Le pèlerinage de Montmartre

Les bien­faits du pèle­ri­nage de Montmartre se sont révé­lés au cours de ces der­nières années suf­fi­sam­ment riches et nom­breux pour que nous ayons à cœur de lui conser­ver toute son impor­tance et son éclat. De nom­breuses rai­sons sont à l’origine de son suc­cès auprès de nos fidèles et j’en retien­drai une : notre marche vers le Sacré-​Cœur est un anti­dote excellent à quelques-​uns des défauts les plus graves de notre époque.

Chaque année, le choix de se rendre ou non au pèle­ri­nage appa­raît à nombre d’entre nous comme un excellent test, celui de savoir si l’on sait encore, pour l’amour de Notre Seigneur Jésus-​Christ, s’affranchir pen­dant trois jour­nées non seule­ment de ses affaires mais aus­si et sur­tout de toutes les faci­li­tés offertes par la moder­ni­té. Le pèle­ri­nage nous sort d’une atmo­sphère, il faut l’avouer bien amol­lis­sante, pour nous replon­ger dans une exis­tence un peu virile, qui nous rap­pelle oppor­tu­né­ment ces péni­tences élé­men­taires de la vie aux­quelles se trou­vaient confron­tées habi­tuel­le­ment les géné­ra­tions qui nous ont précédés.

Notre monde est encore carac­té­ri­sé par l’individualisme à outrance. La conscience de nos devoirs vis-​à-​vis des groupes aux­quels nous appar­te­nons s’est ter­ri­ble­ment réduite, et cha­cun est ten­té de che­mi­ner comme si les autres n’existaient pas à ses côtés. Par sa consti­tu­tion en cha­pitres, le pèle­ri­nage demande aux pèle­rins de devoir réel­le­ment vivre en petites com­mu­nau­tés où il est néces­saire de se pré­oc­cu­per des autres. Porter les ban­nières ou le méga­phone, ren­for­cer de sa voix la prière ou le chant, assu­rer les médi­ta­tions, sou­te­nir ceux qui com­mencent à clau­di­quer, autant d’occasions qui nous sont don­nées de « por­ter les far­deaux les uns des autres ».

Le pèle­ri­nage est aus­si – c’est sans doute l’une des remarques les plus fré­quentes – un moment revi­go­rant pour tous ceux qui, épar­pillés sur le ter­ri­toire, se sentent bien seuls dans la Tradition. Une fois par an, ils touchent vrai­ment du doigt la vigueur de celle-​ci : le cha­pitre Enfants qui n’a ces­sé de croître, même les années où le nombre des adultes par­ti­ci­pants dimi­nuait, montre en par­ti­cu­lier notre espé­rance de voir la foi se trans­mettre mal­gré tout d’une géné­ra­tion à la sui­vante. C’est pour ces catho­liques esseu­lés, qui peuvent pas­ser des jour­nées ou des semaines entières sans ren­con­trer une seule âme par­ta­geant leurs convic­tions et leurs aspi­ra­tions, l’occasion de s’en rendre compte.

Monseigneur Lefebvre insis­tait éga­le­ment sur l’importance pour les fidèles du témoi­gnage public de leur foi en cette occa­sion. Parce que la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur les nations est refu­sée, parce que les socié­tés ont expul­sé Dieu de la vie publique, il est néces­saire de rap­pe­ler ses droits par la pro­cla­ma­tion que nous en fai­sons. Rien de tel pour rani­mer dans les cœurs la volon­té d’œuvrer à cette grande œuvre de res­tau­ra­tion catho­lique que nous devons pour­suivre coûte que coûte.

La somme des prières et des sacri­fices offerts à Dieu, l’offrande de ces trois jour­nées de marche, l’acceptation des petites dif­fi­cul­tés de la vie en com­mun ou de l’austérité requise, les âmes qui se confessent, qui prient, qui com­mu­nient, tout cela est un tré­sor ines­ti­mable que la Tradition est heu­reuse de pré­sen­ter à Dieu chaque année.

Et l’effort de cha­cun d’entre nous est pré­ci­sé­ment bien­ve­nu cette année en rai­son des dif­fi­cul­tés plus par­ti­cu­lières que nous rencontrons :

  • la sup­pres­sion du lun­di de Pentecôte comme jour férié,
  • nos propres sou­cis au sein du dis­trict qui peuvent entraî­ner une sorte d’attentisme ou de défaitisme,
  • les autres pèle­ri­nages impor­tants comme le Puy ou Fatima,
  • l’écho moins fort dans les médias proches (Monde et Vie par exemple),
  • la date pré­coce de la Pentecôte qui risque de sur­prendre comme étant toute proche après les vacances de Pâques.

Il est bien de repé­rer ces obs­tacles pour pou­voir réagir conve­na­ble­ment et contri­buer à faire de ce pèle­ri­nage 2005 une belle réus­site for­ti­fiante et conso­lante pour tous. J’encourage tous les prêtres à réa­li­ser cet effort par­ti­cu­lier pour cette année. Si le pèle­ri­nage de Montmartre n’est bien sûr qu’un moyen, tous ceux qui l’ont fait n’en reconnaissent-​ils pas la valeur exceptionnelle ?

Abbé Régis de Cacqueray-​Valménier †
Supérieur du District de France

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.