A propos du sacre de l’abbé Faure par Mgr Williamson

Après le sacre de l’abbé Jean-​Michel Faure par Mgr Richard Williamson, le 19 mars 2015 à Nova Friburgo (Brésil), plu­sieurs sites qui leur sont favo­rables, ont publié diverses décla­ra­tions du consé­cra­teur et du consa­cré expo­sant les cir­cons­tances par­ti­cu­lières de cette consé­cra­tion épis­co­pale, annon­cée l’avant-veille seule­ment, et à laquelle ne furent invi­tés qu’un nombre res­treint de prêtres et de fidèles. Ces décla­ra­tions ont éga­le­ment fait appa­raître cer­taines des rai­sons qui ont moti­vé cette céré­mo­nie. – Dans les extraits sui­vants, les pas­sages sou­li­gnés en ita­liques sont de la rédac­tion de DICI.

Dans son ser­mon, au cours de la céré­mo­nie, Mgr Williamson a décla­ré : « Je m’excuse de n’avoir pas vou­lu rendre publique l’annonce de cet évé­ne­ment avant, mais nous vou­lions assu­rer la céré­mo­nie et la pro­té­ger de cer­tains empê­che­ments qui pou­vaient sur­gir : car cette céré­mo­nie n’est pas du goût de tout le monde, c’est évident ! ». Peu après, Mgr Faure a pré­ci­sé dans un entre­tien : « La consé­cra­tion a dû être réa­li­sée ain­si pour ne pas être empê­chée, la situa­tion de Mgr Williamson res­tant déli­cate. Nous avons choi­si ce monas­tère d’accès assez dif­fi­cile qui per­met­tait cer­taines mesures de sécu­ri­té. » – Il s’agit ici d’une allu­sion au fait que Mgr Williamson puisse être inquié­té dans ses dépla­ce­ments, à la suite de ses pro­pos sur les chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans le même ser­mon, Mgr Williamson a affir­mé : « On aurait pu prier, deman­der, espé­rer un signe de la Providence comme Mgr Lefebvre le fit en 1988, mais je pense que l’Eglise ne peut pas sub­sis­ter sans évêques qui peuvent ordon­ner des prêtres et confir­mer des enfants, des adultes… Dans la situa­tion poli­tique actuelle, une Troisième Guerre mon­diale peut explo­ser à n’importe quel moment ; une nou­velle récente de mon pays, l’Angleterre, nous informe que des armes ato­miques ont été pré­pa­rées afin d’être expé­diées sur la Russie par anti­ci­pa­tion… C’est une folie, c’est une folie, mais les hommes sont fous et ont l’instinct du sui­cide, comme les libé­raux, et la Troisième Guerre mon­diale sera un pro­duit de cet ins­tinct du sui­cide. Cela arri­ve­ra et alors il est impos­sible de dire com­ment vont se dérou­ler les évé­ne­ments. C’est pour­quoi res­ter seul pour confir­mer ou ordon­ner… il me semble que c’est une irres­pon­sa­bi­li­té ; le monde n’est pas tran­quille, il est très instable. Nous ne savons pas ce qui va arri­ver. »

Dans un entre­tien pos­té­rieur Mgr Williamson a pré­ci­sé sa pen­sée en répon­dant à la question :

« Qu’est-ce qui vous a déci­dé à réa­li­ser le sacre main­te­nant ? – Chaque jour était plus rai­son­nable devant la menace de la guerre, qui est très proche de nous, deux fois elle a été évi­tée avec la Syrie et l’Ukraine, et l’Occident délin­quant pro­voque les Russes et il arri­ve­ra le moment où Poutine dira que c’est suf­fi­sant et attaquera. »

S’agissant de la néces­si­té de se sub­sti­tuer à la Fraternité Saint-​Pie X qui, selon lui, a tra­hi son fon­da­teur, Mgr Faure déclare dans un entre­tien accor­dé à Rivarol du 2 avril : « Humainement par­lant, Mgr Fellay donne maintes indi­ca­tions de sa volon­té ferme de ral­lier l’Eglise conci­liaire. (…) Menzingen perd son auto­ri­té parce qu’elle n’est plus fidèle à la vérité. »

« Nous vou­lions assu­rer la céré­mo­nie et la pro­té­ger de cer­tains empê­che­ments qui pou­vaient sur­gir », « on aurait pu prier, deman­der, espé­rer un signe de la Providence comme Mgr Lefebvre le fit en 1988, mais je pense que… », « il est impos­sible de dire com­ment vont se dérou­ler les évé­ne­ments », « humai­ne­ment par­lant », ces moti­va­tions per­son­nelles peuvent paraître effec­ti­ve­ment trop humaines, aus­si sont-​elles accom­pa­gnées de décla­ra­tions d’intention sur­na­tu­relle sur « la défense de la véri­té » et la néces­si­té d’être les humbles répa­ra­teurs de « l’éclairage de secours de Mgr Lefebvre » (ser­mon du 19 mars). Il n’en reste pas moins que ces motifs contrastent sin­gu­liè­re­ment avec la rai­son des sacres de 1988.

Ecône, 30 juin 1988

En s’appuyant sur de larges extraits du ser­mon de Mgr Marcel Lefebvre lors de la céré­mo­nie du 30 juin 1988, l’abbé Jean-​Michel Gleize, pro­fes­seur d’ecclésiologie au sémi­naire d’Ecône, rap­pelle pour­quoi et com­ment le fon­da­teur de la Fraternité Saint-​Pie X a posé cet acte important.

1 – Dans une lettre datée du 8 juillet 1987, Mgr Lefebvre écri­vait au car­di­nal Ratzinger : « Une volon­té per­ma­nente d’anéantissement de la Tradition est une volon­té sui­ci­daire qui auto­rise, par le fait même, les vrais et fidèles catho­liques à prendre toutes les ini­tia­tives néces­saires à la sur­vie et au salut des âmes » [1]. Et le jour des sacres, 30 juin 1988, Monseigneur reve­nait sur ce constat, pour conclure à la légi­ti­mi­té des consé­cra­tions épis­co­pales : « Il est néces­saire que vous le com­pre­niez bien, que nous ne vou­lons pour rien au monde que cette céré­mo­nie soit un schisme. […] Bien au contraire, c’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à Rome que nous fai­sons cette céré­mo­nie. C’est pour mani­fes­ter notre atta­che­ment à l’Eglise de tou­jours, au pape et à tous ceux qui ont pré­cé­dé ces papes qui, mal­heu­reu­se­ment, depuis le concile Vatican II ont cru devoir adhé­rer à des erreurs, des erreurs graves qui sont en train de démo­lir l’Eglise et de détruire le sacer­doce catho­lique. […] Nous nous trou­vons dans un cas de néces­si­té. » [2].

2 – Distinction est ici faite entre le prin­cipe même de l’autorité dans l’Eglise et son exer­cice dans des cir­cons­tances par­ti­cu­lières. Par défi­ni­tion, le pape a pour mis­sion de don­ner aux âmes les moyens de se sau­ver, c’est-à-dire des évêques et des prêtres qui prêchent la vraie foi catho­lique et admi­nistrent les vrais sacre­ments selon le rite de l’Eglise. Mais par mal­heur, depuis le concile Vatican II, les papes qui ont suc­cé­dé à Pie XII rendent sinon impos­sible du moins dif­fi­cile le recours nor­mal à ces moyens ordi­naires du salut. Et l’on peut légi­ti­me­ment craindre que, faute de réagir, les fidèles de l’Eglise catho­lique ne puissent plus béné­fi­cier de la pré­di­ca­tion de la vraie doc­trine ni rece­voir la grâce des vrais sacre­ments. Il y a donc état de néces­si­té, qui non seule­ment rend légi­time mais réclame la consé­cra­tion épis­co­pale du 30 juin 1988, comme le moyen néces­saire au salut des âmes. Mgr Lefebvre l’explique fort bien : « Il me semble entendre, mes bien chers frères, il me semble entendre la voix de tous ces papes depuis Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X, Benoît XV, Pie XI, Pie XII, nous dire : Mais de grâce, de grâce, qu’allez-vous faire de nos ensei­gne­ments, de notre pré­di­ca­tion, de la foi catho­lique, allez-​vous l’abandonner, allez-​vous la lais­ser dis­pa­raître de cette terre ? De grâce conti­nuez à gar­der ce tré­sor que nous vous avons don­né. N’abandonnez pas les fidèles, n’abandonnez pas l’Eglise, conti­nuez l’Eglise. […] Si vous ne faites pas quelque chose pour conti­nuer cette tra­di­tion de l’Eglise que nous avons don­née, tout dis­pa­raî­tra, l’Eglise dis­pa­raî­tra ; les âmes seront toutes per­dues » [3].

3 – En effet, dans l’Eglise, toute la loi ecclé­sias­tique est ordon­née au salut des âmes. Si l’application habi­tuelle de cette loi rend dif­fi­cile, voire impos­sible, ce but essen­tiel de la loi, nous avons affaire à ce que le droit de l’Eglise appelle un état de néces­si­té. Celui-​ci auto­rise tout membre de l’Eglise à agir pour le salut des âmes, selon ses capa­ci­tés et selon les grâces qu’il reçoit, même en dépit de l’obstacle que repré­sente l’application injuste de la loi ecclé­sias­tique, faite par l’autorité. En effet, dit le Code de Droit Canonique, « les fidèles ont le droit de rece­voir de la part des pas­teurs sacrés l’aide pro­ve­nant des biens spi­ri­tuels de l’Eglise, sur­tout de la parole de Dieu et des sacre­ments » [4]. Cela signi­fie en par­ti­cu­lier que tout évêque est tenu d’user de son épis­co­pat en vue du salut des âmes et du bien com­mun de l’Eglise, ce qui peut impli­quer la trans­mis­sion du sacer­doce et de l’épiscopat, quand bien même l’autorité suprême de l’Eglise s’y oppo­se­rait de manière injuste.

4 – Ce qui explique l’attitude de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-​Pie X n’est donc pas un atta­che­ment per­son­nel au bien par­ti­cu­lier d’une œuvre per­son­nelle. C’est le sou­ci du salut des âmes, de l’unité de la foi et du culte, qui cor­res­pondent au bien com­mun de l’Eglise. Il appar­tient nor­ma­le­ment au suc­ces­seur de Pierre d’assurer, avec les évêques, la sau­ve­garde ordi­naire de ce bien com­mun. L’initiative du 30 juin 1988, pour être néces­saire au plus haut point, en assure seule­ment la sur­vie extra­or­di­naire dans un contexte très par­ti­cu­lier, où le suc­ces­seur de Pierre n’agit plus en véri­table suc­ces­seur de Pierre. Cela explique pour­quoi, tout en accom­plis­sant cet acte des consé­cra­tions épis­co­pales, appa­rem­ment contraire à la volon­té du pape, Mgr Lefebvre n’a jamais refu­sé de conti­nuer à entrer en contact avec les repré­sen­tants de la hié­rar­chie, afin de faire entendre à Rome la voix pure et intègre de la Tradition catho­lique, et pour que celle-​ci puisse ain­si retrou­ver ses droits dans toute l’Eglise. « C’est pour­quoi, j’ai envoyé une lettre au pape en lui disant très clai­re­ment : Nous ne pou­vons pas, mal­gré tout le désir que nous avons d’être en pleine union avec vous, étant don­né cet esprit qui règne main­te­nant à Rome et que vous vou­lez nous com­mu­ni­quer. Nous pré­fé­rons conti­nuer dans la Tradition, gar­der la Tradition en atten­dant que cette Tradition retrouve sa place à Rome, en atten­dant que cette Tradition retrouve sa place dans l’esprit des auto­ri­tés romaines. Cela dure­ra ce que le Bon Dieu vou­dra. Ce n’est pas à moi de savoir quand la Tradition retrou­ve­ra ses droits à Rome. Mais je pense que c’est mon devoir de don­ner les moyens de faire ce que j’appellerai cette opé­ra­tion sur­vie, opé­ra­tion sur­vie de la Tradition. […] Dans quelques années, je ne sais pas, le Bon Dieu seul connaît le nombre des années qu’il fau­dra pour que le jour où la Tradition retrou­ve­ra ses droits à Rome, nous serons embras­sés par les auto­ri­tés romaines qui nous remer­cie­ront d’avoir main­te­nu la foi dans les sémi­naires, dans les familles, dans les cités et dans nos pays, dans nos cou­vents, dans nos mai­sons reli­gieuses, pour la plus grande gloire du Bon Dieu et pour le salut des âmes » [5].

5 – La consé­cra­tion du 30 juin 1988 est donc un acte de pru­dence, un acte ins­pi­ré à la fois par la droite rai­son et par le Saint Esprit. Refaire cet acte, en arguant du fait que la Fraternité Saint-​Pie X a failli à son rôle pro­vi­den­tiel sup­pose que cette der­nière ne donne plus aux âmes les moyens de se sau­ver, en par­ti­cu­lier parce qu’elle ne prêche plus la véri­table doc­trine, du simple fait qu’elle ne s’oppose plus aux non moins véri­tables erreurs du Concile. Concrètement, cela sup­pose que la Fraternité n’offre plus l’unique Sacrifice dans son rite inchan­gé, qu’elle a adop­té la pré­di­ca­tion moder­niste et ne s’oppose plus aux réunions inter­re­li­gieuses ins­pi­rées par un faux œcu­mé­nisme, qu’elle a adop­té les nou­veaux caté­chismes, la nou­velle ecclé­sio­lo­gie et toutes les nou­veau­tés conci­liaires, qu’elle œuvre dans les faits – des faits avé­rés et non des faits sup­po­sés – à l’autodestruction de l’Eglise. Or pour ne pas être un pro­cès d’intention, un tel rai­son­ne­ment doit s’appuyer sur des preuves d’autant plus solides que le fait allé­gué est plus grave. Ce qui signi­fie que le simple doute et encore moins le soup­çon ne sau­raient suf­fire. Le simple doute ne peut moti­ver qu’une folle pré­ci­pi­ta­tion, et non une réelle pru­dence. Comme le disait Mgr Lefebvre, « si un argu­ment est dou­teux, on n’a pas le droit d’en tirer de consé­quences énormes ! » [6]

Source : DICI n°313 du 03/​04/​15

Notes de bas de page

  1. Mgr Lefebvre, « L’état de néces­si­té » dans Vu de haut n°13 (automne 2006), p. 62.[]
  2. Mgr Lefebvre, « Homélie à Ecône le 30 juin 1988 à l’occasion des consé­cra­tions épis­co­pales » dans Vu de haut n°13 (automne 2006), p. 64.[]
  3. Mgr Lefebvre, « Homélie à Ecône le 30 juin 1988 à l’occasion des consé­cra­tions épis­co­pales » dans Vu de haut n°13 (automne 2006), p. 64.[]
  4. Code de Droit cano­nique de 1917, canon 682 et Nouveau Code de 1983, canon 213.[]
  5. Mgr Lefebvre, « Homélie à Ecône le 30 juin 1988 à l’occasion des consé­cra­tions épis­co­pales » dans Vu de haut n°13 (automne 2006), p. 65.[]
  6. Mgr Lefebvre, Conférence à Ecône le 16 jan­vier 1979.[]