France Catholique du 26 janvier 2009 – Levée d’excommunication


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Le pape avait annoncé dès 2005 la nécessité de « gestes concrets »

ROME, Samedi 24 jan­vier 2009 (ZENIT​.org) – En pleine semaine de « prière » pour l’Unité des chré­tiens, Benoît XVI, accom­plit un « geste » fort en levant, de façon à « pro­mou­voir l’unité dans la cha­ri­té », l’excommunication qui frap­pait les quatre évêques consa­crés par Mgr Lefebvre en 1988.

C’est un pas de plus vers l’unité visible de tous les chré­tiens, dont le pape a fait une prio­ri­té de son pon­ti­fi­cat. Les dates du décret et de sa publi­ca­tion sont en elles-​mêmes une clef de lec­ture de l’événement.

Le décret de la Congrégation romaine pour les évêques, en date du 21 jan­vier 2008, rédi­gé à la demande du pape et signé par le pré­fet de cette Congrégation, le car­di­nal Giovanni Battista Re, est publié ce matin, 24 jan­vier 2009, par la salle de presse du Saint-​Siège, en la fête de saint François de Sales. Il est accom­pa­gné d’un com­mu­ni­qué de ce même bureau de presse.

Le décret sou­ligne la volon­té mani­fes­tée par cette levée de la sanc­tion de res­tau­rer la com­mu­nion : « Par cet acte, on désire conso­li­der les rela­tions réci­proques de confiance, inten­si­fier et sta­bi­li­ser les rap­ports de la Fraternité Saint Pie X avec le Siège Apostolique. Ce don de paix, au terme des célé­bra­tions de Noël, veut être aus­si un signe pour pro­mou­voir l’unité dans la cha­ri­té de l’Eglise uni­ver­selle et arri­ver à sup­pri­mer le scan­dale de la division ».

Un geste humble et fort

Le geste est d’autant plus signi­fi­ca­tif qu’il s’adresse à une « mino­ri­té » – comme on l’a dit -. Les autres mino­ri­tés chré­tiennes en dia­logue avec Rome s’en sen­ti­ront cer­tai­ne­ment encouragées.

Ce décret lève l’excommunication qui avait frap­pé, ipso fac­to – en termes de droit cano­nique, latae sen­ten­tiae – les quatre évêques ordon­nés par Mgr Lefebvre à Ecône, dans le Valais suisse (dio­cèse de Sion), le 30 juin 1988, sans man­dat pon­ti­fi­cal (canon 1382) : Mgr Bernard Fellay, suisse, Mgr Alfonso de Gallareta, espa­gnol, Mgr Tissier de Mallerais, fran­çais, et Mgr Richard Williamson, anglais. Mgr Marcel Lefebvre et l’évêque co-​consécrateur, Mgr Antonio de Castro Mayer, se sont éteints res­pec­ti­ve­ment le 25 mars et le 26 avril 1991 et l’excommunication avec eux.

La déci­sion de Benoît XVI sur­vient après qu’au nom de ces mêmes évêques Mgr Bernard Fellay a écrit, le 15 décembre 2008, au car­di­nal Darío Castrillón Hoyos, pré­sident de la Commission pon­ti­fi­cale « Ecclesia Dei », en lui deman­dant la levée de la sanction.

Dans sa lettre, indique le décret, Mgr Fellay décla­rait notam­ment : « Nous sommes tou­jours fer­me­ment déter­mi­nés dans notre volon­té de res­ter catho­liques et de mettre toutes nos forces au ser­vice de l’Eglise de Notre Seigneur Jésus Christ, qui est l’Eglise catho­lique romaine. Nous accep­tons son ensei­gne­ment dans un esprit filial. Nous croyons fer­me­ment à la Primauté de Pierre et à ses pré­ro­ga­tives, et c’est pour cela même que nous souf­frons tant de l’actuelle situation. »

Certes, pour qui compte les bre­bis et les siècles, l’humble geste de Benoît XVI ne revêt pas la gran­deur de la « Déclaration com­mune » his­to­rique, au cœur de Vatican II, le 7 décembre 1965, du pape Paul VI et du patriarche Athénagoras Ier expri­mant leur déci­sion d’enlever de la « mémoire » et du milieu de l’Église les sen­tences d’excommunication de l’année 1054.

Mais depuis, la patience œcu­mé­nique mani­feste com­bien il est dif­fi­cile de res­tau­rer la com­mu­nion lorsque la divi­sion est deve­nue une habi­tude. Et le geste, non moins fort, de Benoît XVI contri­bue sans aucun doute à cette « puri­fi­ca­tion de la mémoire » sou­hai­tée par Jean-​Paul II à l’occasion du Grand Jubilé de l’Incarnation. Certains obser­va­teurs consi­dèrent même que le pèle­ri­nage de la Fraternité Saint-​Pie X à Rome, les 8, 9 et 10 août 2000, et le pas­sage de la Porte Sainte ont mani­fes­té visi­ble­ment une authen­tique nos­tal­gie de l’unité.

Et lorsque, jeu­di der­nier, 22 jan­vier, deux quo­ti­diens ita­liens, « Il Giornale » et « Il Riformista » avaient annon­cé que Benoît XVI avait déjà signé le décret, ils avaient déclen­ché des réac­tions immé­diates dans le monde entier : la nou­velle a fait l’ouverture des jour­naux télé­vi­sés en France.

Travailler sans épargner ses forces

Différentes ques­tions res­tent main­te­nant en sus­pens. A l’intérieur et à l’extérieur : le néga­tion­nisme de Mgr Williamson oblige à rap­pe­ler que la levée d’une excom­mu­ni­ca­tion n’est pas une appro­ba­tion des dérives ni une abso­lu­tion géné­rale. Le dia­logue doit se pour­suivre. « On espère que ce pas sera sui­vi de la réa­li­sa­tion rapide de la pleine com­mu­nion avec l’Eglise de toute la Fraternité de Saint Pie X, témoi­gnant ain­si de la vraie fidé­li­té et de la vraie recon­nais­sance du Magistère et de l’Autorité du Pape avec la preuve de l’unité visible », sou­ligne le car­di­nal Re.

Le pape fait donc ce qu’il avait annon­cé au len­de­main de son élec­tion, le 20 avril 2005, en la cha­pelle Sixtine : « Nourris et sou­te­nus par l’Eucharistie, les catho­liques ne peuvent que se sen­tir inci­tés à tendre vers cette pleine uni­té que le Christ a ardem­ment sou­hai­tée au Cénacle ».

Il avait insis­té sur le rôle de l’évêque de Rome dans ce domaine en disant : « Le Successeur de Pierre sait qu’il doit de manière toute par­ti­cu­lière prendre en charge cette aspi­ra­tion suprême du Divin Maître. C’est à Lui, en effet, qu’a été confiée la tâche de confir­mer ses frères (cf. Lc 22, 32) ».

« C’est donc plei­ne­ment conscient, au début de son minis­tère dans l’Eglise de Rome que Pierre a bai­gné de son sang, que son Successeur actuel prend comme pre­mier enga­ge­ment de tra­vailler sans épar­gner ses forces à la recons­truc­tion de l’unité pleine et visible de tous les fidèles du Christ. Telle est son ambi­tion, tel son devoir pres­sant », avait affir­mé d’emblée Benoît XVI.

Les bons sentiments ne suffisent pas

Et le pape annon­çait des « gestes » :« Il est conscient que dans ce but, les mani­fes­ta­tions de bons sen­ti­ments ne suf­fisent pas. Des gestes concrets sont néces­saires, qui pénètrent les âmes et remuent les consciences, appe­lant cha­cun à cette conver­sion inté­rieure qui est le pré­sup­po­sé de tout pro­grès sur la voie de l’œcuménisme ».

On se sou­vient que le Motu pro­prio de Jean-​Paul II « Ecclesia Dei adflic­ta », du 2 juillet 1988, et le décret du 1er juillet 1988, « Dominus Marcellus Lefebvre » de la Congrégation romaine pour les évêques, alors pré­si­dée par le car­di­nal Bernardin Gantin, décla­raient en effet le schisme de Mgr Lefebvre en rela­tion immé­diate avec les ordi­na­tions sans man­dat du pape Jean-​Paul II.

Or, le supé­rieur de la Fraternité Saint-​Pie X, Mgr Bernard Fellay, avait sou­hai­té la remise en vigueur du mis­sel d’avant le concile et la levée de l’excommunication.

Le pape, qui a ren­con­tré per­son­nel­le­ment Mgr Fellay le 29 août 2005, a fait pro­gres­si­ve­ment les deux « gestes ». En sep­tembre 2007, Benoît XVI a pro­mul­gué le Motu Proprio « Summorum Pontificum » « sur la litur­gie romaine anté­rieure à la réforme de 1970 », qui était accom­pa­gné d’une lettre aux évêques. Le pape amé­na­geait ain­si des espaces pour l’usage litur­gique « extra­or­di­naire » de l’ancien mis­sel. Il accorde main­te­nant la levée de l’excommunication.

« Dans cette déci­sion, le Saint-​Père a été ins­pi­ré par le sou­hait que l’on arrive au plus vite à la com­plète récon­ci­lia­tion et à la pleine com­mu­nion », sou­ligne aujourd’hui la salle de presse du Saint-Siège.

La Fraternité de Saint Pie X vers la pleine communion

Benoît XVI a souf­fert en pre­mière per­sonne de l’unité rom­pue : le car­di­nal Joseph Ratzinger était alors pré­fet de la Congrégation pour la doc­trine de la foi et Mgr Lefebvre était reve­nu in extre­mis sur un accord déjà signé avec lui. La bles­sure était res­tée ouverte.

Le décret indique la direc­tion des pas ulté­rieurs : « On espère que ce pas sera sui­vi de la réa­li­sa­tion rapide de la pleine com­mu­nion avec l’Eglise de toute la Fraternité de Saint Pie X, témoi­gnant ain­si de la vraie fidé­li­té et de la vraie recon­nais­sance du Magistère et de l’Autorité du Pape avec la preuve de l’unité visible ».

Dans son mes­sage, pro­gram­ma­tique, en la cha­pelle Sixtine, le 20 avril 2005 – et déjà cité parce que c’est une réfé­rence en la matière – Benoît XVI avait non seule­ment insis­té sur le cha­risme de Pierre pour l’unité de l’Eglise, mais il avait aus­si affir­mé sa volon­té de mettre en œuvre le concile Vatican II. « Alors que je me pré­pare moi aus­si au ser­vice qui est propre au Successeur de Pierre, je veux affir­mer avec force la ferme volon­té de pour­suivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes Prédécesseurs et en fidèle conti­nui­té avec la tra­di­tion bimil­lé­naire de l’Eglise ».

Actualité du concile

Benoît XVI avait sou­li­gné le 40e anni­ver­saire de la conclu­sion du concile (8 décembre 1965) et son actua­li­té : « Au fil des ans, les Documents conci­liaires n’ont pas per­du leur actua­li­té ; leurs ensei­gne­ments se révèlent même par­ti­cu­liè­re­ment per­ti­nents au regard des nou­velles exi­gences de l’Eglise et de la socié­té actuelle mon­dia­li­sée ». De quoi ras­su­rer ceux que le retour à la com­mu­nion de la Fraternité Saint-​Pie X inquiète.

Car par­mi les docu­ments du concile, se trouve le décret sur l’œcuménisme « Unitatis redin­te­gra­tio », en date du 21 novembre 1964, qui affirme : « Promouvoir la res­tau­ra­tion de l’unité entre tous les chré­tiens c’est l’un des buts prin­ci­paux du saint Concile œcu­mé­nique Vatican II. Une seule et unique Église a été ins­ti­tuée par le Christ Seigneur ».

Nul doute que le nou­veau geste de Benoît XVI, à la veille de la conclu­sion de la grande semaine annuelle de prière pour l’unité des chré­tiens, s’inscrive dans cette dynamique.

Anita S. BourdinFrance Catholique