La foi des rois mages

« Trois pro­diges ont mar­qué ce jour que nous hono­rons. Aujourd’hui l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui l’eau a été chan­gée en vin au fes­tin nup­tial ; aujourd’hui le Christ a vou­lu être bap­ti­sé par Jean dans le Jourdain, pour notre salut, alléluia. »

Antienne du Magnificat, fête de l’Epiphanie

Lors de la nais­sance du Seigneur, trois mages vinrent à Jérusalem. Leurs noms latins sont : Appellius, Amérius, Damascus ; en hébreu, Galgalat, Malgalat et Sarathin ; en grec, Caspar, Balthasar, Melchior.

Dieu se manifeste aux païens et au peuple élu

On demande pour­quoi les mages vinrent à Jérusalem, puisque le Seigneur n’y était point né. Remigius (Moine d’Auxerre en 890) en donne quatre rai­sons : La pre­mière, c’est que les mages ont bien su le temps de la nais­sance de J.-C., mais ils n’en ont pas connu le lieu. Or, Jérusalem étant une cité royale, ils soup­çon­nèrent qu’un enfant si dis­tin­gué ne devait naître nulle part ailleurs si ce n’est dans une cité royale. La deuxième, c’était pour connaître plus tôt le lieu de la nais­sance, puisqu’il y avait là des doc­teurs de la loi et des scribes. La troi­sième, pour que les Juifs res­tassent inex­cu­sables ; ils auraient pu dire, en effet : « Nous avons bien connu le lieu de la nais­sance, mais nous en avons igno­ré le temps et c’est le motif pour lequel nous ne croyons point. » Or, les Mages dési­gnèrent aux Juifs le temps, et les Juifs indi­quèrent le lieu aux Mages. La qua­trième, afin que l’empressement des Mages vînt confondre l’indolence des Juifs : car les Mages crurent à un seul pro­phète, et les Juifs refu­sèrent de croire au plus grand nombre. Ils étaient rois et les suc­ces­seurs de Balaam, ils sont venus eu voyant l’étoile, d’après la pro­phé­tie de leur père : « Une étoile se lève­ra sur Jacob et un homme sor­ti­ra d’Israël. » (Nb24, 17)

Arrivés à Jérusalem, ils deman­dèrent : « Où est celui qui est né roi des Juifs ? » Ils ne demandent pas s’il est né, ils le croyaient, mais ils demandent où il est né. Et comme si quelqu’un leur avait dit : « D’où savez-​vous que ce roi est né ? » Ils répondent : « Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer. » Par ces paroles, ils confes­sèrent un vrai homme, un vrai roi, et un vrai Dieu. Un vrai homme, quand ils dirent : « Où est celui qui est né ? » Un vrai roi, en disant : « Roi des Juifs » ; un vrai Dieu, en ajou­tant : « Nous sommes venus l’adorer ».

Que fut cette étoile ?

Cette étoile, selon saint Fulgence, dif­fé­rait des autres en trois manières : 

  1. en situa­tion, parce qu’elle n’était pas située posi­ti­ve­ment dans le fir­ma­ment, mais elle se trou­vait sus­pen­due dans un milieu d’air voi­sin de la terre ; .
  2. en éclat, parce qu’elle était plus brillante que les autres ; cela est évident, puisque le soleil ne pou­vait pas en dimi­nuer l’éclat et qu’elle parais­sait en plein midi ; 
  3. en mou­ve­ment, parce qu’elle allait en avant des Mages, comme ferait un voya­geur ; elle n’avait donc point un mou­ve­ment cir­cu­laire, mais une espèce de mou­ve­ment linéaire. La glose en touche trois autres rai­sons à pro­pos du second cha­pitre de saint Mathieu : 
    1. elle dif­fé­rait dans son ori­gine, puisque les autres avaient été créées au com­men­ce­ment du monde, et que celle-​ci venait de l’être ;
    2. dans sa des­ti­na­tion : les autres avaient été faites pour indi­quer les temps et les sai­sons, comme il est dit dans la Genèse (1, 14), et celle-​ci pour mon­trer le che­min aux Mages ; 
    3. dans sa durée : les autres sont per­pé­tuelles, celle-​ci, après avoir accom­pli son minis­tère, disparut.

D’autres étoiles illu­mi­nèrent les Mages. Et tout d’abord celle de la foi, car si cette étoile spi­ri­tuelle n’avait pas pro­je­té ses rayons dans leur cœur, jamais ils ne fussent par­ve­nus à voir la pre­mière. Ils virent l’ange dans leur som­meil, qui les aver­tit de chan­ger de voie et ne pas retour­ner vers Hérode. Ils furent illu­mi­nés par la très Sainte Vierge, « Étoile de la mer » (Liturgie), et parle Christ Jésus, qu’ils virent dans la crèche : « Je suis le reje­ton et le fils de David, l’étoile brillante, et l’étoile du matin. » (Apoc, 22, 16) Ces étoiles ont répan­du leur lumière cha­cune en sa place, et sai­si les Mages « d’une très grande joie. »(Mt2, 10) À nous aus­si, ces étoiles sont don­nées en cette val­lée de larmes pour notre salut.

Que sont-​ils devenus ?

Les Mages, aver­tis en songe, retour­nèrent par un autre che­min en leur pays. Ils étaient venus sous la direc­tion de l’étoile ; ils furent ins­truits par des hommes, mieux encore par des pro­phètes, par Dieu lui-​même et sa sainte Mère ; ils retour­nèrent sous la conduite de l’ange,et mou­rurent dans le Seigneur. Selon une tra­di­tion, l’apôtre Thomas, à qui fut dévo­lu l’Orient quand les Apôtres se sépa­rèrent (42),aurait bap­ti­sé les Mages déjà âgés, et ceux-​ci, à leur tour, auraient annon­cé la Bonne Nouvelle. Leurs corps, décou­verts par sainte Hélène, mère de Constantin, furent trans­por­tés à Constantinople (vers 330), puis à Milan (344). En 1164, l’archevêque de Cologne fit venir solen­nel­le­ment ces reliques dans sa cathé­drale où elles sont véné­rées. Ainsi, dès le XIIe siècle, Cologne est deve­nue la qua­trième ville sainte catho­lique, après Jérusalem, Rome et Compostelle.

D’après Jacques de Voragine, La Légende Dorée et autres sources.

Source : Le Petit Echo de Notre-​Dame n°84