Les diaconesses : du mythe à la réalité

« Le minis­tère des dia­co­nesses n’a­vait rien de sacer­do­tal, de même leur ordi­na­tion n’a­vait rien de sacra­men­tel » (Chanoine Forget in Dictionnaire de théo­lo­gie catho­lique), mais les temps changent et la reven­di­ca­tion de femmes-​prêtres [Voir pho­to ci-​dessus] dans l’Eglise catho­lique n’est plus loin depuis que le car­di­nal Walter Kasper s’est sai­si du dossier.…

« Je vous recom­mande Phoebé, notre soeur, qui est dia­co­nesse de l’Église de Cenchrée… » (Rm 16, 1). Ce pas­sage de saint Paul est avan­cé par de nom­breux pro­gres­sistes, fémi­nistes en tête, pour deman­der l’ex­ten­sion du dia­co­nat mas­cu­lin aux femmes. Lors du synode sur la famille en 2014, Mgr Paul-​André Durocher pro­po­sait un « pro­ces­sus qui pour­rait éven­tuel­le­ment ouvrir aux femmes l’ac­cès au dia­co­nat per­ma­nent ». Et pas plus tard que le 12 mai der­nier, les res­pon­sables de l’UISG, l’Union inter­na­tio­nale des supé­rieures géné­rales, réunies à Rome en assem­blée plé­nière, ont posé la ques­tion sui­vante au pape : « Dans l’Église, il existe le ser­vice du dia­co­nat per­ma­nent, mais il n’est ouvert qu’aux hommes, mariés ou non. Qu’est-​ce qui empêche l’Église d’in­clure les femmes par­mi les diacres per­ma­nents, juste comme cela se pas­sait dans l’Église primitive ?»

Qu’étaient ces dia­co­nesses ? Le cha­noine Jacques Forget (1852–1933), théo­lo­gien et orien­ta­liste belge, pro­fes­seur à l’Université catho­lique de Louvain, a bien résu­mé la ques­tion dans un article fort détaillé du Dictionnaire de théo­lo­gie catho­lique. L’existence des dia­co­nesses est bel et bien avé­rée. Après saint Paul, c’est Pline le jeune, gou­ver­neur romain de la pro­vince de Bithynie, qui écrit vers l’an III à Trajan qu’il a sou­mis à la tor­ture deux chré­tiennes diaconesses.

Il s’a­gis­sait de femmes vierges ou veuves, offi­ciel­le­ment char­gées d’une fonc­tion d’as­sis­tance au cler­gé. Deux textes, la Didascalie (IIIe siècle) et les Constitutions apos­to­liques (fin du IV°) nous ren­seignent sur les mis­sions confiées aux dia­co­nesses, dans les églises latine et grecque : prendre soin des pauvres et des malades de leur sexe ; être pré­sentes lors de l’en­tre­tien par­ti­cu­lier d’une femme avec l’é­vêque, un prêtre ou un diacre ; aider les femmes à se pré­pa­rer au bap­tême en leur incul­quant les élé­ments de la doc­trine ; se char­ger des consta­ta­tions cor­po­relles indis­pen­sables en cas de pro­cé­dure judi­ciaire ; gar­der la porte par laquelle les femmes devaient entrer à l’é­glise, en assu­rant l’ordre dans l’as­sem­blée fémi­nine ; enfin, prê­ter leur concours à l’é­vêque dans l’ad­mi­nis­tra­tion du bap­tême des femmes, le bap­tême des adultes ayant lieu par immersion. 

Saint Épiphane (310–403), évêque de Salamine dans l’île de Chypre, ajoute : « Les dia­co­nesses sont des­ti­nées à sau­ve­gar­der la décence qui s’im­pose à l’é­gard du sexe fémi­nin, (…) en inter­ve­nant chaque fois qu’il y a lieu de décou­vrir le corps d’autres femmes, afin que ces nudi­tés ne soient pas expo­sées aux regards des hommes qui accom­plissent les saintes céré­mo­nies » (Haer. 79, 3).

Cependant, les pos­tu­lantes étaient consti­tuées dia­co­nesses par une impo­si­tion des mains ou « ordi­na­tion », selon les Constitutions apos­to­liques qui en pré­cisent la manière et la formule ! 

Le cha­noine Forget nous ras­sure : « De même que le minis­tère des dia­co­nesses n’a­vait rien de sacer­do­tal, de même leur ordi­na­tion n’a­vait rien de sacra­men­tel. Jamais, dans les textes, le rite de leur ini­tia­tion n’est pré­sen­té ni comme divi­ne­ment éta­bli ni, à plus forte rai­son, comme pos­sé­dant de ce chef une ver­tu sanc­ti­fi­ca­trice, une cau­sa­li­té ins­tru­men­tale pour pro­duire la grâce et impri­mer un carac­tère indé­lé­bile. L’Église, en restrei­gnant de bonne heure et en finis­sant par sup­pri­mer l’ordre et l’of­fice des dia­co­nesses, a bien mon­tré qu’elle les tenait pour une créa­tion ecclé­sias­tique, essen­tiel­le­ment modi­fiable sui­vant les cir­cons­tances. » Les dia­co­nesses dis­pa­raissent en Occident à par­tir du VIe siècle, notam­ment avec la sup­pres­sion du bap­tême par immer­sion dans l’Église latine. 

« Les dia­co­nesses dont il est fait men­tion dans la tra­di­tion de l’Église ancienne ne peuvent pas être assi­mi­lées pure­ment et sim­ple­ment aux diacres », concluait en 2003 la com­mis­sion théo­lo­gique inter­na­tio­nale dili­gen­tée par Jean-​Paul II.

Pourtant, le pape François, à la demande des supé­rieures de l’UISG, a créé le 2 août der­nier une com­mis­sion char­gée d’é­tu­dier la ques­tion du dia­co­nat per­ma­nent fémi­nin dans l’Église. 

Après le synode sur la famille, une nou­velle boîte de Pandore est ain­si ouverte. Moderniste paten­té ayant l’o­reille du pape, le car­di­nal Walter Kasper a décla­ré dans La Repubblica dès le 13 mai : « Je pense qu’il va y avoir main­te­nant un débat féroce. Sur ce sujet, l’Église est divi­sée en deux », la reven­di­ca­tion de femmes-​prêtres n’é­tant pas loin.

Sources : Fideliter n° 233 /​La Porte Latine du 11 jan­vier 2016.