Entretien avec Roberto de Mattei : « Le Rapport final du Synode est un mauvais document »

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.


Professeur Roberto de Mattei

Le Professeur Roberto de Mattei (sur la pho­to), auteur de Vatican II, une his­toire à écrire (Muller éd.) et de Apologie de la Tradition (Chiré éd.) a bien vou­lu répondre aux ques­tions de DICI, après le Synode sur la famille.

DICI : Au terme de la 2e ses­sion du Synode sur la famille, quel est votre juge­ment sur la Relatio fina­lis et sur la décla­ra­tion conclu­sive du pape François ?

Pr de Mattei : Il faut dire tout d’abord que la Relatio fina­lis du Synode sur la famille est un docu­ment stric­te­ment consul­ta­tif, sans aucune valeur magis­té­rielle. Il s’agit d’un mau­vais docu­ment, tant dans le lan­gage employé que sur le fond, qui non seule­ment entrouvre la porte aux divor­cés rema­riés, mais, de façon plus géné­rale, conduit à nier le carac­tère objec­tif et abso­lu de la morale catho­lique. De nom­breux conser­va­teurs ont expri­mé un juge­ment posi­tif sur ce docu­ment parce qu’il y avait le risque qu’un docu­ment plus mau­vais puisse pas­ser, mais le moindre mal reste un mal, et nous ne pou­vons faire autre­ment que d’exprimer sur ce docu­ment un juge­ment négatif.

Les pro­gres­sistes de leur côté chantent vic­toire parce qu’ils disent que la Relatio fina­lis, bien qu’insuffisante, est pour eux un « pas en avant » par rap­port au Rapport d’ouverture du car­di­nal Erdö. Mais l’objectif des nova­teurs était la ver­sion pré­sen­tée au Synode le jeu­di 22 octobre au soir et refu­sée par les pères Synodaux le 23 octobre matin. A mon avis, les pro­gres­sistes comme les conser­va­teurs sortent éga­le­ment vain­cus de ce Synode. Et même le pape François ne peut être consi­dé­ré comme « vain­queur ». Le dis­cours de clô­ture du 24 octobre le montre très insa­tis­fait quant à l’issue du Synode.

DICI : En tant qu’historien de Vatican II, quel paral­lèle établissez-​vous entre le mode de fonc­tion­ne­ment de ce Synode et celui du Concile ?

Pr de Mattei : La « syno­da­li­té » est la ten­ta­tive de trans­for­mer la consti­tu­tion monar­chique et hié­rar­chique de l’Eglise en une struc­ture démo­cra­tique et par­le­men­taire. Sous cet aspect, le fonc­tion­ne­ment du Synode rap­pelle la dyna­mique des assem­blées révo­lu­tion­naires décrites par Augustin Cochin dans son étude fon­da­men­tale sur Les socié­tés de pen­sée et la démo­cra­tie moderne : sous une appa­rence de démo­cra­tie, c’est en fait un groupe res­treint d’organisateurs qui pilote et mani­pule l’assemblée. C’est ce qui est arri­vé tant au concile Vatican II qu’au cours du XIVe Synode ordi­naire sur la famille.

Le Synode me semble éga­le­ment un échec pour ses pro­mo­teurs en ce que la contra­dic­tion y est mani­feste : il a été réuni au nom de la démo­cra­tie dans l’Eglise, mais on n’a tenu compte dans son fonc­tion­ne­ment ni de la trans­pa­rence, ni de la volon­té de la majo­ri­té. En réa­li­té la Vérité de l’Evangile ne peut être sou­mise à la déci­sion ni d’une majo­ri­té ni d’une mino­ri­té. Elle a été annon­cée une fois pour toutes par Notre Seigneur et on ne doit que la trans­mettre, la défendre et la diffuser.

DICI : Mgr Fellay a fait paraître, avant et après le Synode, une Supplique au Saint-​Père et une Déclaration sur le Rapport final, quel regard portez-​vous sur ces documents ? 

Pr de Mattei : La décla­ra­tion sur la Relatio fina­lis de Mgr Fellay s’est ins­crite dans le cadre de nom­breuses sup­pliques et appels adres­sés au Saint-​Père avant, pen­dant et après le Synode. Elle m’a sem­blé oppor­tune et j’en par­tage le conte­nu et les termes, fermes mais res­pec­tueux, qui conviennent à des catho­liques pré­oc­cu­pés par la situa­tion tou­jours plus grave dans laquelle se trouve l’Eglise aujourd’hui.

Désormais du monde entier monte vers le Saint-​Père cette demande de réaf­fir­mer de façon claire et solen­nelle la véri­té, divine et natu­relle, sur le mariage, la famille et sur ces véri­tés de foi et de morale qui se voient mises en dis­cus­sion même par les plus hautes auto­ri­tés ecclé­sias­tiques. La Supplique et la Déclaration de Mgr Fellay, tout comme cette autre « Supplique filiale » pré­sen­tée au Pape par 200 pré­lats et 850 000 fidèles du monde entier, expriment bien ce vibrant appel.

Source : FSSPX/​MG – DICI n°324 du 06/​11/​15