée avec la volon­té de faire ce que fait l’Eglise catho­lique. Mais jus­te­ment : cette volon­té est beau­coup moins appa­rente, elle est moins cer­tai­ne­ment énon­cée dans la messe facul­ta­tive que dans la messe tra­di­tion­nelle. C’est pour­quoi un ministre pro­tes­tant peut, sans y chan­ger un mot, uti­li­ser le texte de la messe de Paul VI pour célé­brer la Cène. Les équi­voques et incer­ti­tudes nées sur ce point depuis 1969 n’ont tou­jours pas été déci­si­ve­ment éclair­cies. Simple laïc, j’ai le droit (ou même le devoir) de ne pas lais­ser oublier ou dis­si­mu­ler que la ques­tion n’est pas réso­lue. Avec toutes les consé­quences qui y sont impliquées. 

La messe de Paul VI a fait l’ob­jet, si je compte bien, de cinq édi­tions suc­ces­sives (trois de Paul VI, deux de Jean-​Paul II), dont quatre étaient plus ou moins rec­ti­fi­ca­tives de la pre­mière. La ques­tion se pose de savoir si ces rec­ti­fi­ca­tions ont tota­le­ment ou par­tiel­le­ment ren­du obso­lètes les graves objec­tions pré­sen­tées dès 1969 par le Bref exa­men, par l’ab­bé de Nantes, par le P. Calmel, par Louis Salleron (etc.), et à par­tir de 1971 par Mgr Marcel Lefebvre. A ma connais­sance, à part ce qui concerne l’ar­ticle 7, sur l’é­va­lua­tion de la por­tée éven­tuelle des rec­ti­fi­ca­tions sur­ve­nues, on ne dis­pose pas d’une étude théo­lo­gique qui soit acces­sible. Il serait impru­dent de faire comme si toutes les cri­tiques avaient été réfutées. 

N’oublions pas que, très sou­vent, ce n’est pas la messe de Paul VI qui est célé­brée sous ce nom, mais des messes issues de la messe de Paul VI. Les évêques n’ar­rivent pas à obte­nir (ou ne veulent pas) que leur cler­gé res­pecte les règles pour­tant suf­fi­sam­ment élas­tiques du nou­vel Ordo mis­sae. Il importe donc de recon­naître que les cri­tiques légi­times ont droit de cité chez les catholiques. 

La prio­ri­té à l’ordre du jour n’est pas d’in­ci­ter les prêtres réfrac­taires à célé­brer la messe facul­ta­tive. La prio­ri­té est plu­tôt de faci­li­ter les retrou­vailles des évêques avec la messe catho­lique tra­di­tion­nelle, latine et gré­go­rienne selon le mis­sel romain de saint Pie V réédi­té en 1962 par Jean XXIII. 

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6416 de Présent, du ven­dre­di 7 sep­tembre 2007