L’avis d’un universitaire sur la réforme du droit canonique relatif aux nullités de mariage

Photo : Fresque repré­sen­tant le mariage de Marie et Joseph (1485–1490), par le peintre ita­lien Ghirlandaio, à l’é­glise Santa Maria Novella de Florence (Italie).

Dans la Semaine juri­dique n°39, du 21 sep­tembre 2015 (pp. 1662–1663), sous le titre « La réforme du droit pro­ces­suel de l’Eglise, une révo­lu­tion qui ne dit pas son nom », on peut lire ces lignes très justes de Cyrille Dounot, agré­gé des Facultés de droit, pro­fes­seur à l’Université d’Auvergne, avo­cat ecclé­sias­tique agréé près l’Officialité de Lyon :

« Le 8 sep­tembre der­nier, le pape François pré­sen­tait deux Motu pro­prio modi­fiant en pro­fon­deur le droit cano­nique rela­tif aux nul­li­tés de mariage, inti­tu­lés Mitis Iudex Dominus Iesus, pour l’Eglise latine, et Mitis et Misericors Iesus, pour les Eglises orien­tales. Ils pren­dront effet le 8 décembre pro­chain. Les modi­fi­ca­tions sont sen­si­ble­ment proches, quoique spé­ci­fiques à chaque ordre juri­dique (latin/​oriental). Essentiellement, elles visent à sup­pri­mer le prin­cipe de la col­lé­gia­li­té du tri­bu­nal, à reve­nir au sys­tème de l’évêque-juge, à créer une nou­velle ‘pro­cé­dure brève’, à aban­don­ner le prin­cipe de la double sen­tence conforme, à res­treindre les capa­ci­tés de faire appel, à intro­duire de nou­veaux cas de nul­li­té. Bref, une réforme pro­ces­suelle qui a des airs de révo­lu­tion juridique. (…)

« Cette réforme du droit pro­ces­suel inter­vient en cati­mi­ni, avant même l’ouverture de la seconde ses­sion du Synode sur la famille, qui devait se sai­sir de cette ques­tion pro­cé­du­rale, en ver­tu des § 114 et 115 de l’Instrumentum labo­ris(docu­ment de tra­vail) pré­sen­té par le Saint-​Siège le 23 juin 2015. Elle res­semble fort à une mal­adroite ten­ta­tive de désar­çon­ner en amont les cri­tiques car­di­na­lices de plus en plus bruyantes, hos­tiles à tout bou­le­ver­se­ment des pra­tiques reli­gieuses dans cette ques­tion des nul­li­tés de mariage. (…)

« Ce qui frappe d’emblée le lec­teur est le ton don­né par le légis­la­teur. On sort du cadre tra­di­tion­nel où pré­vaut l’institution du mariage pour entrer dans celui très moderne où prime l’individu. A ce titre, la dis­pa­ri­tion de l’article consa­cré à ‘la fonc­tion des juges’ est assez élo­quente. L’ancien canon 1676 dis­po­sait : ‘Avant d’accepter une cause et chaque fois qu’il per­ce­vra un espoir de solu­tion favo­rable, le juge met­tra en œuvre les moyens pas­to­raux pour ame­ner, si c’est pos­sible, les époux à conva­li­der éven­tuel­le­ment leur mariage et à reprendre la vie com­mune conju­gale’. C’était la tra­duc­tion juri­dique de l’adage matri­mo­nium gau­det favore iuris (le mariage jouit de la faveur du droit, c. 1060), en ver­tu duquel on pré­sume de la vali­di­té du mariage, jusqu’à preuve de sa nul­li­té. Le nou­veau canon 1675 part au contraire de l’individu : ‘Le juge, avant d’accepter la cause, doit avoir la cer­ti­tude que le mariage a irré­pa­ra­ble­ment échoué, de sorte qu’il soit impos­sible de réta­blir la vie conju­gale com­mune’. C’est un revi­re­ment de pers­pec­tive (…) », que l’auteur de l’article relève dans les modi­fi­ca­tions tou­chant le juge, la pro­cé­dure et l’appel. Pour conclure : « En défi­ni­tive, sous des appa­rences ano­dines, cette pro­fonde déva­lua­tion du pro­cès en nul­li­té de mariage risque d’assimiler nul­li­té (décla­ra­tive) et annu­la­tion (per­for­ma­tive). Il n’est pas sûr que cela rende ser­vice à l’indissolubilité du mariage catholique. »

A noter : Le 30 sep­tembre pro­chain, à 16 h, à l’Université pon­ti­fi­cale Saint-​Thomas d’Aquin (Rome, Largo Angelicum, 1) aura lieu un col­loque inter­na­tio­nal de pré­pa­ra­tion au Synode sur la famille. Le car­di­nal Carlo Caffarra, arche­vêque de Bologne, et le car­di­nal Raymond Burke, patro­nus de l’Ordre de Malte, don­ne­ront cha­cun une confé­rence. Le car­di­nal Caffarra avait écrit, l’an der­nier, dans l’ouvrage « Demeurer dans la véri­té du Christ » (Artège) : « C’est l’Eglise qui a la mis­sion de gui­der l’homme, de lui apprendre à sur­mon­ter ‘la diver­gence entre ce qui se trouve à la sur­face et ce qui est le mys­tère de l’amour’. Autrement dit, elle a la mis­sion d’annoncer l’Evangile du mariage : telle est l’urgence prio­ri­taire qui ne peut être élu­dée. L’Eglise annonce l’Evangile – je répète l’Evangile de l’indissolubilité, véri­table tré­sor qu’elle conserve dans des vases d’argile. » (p. 175). Au terme de ce col­loque sera pré­sen­té un « Appel aux Pères syno­daux », leur deman­dant de réaf­fir­mer de façon claire et inté­grale la tra­di­tion catho­lique sur les pro­blèmes de la vie, de la famille et de l’éducation.

Sources : Semaine juridique/​Homme Nouveau – n°321 du 25/​09/​15