Communiqué de Mgr Philippe Gueneley, évêque de Langres

Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflétant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

« La levée des excommunications (points de repère et réflexions de fond) »

J’ai déjà eu l’oc­ca­sion de m’ex­pri­mer sur le sujet à trois moments : à la fin des messes, l’une célé­brée à Gudmont le dimanche 25 jan­vier, l’autre célé­brée à Biesles le dimanche 1er février, et encore sur RCF Aube-​Haute-​Marne dans le cadre de l’é­mis­sion de L’invité de votre région, le ven­dre­di 30 jan­vier à 7h20. Je vou­drais main­te­nant don­ner quelques points de repère et quelques réflexions de fond.

Points de repère

La levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion concerne quatre évêques, Bernard Fellay, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta. L’excommunication, qui est une sanc­tion, avait été pro­non­cée par décret du Préfet de la Congrégation pour les évêques le 1er juillet 1988, pour ordi­na­tion épis­co­pale illi­cite – ils avaient été ordon­nés par Mgr Lefebvre sans man­dat du pape – et pour schisme. Elle ne concerne pas les prêtres et les autres membres de la Fraternité Saint Pie X, qui adhèrent for­mel­le­ment au mou­ve­ment schismatique.

Une excom­mu­ni­ca­tion peut être levée par celui qui a auto­ri­té, ici le pape, qui a don­né man­dat au car­di­nal pré­fet, lorsque cette auto­ri­té a esti­mé que le cou­pable a aban­don­né sa » cou­tu­mace « , c’est-​à-​dire aban­don­né son refus de s’a­men­der. Dans la lettre du 15 décembre 2008 que Bernard Fellay a adres­sée au Saint-​Père, le pape a recon­nu des pro­pos qui mani­festent la volon­té de ne pas res­ter dans une inten­tion de délit, d’a­voir une atti­tude d’o­béis­sance et de com­mu­nion ecclésiastique.

À ce jour, les 4 évêques ne sont pas réin­té­grés dans la com­mu­nion ecclé­siale. Il importe de s’as­su­rer de la nature des inten­tions et de la réelle volon­té de la com­mu­nion. Ils n’ont pas de situa­tion cano­nique pré­cise. Ils demeurent sus­pens a divi­nis. Le décret ne porte que sur la levée de la sanc­tion de l’ex­com­mu­ni­ca­tion. Ces évêques ne peuvent pas être consi­dé­rés comme des évêques émé­rites, puis­qu’ils n’ont jamais eu de siège épiscopal.

» La levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion n’est pas une fin en soi, mais le début d’un pro­ces­sus de dia­logue. Elle ne règle pas deux ques­tions fon­da­men­tales : la struc­ture juri­dique de la Fraternité Saint Pie X dans l’Église et un accord sur les ques­tions dog­ma­tiques et ecclé­sio­lo­giques. Mais elle ouvre un che­min à par­cou­rir ensemble. Ce che­min sera sans doute long. Il deman­de­ra une meilleure connais­sance mutuelle et estime « . (Cardinal Jean-​Pierre Ricard)

Réflexions de fond

Je com­prends tout à fait les ques­tions et même les inquié­tudes qui sont appa­rues à la suite de la déci­sion de Benoît XVI. Ces inquié­tudes sont d’au­tant plus pré­sentes qu’une telle déci­sion peut être inter­pré­tée comme une sorte de vic­toire par ceux qui ont, pen­dant des années, mis en cause l’au­to­ri­té du Concile Vatican II, celle des papes Jean XXIII, Paul VI, Jean-​Paul II et Benoît XVI, celle des évêques fran­çais, en particulier.

Du côté de Benoît XVI, il s’a­git d’un acte pater­nel, d’un geste de misé­ri­corde, d’un désir d’en­ga­ger un dia­logue en véri­té, pour que la com­mu­nion visible puisse se réa­li­ser. Il s’a­git d’un préa­lable à d’autres étapes de dia­logue et de réconciliation.

Le Concile Vatican II n’est pas remis en cause. Il demeure un acte de l’Esprit Saint, comme l’a dit Jean XXIII, et on ne dis­cute pas l’œuvre de l’Esprit Saint. On l’ac­cueille dans la foi comme un don. Pour ceux de la Fraternité Saint Pie X qui avaient choi­si de ne pas recon­naître la vali­di­té spi­ri­tuelle et la soli­di­té doc­tri­nale de cer­tains textes de Vatican II, en par­ti­cu­lier, le Décret sur l’œ­cu­mé­nisme, la Déclaration sur la liber­té reli­gieuse, la Déclaration sur les rela­tions de l’Église avec les reli­gions non chré­tiennes, la Constitution pas­to­rale sur l’Église dans le monde de ce temps, une pro­fonde conver­sion sera à opé­rer pour être en état d’ac­cueillir l’en­semble des textes conci­liaires. Comme le dit Mgr Dagens, » Il sem­ble­rait dif­fi­cile de dis­tin­guer ce qui dans les Constitutions et les Décrets du Concile, serait conforme à la Tradition et ce qui ne le serait pas. » Le Concile Vatican II s’ins­crit dans la grande Tradition de l’Église. Sur ce point, la posi­tion de Benoît XVI est claire ; il l’a expri­mée au len­de­main de son élec­tion : » Alors que je me pré­pare, moi aus­si, au ser­vice qui est propre au suc­ces­seur de Pierre, je veux affir­mer avec force la ferme volon­té de pour­suivre l’en­ga­ge­ment de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes pré­dé­ces­seurs et en fidèle conti­nui­té avec la tra­di­tion bimil­lé­naire de l’Église. »

Il convient de dépas­ser les décla­ra­tions et les petites phrases pas­sion­nelles ou idéo­lo­giques. Il s’a­git plus pro­fon­dé­ment de per­ce­voir dans le geste du Saint-​Père une dimen­sion spi­ri­tuelle. Et si la main ten­due de Benoît XVI, dont la pré­oc­cu­pa­tion de la com­mu­nion dans l’Église et entre les Églises et les com­mu­nau­tés chré­tiennes est constante et dont on voit qu’il ne veut pas se conten­ter seule­ment de décla­ra­tions, mais aus­si de gestes concrets, était un acte ins­pi­ré par l’Esprit Saint ! Souvenons-​nous. Nous nous sommes réjouis, lors­qu’en 1965, furent levées de part et d’autre les excom­mu­ni­ca­tions, jadis por­tées à Rome et à Constantinople contre l’autre Église. Il avait fal­lu attendre plus de neuf siècles pour que soient levées, du moins cano­ni­que­ment, des sépa­ra­tions entre l’Église ortho­doxe et l’Église catho­lique. En 1975, dix ans après, dans la céré­mo­nie qui com­mé­mo­rait le dixième anni­ver­saire de cet évé­ne­ment, le pape Paul VI s’a­ge­nouilla à l’im­pro­viste et embras­sa le pied du métro­po­lite Meliton, délé­gué du patriarche de Constantinople Démétrios 1er. Il y a des gestes qui en disent long sur l’hu­mi­li­té et la fra­ter­ni­té œcuménique !

J’ajoute que depuis près de trente ans, je suis enga­gé dans le dia­logue œcu­mé­nique et dans le mou­ve­ment de com­mu­nion entre les Églises et com­mu­nau­tés chré­tiennes. Dans l’his­toire, catho­liques, luthé­riens et cal­vi­nistes n’ont pas été tendres entre eux ! Si, à l’é­poque de la Réforme, s’é­taient levés des hommes de récon­ci­lia­tion, de spi­ri­tua­li­té, d’in­tel­li­gence de la foi, qui se seraient ten­du la main ! Je par­ti­cipe main­te­nant à des Conversations Évangéliques-​Catholiques. En 1950, dans un livre sur les sectes, le Père Chéry, domi­ni­cain, y met­tait les évan­gé­liques. Aujourd’hui, en dépit de ques­tions qui demeurent encore, le dia­logue est enga­gé entre évan­gé­liques et catho­liques qui acceptent de s’é­cou­ter, de prier, de s’ou­vrir à la parole de Dieu, ensemble. On sait que le che­min de l’u­nion est long et que les récon­ci­lia­tions demandent du temps.

Enfin, je vou­drais saluer la fidé­li­té à l’Église catho­lique expri­mée par les prêtres, les diacres, les reli­gieux et reli­gieuses et tous les laïcs, qui ont accueilli le Concile Vatican II comme une œuvre de l’Esprit et qui en ont fait la bous­sole de leur vie chré­tienne, de leur vie mis­sion­naire, de leur vie pas­to­rale et spi­ri­tuelle, de leur enga­ge­ment dans la socié­té. Je veux leur expri­mer mes encou­ra­ge­ments et mon sou­tien. Humblement, avec per­sé­vé­rance et dans un esprit d’o­béis­sance libre, ils ont vécu et vivent encore dans la fidé­li­té à la grande Tradition de l’Église. Ils sont aujourd’­hui mis à l’é­preuve avec nous, évêques. Que l’Esprit de Dieu nous soit en aide !

Mgr Philippe Gueneley, évêque de Langres