« Une Église réunie ? » – Ouest France du 31 janvier 2009


Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflé­tant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

Joie pour cer­tains, éton­ne­ment, stu­pé­fac­tion pour d’autres, indi­gna­tion et colère pour d’autres encore, voi­là ce qu’a pro­vo­qué l’an­nonce sou­daine de la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion des quatre évêques inté­gristes sépa­rés depuis le 30juin 1988.

Il faut recon­naître que le sur­gis­se­ment de cette déci­sion et le manque d’in­for­ma­tion qui l’ac­com­pagne en ont sur­pris plus d’un et même par­mi ceux qui, à juste titre, com­prennent que le pape ait pour grand sou­ci de ne pas lais­ser, après lui, une Église divi­sée. Cependant, la manière soli­taire dont il a agi étonne d’au­tant plus que les fidèles, et pas eux seule­ment, croyaient aban­don­né ce genre de méthodes depuis la col­lé­gia­li­té ins­tau­rée par le concile Vatican II.

Sur le fond, il faut recon­naître que de sérieux pro­blèmes se posent. Il paraît, en effet, que les évêques concer­nés ont exi­gé une sorte de préa­lable : levée d’a­bord de l’ex­com­mu­ni­ca­tion, dis­cus­sion ensuite… Certes, les quatre évêques, en agis­sant ain­si, recon­naissent l’au­to­ri­té du pape. Mais les diver­gences n’é­taient pas là. Elles por­taient sur l’in­ter­pré­ta­tion de Vatican II, sur ses orien­ta­tions et, pire encore, sur sa nature même, et cela jus­qu’à une date tout à fait récente. Il était bien tard et donc grand temps que le pape fasse savoir que, dans son ouver­ture, il appe­lait les évêques concer­nés à res­pec­ter l’au­to­ri­té du concile.

En effet, maniant suc­ces­si­ve­ment les pro­cla­ma­tions, les pro­tes­ta­tions viru­lentes et des paroles plus ou moins ras­su­rantes, selon leurs inter­lo­cu­teurs, ces évêques n’ont pas ces­sé, tour à tour, de cri­ti­quer Vatican II.

Mgr Richard Williamson est-​il dési­reux d’une récon­ci­lia­tion authen­tique, lui qui, en se réfé­rant au pro­to­cole des sages de Sion, voit, dans le concile « l’œuvre d’un com­plot judéo-​maçonnique contre l’Église » (1) ? Et pour­quoi s’est-​il empres­sé, juste au moment où le pape lève l’ex­com­mu­ni­ca­tion, de lan­cer son affreuse pro­vo­ca­tion réfu­tant l’exis­tence des chambres à gaz ? Il aurait vou­lu entra­ver la démarche papale en cours qu’il n’au­rait pas agi autrement.

Quelle est donc l’at­ti­tude actuelle des autres évêques envers le concile ? Mgr Tissier de Mallerais, qui fait par­tie des évêques concer­nés, disait encore, en 2006 : « L’Église devra effa­cer ce concile. Elle devra l’ou­blier, en faire table rase » (1). Mgr Fellay, supé­rieur géné­ral de la Fraternité Saint Pie X, concer­né lui aus­si, dans la lettre qu’il adres­sait à Benoît XVI pour deman­der la réin­té­gra­tion, écri­vait que les quatre évêques « accep­taient et fai­saient leurs tous les conciles jus­qu’à Vatican II au sujet duquel ils émet­taient des réserves » (1).

Voudraient-​ils un nou­veau concile ?

Comment donc ces évêques peuvent-​ils, en quelques mois, se dédire à ce point, à moins d’une conver­sion mira­cu­leuse ? Certes, la bar­rière de l’ex­com­mu­ni­ca­tion étant levée, il est natu­rel et sou­hai­table qu’il y ait, avec eux et avec d’autres, échanges et recherches com­munes dans le but de conso­li­der l’u­ni­té a prio­ri sou­hai­tée par tous et de cica­tri­ser la bles­sure. Mais la condi­tion de telles dis­cus­sions est tout de même qu’elles doivent être conduites dans l’Église d’au­jourd’­hui, cest-​à-​dire l’Église de Vatican II. Sinon, il fau­drait avoir le cou­rage et l’hon­nê­te­té de dire clai­re­ment qu’il faut réunir un nou­veau concile. Devrait-​il alors cor­ri­ger le pré­cé­dent ? Cela paraît inac­cep­table et invraisemblable…

Quand on entend cer­tains prêches qui résonnent comme des cris de vic­toire, on peut se deman­der aus­si quel effet la déci­sion papale aura sur le cler­gé « lefeb­vriste ». Ainsi l’ab­bé Régis de Cacqueray, supé­rieur de la Fraternité Saint Pie X en France, décla­rait, dimanche der­nier, à la grand-​messe de Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet, au len­de­main même de l’an­nonce de la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion : « L’heure est donc venue de démon­trer au pape, aux évêques et aux prêtres que la crise de l’Église n’a pas pour ori­gine de mau­vaises inter­pré­ta­tions du concile, mais le concile lui-​même. » Après s’en être pris à la liber­té reli­gieuse, le pré­di­ca­teur pour­suit en dénon­çant « le regard déma­go­gique » sur les autres reli­gions, notam­ment l’Islam, avant de fus­ti­ger la « col­lé­gia­li­té » : « L’Église est une monar­chie dont le monarque est le pape », a‑t-​il mar­te­lé, déplo­rant « le souffle démo­cra­tique » de l’é­pis­co­pat qui « péna­lise » le pou­voir de Rome. Bref, le concile doit « être mis sur le tapis » (1).

Voilà donc tout le contraire de ce que l’on pou­vait espé­rer après un tel geste du pape, qui appa­raît, sans doute, à ce per­son­nage, comme une fai­blesse plu­tôt que comme un geste d’ac­cueil paternel…

Qu’on le veuille ou non, la vraie ques­tion désor­mais est de savoir si, au-​delà des argu­ties, des pro­cla­ma­tions de vic­toire et des rodo­mon­tades, ceux qui sont invi­tés à réin­té­grer aujourd’­hui l’Église admettent l’oe­cu­mé­nisme, la liber­té reli­gieuse, la liber­té de conscience, le dia­logue inter­re­li­gieux, la rela­tion au monde moderne, la col­lé­gia­li­té et tout ce que com­porte Vatican II.

Nombreux sont les catho­liques, les chré­tiens des autres Églises, les membres des autres reli­gions qui ont hâte de le savoir et de savoir com­ment les choses vont désor­mais se pas­ser dans l’Église catholique.

(1) La Croix du 26 jan­vier 2009.

François Régis Hutin in