Synode – La révolte de 50 moralistes contre Kasper et compagnie, par R. Cascioli


Riccardo Cascioli1

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

50 mora­listes en appellent aux Pères syno­daux. Ils dénoncent2 comme une grave dérive doc­tri­nale un para­graphe pré­cis de l’Instrumentum Laboris en vue du pro­chain Synode, qui remet en cause Humanae Vitae.

Le para­graphe n° 137 incri­mi­né : « En ayant bien pré­sente à l’esprit la richesse de sagesse conte­nue dans Humanae Vitae, en lien aux ques­tions trai­tées par cette ency­clique, deux pôles res­sortent, qui doivent être constam­ment conju­gués ensemble. D’une part, le rôle de la conscience conçue comme voix de Dieu qui résonne dans le cœur humain for­mé à l’écouter ; de l’autre, l’indication morale objec­tive, qui empêche de consi­dé­rer l’engendrement comme une réa­li­té dont on peut déci­der arbi­trai­re­ment, sans tenir compte du des­sein divin sur la pro­créa­tion humaine. Quand la réfé­rence au pôle sub­jec­tif pré­vaut, on risque aisé­ment des choix égoïstes ; dans l’autre cas, la norme morale est res­sen­tie comme un poids insup­por­table, ne répon­dant pas aux exi­gences et aux pos­si­bi­li­tés de la per­sonne. La conju­gai­son des deux aspects, vécue avec l’accompagnement d’un guide spi­ri­tuel com­pé­tent, pour­ra aider les époux à faire des choix plei­ne­ment huma­ni­sants et conformes à la volon­té du Seigneur. »

L’accusation est lourde : le para­graphe 137 de l’Instrumentum labo­ris, autre­ment dit le docu­ment qui ser­vi­ra de base de dis­cus­sion lors du pro­chain Synode sur la famille (4–25 Octobre 2015) déforme gra­ve­ment le sens de l’en­cy­clique Humanae Vitae de Paul VI et liquide le sens même de la morale catho­lique. Ce n’est pas une chose insi­gni­fiante, car « les insuf­fi­sances et dis­tor­sions conte­nues dans l’Instrumentum labo­ris risquent d’a­voir des consé­quences dévas­ta­trices pour les fidèles, qui ont le droit de connaître la véri­té du depo­si­tum fidei. En effet, s’il est approu­vé par le Synode, le para­graphe 137 sème­ra la confu­sion par­mi les fidèles ».

C’est un docu­ment qui l’af­firme : il est rédi­gé par les pro­fes­seurs David S. Crawford (Institut pon­ti­fi­cal Jean-​Paul II de Washington) et Stephan Kampowski (Institut Jean-​Paul II de Rome) et il est signé par une cin­quan­taine de théo­lo­giens et phi­lo­sophes catho­liques de l’en­semble du monde des experts en morale.

Il s’a­git d’un appel aux Pères syno­daux afin qu’ils cor­rigent ce para­graphe 137 qui consti­tue une menace grave pour l’en­sei­gne­ment de l’Eglise. Le para­graphe 137 devrait même « être sup­pri­mé et rem­pla­cé par un para­graphe qui parle de la conscience de manière plus pré­cise, qui célèbre la sagesse et la beau­té d’Humanae Vitae et qui aide les conjoints à com­prendre que les grâces sont à leur dis­po­si­tion pour vivre le plan de Dieu concer­nantle don de la sexualité ».

De quoi s’agit-​il ? En sub­stance, l’Instrumentum Laboris, en abor­dant la ques­tion du dis­cer­ne­ment moral, place l’une contre l’autre, la conscience bien for­mée des conjoints et la norme morale objec­tive, en pro­po­sant de trou­ver un point d’é­qui­libre, éven­tuel­le­ment aidé par un père spi­ri­tuel. C’est la néga­tion de l’en­cy­clique Humanae Vitae (1968) de Paul VI – bien que sour­noi­se­ment rap­pe­lée de manière élo­gieuse -, de Veritatis Splendor (1993) de Jean-​Paul II, et plus géné­ra­le­ment de toute la morale catholique.

En pra­tique, l’Instrumentum labo­ris – for­mé des contri­bu­tions des églises du monde entier, mais pré­pa­ré par le secré­ta­riat du Synode, diri­gée par le car­di­nal Lorenzo Baldisseri et Mgr Bruno Forte – sug­gère que les normes morales de l’Eglise ne cor­res­pondent pas à la véri­té sur l’homme puisque Dieu peut par­ler à la conscience de l’in­di­vi­du en sug­gé­rant des com­por­te­ments dif­fé­rents de ceux pré­vus par les normes morales objec­tives. En somme, c’est comme si, en face d’une norme qui condamne l’a­dul­tère sans « si » et sans « mais », Dieu pou­vait sug­gé­rer à la conscience de quel­qu’un qu’au fond, sous cer­taines condi­tions, l’a­dul­tère est éga­le­ment accep­table. Après quoi il fau­drait trou­ver un point d’é­qui­libre à l’aide d’un tiers (le guide spi­ri­tuel), qui déci­de­rait arbi­trai­re­ment, n’ayant aucune norme objec­tive à laquelle se référer.

En d’autres termes, on vise à la rela­ti­vi­sa­tion de la morale, qui évi­dem­ment s’é­ten­drait ensuite bien au-​delà des limites de la famille. En outre, la for­mu­la­tion du para­graphe 137 tra­hit une concep­tion de la norme morale qui est seule­ment néga­tive, coer­ci­tive, quand il devrait au contraire s’ou­vrir tout grand à la beau­té de la vie : « Suggérer que le conte­nu objec­tif d’une norme morale – dit le docu­ment des 50 mora­listes – puisse ne pas répondre aux exi­gences de la per­sonne », de sorte que le res­pect de ses com­man­de­ments puisse ne pas pro­mou­voir le bien moral de la per­sonne, autre­ment dit « le bien de la per­sonne » , est en contra­dic­tion avec la concep­tion catho­lique de la morale. L’argument selon lequel les normes morales peuvent même ne pas pro­mou­voir le bon­heur humain reflète une vision nomi­na­liste et arbi­traire de la loi morale, vision selon laquelle une action est mau­vaise pour la seule rai­son qu’elle est inter­dite. Une telle vision ne cor­res­pond en rien à la réa­li­té de la créa­tion de Dieu. Il faut au contraire affir­mer que la loi morale, cor­res­pon­dant à la véri­té de l’acte créa­teur de Dieu, exprime des véri­tés anthro­po­lo­giques sur la per­sonne humaine qui ne peuvent être igno­rées ou vio­lées sans léser nos « néces­si­tés et oppor­tu­ni­tés », autre­ment dit sans nous faire du mal à nous-mêmes ».

L’appel des 50 mora­listes est sûre­ment à lire en entier et à médi­ter, car il cla­ri­fie le niveau de confron­ta­tion qui se pré­pare pour le Synode.

Il est en effet évident que la for­mu­la­tion de l’ar­ticle 137, avec la gra­vi­té de ses affir­ma­tions, n’est pas dû à la négli­gence ou à l’i­gno­rance des rédac­teurs, mais à une volon­té pré­cise de sub­ver­tir l’en­sei­gne­ment moral de l’Église. Et les der­nières décla­ra­tions du car­di­nal Kasper [cf.3] en sont une preuve supplémentaire.

Il se confirme ce que j’é­cri­vais le 20 mars 2014 :

« Il ne fait aucun doute que cer­tains veulent uti­li­ser le pro­chain Synode sur la famille pour prendre leur revanche sur Humanae Vitae. Alors aus­si, Paul VI avait été cajo­lé pen­dant des années par le monde laïc et par ces évêques qui, après le Concile atten­daient de grands chan­ge­ments doc­tri­naux dans le domaine de la morale sexuelle et fami­liale, quitte ensuite à pas­ser au lyn­chage lorsque l’en­cy­clique réaf­fir­mant l’en­sei­gne­ment de l’Église sur la vie et la famille fut publiée, déce­vant les « pro­gres­sistes ». Mais depuis lors, il s’est déve­lop­pé dans cer­taines Conférences épis­co­pales, dans des sémi­naires, des ordres reli­gieux, un magis­tère paral­lèle qui a ensei­gné et pro­pa­gé comme doc­trine de l’Église, ce qui n’é­tait que le fruit de quelques intel­lec­tuels et théo­lo­giens sou­cieux seule­ment d” « être dans le monde ». Intellectuels, théo­lo­giens et évêques qui ont ouver­te­ment déso­béi aux Papes, théo­ri­sant même la valeur d’une déso­béis­sance qui ne pou­vait être que « pro­phé­tique ». Et ce sont les mêmes qui aujourd’­hui exaltent François, se décou­vrant plus papiste que le pape (ndt : est-​ce si vrai ? il est au contraire de plus en plus clair que ces gens agissent avec l’a­val du Pape), déclen­chant même une chasse aux « héré­tiques », cou­pables de ne pas se joindre à cette révo­lu­tion désor­mais imparable »

Les pro­chaines semaines nous don­ne­ront cer­tai­ne­ment une confir­ma­tion supplémentaire.

Riccardo Cascioli

Sources : Lanuovabq​.it/​B​e​n​o​i​t​-​e​t​-​m​o​i​/​LPL du 14 sep­tembre 2015

- http://​www​.first​things​.com/​w​e​b​-​e​x​c​l​u​s​i​v​e​s​/​2​0​1​5​/​0​9​/​a​n​-​a​p​p​eal
http://​www​.lanuo​vabq​.it/​i​t​/​a​r​t​i​c​o​l​i​-​u​n​-​a​p​p​e​l​l​o​-​c​o​n​f​e​r​m​a​r​e​-​l​i​n​s​e​g​n​a​m​e​n​t​o​-​d​e​l​l​a​-​h​u​m​a​n​a​e​-​v​i​t​a​e​-​e​-​d​e​l​l​a​-​v​e​r​i​t​a​t​i​s​-​s​p​l​e​n​dor

  1. Président de CESPAS (Centre euro­péen d’é­tudes sur la popu­la­tion, l’en­vi­ron­ne­ment et le déve­lop­pe­ment), Riccardo Cascioli est né à Terni le 1er février 1958. Il est diplô­mé en sciences poli­tiques à l’Université de Pérouse. Journaliste, il a com­men­cé comme rédac­teur de l’a­gence Nouvelles Asie avant de pas­ser en 1989 à la rédac­tion des affaires étran­gères d’Avvenire. Il a col­la­bo­ré, depuis 1988, à Radio Vatican, comme expert de l” Asie, et depuis 2000 avec le maga­zine « Il Timone ». Il a écrit « Le com­plot démo­gra­phique » (Piemme, 1996), pour lequel il a reçu le Prix Quarenghi en 1998, et « La mon­dia­li­sa­tion pos­sible » (Art 2004). Depuis 2003 il donne éga­le­ment un cours sur les ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales en mas­ter des sciences et de l’en­vi­ron­ne­ment à l’Ateneo Pontificio Regina Apostolorum. Pour le pre­mier volume de « Les men­songes des éco­lo­gistes » et ses acti­vi­tés au CESPAS il a rem­por­té en 2006 le Prix de l’Environnement du Développement attri­bué par le minis­tère de l’Environnement. []
  2. L’appel des 50 en anglais et en ita­lien : []
  3. La nuo­va bus­so­la quo­ti­dia­na : il s’a­git d’un Journal ita­lien en ligne qui se pré­sente comme « Un groupe de jour­na­listes catho­liques que réunit la pas­sion pour la foi, qui veulent pro­po­ser une Boussole « pour s’o­rien­ter par rap­port aux nou­velles du jour », en ten­tant de pro­po­ser une pers­pec­tive catho­lique dans la manière de juger les faits ; nous sommes cer­tains que l’exd­pé­rience chré­tienne est capable de com­prendre et de res­pec­ter plei­ne­ment la digni­té de l’homme. Ce Congrès est orga­ni­sé conjoin­te­ment avec le maga­zine ita­lien men­suel Il Timone, la revue fran­çaise l’Homme Nouveau, le jour­nal online espa­gnolInfovaticana et le Centre de réflexion antro­po­lo­gique Dignitatis Humanae Institute. (NdT). []