Ne pas vagabonder de chapelle en chapelle

Une chapelle isolée. Crédit photo : Dimitris Vetsikas / Pixabay

On connaît la sen­tence divine : « il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Effectivement, l’homme est un ani­mal non seule­ment domes­tique, mais mieux encore poli­tique. Notre époque montre à l’envi cette néces­si­té que nous avons de vivre en com­mun. La « dis­so­cié­té » dans laquelle nous sommes immer­gés mal­gré nous sus­cite d’autant plus cet appé­tit de s’épanouir ensemble. Oui nous aimons la com­pa­gnie, mais encore faut-​il qu’elle soit bien choi­sie. Saint Augustin confesse ce lar­cin d’une poire qu’il dit, confus, avoir com­mis : « Non, je ne l’aurais pas com­mis tout seul. J’ai donc aimé aus­si la com­pa­gnie de ceux avec qui je l’ai com­mis ». On aime à se réjouir ensemble, mais on appré­cie aus­si le sou­la­ge­ment qu’apporte la com­pa­gnie dans la tris­tesse. En somme, nous sommes friands de convi­via­li­té. D’autant plus que la laï­ci­té ambiante nous sépare constam­ment de nos congé­nères que les mœurs éloignent de nous. Il est bien juste de vou­loir vivre en har­mo­nie avec ses convictions.

Mais cette convi­via­li­té, cette bien­veillance réci­proque sera vrai­ment béné­fique, si elle est fon­dée sur une cer­taine com­mu­nau­té de vie. Par nature, nous sommes enclins à aimer davan­tage ceux qui nous res­semblent ; qui se res­semble s’assemble. Et l’Ecriture dit même : « tout ani­mal aime son sem­blable ». Mais voi­là jus­te­ment le dilemme de notre vie quo­ti­dienne : nous unissons-​nous par res­sem­blance, ou bien au contraire, une cer­taine com­mu­nau­té provoque-​t-​elle la simi­li­tude ? On connaît l’adage : « Dis-​moi qui tu fré­quentes et je te dirai qui tu es ».

D’étrangers et même révol­tés que nous étions en nais­sant, nous avons été bap­ti­sés, et dès lors nous savons que nous sommes mar­qués à l’effigie du Christ ; toute notre vie consiste alors à res­sem­bler au divin modèle, Notre Seigneur Jésus-​Christ. Pour ce faire, par la grâce, il nous faut tendre à vivre dans l’intimité de notre Sauveur pour atteindre en cha­ri­té à cette union que les mys­tiques décrivent fort bien. Et l’Apôtre répé­te­ra sans aucun scru­pule : « soyez mes imi­ta­teurs comme je le suis du Christ ».

Il n’empêche que notre vie quo­ti­dienne se vit très concrè­te­ment. Qui fréquentons-​nous ? Bien plus que nous ne le croyons peut-​être ou le per­ce­vons, nos fré­quen­ta­tions ne sont pas sans nous influen­cer et même quelques fois pro­fon­dé­ment. Voilà en par­ti­cu­lier toute l’importance de l’éducation et de l’école qui est sou­le­vée ici. Qui n’a pas déplo­ré l’éloignement d’un enfant ou d’un parent, résul­tat de fré­quen­ta­tions délétères !

On sai­sit là le bien­fait de nos cha­pelles, lieux pri­vi­lé­giés de cette convi­via­li­té tant sou­hai­tée et si néces­saire. Nos prieu­rés sont à la véri­té des micro-​sociétés. Les convic­tions com­munes et mani­fes­tées publi­que­ment sont le ferment de cette bien­veillance réci­proque entre les familles toutes entières. Et quel est donc le fon­de­ment de cette convi­via­li­té : la messe dans toute son inté­gra­li­té. On retrouve par les faits ce que saint Thomas affir­mait au moyen âge : la ver­tu de reli­gion est une ver­tu sociale, une ver­tu poli­tique ; ensei­gne­ment repris par Léon XIII1 : « aucune ver­tu digne de ce nom ne peut exis­ter sans la reli­gion, car la ver­tu morale est celle dont les actes ont pour objet tout ce qui nous conduit à Dieu consi­dé­ré comme notre suprême et sou­ve­rain bien et c’est pour cela que la reli­gion qui accom­plit les actes ayant pour fin directe et immé­diate l’honneur divin est la reine et à la fois la règle de toutes les ver­tus ». Une véri­table convi­via­li­té ne sera durable et bonne que si donc elle est fon­dée sur la messe prise non pas seule­ment dans son acte essen­tiel, le renou­vel­le­ment du sacri­fice de la Croix, mais dans toute son ampleur d’acte de reli­gion : une litur­gie, un ser­mon et un par­vis. Si l’on vire­volte de par­vis en par­vis sous pré­texte que l’acte essen­tiel a par­tout été cor­rec­te­ment posé, on se fait plai­sir dans une convi­via­li­té super­fi­cielle. Cette convi­via­li­té est en véri­té amour sen­sible, de concu­pis­cence, bien plus qu’amitié réelle. Le sen­ti­ment a sup­plan­té la rai­son. Le fond manque : l’instinct de foi. La réa­li­té le prouve : les ami­tiés vraies ont besoin d’un sou­bas­se­ment pro­fond, l’assistance en famille et dans toute sa plé­ni­tude reli­gieuse au saint sacri­fice de la messe.

Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France de la de la FSSPX

Sources : Fideliter n° 251 /​La Porte Latine du 21 novembre 2019

  1. liber­tas n. 35 []

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.