Chape de plomb et climat de peur au Vatican

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

« La publi­ca­tion des lettres « dubia » par ceux que nous savons main­te­nant être six cou­ra­geux car­di­naux, silen­cieu­se­ment sou­te­nus par 20 à 30 car­di­naux, a très clai­re­ment ini­tié une atmo­sphère accrue de peur et d’in­ti­mi­da­tion au Vatican. »

Article du site LifeSiteNews

« Notre visite à Rome du 16 au 23 novembre a été la plus dra­ma­tiques des nom­breuses visites bis­an­nuelles que nous y avons faites au cours de ces dix der­nières années. Après avoir ren­con­tré des car­di­naux, des évêques et d’autres membres des dicas­tères et ins­ti­tu­tions vati­canes, John-​Henry Westen, notre nou­veau jour­na­liste à Rome, Jan Bentz et moi-​même avons obser­vé une ten­dance géné­rale et omni­pré­sente à l’an­xié­té et à une peur bien réelle chez les fidèles ser­vi­teurs de l’Eglise.

Beaucoup redou­taient de perdre leur posi­tion, d’être licen­ciés de leurs emplois dans les ins­ti­tu­tions vati­canes ou bien de souf­frir de graves répri­mandes publiques ou d’ac­cu­sa­tions per­son­nels de la part de l’en­tou­rage du pape ou même de François lui-​même. Ils res­sentent éga­le­ment un grand stress et de la peur devant les dom­mages occa­sion­nés à l’Eglise, dom­mages qu’ils sont inca­pables d’arrêter.

Vers la fin de notre visite, un clerc de haut rang a confir­mé nos obser­va­tions. Il a ajou­té : « On peut sen­tir la peur. Elle est tan­gible. » Un autre, qui avait tou­jours été dis­po­nible pour abor­der les crises dif­fi­ciles, nous a immé­dia­te­ment pré­ve­nu qu’il ne dis­cu­te­rait pas, même hors micro, des contro­verses actuelles. Il nous a été deman­dé de ne lui poser aucune ques­tion sur ces sujets. Vers la fin de notre visite nous avons pu abor­der l’une de ces contro­verses et l’am­pleur des infor­ma­tions qui lui étaient incon­nues a pu être évaluée.

La publi­ca­tion des lettres « dubia » par ceux que nous savons main­te­nant être six cou­ra­geux car­di­naux, silen­cieu­se­ment sou­te­nus par 20 à 30 car­di­naux, a très clai­re­ment ini­tié une atmo­sphère accrue de peur et d’in­ti­mi­da­tion au Vatican.

Le 23 novembre, le jour­na­liste de LifeSiteNews Pete Baklinski a rap­por­té que l’é­vêque Athanasius Schneider a racon­té avoir res­sen­ti une « grande stu­pé­fac­tion » devant ce qu’il a appe­lé la nature « inha­bi­tuelle ment vio­lente et into­lé­rante » de la réac­tion à ces lettres, ajou­tant qu’une telle réac­tion est contraire à l’ap­pel du Pape pour le « dia­logue et l’ac­cueil d’une légi­time plu­ra­li­té d’opinions ».

La papau­té de François a créé à Rome une atmo­sphère très dif­fé­rente de celle des papes Saint Jean-​Paul II et Benoît XVI, sous les­quels Rome était un lieu consi­dé­ra­ble­ment plus accueillant pour les guer­riers de la Culture Catholique de la Vie que nous sommes.

Un autre billet du 23 novembre infor­mait que les car­di­naux Burke et Pell ont été offi­ciel­le­ment exclus de la Congrégation pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments et que « la com­po­si­tion de la Congrégation a récem­ment été sai­gnée, tan­dis que de nom­breux pro­gres­sistes ont été nom­més en rem­pla­ce­ment ». Ceci a effi­ca­ce­ment neu­tra­li­sé et ren­du silen­cieux le très ortho­doxe car­di­nal Sarah, diri­geant de la Congrégation.

Le car­di­nal Ouellet, chef de la Congrégation des Evêques, n’a éga­le­ment plus d’au­to­ri­té réelle, alors que des exé­cu­tants nom­més par François ont main­te­nant la haute main sur la nomi­na­tion des évêques. Les évêques nom­més actuel­le­ment sont pour la plu­part tenants des vues les plus radi­ca­le­ment libé­rales, tels que les désor­mais car­di­naux Cupich et Farell ou encore l’é­vêque de San Diego Robert McEltoy. Et bien enten­du, il a été fait inter­dic­tion au Cardinal Pell de pour­suivre sa pour­tant néces­saire réforme des ins­ti­tu­tions et pro­cé­dures finan­cières du Vatican, tou­jours minées par la cor­rup­tion (cette infor­ma­tion pro­vient d’une source indiscutable).

L’Académie pon­ti­fi­cale pour la vie, à l’o­ri­gine fon­dée per­son­nel­le­ment par le pape saint Jean-​Paul II et le non moins saint Professeur Jérôme Lejeune, a été trans­for­mée en pro­fon­deur et l’ar­che­vêque kas­pe­rite Vincenzo Paglia a été choi­si par le pape François pour en prendre la tête. La condi­tion ori­gi­nelle éta­blie par saint Jean-​Paul II et par le Professeur Lejeune selon laquelle les membres de l’Académie devaient signer une décla­ra­tion affir­mant qu’ils défen­daient l’en­sei­gne­ment pro-​vie de l’Eglise a été sup­pri­mée ; le man­dat de l’Académie a été chan­gé en un assor­ti­ment har­mo­nieux se concen­trant désor­mais sur les ques­tions envi­ron­ne­men­tales. L’appartenance à vie de beau­coup des émi­nents membres ori­gi­naux de l’Académie a été révo­quée. Ce n’est sans doute pas une coïn­ci­dence qu’un nombre signi­fi­ca­tif de ces membres d’o­ri­gine, amis chers à Jean-​Paul II et au Professeur Lejeune, ont émis les cri­tiques les plus sévères et les plus poin­tus sur pape François.

Claire Chretien a rap­por­té le 23 novembre que le pape François a encen­sé le théo­lo­gien moral alle­mand Bernard Häring, l’un des plus impor­tants oppo­sants à l’en­cy­clique Humanae Vitae du Pape Paul VI en 1968, pour sa nou­velle mora­li­té, dont le pape a affir­mé qu’elle aidait « la théo­lo­gie morale à pros­pé­rer ». Pouvez-​vous ima­gi­ner l’im­pact de cette décla­ra­tion de François sur tous ceux à la curie et dans les ins­ti­tu­tions vati­canes, et sur tous les pas­teurs du monde entier, qui tous ont reçu des papes saint Jean-​Paul II et Benoît XVI la consigne de défendre fer­me­ment Humanae Vitae ? Que va-​t-​il adve­nir d’eux désor­mais, dans le cli­mat actuel de grave inti­mi­da­tion, s’ils pour­suivent ce qui a pour eux été natu­rel durant des décen­nies en union avec les ensei­gne­ments magis­traux catho­liques sur le sujet de la contra­cep­tion, ensei­gne­ments qui ont cours depuis l’ex­trême ori­gine de l’Eglise ?

Dans son édi­to­rial du pro­chain numé­ro du maga­zine de LifeSite Faithful Insight, John-​Henry Westen expose d’autres choses qu’il a découvertes.

« … Les uni­ver­si­tés catho­liques de Rome sont sur­veillées et les ensei­gne­ments des pro­fes­seurs sont exa­mi­nés pour s’as­su­rer de ce qu’ils sont en confor­mi­té avec l’in­ter­pré­ta­tion libé­rale d’Amortis Laetitia. Les clercs sont dénon­cés à leurs supé­rieurs si on les a enten­dus expri­mer quelque inquié­tude au sujet du pape François. Beaucoup ont peur de par­ler ouver­te­ment, même ceux qui, par le pas­sé, étaient tou­jours prêts à le faire. Des jour­na­listes du Vatican nous ont dit avoir été aver­tis de nom­breuses fois de ne pas avoir à par­ler des lettres dubia. »

C’est comme si la Rome catho­lique s’é­tait chan­gée en un état reli­gieux poli­cier en rai­son de ce que les lettres dubia sont per­çues comme une grande menace pour cer­tains agen­das politiques.

Le 1″ décembre, dans un article sur le site OnePeterFive, le vati­ca­niste Maike Hickson a écrit :

« J’ai enten­du des témoi­gnages selon les­quels le Vatican est comme un Etat occu­pé. Certaines des sources avec qui j’ai par­lé craignent que les com­mu­ni­ca­tions avec des offi­ciels du Vatican soient espion­nées ; cer­tains ont même rap­por­té d’é­tranges ano­ma­lies lors de cer­taines conver­sa­tions télé­pho­niques, les­quelles, après une inter­rup­tion de l’ap­pel, se pour­sui­vaient par une boucle audio répé­tée encore et encore des der­niers ins­tants de la conver­sa­tion. Certaines per­sonnes qui tra­vaillent au Vatican conseillent à leurs contacts exté­rieurs de ne pas par­ta­ger d’in­for­ma­tions sen­sibles par mail ou via les télé­phones mis à dis­po­si­tion par le Vatican. »

Hickson pour­suit en citant la réponse de l’es­ti­mé cor­res­pon­dant vati­ca­niste Ed Pentin à l’oc­ca­sion d’une longue inter­view au site Reginamag​.com et inti­tu­lée « Y a‑t-​il un règne de la ter­reur au Vatican ? » (1) :

« La réac­tion du pape, qui est allé jus­qu’à mettre en cause la san­té men­tale des quatre car­di­naux, a été inter­pré­tée comme une mani­fes­ta­tion de sa propre colère d’a­voir son agen­da poli­tique per­tur­bé. Et au lieu de prendre les quatre car­di­naux au mot (les­quels ont dit avoir agit avant tout par devoir de cha­ri­té envers le Saint Père, par équi­té et par une pro­fonde inquié­tude pas­to­rale), ceux-​ci sont vus comme des adver­saires. A ce que je sais, le Pape a éga­le­ment tra­vaillé der­rière la scène pour s’as­su­rer de ce que son agen­da poli­tique ne serait pas contra­rié. A par­tir d’ar­ticles publiés stra­té­gi­que­ment dans l’Osservatore Romano ou par des réponses ambigües à ceux qui l’in­ter­rogent si ceux qui cri­tiquent publi­que­ment les dubia l’ont fait à sa demande, François se com­porte, ain­si qu’un obser­va­teur a pu le dire, comme « un lob­byiste poli­tique en cou­lisse ». Dans les trois semaines qui ont sui­vi la publi­ca­tion des dubia, le pape a don­né trois inter­views aux médias pla­né­taires, toutes ayant pour objec­tif de légi­ti­mer sa posi­tion et de déni­grer les critiques.

Enfin, il est impor­tant de noter qu’en jux­ta­po­sant sim­ple­ment les décla­ra­tions du pape et de ses alliés il est clair qu’il y a de consi­dé­rables men­songes et trom­pe­ries à l’œuvre en ce moment, ain­si que des calom­nies et des atteintes à la répu­ta­tion de ceux qui sont éti­que­tés « à droite » sim­ple­ment parce qu’ils ont ouver­te­ment cri­ti­qués Amoris Laetitia, ou même sim­ple­ment évo­qué ces cri­tiques. Cela me peine sin­cè­re­ment de dire tout ceci, parce qu’en tant que jour­na­liste catho­lique l’on ne sou­haite aucu­ne­ment por­ter atteinte au minis­tère de Pierre, mais je pense que j’ai une obli­ga­tion de rap­por­ter ce qui est en train de se produire. »

Ce sont là des mots très forts de la part de ce vati­ca­niste impec­cable, habi­tuel­le­ment pon­dé­ré et très doux.

Dans un autre article sur LifeSiteNews, nous nous étions fait l’é­cho des pro­pos de Monseigneur Athanasius sur la dété­rio­ra­tion de la situa­tion à Rome :

« La réac­tion aux dubia est la preuve de l’at­mo­sphère dans laquelle nous vivons actuel­le­ment au sein de l’Eglise. Nous vivons dans un cli­mat de menaces et de néga­tion du dia­logue à l’en­contre de groupes spécifiques ».

Schneider a pour­sui­vi en disant que « le dia­logue ne semble être accep­té que si vous pen­sez comme tout le monde – il s’a­git qua­si­ment d’une dic­ta­ture. »

Schneider a évo­qué son expé­rience de Russie, où il est né durant l’ère sovié­tique. Ses parents ont été envoyés en camp de tra­vail, ou « gou­lags », par Staline après la seconde guerre mon­diale. « Si vous ne sui­viez pas la ligne du Parti, ou que vous la met­tiez en doute, vous ne pou­viez même pas poser de ques­tion. Il s’a­git pour moi d’un paral­lèle très clair avec ce qui est en train de se pro­duire actuel­le­ment lors des réac­tions aux dubia – c’est à dire aux ques­tions des car­di­naux. »

Lors du petit ras­sem­ble­ment de presse avec le car­di­nal Cupich au North American College immé­dia­te­ment après le consis­toire, il y a eu un inci­dent lié à ma ques­tion à Cupich pour LifeSiteNews.

Après les réponses insa­tis­fai­santes du car­di­nal fraî­che­ment nom­mé à deux ques­tions d’Ed Pentin, mon tour de ques­tion est venu. Tandis que j’in­tro­dui­sais briè­ve­ment ma ques­tion, j’ai été bru­ta­le­ment inter­rom­pu par un offi­cier de presse du Vatican, lequel m’in­ti­ma : « posez la ques­tion ! » Etant don­né que cette intro­duc­tion était brève, que la ques­tion allait tout juste être posée et qu’il n’y avait que quelques jour­na­listes dans la salle, cette inter­rup­tion était tota­le­ment inappropriée.

J’ai immé­dia­te­ment posé la ques­tion de l’a­ni­mo­si­té à laquelle ont été confron­tés les cri­tiques res­pec­tueux de François, ques­tion à laquelle le car­di­nal a éton­nam­ment répon­du en niant avoir connais­sance d’une telle chose. Puis, quand John-​Henry Westen a levé la main pour poser une ques­tion, une règle a été spon­ta­né­ment annon­cée par le res­pon­sable de la presse : il a refu­sé de lais­ser John-​Henry poser sa ques­tion en arguant de ce qu’une seule ques­tion était auto­ri­sée par agence de presse.

Cette sou­daine nou­velle règle a pro­vo­qué un malaise par­mi les repré­sen­tants des autres médias. Quatre d’entre eux consé­cu­ti­ve­ment n’ont pas pu non plus poser de nou­velle ques­tion en rai­son de cette nou­velle règle. Lorsque le der­nier d’entre eux se fut à son tour vu oppo­ser un refus, le car­di­nal Cupich lui dit « Pourquoi pas, puisque vos ques­tions sont ami­cales ? » Et la ques­tion inno­cente fut autorisée.

L’hostilité crois­sante aux médias fidèles qui osent même ques­tion­ner res­pec­tueu­se­ment les actions et les décla­ra­tions du Pape François et de son entou­rage a été par­ti­cu­liè­re­ment mise en évi­dence dans une dépêche Reuters du 7 décembre.

Reuters écrit :

« Faisant usage de termes psy­cho­lo­giques pré­cis, le pape François a dit que les médias à scan­dale ris­quaient de tom­ber vic­times de copro­phi­lie, ou exci­ta­tion aux excré­ments, et que les uti­li­sa­teurs de ces médias ris­quaient la copro­pha­gie, ou inges­tion d’excréments. »

Ainsi, désor­mais, si cette tra­duc­tion est cor­recte, comme la plu­part le sont, si nous osons voir et rap­por­ter des infor­ma­tions indu­bi­ta­ble­ment inté­res­santes qui ne mettent pas le pape ou ses proches col­la­bo­ra­teurs en valeur, nous sommes de la « presse à scan­dale », nous « man­geons des excré­ments » et sommes sexuel­le­ment exci­tés par l’ex­cré­ment consis­tant à rap­por­ter des véri­tés inconfortables.

Comment un pape, le Vicaire du Christ, peut-​il se livrer à des accu­sa­tions aus­si viles ? Qu’est-​il donc adve­nu de « qui suis-​je pour juger » ?

Cet article pour­rait conti­nuer encore et encore, avec de nom­breux autres exemples, telle que cette infor­ma­tion selon laquelle l’é­vêque catho­lique de rite grec Frangiskos Papamanolis, main­te­nant retrai­té, a accu­sé les quatre car­di­naux des péchés d” « apos­ta­sie » et de « scan­dale », affir­mant qu’ils reçoivent la com­mu­nion de manière « sacri­lège » puis­qu’ils accroissent l’in­quié­tude à l’é­gard de l’é­crit du Pape. Ou encore la réponse très libé­rale du Cardinal Cupich selon lequel les quatre saint car­di­naux ont « besoin de se convertir ».

Chaque jour, semble-​t-​il, il y a de plus en plus d’hos­ti­li­té orches­trée contre toute per­sonne qui ose­rait sou­te­nir res­pec­tueu­se­ment les loyaux car­di­naux des dubia, contre toute per­sonne qui ose­rait res­pec­tueu­se­ment ques­tion­ner les actes et les décla­ra­tions du pape François, et contre toute per­sonne qui ose­rait men­tion­ner les ensei­gne­ments lim­pides du Christ sur les abso­lus moraux, mer­veilleu­se­ment et exces­si­ve­ment déve­lop­pés par le pape Saint Jean-​Paul II dans Faliliaris Consortio et dans Veritatis Splendor.

Nous devons nous deman­der vers quoi tout ceci nous mène. Tout ceci est pro­fon­dé­ment inquié­tant. La phrase que nous avons enten­du toute cette semaine à Rome est qu’il y a une « guerre » à l’œuvre au sein de l’Eglise – une guerre des pro­gres­sistes de « l’Esprit de Vatican II » contre les catho­liques ortho­doxes. Personne après per­sonne, nous avons enten­du ce mot être dit.

Je n’ai jamais rien expé­ri­men­té de tel de toute ma vie et je suis sûr que la plu­part, sinon tous les lec­teurs régu­liers de LifeSiteNews, peuvent en dire autant.

Sources : /​Traduction par JM pour /​regi​na​mag​.com /​ La Porte Latine du 21 décembre 2016

Note de La Porte Latine

(1) Is there a « Reign Of Terror » Inside the Vatican ? Interview by Beverly Stevens, Editor – http://​regi​na​mag​.com