Le projet de loi « séparatisme » voté

Après deux semaines de débats, le pro­jet de loi visant à ren­for­cer le contrôle des cultes et des écoles libres par l’Etat a été adop­té en pre­mière lecture.

Mardi 16 février les dépu­tés ont adop­té en pre­mière lec­ture le pro­jet de loi sur le sépa­ra­tisme inti­tu­lé « confor­tant les prin­cipes de la République » avec 347 voix pour, 151 voix contre et 65 abs­ten­tions. Il sera exa­mi­né par le Sénat le 30 mars. Composé de 51 articles, il pré­tend com­battre le « sépa­ra­tisme », c’est-à-dire « l’entrisme com­mu­nau­taire » prin­ci­pa­le­ment « d’inspiration islamiste ».

Prisonnier de la laï­ci­té pro­fes­sée par la République, le pro­jet de loi se trouve contraint de trai­ter indif­fé­rem­ment toutes les reli­gions : la vraie, celle catho­lique, comme les fausses. Celle qui est reven­di­quée par les isla­mistes, l’islam, comme les autres. Ceci est pro­fon­dé­ment injuste envers le Christ-​Roi qui voit une fois de plus son Epouse mys­tique qu’est l’Eglise bafouée par l’Etat en étant relé­guée au rang des reli­gions usur­pa­trices. Ceci est dou­ble­ment injuste car l’on va péna­li­ser tout le monde au pré­texte de ne pas faire de dif­fé­rence entre les reli­gions, sans trai­ter le pro­blème invo­qué à la source. Le pro­jet de loi se donne entre autres comme moyens :

  • concer­nant les cultes : 
    • une main­mise plus forte sur les cultes en impo­sant aux asso­cia­tions cultuelles de faire une décla­ra­tion tous les cinq ans afin d’être recon­nue par l’Etat (article 27).
    • un « contrat d’engagement répu­bli­cain » dont le conte­nu reste flou, que les asso­cia­tions cultuelles devront signer afin de pou­voir obte­nir des sub­ven­tions (article 6). Un pas de plus pour for­cer l’allégeance à l’idéologie des « Droits de l’homme sans Dieu » ?
    • Les motifs de dis­so­lu­tion d’une asso­cia­tion cultuelle en Conseil des ministres sont élar­gis (article 8).
    • l’administration fis­cale contrô­le­ra plus atten­ti­ve­ment les asso­cia­tions qui délivrent des reçus fis­caux à leurs dona­teurs (articles 10 et 11).
  • concer­nant l’instruction :
    • l’instruction en famille – ou « école à la mai­son » – pas­se­ra d’un régime de décla­ra­tion à un régime d’autorisation. La sco­la­ri­sa­tion dans école devien­dra donc obli­ga­toire pour tous les enfants de l’âge de 3 ans jusqu’à celui de 16 ans, sauf en cas de déro­ga­tion spé­ciale (article 21). Les enfants sont tou­jours plus arra­chés au foyer, la famille est pour­tant la pre­mière socié­té ins­ti­tuée par Dieu pour assu­rer l’éducation du petit être qui nait en son sein.
    • l’ouverture de tout éta­blis­se­ment sco­laire pri­vé pas­se­ra éga­le­ment d’un régime de décla­ra­tion à un régime d’autorisation, beau­coup plus contrai­gnant (article 22)
    • les écoles indé­pen­dantes, c’est-à-dire hors-​contrat, se ver­ront sou­mises à des mesures répres­sives ren­for­cées si le direc­teur ne fait pas ce qui lui est deman­dé après des man­que­ments rele­vés au cours d’une ins­pec­tion (article 23).
  • concer­nant la censure : 
    • les peines pré­vues pour les délits d’opinion à l’intérieur ou aux abords des lieux de culte seront aggra­vées (articles 39 et 44). Qu’en sera-​t-​il de l’enseignement de l’Eglise par exemple sur l’avortement, la contra­cep­tion, les crimes contre-​nature ou le règne du Christ-Roi ?

L’exposé des motifs du pro­jet de loi pré­cise que « la République demande une adhé­sion de tous les citoyens qui en com­posent le corps », plu­tôt inquié­tant lorsque l’on entend le ministre de l’Intérieur M. Gérald Darmanin avan­cer droit dans ses bottes que « la loi de la République est supé­rieure à la loi de Dieu »[1]. Le « sépa­ra­tisme » consisterait-​il donc à tenir la loi de Dieu pour supé­rieure à celle de la République ? Cela, tout bon catho­lique se doit de l’affirmer. C’est ce que rap­pelle avec auto­ri­té le pape Léon XIII :

Il arrive, en effet, que, par­fois, les exi­gences de l’État envers le citoyen contre­disent celles de la reli­gion à l’égard du chré­tien, et ces conflits viennent de ce que les chefs poli­tiques tiennent pour nulle la puis­sance sacrée de l’Église ou bien affectent la pré­ten­tion de se l’assujettir. De là, des luttes et, pour la ver­tu, des occa­sions de faire preuve de valeur. Deux pou­voirs sont en pré­sence, don­nant des ordres contraires. Impossible de leur obéir à tous les deux simul­ta­né­ment. Nul ne peut ser­vir deux maîtres. Plaire à l’un, c’est mépri­ser l’autre. Auquel accordera-​t-​on la pré­fé­rence ? L’hésitation n’est pas per­mise. Ce serait un crime, en effet, de vou­loir se sous­traire à l’obéissance due à Dieu pour plaire aux hommes, d’enfreindre les lois de Jésus-​Christ pour obéir aux magis­trats, de mécon­naître les droits de l’Église sous pré­texte de res­pec­ter les droits de l’ordre civil. « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » Cette réponse que fai­saient autre­fois Pierre et les apôtres aux magis­trats qui leur com­man­daient les choses illi­cites, il faut, en pareille cir­cons­tance, la redire tou­jours et sans hési­ter. Il n’est pas de meilleur citoyen, soit en paix, soit en guerre, que le chré­tien fidèle à son devoir ; mais ce chré­tien doit être prêt à tout souf­frir, même la mort, plu­tôt que de déser­ter la cause de Dieu et de l’Église.

Léon XIII, Lettre ency­clique Sapientiae Christianae n°10, Sur les prin­ci­paux devoirs chré­tiens, 10 jan­vier 1890.

Paradoxe de l’his­toire, ce fut bien plu­tôt la poli­tique de Séparation de l’Eglise et de l’Etat entre­prise par la République qui, en 1906, fut qua­li­fiée par le pape Saint Pie X de « poli­tique sépa­ra­tiste »[1]!

Sources : Réflexions au sujet du pro­jet de loi « confor­tant les prin­cipes de la République », abbé Girod /​Assemblée natio­nale /​La Croix

Notes de bas de page
  1. Saint Pie X, Lettre ency­clique Vehementer nos, Sur la sépa­ra­tion de l’Eglise et de l’Etat, 11 février 1906[]