Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du séminaire St-​Curé-​d’Ars n° 70


La vie au séminaire Saint-Curé-d’Ars

Abbé Patrick Troadec, Directeur du séminaire

Ils sont heureux !

Il y a quelques années, un notaire de la région est pas­sé au Séminaire récu­pé­rer la clef d’une mai­son avoi­si­nante. Il était envi­ron 13 heures. Je me trou­vais dans le cloître inté­rieur près du réfec­toire. Les sémi­na­ristes et les frères sor­taient jus­te­ment du réfec­toire pour se rendre en récréa­tion. Je remets au notaire la clef en mains propres et il me regarde avec un visage per­plexe. Je le ras­sure en lui disant que c’est bien la clef qu’il était venu cher­cher. « Non, ce n’est pas cela », me dit-​il. Puis, me mon­trant les sémi­na­ristes et les frères, il ajoute : « Ils sont heu­reux ! » Il avait dû se faire une telle idée de la vie au Séminaire de Flavigny qu’il était tout sur­pris de voir des sémi­na­ristes rayon­nant de paix et de joie. « Comment, devait-​il se dire en lui-​même, ces jeunes peuvent-​ils être heu­reux sans pos­sé­der tout ce que le monde recherche : les biens maté­riels, les jouis­sances ter­restres, etc. ? »

J’ai eu des expé­riences ana­logues, notam­ment au cours de pèle­ri­nages, avec des chauf­feurs de car qui condui­saient des sémi­na­ristes sur la route de Chartres à Paris ou à la Salette. Eux aus­si étaient tout sur­pris devant le visage épa­noui des sémi­na­ristes et leur bonne humeur. Des col­lègues de tra­vail leur avaient sou­hai­té bon cou­rage lorsqu’ils avaient appris qu’ils devaient conduire des sémi­na­ristes tra­di­tio­na­listes. Aussi s’attendaient-ils au pire. C’est pour­quoi le contraste entre leur appré­hen­sion du départ et la réa­li­té n’en était que plus marquant.

De fait, les sémi­na­ristes fidèles à leur voca­tion sont vrai­ment heu­reux. Monseigneur LEFEBVRE le disait déjà il y a trente ans : « Le sémi­naire doit être un petit para­dis. Oh ! ajoutait- il, avec un petit peu de pur­ga­toire ! » Et aujourd’hui, je peux en témoi­gner, la vie au Séminaire de Flavigny est vrai­ment un havre de paix et de véri­table joie spi­ri­tuelle pour les sémi­na­ristes et les frères géné­reux, fidèles à leur vocation. 

L’unique nécessaire

Les gens du monde, sur­tout ceux qui vivent loin de la reli­gion, ont du mal à com­prendre ce bon­heur parce qu’ils s’arrêtent aux renon­ce­ments que s’imposent les jeunes qui, embras­sant la voca­tion sacer­do­tale ou reli­gieuse, entrent au sémi­naire. Il est vrai que ces jeunes gens renoncent à une car­rière pro­fes­sion­nelle par­fois brillante, ils renoncent aux joies légi­times du mariage, mais le moteur de leur enga­ge­ment n’est pas avant tout le renon­ce­ment. Ils ne cherchent pas à se renon­cer pour se renon­cer. Ils cherchent avant tout à vivre dans une grande inti­mi­té avec Notre-​Seigneur, avec le désir de le faire connaître un jour aux âmes auprès des­quelles ils seront envoyés. 

Souvenez-​vous de la parole de Notre-​Seigneur à Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses alors qu’il n’est besoin que d’une seule. C’est Marie qui a choi­si la meilleure part ; elle ne lui sera pas enle­vée » (Lc 10, 42). 

Contrairement à ce qui pour­rait paraître exté­rieu­re­ment, au regard de per­sonnes igno­rant les lois de la vie inté­rieure, le sémi­naire n’est pas une pri­son, mais une école de véri­table sagesse. On y exclut tous les soins du monde pour se concen­trer sur l’unique néces­saire, qui seul peut nous pro­cu­rer une paix pro­fonde et durable. 

L’Église forme le Corps Mystique de Notre-​Seigneur. Dans ce corps, chaque per­sonne est appe­lée à rem­plir une mis­sion par­ti­cu­lière, ana­logue à celle que rem­plit chaque organe de notre corps. Un corps humain est par­fait lorsque l’oeil dis­cerne bien les objets, l’ouïe les sons, lorsque l’estomac répond à sa fonc­tion, ain­si que les pou­mons et le cœur. De même, la per­fec­tion du Corps de l’Église, c’est que tous les membres exercent constam­ment l’action qui leur est par­ti­cu­liè­re­ment des­ti­née. Et ce qui est vrai de l’Église est vrai aus­si du sémi­naire. Au sémi­naire, prêtres, frères et sémi­na­ristes occupent cha­cun une fonc­tion par­ti­cu­lière, et de la fidé­li­té de cha­cun à sa mis­sion propre résultent l’unité et l’harmonie de l’ensemble.

Les fiançailles avec le Bon Dieu 

Ce qui faci­lite la fidé­li­té de cha­cun des membres du sémi­naire, c’est tout d’abord l’élan don­né par l’Esprit-Saint aux sémi­na­ristes et aux frères dans la ligne de leur oui ini­tial. La pre­mière année de sémi­naire est com­pa­rable à la période des fian­çailles. C’est une période de fraî­cheur et d’enthousiasme que l’apprentissage de cette nou­velle vie où le Bon Dieu se donne géné­reu­se­ment à l’âme qui a tout quit­té pour le suivre. Par ailleurs, le fait d’être entou­ré de jeunes ani­més du même idéal faci­lite l’élan de cha­cun vers le bien. Autant, dans le monde et spé­cia­le­ment dans les grandes villes, il y a aujourd’hui des inci­ta­tions constantes au mal, autant, dans un sémi­naire, il y a de constantes invi­ta­tions à la pra­tique des vertus.

Ce qui favo­rise au sémi­naire cet élan vers le bien, c’est le silence qui y règne. Il est vrai qu’au début de l’année, il n’est pas tou­jours facile à cer­tains sémi­na­ristes de prendre cette habi­tude du silence. Mais, peu à peu, ils s’aperçoivent eux-​mêmes des bien­faits qui en découlent.

Le silence en effet per­met de joindre les avan­tages de la vie com­mune à ceux de la vie soli­taire. Le silence est favo­rable aus­si bien à l’étude qu’à la pié­té, qui sont les deux points fon­da­men­taux d’un sémi­naire pour réa­li­ser le prêtre à la fois pieux et savant, répon­dant à la maxime favo­rite de Claude POULLART DES PLACES : « Un clerc pieux sans science a un zèle aveugle ; un clerc savant sans pié­té est expo­sé à deve­nir héré­tique et rebelle à l’Église ». Cette maxime, for­mu­lée au temps du jan­sé­nisme, est l’écho de celle de saint Bernard : « Uniquement briller [par la science], c’est vain ; sim­ple­ment réchauf­fer [par la pié­té], c’est peu ; chauf­fer et briller [par la pié­té et la science], c’est la perfection ». 

La prière et l’étude

Comme le disait le Père LE FLOCH, supé­rieur du Séminaire fran­çais de Rome au temps où Monseigneur LEFEBVRE y était séminariste :

« Cette fusion de la science et de la pié­té est l’idée maî­tresse qui doit pla­ner sur tous les détails de la for­ma­tion des sémi­na­ristes pour la fécon­der, l’animer et don­ner le branle à toute l’activité ; idée haute et géné­reuse, évi­dente et simple, vivi­fiante et sug­ges­tive, engen­drant la convic­tion pra­tique que, pour rele­ver les âmes, la famille et la socié­té, pour y faire entrer la force d’enseignement de la véri­té catho­lique, il faut que du prêtre, comme d’un foyer sacré de lumière et de cha­leur, s’échappe le rayon­ne­ment d’une solide doc­trine romaine et d’une pié­té ardente, fon­dée sur cette doctrine »

. Les sémi­na­ristes vivent dans le silence pour s’adonner à l’étude et à la prière. En pre­mière année, les études sont sur­tout orien­tées vers la vie inté­rieure. Il s’agit pour les sémi­na­ristes, comme cela est men­tion­né dans le règle­ment du Séminaire, « d’apprendre les prin­cipes de la vie inté­rieure, de la vie en pré­sence de Dieu et en union à Dieu, les fon­de­ments du com­bat spi­ri­tuel, l’âme de tout apos­to­lat, etc. » ; et les sémi­na­ristes « s’appliquent à mettre ces prin­cipes en action dans leur vie personnelle ».

Le vil­lage médié­val de Flavigny, la pro­prié­té elle-​même qu’est la Maison Lacordaire, res­tau­rée durant ces vingt der­nières années, favo­risent le recueille­ment et l’élévation de l’âme des sémi­na­ristes et des frères vers Dieu. 

A ce cadre exté­rieur s’ajoute la vie litur­gique qui occupe une grande place au Séminaire. Nous vivons au rythme de la litur­gie. L’alternance de périodes péni­ten­tielles et de périodes fes­tives per­met le déve­lop­pe­ment de la gra­tia sanans, la grâce qui gué­rit, et de la gra­tia ele­vans, la grâce qui élève. Pécheurs, nous avons besoin d’éteindre le foyer du péché qui demeure en nous même après le bap­tême, mais nous avons éga­le­ment le pri­vi­lège inouï de vivre dès à pré­sent de la vie divine qui fera notre bon­heur au Ciel. 

Notre-​Seigneur est notre modèle, notre Maître et notre com­pa­gnon de route tout au long de notre pèle­ri­nage sur terre, et les sémi­na­ristes apprennent à vivre en sa com­pa­gnie durant les longs moments qu’ils passent quo­ti­dien­ne­ment à l’église et dans le silence de leur cellule. 

De 6 heures du matin à 22 heures, les sémi­na­ristes ont un pro­gramme bien rem­pli par des acti­vi­tés où rien n’est lais­sé à la fan­tai­sie ni à l’arbitraire, sans pour autant exclure des moments de détente. Toute la jour­née est cen­trée sur la messe. C’est elle qui est le soleil de la jour­née du prêtre, c’est elle qui est déjà au centre de la vie du sémi­na­riste. Précédée de la prière de Prime et de l’oraison, elle met entre les mains des sémi­na­ristes et des frères toutes les grâces qui leur seront néces­saires pour vivre saintement. 

Si le dimanche est pour les prêtres char­gés d’une paroisse la jour­née où ils sont sou­vent le plus occu­pés par leur minis­tère, le dimanche au Séminaire est au contraire la jour­née la plus calme de toutes. En dehors de la der­nière répé­ti­tion gré­go­rienne, les sémi­na­ristes peuvent à loi­sir vaquer à la prière tout au long de la mati­née. Ils ont à cœur de se péné­trer des textes litur­giques et de vivre dans une plus grande inti­mi­té avec Notre-Seigneur.

Les fêtes sont aus­si très mar­quées. Les messes de deuxième classe sont chan­tées et celles de pre­mière classe sont enca­drées par les pre­mières et deuxièmes Vêpres. Mais, sans conteste, ce sont les fêtes de Noël et de Pâques qui sont célé­brées avec le plus de solen­ni­té. Elles sont d’autant plus appré­ciées qu’elles ont été pré­cé­dées par des efforts par­ti­cu­liers durant l’Avent et le Carême. 

Un autre évé­ne­ment inou­bliable, c’est la prise de sou­tane pour les sémi­na­ristes et la prise d’habit pour les frères. A ce moment-​là, ils quittent à tout jamais le vête­ment civil pour embras­ser l’habit reli­gieux ou sacer­do­tal. C’est une étape très impor­tante qui concré­tise leur enga­ge­ment au ser­vice de Notre-​Seigneur et de son Église. La pré­sence de leur famille et de leurs amis donne encore plus de solen­ni­té à la céré­mo­nie et à la fête qui l’entoure.

L’importance de l’environnement

Je remer­cie à titre par­ti­cu­lier les parents des sémi­na­ristes et les prêtres des écoles pour la for­ma­tion qu’ils ont don­née aux jeunes qu’ils nous confient. En effet, nous avons bien conscience du Répétition gré­go­rienne tra­vail accom­pli en amont durant tant d’années. Si nous avons la grâce de voir de si beaux fruits de ver­tu dès la pre­mière année de sémi­naire chez plu­sieurs sémi­na­ristes, cela vient du tra­vail de la grâce opé­ré en eux bien sou­vent dès leur plus jeune âge.

L’augmentation du nombre de frères ces dix der­nières années a éga­le­ment faci­li­té de beau­coup le tra­vail des prêtres du Séminaire. La trans­mis­sion des dif­fé­rentes charges et des cou­tumes du Séminaire se fait en effet aujourd’hui par l’intermédiaire de nos frères. En dehors des quatre frères pro­fès qui sont main­te­nant affec­tés en per­ma­nence au Séminaire, les aspi­rants frères qui y reçoivent leur for­ma­tion y res­tent trois ans, tan­dis que les sémi­na­ristes n’y demeurent qu’une seule année avant de gagner Écône. L’exemple édi­fiant des frères est un pré­cieux sti­mu­lant pour les sémi­na­ristes. Monseigneur LEFEBVRE était reli­gieux et sou­hai­tait don­ner à ses prêtres un esprit reli­gieux. Cette trans­mis­sion se fait natu­rel­le­ment par l’exemple vivant de frères zélés, aus­si dis­crets qu’efficaces dans leurs charges. 

Pour aider les sémi­na­ristes à don­ner le meilleur d’eux-mêmes et à gran­dir spi­ri­tuel­le­ment, je suis aidé au Séminaire par quatre confrères : Monsieur l’abbé LAURENÇON, Monsieur l’abbé CALLIER, Monsieur l’abbé GODARD et Monsieur l’abbé JOLY. Ils donnent res­pec­ti­ve­ment les cours d’Écriture Sainte, de patro­lo­gie, de litur­gie et des actes du Magistère, le cours de spi­ri­tua­li­té étant dis­pen­sé par moi-​même. Les cours de latin et de chant gré­go­rien sont assu­rés par des frères. Chacun avec son cha­risme propre contri­bue à l’édification des séminaristes. 

Une vie merveilleuse 

Comme l’indique le règle­ment, « cette année de spi­ri­tua­li­té doit être pour les sémi­na­ristes une année de lumière spi­ri­tuelle, qui opère en eux une pro­fonde conver­sion et orien­ta­tion vers Dieu. […] Cette année conscien­cieu­se­ment accom­plie doit avoir une influence consi­dé­rable sur toute la vie du futur prêtre ». 

Voilà en quelques mots la vie du Séminaire. Même si cette des­crip­tion est bien impar­faite et incom­plète, elle vous donne un aper­çu de ce que vivent les sémi­na­ristes à Flavigny. Je suis de plus en plus convain­cu que bien des jeunes se don­ne­raient à Dieu s’ils connais­saient la beau­té d’une vie sacer­do­tale ou reli­gieuse. Notre-​Seigneur ne nous a pas fait une vaine pro­messe lorsqu’il a pro­mis le cen­tuple dès ici-​bas à ceux qui se consa­cre­raient à son ser­vice. C’est le pre­mier pas qui coûte. Aussi mon plus grand sou­hait est-​il que cette grâce sublime de la voca­tion soit accueillie avec empres­se­ment par tous ceux que Dieu appelle à son service. 

Je vous remer­cie, chers amis et bien­fai­teurs, pour vos prières. Soyez assu­rés en retour des miennes et de celles de mes confrères à toutes vos intentions.

Abbé Patrick TROADEC, Directeur,

le 2 février 2010, en la fête de la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple 

Chronique du séminaire 

Editer la lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 70 au for­mat pdf

Renseignements pratiques

Messes à Flavigny : 

- semaine : 7 H 15 (ou 6 H 50)
– dimanche : 7 H 20 – 10 H 15 (messe chan­tée), 17 H 00 (vêpres et salut). 

Pension d’un séminariste 

Nous vous remercions du soutien que vous procurez aux séminaristes
et de l’aide apportée à l’Œuvre du Séminaire

- 16 € par jour, soit envi­ron 3 730 € par an 

Pour aider le Séminaire : 

– Les chèques sont à libel­ler à l’ordre de : Séminaire Saint-Curé‑d’Ars

- Pour aider régu­liè­re­ment le Séminaire, vous pou­vez uti­li­ser le vire­ment auto­ma­tique en faveur de notre compte au Crédit Mutuel de Venarey-​les-​Laumes (21) : 10278 02511 n° 00051861345 24. 

Nous vous en remer­cions. Un reçu fis­cal vous sera adres­sé sauf men­tion contraire. 

Adresse :

Séminaire International
Saint-Curé‑d’Ars
Maison Lacordaire
F 21150 FLAVIGNY-SUR-OZERAIN 

03 80 96 20 74

03 80 96 25 32

Entretien avec monsieur l’abbé Troadec, Directeur du séminaire 

Entretien pour La Porte Latine