Aux sources du Carmel : Editorial du numéro 15 de janvier 2008

Bulletin du Tiers-​Ordre sécu­lier pour les pays de langue fran­çaise


Editorial de Monsieur l’abbé Louis-​Paul Dubroeucq, 

aumônier des tertiaires de langue française 

Cher frère, Chère sœur, 

S’il est un Mystère pour lequel l’Ordre du Carmel a quelque pré­di­lec­tion, c’est bien celui de l’Incarnation. Elle se mani­feste notam­ment par la dévo­tion au Saint Enfant Jésus. La neu­vaine en Son hon­neur figure par­mi les cinq grandes neu­vaines pla­cées dans le manuel du Tiers-​Ordre du Carmel. Quant aux sta­tues de l’Enfant Jésus, qui ne connaît celles de Prague ou de Beaune en Côte-​d’Or, appe­lé le Roi de Grâce, sans comp­ter celles des mul­tiples fon­da­tions de sainte Thérèse d’Avila. 

Pourquoi cet attrait dans l’Ordre du Carmel pour ce mys­tère de Jésus enfant ? C’est qu’il mani­feste l’es­prit propre à sa spi­ri­tua­li­té. La vie car­mé­li­taine est faite de soli­tude, de silence, de contem­pla­tion, d’ab­né­ga­tion, de déta­che­ment des créa­tures, de pau­vre­té… Elle trouve dans la vie cachée de Notre-​Seigneur, dans les mys­tères de Son enfance, un idéal à pour­suivre : ne dis­po­ser de rien en propre, vivre dans une totale dépen­dance : c’est l’en­sei­gne­ment de l’Enfant de la crèche à l’âme car­mé­li­taine. La pié­té du Carmel envers sa Reine et son pro­tec­teur saint Joseph trouve aus­si dans ce mys­tère matière à contem­pler et à imi­ter afin de vivre, comme Jésus, sous le regard et dans la dépen­dance de la Vierge Immaculée et de saint Joseph. C’est la rai­son pour laquelle sainte Thérèse d’Avila a vou­lu que la fête de la nais­sance du Sauveur revête une solen­ni­té par­ti­cu­lière dans ses monas­tères. Saint Jean de la Croix rayon­nait en ce jour de fête : 

« Lui, si grave d’or­di­naire, exul­tait et se lais­sait aller à une joie exté­rieure qui s’ex­pri­mait en paroles, en chants, en jeux spi­ri­tuels. » [R.P. Marie-​Eugène de l’Enfant Jésus, Sermon pour la vigile de Noël 1948, in Jean de la Croix, Présence de Lumière, Éd. du Carmel, 1991, p. 292]. 

Cet amour pour l’Enfant Jésus est concré­ti­sé par la pré­sence, dans chaque monas­tère de la réforme de sainte Thérèse, d’une petite sta­tue de l’Enfant Jésus, pré­cieux sou­ve­nirs de la sainte Mère, selon Les Annales des Carmes de France. La sainte Réformatrice com­mu­ni­quait à ses filles sa dévo­tion envers le mys­tère de l’en­fance du Sauveur par le don de ces sta­tues comme par ses poèmes ou chants, où elle dépeint la pau­vre­té et l’hu­mi­li­té de l’Enfant Dieu, qui S’est incar­né pour le salut des hommes ; ain­si dans les deux pre­mières strophes de cette poé­sie sur Noël :

O pas­teurs qui veillez Il vient pauvre et mépri­sé,
A la garde de votre trou­peau, Mettez-​vous donc à le gar­der,
Considérez qu’il vous est né un Agneau. Car le loup vous le ravi­ra
C’est le Fils du Dieu sou­ve­rain ! Avant que vous ayez pu en jouir…

[sainte Thérèse d’Avila, in Opuscules de la Sainte, Éd. de la Vie Spirituelle, Desclée & Cie, 1929, poé­sie 12, p. 297].

La contem­pla­tion de la pau­vre­té du mys­tère de Noël nous per­met d’ac­cep­ter que le triomphe de Dieu en nous soit accom­pa­gné d’anéan­tis­se­ment. C’est dans la fai­blesse de l’homme que la puis­sance de Dieu se mani­feste plei­ne­ment. [II Cor. 12, 9]. « Regarder alors l’Enfant Jésus éclaire. Dans l’im­puis­sance, il y a tout l’ho­ri­zon de la divi­ni­té, de l’in­fi­ni. » [R. Règue, Père Marie-​Eugène de l’Enfant Jésus, Maître spi­ri­tuel pour notre temps, Éd. du Carmel, 1978, p. 23]. Dans le mys­tère du Verbe de Dieu fait homme, il y a le com­men­ce­ment de tous les autres mys­tères : la Rédemption, la Très Sainte Eucharistie, l’Église.

La pre­mière infir­mi­té de Jésus est celle de l’en­fance. C’est tout d’a­bord un état d’a­néan­tis­se­ment. Abaissement de la Divinité, tout d’a­bord. Quel est ce petit enfant dans la crèche ? « C’est le Verbe éter­nel qui se tait ; c’est la sagesse infi­nie qui bégaye, la lumière éter­nelle qui se voile, la béa­ti­tude qui pleure et crie ; c’est l’é­ter­nel qui vient de naître, l’im­mense réduit à la petite taille d’un enfant, le Tout-​Puissant qui ne peut se sou­te­nir, ni faire un pas. C’est la Providence qui gou­verne le monde et qui se laisse manier par une faible femme ; c’est la vie infi­nie qui nour­rit tous les êtres et qui a besoin du sein de sa mère. » [Ch. Sauvé, Jésus intime, s.d., t. 2, p. 137].

La Sainte Humanité s’a­baisse elle aus­si. Elle avait le droit de mani­fes­ter tout de suite avec éclat au monde les tré­sors de science infuse et béa­ti­fique qui sont en elle. Et cepen­dant, durant neuf mois, Jésus vit caché dans le sein de Sa Mère. Et si nous péné­trons dans Son Cœur, nous y ver­rons des abais­se­ments plus pro­fonds encore, les abais­se­ments de l’hu­mi­li­té,

« car il se regarde comme char­gé et, pour ain­si dire, cou­pable de tous les péchés du monde ; et il s’hu­mi­lie autant que l’exigent ces ini­qui­tés. » [Ch. Sauvé, ibid., p. 139].

Prenant un jour un petit enfant, et le pla­çant au milieu de ses apôtres, Jésus leur dit : « Celui qui se sera fait comme ce petit enfant, celui-​là sera le plus grand dans le royaume des cieux. » Cet enfant n’é­tait qu’une image, l’i­mage de l’Enfant qui nous a été don­né, qui est notre per­fec­tion, qui S’est abais­sé Lui-​même pour nous entraî­ner dans les abîmes de son humi­li­té. [cf. st Ambroise, in Luc, n. 58]. Quand Jésus disait ces paroles, ne pensait-​il pas au petit Enfant qui avait été don­né comme modèle au monde ?

« Oui il sem­blait dire : celui qui, à mon exemple, se sera fait petit, qui se sera abais­sé en pre­nant la forme de l’es­clave, est celui-​là qui entre­ra au royaume des cieux. » [st Jérôme, in Math.]. « Faisons donc ser­vir cet enfant, qui est né pour nous et qui nous a été don­né, au but pour lequel il est né et nous a été don­né, dit saint Bernard. Servons-​nous, pour notre avan­tage de ce qui est à nous ; servons-​nous du Sauveur pour opé­rer notre salut… Appliquons-​nous à deve­nir sem­blables à cet enfant, afin que ce ne soit pas inuti­le­ment que Dieu s’est fait petit. » [Hom. 3, in Missus est, n. 14].

Bien d’autres ver­tus nous sont ensei­gnées dans Jésus enfant ; signalons-​en encore une que dans ses écrits publiés sous le titre Jésus-​Christ est le Fils de Dieu, sœur Marie Aimée de Jésus, ocd, décrit ainsi ; 

« Qui pour­ra dire ou expli­quer ce que la grâce peut opé­rer quand la ver­tu de sim­pli­ci­té émane de celle de Jésus enfant. Se fai­sant toute à tous, si le pro­chain a quelque défaut de nature, d’é­du­ca­tion, si des habi­tudes anciennes le rendent moins sym­pa­thique, si même des aspé­ri­tés de carac­tère rendent pénibles les rap­ports avec lui, cette âme s’en rap­pro­che­ra, car elle regar­de­ra com­ment Jésus agis­sait avec les pauvres et les petits ; elle décou­vri­ra sous une écorce par­fois un peu rude, la sim­pli­ci­té des ber­gers pré­fé­rés de Jésus…» [Éd. Téqui, 5ème éd., vol. I, t. 2, p. 27]. 

Lorsque sainte Thérèse par­cou­rait les che­mins caillou­teux de Castille et d’Andalousie pour fon­der de nou­veaux monas­tères, elle tenait sur ses genoux 

« une sta­tuette de l’Enfant Jésus recou­vert d’un vête­ment bro­dé avec amour… La sta­tue la gui­dait vers le mys­tère de l’a­mour infi­ni du Verbe éter­nel, et son cœur vir­gi­nal sou­pi­rait après l’im­mo­la­tion totale pour cet Amour fait homme. » [Sœur Giovanna del­la Croce, ocd, L’Enfant Jésus au Carmel, Histoire et Spiritualité, Éd. du Carmel, Toulouse, 2005, p. 23]. 

Elle était heu­reuse quand elle avait Son image devant les yeux. C’est ce que rap­porte son pre­mier bio­graphe, le Père Ribera : 

« cette sta­tue, dit-​il, l’ai­dait à éle­ver constam­ment son âme vers Dieu, comme si elle avait été chez elle ou dans son monas­tère. » [cf. sr Giovanna del­la Croce, op. cit., p. 24]. 

Sœur Anne de l’Incarnation, dans sa dépo­si­tion lors de pro­cès de béa­ti­fi­ca­tion de la sainte, déclare que la Mère fon­da­trice avait dit :

« Pour fon­der un monas­tère il ne me faut qu’une petite cloche, une mai­son en loca­tion, l’Enfant Jésus et saint Joseph. C’est aux véri­tables fon­da­teurs des Carmels de s’oc­cu­per de tout le reste. »

Un jour, la véné­rable sœur Marguerite du Saint-​Sacrement, du Carmel de Beaune, a vu 

« notre sainte Mère Thérèse toute péné­trée du Verbe éter­nel et plei­ne­ment pos­sé­dée de façon divine. Elle voyait le Verbe divin comme Parole du Père se com­mu­ni­quer à notre sainte Mère et se livrer tota­le­ment à elle pour être sa vie, son esprit, son maître et sa parole. Il s’é­tait choi­si cette sainte comme le seul et unique organe par lequel il accom­pli­rait de nom­breux miracles. Elle recon­nut par là com­ment notre sainte Mère Thérèse avait été ins­truite par le Verbe et qu’en Lui et par Lui elle avait reçu d’a­bon­dantes illu­mi­na­tions et ins­pi­ra­tions célestes. Et elle com­prit qu’elle avait reçu de Lui l’es­prit de l’Ordre, un esprit de soli­tude, de silence, de prière inté­rieure et de rup­ture avec le monde. C’est ain­si qu’elle vit le Verbe divin se faire chair et deve­nir petit enfant dans la crèche ; Il lui mon­tra qu’en Lui était l’es­prit et la grâce de notre saint Ordre et qu’Il en était la source et l’o­ri­gine. Ce Verbe a révé­lé à notre sainte Mère que l’Ordre ne pou­vait sub­sis­ter que dans l’es­prit de la crèche, esprit d’hu­mi­li­té et de total renon­ce­ment, hors du monde, dans le silence et la prière contem­pla­tive. » [sr Giovanna del­la Croce, op. cit., p. 31–32].

Dans la contem­pla­tion des mys­tères de l’Enfance de Jésus, appre­nons à l’é­cole de la Reine du Carmel et de saint Joseph, et par leur inter­ces­sion, à vivre plus par­fai­te­ment et fidè­le­ment dans l’es­prit de l’Ordre.

† Je vous bénis. 

Abbé L.-P. Dubroeucq †

Activités du Tiers-​Ordre du carmel

Prochaine récollection : janvier 2008


La pre­mière récol­lec­tion de l’année 2008 se dérou­le­ra à Paris, en l’église St-​Nicolas-​du-​Chardonnet, le jeu­di 24 jan­vier, à par­tir de 9h30. Pour des rai­sons évi­dentes d’organisation maté­rielle, nous vous deman­dons d’informer Sœur Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face (Mme Trouillet) suf­fi­sam­ment à l’avance de votre pré­sence et de lui indi­quer si vous pre­nez ou non le repas de midi. Nous vous sau­rions gré de votre déli­ca­tesse à pen­ser à la pré­ve­nir en cas de désistement. 

Retraite annuelle 2008

Afin que nous puis­sions, dès à pré­sent, pré­voir les dis­po­si­tions qui nous seraient néces­saires à nous rendre dis­po­nibles, notre Directeur nous invite à noter que l’été pro­chain, du lun­di 21 au same­di 26 juillet 2008, il prê­che­ra, à l’intention des ter­tiaires fran­co­phones, une retraite qui se dérou­le­ra dans l’Est de la France, à Éguelshardt, au cœur de la futaie vos­gienne, sur le domaine de L’Étoile du Matin (57230 Bitche)..

Les inscriptions se font auprès de :

Madame Claude-​Marie Trouillet, Auxiliaire Sr Marie du Cœur Eucharistique et de la Sainte Face
Villa Saint-​Martin
Allée des Chalets
F- 37100 TOURS, France
Tél/​Fax : (00 33) 2 47 42 92 41