Le doyen de la Rote romaine menace les cardinaux frondeurs de perdre leur chapeau

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.


Mgr Pio Vito Pinto, Doyen de la Rote romaine 

Le titre est de Nicolas Senèze, dans la Croix du 30 novembre 2016, et ne s’embarrasse pas de cir­con­vo­lu­tions ou d’eu­phé­mismes romains pour décrire la colère noire de Mgr Pio Pinto [Photo ci-​dessus], la plus haute auto­ri­té de l’Église en matière de nul­li­tés de mariage, à pro­pos des car­di­naux qui mettent en cause les dis­po­si­tions d’Amoris Laetitia.

« Ce qu’ils ont fait est un scan­dale très grave qui pour­rait conduire le Saint-​Père à leur reti­rer le cha­peau car­di­na­lice », a décla­ré sans ambages le Doyen de la Rote romaine lors d’une confé­rence don­née à Madrid, à l’u­ni­ver­si­té ecclé­sias­tique Saint-​Damase. Puis, se ren­dant compte de ce qu’il venait de ful­mi­ner, il a pré­ci­sé : « cela ne veut pas dire que le pape leur enlève leur cha­peau de car­di­nal, mais il pour­rait le faire » (sic).

Dans des décla­ra­tion à Religión Confidencial, Mgr Pinto a affir­mé que ces quatre car­di­naux, de même que d’autres per­sonnes (1) à l’in­té­rieur de l’Église qui remettent en ques­tion la réforme du Pape François et son exhor­ta­tion apos­to­lique Amoris Laetita, mettent en fait en ques­tion « deux synodes d’é­vêques sur le mariage et la famille. Non pas un synode mais deux ! Un ordi­naire et un autre extra­or­di­naire. On ne peut dou­ter de l’ac­tion du Saint Esprit ».

Durant la confé­rence, le Doyen de la Rote a indi­qué très clai­re­ment à l’assistance que le Pape n’a pas répon­du direc­te­ment à ces quatre car­di­naux, mais « indi­rec­te­ment il leur a dit qu’ils voient les choses en noir ou en blanc, quand dans l’Église il y a des nuances de cou­leurs ». Par ces pro­pos, il fai­sait réfé­rence à l’entretien que le pape a accor­dé ven­dre­di 18 novembre à Avvenire, le quo­ti­dien des évêques ita­liens, au cours duquel il a décla­ré : « quelques-​uns – pen­sez à cer­taines réponses à Amoris lae­ti­tia – conti­nuent à ne pas com­prendre, c’est soit blanc soit noir, alors que c’est dans le flux de la vie qu’il faut dis­cer­ner. C’est ce que nous a dit le concile ».

Comme le note notre consœur Francesca de Villasmundo « pour sou­te­nir la posi­tion du pape François, Mgr Pinto se bar­ri­cade der­rière la fausse concep­tion de la misé­ri­corde divine déve­lop­pée, tout au long de cette année jubi­laire » (2).

La théo­rie ber­go­glienne sur la Miséricorde s’inspire en effet plus de la doc­trine pro­tes­tante que des Pères de l’Église catho­lique. C’est un copié-​collé de la concep­tion luthé­rienne sur la misé­ri­corde chris­tique ima­gi­née comme le man­teau de la Passion du Christ recou­vrant les épaules du pécheur à qui on ne demande plus de ne pas pécher, à qui on ne demande pas le déta­che­ment du péché, que l’on n’envisage pas capable de s’extraire de son péché.

Cette misé­ri­corde, pro­mue par le pape régnant inter­dit de défi­nir le mal et le bien, de condam­ner le pêcheur impé­ni­tent, de lui dire la véri­té sur son état de pêcheur (3). D’ailleurs lors de son dis­cours aux mis­sion­naires de la cha­ri­té au début de l’année jubi­laire, le pape avait pro­fes­sé que même si un péni­tent n’avoue pas son péché ou n’en veut pas sor­tir, le Seigneur lui par­donne de toute façon. Idée pure­ment protestante.

Ainsi la contre-​offensive des amis du pape vient de fran­chir un nou­veau pas dans l’op­po­si­tion ouverte lan­cée par quatre car­di­naux cou­ra­geux. A l’ap­pui du car­di­nal Christoph Schönborn – « enne­mi per­son­nel” du car­di­nal Müller – , il faut sur­tout noter les prises de posi­tion du tout nou­veau car­di­nal amé­ri­cain Kevin J. Farrell (4) qui écrit que « dans “Amoris læti­tia” c’est le Saint-​Esprit qui parle. Ce texte doit être pris tel qu’il est. C’est le document-​guide pour les années à venir. Honnêtement, je ne vois pas pour­quoi cer­tains évêques pensent qu’il doit être inter­pré­té » (4).

Et d’at­ta­quer, dans une autre inter­view – accor­dée cette fois à « Catholic News Service », l’a­gence d’information de la confé­rence des évêques des États-​Unis – « ad per­so­nam » Mgr Charles J. Chaput, l’archevêque de Philadelphie (6) qui est son com­pa­triote et dont la « faute » aurait jus­te­ment été d’avoir four­ni à son dio­cèse des lignes direc­trices pour la mise en œuvre d’« Amoris lætitia :

« C’est un défaut d’avoir don­né aux prêtres et aux fidèles de son dio­cèse des lignes direc­trices « fer­mées » et non pas « ouvertes » comme le veut le pape François ».

Une fois encore, ce n’est que par le silence que le pape François a répon­du à ces joutes doc­tri­nales qui fra­gi­lisent pro­fon­dé­ment l’Eglise. Silence appro­ba­teur pour ses amis pro­gres­sistes, silence ter­rible et mena­çant à l’é­gard de très nom­breux car­di­naux et évêques, qui lui ont adres­sé – et ils conti­nuent à le faire – de manière confi­den­tielle de sem­blables appels, parce qu’ils sont de plus en plus pré­oc­cu­pés par la confu­sion qui atteint l’Église tout entière, dans la foi comme dans les œuvres.

Sources : Benoit-​et-​Moi/​Sandro Magister/​La Croix/​MPI/​Le Figaro/​AFP/​Apic/​La Porte Latine du 1er décembre 2016

Notes de La Porte Latine

(1) Comme Mgr Józef Wróbel, Mgr Athanasius Schneider ou Mgr Jan Watroba, President du Conseil pour la Famille de la Conférence des évêques de Pologne.
(2) Lire : Lettre n° 84 de Mgr Bernard Fellay : savoir dis­cer­ner entre misé­ri­corde tron­quée et misé­ri­corde pleine – 24 mai 2015
(3) Lire : « Qui suis-​je pour juger ? » – Rencontre du pape avec les jour­na­listes dans l’a­vion de retour de Rio le 28 juillet 2013
(4) Mgr Farrell a été fait car­di­nal par le pape Jorge Mario Bergoglio lors du consis­toire du 19 novembre der­nier. Et, au Vatican, il est, depuis le mois d’août der­nier, pré­fet du nou­veau dicas­tère pour les laïcs, la famille et la vie.
(5) Dans une inter­view accor­dée au « National Catholic Reporter ».
(6) Mgr Chaput est capu­cin et il est le pre­mier évêque des États-​Unis à être né dans une tri­bu d’Amérindiens. La pas­to­rale fami­liale est l’un des domaines dans les­quels il a des com­pé­tences recon­nues. Il a par­ti­ci­pé au synode consa­cré à la famille et, à la fin de la seconde et der­nière ses­sion de ce synode, il a été élu, avec un très grand nombre de voix, comme l’un des douze membres du conseil de car­di­naux et d’évêques qui sert de pont entre un synode et le suivant.