Bref aperçu du Concile Vatican II

Avant de com­men­cer une série d’articles sur cha­cun des textes issus du deuxième concile du Vatican, le pré­sent article veut sim­ple­ment pré­ci­ser, par sou­ci péda­go­gique, la défi­ni­tion de cer­tains termes et don­ner en même temps une rapide trame his­to­rique de ce concile, afin de pou­voir situer ensuite plus aisé­ment les articles suivants.

Quelques notions

Un concile n’a d’existence que sous l’autorité du pape. C’est donc le pape seul qui décide de convo­quer un concile, ce que fit Jean XXIII le 25 décembre 1961 par la bulle Humanæ salu­tis.

De droit, tous les évêques rési­den­tiels (titu­laires d’un dio­cèse) sont convo­qués. Ensuite les évêques non-​résidentiels (qui n’ont pas charge d’un dio­cèse) et les supé­rieurs de congré­ga­tions peuvent être invi­tés ; ce qui d’ailleurs a été fait pour Vatican II. Tous ces ecclé­sias­tiques ont alors droit de suf­frage (ce sont eux qui votent) et on les appelle les pères conci­liaires.

2900 pères conci­liaires ont été convo­qués pour le concile, mais 2300 envi­ron sont venus. Souvent, ces digni­taires sont accom­pa­gnés de théo­lo­giens qui n’ont pas droit de suf­frage mais sont en quelque sorte les émi­nences grises. On les appelle les experts. L’abbé Berto fut le théo­lo­gien de Mgr Lefebvre, tan­dis que l’abbé Ratzinger [1] fut celui du car­di­nal Frings, arche­vêque de Cologne.

Enfin, libre au Pape d’inviter d’autres per­sonnes, les­quelles, sans par­ti­ci­per acti­ve­ment, sont de simples obser­va­teurs. Dix-​sept ortho­doxes et pro­tes­tants ont été conviés, et par la suite, des femmes même seront auto­ri­sées à prendre place par­mi les observateurs.

Des textes ont déjà été pré­pa­rés (sché­mas pré­pa­ra­toires) et sont don­nés à dis­cu­ter par les pères conci­liaires durant les réunions appe­lées aus­si congré­ga­tions géné­rales. Ces réunions, pas néces­sai­re­ment quo­ti­diennes, sont cepen­dant regrou­pées sur plu­sieurs semaines et forment alors une session.

Les textes sont dis­cu­tés, amen­dés puis votés. Lorsqu’ils votent, les pères ont trois pos­si­bi­li­tés. Si le texte leur plaît, ils votent pla­cet. S’il ne leur agréé pas, ils votent non pla­cet. En revanche, s’ils estiment devoir modi­fier le texte, ils votent pla­cet jux­ta modum : ils pro­posent alors des amen­de­ments qui seront exa­mi­nés par des com­mis­sions, puis revo­tés. Enfin, pour que le texte soit admis, il lui faut les deux tiers des voix (pla­cet) et l’approbation du pape.

Le concile Vatican II s’est dérou­lé en quatre sessions :

  • 1re ses­sion : du 11 octobre au 8 décembre 1962
  • 2e ses­sion : du 29 sep­tembre au 4 décembre 1963
  • 3e ses­sion : du 14 sep­tembre au 21 novembre 1964
  • 4e ses­sion : du 14 sep­tembre au 8 décembre 1965

Ce concile a émis 16 textes : 4 consti­tu­tions, 9 décrets et 3 déclarations.

Bref aperçu historique

Les sché­mas pré­pa­ra­toires avaient été tra­vaillés depuis la Pentecôte 1960 et super­vi­sés par une com­mis­sion cen­trale pré­pa­ra­toire dont fai­sait par­tie Monseigneur Lefebvre. Quelques mois avant l’ouverture du concile, le pape avait envoyé à tous les pères conci­liaires les pre­miers sché­mas qui seraient dis­cu­tés. Mais durant l’été 1963, une réunion de théo­lo­giens hol­lan­dais et alle­mands met sur pied un plan pour cham­bou­ler toute la pré­pa­ra­tion du concile.

En effet, dès la pre­mière réunion (qui n’aura duré que vingt minutes !) les libé­raux obtiennent de pla­cer leurs émules dans les com­mis­sions char­gées des amen­de­ments. Ils obtiennent aus­si de trai­ter en pre­mier lieu de la litur­gie plu­tôt que du sché­ma sur la révé­la­tion : ain­si le pra­tique passe avant le théorique…

La grande sur­prise de cette pre­mière ses­sion (aux dires même de l’abbé Ratzinger) c’est qu’aucun texte n’en est sor­ti ! En revanche, les libé­raux ont vrai­ment mis la main sur le concile.

Entre les deux ses­sions, les évêques alle­mands et autri­chiens sont actifs : ils se réunissent et révisent à leur sauce notam­ment le sché­ma sur l’Église. Mais le 3 juin 1963, Jean XXIII meurt. Le concile s’arrête ipso fac­to. Cependant, le 21 juin, Paul VI est élu et décide de pour­suivre le concile… dans la même optique béate de son prédécesseur.

Durant la deuxième ses­sion, les plus vives dis­cus­sions tournent autour du sché­ma sur l’Église et sa consti­tu­tion ain­si que sur celui des reli­gieux. Ce der­nier sou­lè­ve­ra une résis­tance forte de reli­gieux d’esprit tra­di­tion­nels qui freine l’audace sans bornes des libé­raux. Seulement deux textes sont approu­vés à la fin de cette session.

Mais la résis­tance des reli­gieux en a sus­ci­té une autre qui s’organise sérieu­se­ment durant l’inter-session. Le Cœtus Internationalis Patrum prend nais­sance grâce sur­tout à NNSS de Proença Sigaud et Lefebvre, appuyé de plu­sieurs cardinaux.

Ainsi, deux blocs orga­ni­sés s’affrontent durant la troi­sième ses­sion. Les dis­cus­sions deviennent hou­leuses, le désac­cord appa­raît très net­te­ment. Les conser­va­teurs obtien­dront même la faveur du pape qui impose d’autorité une note expli­ca­tive au texte sur la col­lé­gia­li­té, fait rajou­ter quelques amen­de­ments des conser­va­teurs et pro­clame Marie Mère de l’Église, titre que les libé­raux avaient écarté.

Le Cœtus reprend alors confiance et tra­vaille d’arrache-pied lors de la troi­sième inter-​session, mais hélas, la qua­trième et der­nière ses­sion est celle des textes sur la liber­té reli­gieuse, de Gaudium et spes (joie et espé­rance, l’Église dans le monde), du dis­cours du pape à l’O.N.U., de l’omission volon­taire de toute dis­cus­sion sur le com­mu­nisme, de la réforme de la Curie et sur­tout du Saint-​Office, et de la levée des ana­thèmes entre l’Église romaine et celle de Constantinople.

Bref, le 8 décembre 1965, jour de clô­ture offi­cielle du concile, si les espé­rances sont grandes et enthou­siastes pour cer­tains, les fruits seront hélas amers et mor­ti­fères. Non seule­ment le monde et son esprit ont eu leur droit d’entrée offi­ciel dans l’Église, mais aus­si les princes de l’Église ont tro­qué la supré­ma­tie de celle-​ci contre l’amitié de ses plus mor­tels ennemis.

Prévarication sans nom dont on vou­drait aujourd’hui, sous cou­vert de sym­pa­thie pour une forme de tra­di­tion mal défi­nie, espé­rer en faire sor­tir de bons fruits.

Abbé Gabriel Billecocq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Notes de bas de page
  1. Lire à ce pro­pos son inté­res­sant ouvrage paru récem­ment sur ses inter­ven­tions au concile : Mon concile Vatican II, Artège, 2011.[]