Editorial de décembre 2009 – L’aveu de ses fautes

L’aveu de ses fautes

Cette année sacer­do­tale pla­cée sous le patro­nage du Saint Curé d’Ars nous invite à rece­voir avec fruits le sacre­ment qui occu­pait la majeure par­tie du temps du saint curé : le sacre­ment de péni­tence.

A ce sujet, je vou­drais reve­nir plus par­ti­cu­liè­re­ment sur la confes­sion elle-​même, l’aveu de nos péchés au prêtre en vue de rece­voir l’absolution. J’avoue que l’intérêt pour cette ques­tion fut réveillé par la lec­ture d’un jour­nal parois­sial de l’Aube dénom­mé – ori­gi­na­li­té quand tu nous tiens ! – Ensemble. Dans le numé­ro de mars-​avril 2009, nous trou­vons à la page 3, juste avant le car­net parois­sial (trois bap­têmes et trente-​sept enter­re­ments) un article inti­tu­lé Le par­don comme cadeau, tiré d’un ouvrage de Chr. Salenson. L’auteur y explique l’évolution de sa manière de conce­voir le sacre­ment de pénitence.

Extraits :

« j’ai cru pen­dant long­temps que j’obtenais le par­don de Dieu par l’aveu de mes fautes, en recon­nais­sant mes péchés […] Aujourd’hui, je ne peux plus com­prendre de cette façon et le rite du sacre­ment de récon­ci­lia­tion m’a beau­coup aidé. En effet, quand je célèbre ce sacre­ment, je com­mence, avant toute chose, par faire mémoire de l’amour incon­di­tion­nel de Dieu […] Après quoi, parce que je sais et que je crois que Dieu m’a par­don­né, je peux faire l’aveu de mes fautes et recon­naître ma situa­tion de pécheur. L’aveu n’est pas le moyen pour obte­nir le par­don, mais j’oserais dire que c’est presque le contraire : je n’avoue pas mes péchés pour être par­don­né, mais parce que je suis par­don­né, je peux dire mes péchés. »

Rien que de très clas­sique : une pré­sen­ta­tion par­tielle et par­tiale de la doc­trine tra­di­tion­nelle et l’exposé de la nou­velle théo­lo­gie qui nous libère de l’obscurantisme. Un bref expo­sé de la doc­trine catho­lique nous per­met­tra de mettre en lumière les erreurs sour­noises de ce texte héré­tique, publié sous l’autorité de l’évêque de Troyes.

Remarquons tout d’abord que c’est Notre-​Seigneur lui-​même qui, en ins­ti­tuant ce sacre­ment, sou­sen­tend que le péni­tent devra faire l’aveu de ses fautes. Le Christ s’adresse en effet ain­si aux apôtres réunis au Cénacle le soir de la Résurrection :

« Recevez le Saint- Esprit. Ceux à qui vous aurez remis les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retien­drez, ils seront rete­nus » Io XX, 23.

Le sacre­ment de péni­tence est ins­ti­tué à la manière d’un juge­ment, d’un tri­bu­nal, com­po­sé de deux par­ties : l’exposé de la cause, ici l’accusation sin­cère de ses péchés par le péni­tent, et la sen­tence du juge qui opère effi­ca­ce­ment le par­don des péchés dans la mesure où le péni­tent est bien dis­po­sé et qu’il a notam­ment la contri­tion inté­rieure de ses péchés. C’est pour­quoi le péni­tent se tient à genoux, dans une pos­ture humble, et que le prêtre est assis, dans la posi­tion du juge. Il ne s’agit en rien d’une séance de thé­ra­pie psy­cho­lo­gique, le patient assis auprès d’un conseiller dans une cage en verre tapis­sée d’une épaisse moquette verte. Il est vrai que ce juge, ministre de Jésus-​Christ, ne peut pas condam­ner : il peut lui arri­ver tou­te­fois de ne pas par­don­ner, de refu­ser l’absolution au vu des mau­vaises dis­po­si­tions du pénitent.

Examinons main­te­nant ce qu’en théo­lo­gie nous appe­lons la matière du sacre­ment. Pour la péni­tence, on parle de quasi-​matière car il ne s’agit pas ici d’une réa­li­té maté­rielle, comme de l’eau ou du Saint-​Chrême. La matière éloi­gnée consiste dans les péchés com­mis par le péni­tent. On dis­tingue la matière éloi­gnée néces­saire, qu’il fau­dra obli­ga­toi­re­ment accu­ser : les péchés mor­tels com­mis après le bap­tême et qui n’ont pas encore été sou­mis au pou­voir des clefs, c’est-à-dire accu­sés dans une bonne confes­sion, et la matière éloi­gnée libre : les péchés véniels non encore par­don­nés ou encore des péchés déjà sou­mis au pou­voir des clefs. Mais cette matière éloi­gnée ne suf­fit pas pour le sacre­ment : ces péchés doivent être détes­tés, accu­sés et répa­rés pour qu’il y ait abso­lu­tion. C’est pour­quoi la matière pro­chaine de ce sacre­ment est consti­tuée par les trois actes du péni­tent que sont la contri­tion, la confes­sion et la satis­fac­tion. L’aveu de ses fautes fait donc par­tie du sacre­ment de péni­tence, elle est requise pour l’intégrité du sacre­ment. C’est ce que défi­nit le concile de Trente :

« Si quelqu’un nie que pour l’intègre et par­faite rémis­sion des péchés trois actes sont requis chez le péni­tent, comme la quasi-​matière du sacre­ment de péni­tence, à savoir la contri­tion, la confes­sion et la satis­fac­tion, qui sont appe­lées les trois par­ties de la péni­tence, qu’il soit ana­thème » (ses­sion 14, canon 4 – Denzinger 1704).

Même en cas d’impossibilité maté­rielle pour le péni­tent d’accuser ses fautes (fai­blesse extrême, nau­frage immi­nent…), celui-​ci peut rece­voir l’absolution de ses péchés à condi­tion qu’il ait la volon­té d’accuser ses fautes selon la forme pres­crite dès qu’il le pourra.

Ainsi donc la confes­sion n’est en rien un corol­laire inutile, une démarche pieuse et humble une fois que j’ai déjà reçu le par­don, c’est l’un des trois actes néces­saires du péni­tent pour que le prêtre puisse don­ner l’absolution. A noter que si je suis déjà par­don­né, à quoi bon me recon­naître pécheur puisque je ne le suis plus. A moins de par­ta­ger l’erreur des pro­tes­tants qui consi­dèrent que le pécheur reste pécheur, mais qu’il suf­fit que ses fautes soient pudi­que­ment recou­vertes par les mérites du Christ. En somme, une pou­belle sur­mon­tée d’un beau cou­vercle qui satis­fait la vue du Père.

Pour nous, nous savons que le par­don de Dieu pro­duit en véri­té l’état de grâce, réta­blit la vie divine en notre âme. Cependant, n’est-il pas vrai que nos fautes peuvent être par­don­nées en dehors du sacre­ment de péni­tence ? Il faut ici poser quelques distinctions.

Pour ce qui est des péchés véniels, ils peuvent être par­don­nés par la fer­veur de notre cha­ri­té, soit tout acte d’amour de Dieu qui inclut le regret de l’avoir offen­sé. Ainsi, le Confiteor de la messe, réci­té avec fer­veur, nous lave de nos péchés véniels. Il n’est cepen­dant pas inutile de les accu­ser en confes­sion, pour mani­fes­ter que nous les regret­tons, pour obte­nir des grâces afin de nous en cor­ri­ger et pour éven­tuel­le­ment en rece­voir le par­don si notre fer­veur seule ne suf­fit pas.

Pour les péchés mor­tels, il nous faut encore dis­tin­guer selon la qua­li­té de la contri­tion. Le péni­tent qui a la contri­tion dite par­faite est par­don­né de ses fautes avant même qu’il les confesse, mais pour­vu tou­te­fois qu’il ait la volon­té de se confes­ser dès qu’il le pourra.

En effet, comme la confes­sion est le moyen que Notre Seigneur a don­né à son Eglise pour le par­don des péchés, il ne sau­rait y avoir de vraie contri­tion qui ne contienne le vœu du sacre­ment, c’est-à-dire la volon­té ferme de sou­mettre ses fautes au pou­voir des clefs dès que possible.

Rappelons que la contri­tion est dite par­faite lorsque son motif est le par­fait amour de Dieu, infi­ni­ment bon et aimable, et que nous avons cepen­dant offen­sé. Si le péni­tent n’a qu’une contri­tion dite impar­faite, appe­lée aus­si attri­tion, ses péchés ne seront par­don­nés que par l’absolution du prêtre. Notons qu’une contri­tion impar­faite est une vraie dou­leur d’avoir offen­sé Dieu, avec le ferme pro­pos de ne plus recom­men­cer, que ses motifs ne sont pas pure­ment humains mais véri­ta­ble­ment sur­na­tu­rels, cepen­dant, ils se tirent plus des dons de Dieu que le péché nous retire ou des châ­ti­ments qu’il nous attire que de la cha­ri­té dés­in­té­res­sée. Quant à celui qui n’a pas de contri­tion sur­na­tu­relle, il ne peut obte­nir le par­don de ses péchés.

Dans sa sagesse, Notre-​Seigneur a vou­lu confier le pou­voir des clefs qui libèrent notre conscience à des hommes revê­tus du sacer­doce. S’accuser à eux consti­tue une véri­table humi­lia­tion à laquelle Jésus-​Christ a rat­ta­ché dans la plu­part des cas le par­don de nos fautes et les grâces sacra­men­telles pour faire de la confes­sion un che­min de sainteté.

Abbé Ludovic Girod

Extrait de La Sainte Ampoule n° 180 de décembre 2009