Les conclusions pratiques déduites de la Déclaration du 21 novembre 1974

La Fraternité Saint-​Pie X a, depuis long­temps, pris posi­tion vis-​à-​vis du concile Vatican II et de ses réformes. Et cette posi­tion n’a jamais chan­gé dans les prin­cipes. Essayons de la résu­mer et de la jus­ti­fier en quelques mots.

La socié­té fon­dée par Mgr Lefebvre recon­naît les papes « conci­liaires » comme papes de la sainte Église catho­lique. C’est pour­quoi ses prêtres prient publi­que­ment pour eux en tant que sou­ve­rains pon­tifes. Ce point dis­so­cie très net­te­ment l’œuvre fon­dée par Monseigneur Lefebvre des œuvres ou des prêtres dits « sédé­va­can­tistes ». L’évêque fon­da­teur d’Écône n’a jamais vou­lu ren­trer dans les rai­son­ne­ments sédé­va­can­tistes (cf., Feuillet édi­té par Fideliter de février 1980).

Puisqu’une obéis­sance qui irait contre les prin­cipes de la Foi ne serait pas ver­tueuse, la Fraternité Saint-​Pie X pose clai­re­ment les condi­tions d’une véri­table obéis­sance au suc­ces­seur de Pierre : elle refuse de le suivre quand il s’écarte de la Tradition catho­lique, par­ti­cu­liè­re­ment en matière de liber­té reli­gieuse et d’œcuménisme, ain­si que dans les réformes qui sont nocives à l’Église.

Pour appré­cier le bien-​fondé de cette conduite, on consul­te­ra sur ce sujet les livres Ils l’ont décou­ron­né, C’est moi l’accusé qui devrais vous juger, J’accuse le Concile et Mes doutes sur la liber­té reli­gieuse de Monseigneur Lefebvre.

Vis-​à-​vis de la réforme litur­gique, la Fraternité affirme que le nou­veau rite de la messe ne for­mule, il est vrai, aucune héré­sie de manière expresse, mais elle tient qu’il « s’éloigne de façon impres­sion­nante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la sainte Messe ».

Sa conclu­sion doc­tri­nale sur la nou­velle messe, se fonde sur l’application du prin­cipe Bonum ex inte­gra cau­sa, malum ex quo­cumque defec­tu, c’est-à-dire : pour qu’une chose soit bonne, elle ne doit avoir aucun défaut ; il suf­fit d’un défaut pour qu’elle com­mence à être mau­vaise. Cette conclu­sion est donc la sui­vante : le nou­veau rite est en soi mau­vais. Et si ce nou­veau rite est mau­vais, c’est donc qu’il n’est pas licite, c’est-à-dire qu’il n’est pas moral d’y par­ti­ci­per ou de le célé­brer. En effet, en matière sacra­men­taire, la vali­di­té ne suf­fit pas pour rendre la célé­bra­tion de la messe bonne ; encore faut-​il la célé­brer dans les condi­tions de licéi­té requises. C’est ain­si que, durant la révo­lu­tion, la messe tri­den­tine des prêtres jureurs était valide, mais non licite, puisque célé­brée dans le schisme.

En ce qui concerne la pro­mul­ga­tion de la nou­velle messe, il faut, en outre, rap­pe­ler qu’un doute sérieux plane sur la pro­cé­dure de pro­mul­ga­tion. Louis Salleron, dans son livre inti­tu­lé La nou­velle Messe (NEL, 1970, pp. 97–109) relève trois anomalies :

  1. il y a trois ver­sions de la pro­mul­ga­tion sous la même date (plus exac­te­ment seule la pre­mière ver­sion est datée). Il y a donc un vice de la procédure ;
  2. la for­mule latine ne por­tait aucune for­mule d’obligation et n’abrogeait pas l’ancien rit ;
  3. la tra­duc­tion fran­çaise a été tra­fi­quée, comme suit : on est pas­sé, dans le latin de « de tout ce que nous venons jusqu’ici d’exposer tou­chant le nou­veau mis­sel romain, nous croyons bon de tirer main­te­nant, pour finir, une conclu­sion » à en fran­çais : « pour ter­mi­ner nous vou­lons don­ner force de loi à tout ce que nous avons expo­sé plus haut ».

Pour toutes ces rai­sons énon­cées ci-​dessus, il semble dif­fi­cile d’affirmer que la nou­velle messe a été « légi­ti­me­ment » pro­mul­guée. Par contre, ce qui est vrai, c’est qu’elle ait été tyran­ni­que­ment impo­sée par Paul VI qui, à par­tir du milieu des années soixante-​dix, ne vou­lait plus entendre par­ler de l’ancienne messe.

En ce qui concerne la vali­di­té concrète de la nou­velle messe, il faut admettre que les messes célé­brées selon le nou­veau rite ne sont pas toutes inva­lides. Cependant, si l’on prend en compte 1) le sens pro­tes­tant qui se trouve déjà dans le texte latin ori­gi­nal de la messe conci­liaire tel qu’il se trouve dans le nou­veau mis­sel ; 2) les mau­vaises tra­duc­tions en langue vul­gaire qui dégradent encore le sens du texte litur­gique ; 3) la diver­si­té fan­tai­siste des modes de célé­bra­tion tels qu’on les trouve dans les paroisses, on doit admettre que le dan­ger d’invalidité de cette messe est très grand. Or, en matière de sacre­ment, la saine théo­lo­gie morale tra­di­tion­nelle ne per­met pas de prendre le risque de célé­brer un sacre­ment dou­teux : on doit être tutio­riste en matière de sacre­ment. On ne peut donc prendre le risque de célé­brer cette messe, d’y par­ti­ci­per ou d’y com­mu­nier. La foi du par­ti­ci­pant n’y change rien.

La règle de conduite pra­tique qui découle de ces pré­misses, vis-​à-​vis du Novus Ordo Missae (N.O.M.), est logi­que­ment la sui­vante en bonne morale catholique :

  1. un prêtre ne doit jamais célé­brer la sainte messe selon ce nou­veau rite, même sous la menace de peines ecclésiastiques ;
  2. il ne doit jamais auto­ri­ser, per­mettre ou conseiller à qui­conque, de manière posi­tive, d’y par­ti­ci­per acti­ve­ment ou d’y com­mu­nier (l’assistance pure­ment pas­sive, avec rai­son pro­por­tion­née et écar­te­ment du risque de scan­dale, est per­mise, par exemple, pour un mariage ou des funé­railles dans la famille) ;
  3. il ne doit jamais par­ti­ci­per au N.O.M. soit en concé­lé­brant, soit en pre­nant le risque de dis­tri­buer des hos­ties N.O.M. lors de mariages ou funé­railles célé­brés (par lui-​même dans l’ancien rit) dans les paroisses, en uti­li­sant les ciboires N.O.M., (la dis­tri­bu­tion de ces hos­ties fait par­tie de la célé­bra­tion, de près ou de loin, de la nou­velle messe).

Cette posi­tion vis-​à-​vis de la nou­velle messe per­met de dis­so­cier très net­te­ment les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X de la posi­tion Eccle­sia Dei, pour laquelle la nou­velle messe n’est pas pure­ment et sim­ple­ment mau­vaise, bien que valide, mais sim­ple­ment moins bonne que la messe tri­den­tine. Logiquement, dans cette pers­pec­tive, les fidèles, avec une rai­son pro­por­tion­née, pour­raient assis­ter, par­ti­ci­per et com­mu­nier à la messe Paul VI et les prêtres pour­raient même la célé­brer ou la concé­lé­brer en toute sûre­té de conscience. La Fraternité Saint-​Pie X n’admet pas ce rai­son­ne­ment et cette conclusion.

Cette der­nière conclu­sion, qui est fausse, repose sur une erreur de prin­cipe : la mécon­nais­sance de la règle élé­men­taire for­mu­lée plus haut : Bonum ex inte­gra cau­sa, malum ex quo­cumque defec­tu. Preuve que la for­ma­tion dis­pen­sée dans ce « sec­teur de l’Église », appe­lé Ecclesia Dei, est lar­ge­ment défec­tueuse. Il illustre d’une façon concrète l’adage : petite erreur dans les prin­cipes ; catas­trophe dans les conclusions.

Ces quelques consi­dé­ra­tions indis­cu­tables et indis­cu­tées dans la Fraternité Saint-​Pie X, rap­pellent clai­re­ment que la posi­tion de cette der­nière n’est ni celle des sédé­va­can­tistes, ni celle d’Ecclesia Dei. Elles mettent une fois de plus en lumière la ligne de crête sui­vie par la Fraternité Saint-​Pie X : ni sédé­va­can­tisme, ni ral­lie­ment mais fidé­li­té à la Tradition mul­ti­sé­cu­laire de la Sainte Église Catholique, apos­to­lique et Romaine.

Abbé Guy Castelain+, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Source : Le Combat de la Foi n° 171 de décembre 2014