21 mai 2009

Entretien de Mgr Alfonso de Galarreta à Iesus-Christus

Iesus Christus : Monseigneur, vous êtes l’un des quatre évêques sacrés par Monseigneur Marcel Lefebvre le 30 juin 1988. Vous venez d’être nom­mé visi­teur au sémi­naire de La Reja pour rem­pla­cer Monseigneur Williamson. Avant de par­ler de votre fonc­tion actuelle, nous aime­rions vous poser quelques ques­tions à pro­pos des évé­ne­ments des der­nières semaines. Le 21 jan­vier 2009, le Vatican a publié un décret sur les excom­mu­ni­ca­tions du 1er juillet 1988 sanc­tion­nant les sacres épis­co­paux confé­rés par Monseigneur Lefebvre. Dans un entre­tien accor­dé à « Nouvelles de Chrétienté » (N° 115, janvier/​février 2009), Monseigneur Fellay disait, en par­lant des excom­mu­ni­ca­tions de 1988 : Ce décret « était nul puisqu’il n’y avait pas eu d’excommunication. » Dans votre , vous disiez éga­le­ment : « Nous avons tou­jours affir­mé et nous avons tou­jours main­te­nu que ces cen­sures étaient abso­lu­ment nulles, de fait comme de droit ». Pourquoi affirmez-​vous que les excom­mu­ni­ca­tions pro­non­cées par Jean-​Paul II en 1988 étaient nulles ?

Mgr de Galarreta : Chaque fois que nous avons écrit à Rome, nous avons pris soin d’indiquer que nous deman­dions la décla­ra­tion en nul­li­té des excom­mu­ni­ca­tions, ou selon une forme plus accep­table pour eux, que le décret des excom­mu­ni­ca­tions soit reti­ré car pré­ci­sé­ment, ces excom­mu­ni­ca­tions n’existent pas. L’acte des sacres épis­co­paux de 1988 par Monseigneur Lefebvre fut un acte abso­lu­ment néces­saire pour la conti­nui­té du sacer­doce catho­lique, de la Tradition, de la foi catho­lique et de l’Église elle-​même. Ce fut un acte de sur­vie, de sau­ve­garde de la foi catho­lique, et c’est pour­quoi ce n’était pas une faute qui devait rece­voir une condam­na­tion ou une cen­sure. Ce fut un acte ver­tueux et, à mon avis, extrê­me­ment ver­tueux pour le bien des âmes et de la Sainte Église.

Iesus Christus : S’il n’y avait pas excom­mu­ni­ca­tion, ne vous parait-​il pas contra­dic­toire d’avoir deman­dé à Rome de faire quelque chose à pro­pos de ce décret ?

Mgr de Galarreta : Apparemment oui. En réa­li­té non. Parce que la vali­di­té ou non des excom­mu­ni­ca­tions est une chose. Et l’impression qu’en ont le reste de l’Église et l’opinion publique en géné­ral en est une autre. Il est clair qu’une honte aux yeux de toute l’Église s’abattait sur nous, qui était comme une condam­na­tion de ce que nous repré­sen­tons : la Tradition catho­lique. Ce sont deux aspects dis­tincts. L’aspect objec­tif est qu’il n’y avait pas d’excommunication. L’autre aspect, qui est sub­jec­tif, dans l’esprit des gens, vou­lait qu’on deman­dât de reti­rer le décret.

Iesus Christus : En réponse, Rome a publié le décret du 21 jan­vier 2009 dans lequel il ne recon­naît pas la nul­li­té des excom­mu­ni­ca­tions, mais il lève la sanc­tion. Ce n’est pas ce que la Fraternité avait deman­dé. Cependant, Monseigneur Fellay a fait chan­ter un « Magnificat » pour célé­brer l’événement. Vous-​même avez dit dans votre ser­mon du 15 mars que « nous nous réjouis­sons et nous nous féli­ci­tions de ce décret. » Pourquoi se réjouir, si vous n’avez pas obte­nu ce que vous demandiez ?

Mgr de Galarreta : Sans aucun doute, le décret tel qu’il est ne répond ni à la véri­té ni à la jus­tice et laisse donc en sus­pens une réha­bi­li­ta­tion des évêques, notam­ment Monseigneur Lefebvre et Monseigneur de Castro Mayer et, en défi­ni­tive, une réha­bi­li­ta­tion de tous les membres de la Tradition. Nous deman­dons le retrait du décret comme signe effec­tif de bonne volon­té et de chan­ge­ment dans l’attitude que tient Rome à l’égard de la Tradition et à notre égard. Pour cela, nous nous réjouis­sons. Même si le décret n’est pas ce qu’il doit être, il ne s’agit désor­mais plus de per­sé­cu­tion et de rup­ture. Il sup­prime éga­le­ment un obs­tacle majeur qui empê­chait les âmes de s’approcher des richesses de la Tradition et de la vraie foi.

Iesus Christus : Monseigneur, vous disiez dans votre ser­mon que le nombre de vos fidèles dans le monde avait aug­men­té depuis le décret du 21 janvier.

Mgr de Galarreta : Oui, effec­ti­ve­ment. Depuis le Motu Proprio, plu­sieurs mil­liers de prêtres nous ont deman­dé le DVD qui apprend à célé­brer la messe tra­di­tion­nelle. De plus, après ce décret, beau­coup de gens nou­veaux sont venus nous trou­ver dans nos prieu­rés et nos séminaires.

Iesus Christus : Beaucoup de gens s’interrogent sur la rai­son qui a pous­sé le pape à publier le décret du 21 jan­vier. Quelques-​uns parlent d’une volon­té d’absorber la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X et de la réduire au silence. D’autres parlent d’un simple geste de bien­veillance de la part du pape. Quelle est votre opi­nion sur le sujet ?

Mgr de Galarreta : Il est dif­fi­cile de connaître les inten­tions, mais ce que l’on peut déduire des faits, c’est qu’il existe pro­ba­ble­ment plu­sieurs rai­sons dis­tinctes. A mon avis, il est indé­niable que de la part du pape, il y a une véri­table volon­té de rendre jus­tice et d’être bien­veillant. Mais, en même temps, ils espèrent sans doute que ces mesures et que les contacts avec Rome leur per­mettent de nous incor­po­rer dans la dyna­mique ecclé­siale qui nous arron­di­rait les angles que nous aurions d’après eux, par exemple en étant trop rigides et trop intran­si­geants, comme ils disent, sur la doc­trine ; ou encore s’attendent-ils à nous « modé­rer » un peu , en adop­tant quelques-​uns de nos aspects positifs.

Un autre aspect impor­tant est la volon­té de Benoît XVI de prou­ver la conti­nui­té du concile Vatican II avec la Tradition : s’il veut prou­ver qu’il y a conti­nui­té, nous n’avons plus qu’à ces­ser d’exister en vivant à l’intérieur du péri­mètre de l’Église offi­cielle. Sans aucun doute, cette vision des choses et de nous-​mêmes est le plus grand dan­ger des contacts à venir.

Iesus Christus : Peut-​on par­ler d’un pape traditionaliste ?

Mgr de Galarreta : Non, mal­heu­reu­se­ment non. Benoît XVI s’est char­gé de démen­tir expli­ci­te­ment cette affir­ma­tion. Lui-​même se sent entiè­re­ment et théo­lo­gi­que­ment atta­ché au concile Vatican II. Son ensei­gne­ment et son gou­ver­ne­ment de l’Église s’inscrivent direc­te­ment dans l’esprit du Concile. La preuve est qu’il veut nous incor­po­rer dans l’Église offi­cielle, selon une concep­tion œcu­mé­nique. Il pra­tique un œcu­mé­nisme à notre égard.

Cependant, il y a en même temps un chan­ge­ment d’attitude à l’égard de la Tradition : il n’est plus ques­tion de per­sé­cu­tion, mais, jusqu’à un cer­tain point, d’acceptation. Ce chan­ge­ment d’attitude, main­te­nant plus franc, plus ouvert à l’égard de la Tradition, nous sert de fon­de­ment pour abor­der les conver­sa­tions avec Rome. Ce qu’il y a de bon, de nou­veau chez le pape actuel, c’est ce chan­ge­ment d’attitude, cette accep­ta­tion de pla­cer néces­sai­re­ment le Concile et le magis­tère post­con­ci­liaire dans la conti­nui­té avec la Tradition. C’est un point de départ qui nous per­met de discuter.

Iesus Christus : Dans , le pape dit que « les pro­blèmes qui doivent être trai­tés à pré­sent sont de nature essen­tiel­le­ment doc­tri­nale et regardent sur­tout l’acceptation du Concile Vatican II et du magis­tère post­con­ci­liaire des Papes. » Quels sont les pro­blèmes doc­tri­naux dont parle Benoît XVI ?

Mgr de Galarreta : Ce sont pré­ci­sé­ment les nou­veau­tés ins­pi­rés des prin­cipes libé­raux, néo-​modernistes, comme, par exemple, la liber­té reli­gieuse, la liber­té de conscience, l’œcuménisme, la démo­cra­tie qui est entrée dans l’Église avec la vision de « l’Église com­mu­nion », de « l’Église peuple de Dieu » à tra­vers la col­lé­gia­li­té, qui limite l’autorité du pape et celle des évêques. En somme, il s’agit de la dimen­sion anthro­po­cen­trique, de l’humanisme et du per­son­na­lisme qui ont péné­tré l’Église et qui ont pro­vo­qué une révo­lu­tion coper­ni­cienne. Nous sommes pas­sés d’une concep­tion chris­to­cen­trique, théo­cen­trique, à une espèce de culte de l’homme, comme le reven­di­quait le pape Paul VI.

Iesus Christus : D’après le décret du 21 jan­vier, des conver­sa­tions doc­tri­nales devraient s’engager entre la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X et le Vatican. Au sein de la Fraternité Saint-​Pie X, plu­sieurs fois, on a dit vou­loir « étu­dier le concile Vatican II à la lumière de la Tradition ». Comment com­prendre cette expression ?

Mgr de Galarreta : Cette expres­sion néces­site une cer­taine pré­ci­sion. Cela veut clai­re­ment dire que pour nous le cri­tère d’explication de quelque doc­trine que ce soit dans l’Église est sa confor­mi­té avec la Tradition. C’est pour­quoi, étu­dier le Concile à la lumière de la Tradition veut dire reje­ter tout ce qui est en contra­dic­tion avec l’enseignement et le magis­tère tra­di­tion­nels, et accep­ter ce qui est conforme et en har­mo­nie avec ce qui a tou­jours été cru, par­tout et par tous, ce qui est la défi­ni­tion de la Tradition.

Iesus Christus : Donc, on peut dire que ces conver­sa­tions devraient au final « conver­tir Rome » ? Un tel désir ne vous paraît-​il pas une marque d’orgueil ? Une illusion ?

Mgr de Galarreta : L’expression « conver­tir Rome » n’est pas la bonne. Il s’agit bien plus d’un retour, d’une recon­ver­sion. D’autre part, c’est Dieu qui peut éclai­rer les intel­li­gences et tou­cher les cœurs pour qu’un retour de l’Église à la Tradition puisse se pro­duire. Ce serait de l’orgueil si nous, en par­tant de nos propres idées, nou­velles, nous nous éri­gions en juges de la doc­trine de l’Église. Mais c’est tout le contraire dont il s’agit : il s’agit de juger une série de nou­veau­tés à la lumière de ce qui a tou­jours été cru et vécu dans l’Église. Alors là, il y a fidé­li­té et non pas orgueil. L’orgueil est jus­te­ment l’attitude de ceux qui ont mépri­sé l’enseignement des deux mille ans d’Église en par­tant de juge­ments per­son­nels et propres tota­le­ment contraires à la foi. Illusion ? Non, parce que nous ne par­tons pas avec de fausses attentes, c’est-à-dire que nous n’avons pas fixé d’attente. Il nous semble qu’il est de notre devoir de don­ner témoi­gnage de la foi catho­lique, de la défendre et de condam­ner les erreurs contraires, mais nous ne savons pas quel fruit sor­ti­ra de ces conver­sa­tions. Nous ne savons pas un peu, beau­coup ou tout à fait. Nous ne savons pas si à peine com­men­cées les conver­sa­tions vont s’interrompre ou si nous pour­rons les conti­nuer. Nous avons obli­ga­tion de les faire, c’est notre devoir, mais c’est Dieu qui donne des fruits. Rien, trente pour cent, soixante, cent pour cent ? Dieu seul le sait et y pour­voi­ra, mais pour Dieu rien n’est impossible.

Iesus Christus : En son temps, Monseigneur Lefebvre a consa­cré quatre évêques en invo­quant un état de néces­si­té. Il par­lait dans son ser­mon d’une « opé­ra­tion sur­vie » de l’Église [NDLR : Mgr Lefebvre par­lait de l’opération sur­vie de la Tradition] Depuis le Motu Proprio du 7 juillet 2007 qui auto­rise la messe tri­den­tine et le décret du 21 jan­vier 2009 sur les excom­mu­ni­ca­tions, cet état de néces­si­té existe-​t-​il toujours ?

Mgr de Galarreta : Oui. Ce ne sont pas quelques condam­na­tions injustes ni même – uni­que­ment – la dis­pa­ri­tion de la litur­gie tra­di­tion­nelle qui ont pro­vo­qué l’état de néces­si­té. Notre com­bat ne s’est pas ter­mi­né avec le Motu Proprio. L’état de néces­si­té pro­vient du chan­ge­ment de la foi, de l’introduction de doc­trines radi­ca­le­ment oppo­sées à la Tradition et à la foi catho­liques. En ce sens, le pro­blème conti­nue exac­te­ment comme avant et n’a pas chan­gé. S’il y a eu une amé­lio­ra­tion de l’attitude de l’Église offi­cielle à l’égard de la litur­gie tra­di­tion­nelle, il n’y a eu en aucun cas une réso­lu­tion du pro­blème doc­tri­nal de la messe. L’état de néces­si­té conti­nue exac­te­ment comme avant car la ques­tion de la foi demeure.

Iesus Christus : Quelles pers­pec­tives voyez-​vous pour la Fraternité Saint-​Pie X dans l’avenir ? Un accord avec Rome ? Une recon­nais­sance canonique ?

Mgr de Galarreta : Non, dans l’absolu, que ce soit à court terme ou à moyen terme. Nous excluons pré­ci­sé­ment cette pos­si­bi­li­té. Nous savons que tant qu’il n’y aura pas un retour de Rome à la Tradition, quelque accord pra­tique ou cano­nique que ce soit est incom­pa­tible avec la confes­sion et la défense publiques de la foi et signi­fie­rait notre mort. Dans le meilleur des cas, humai­ne­ment par­lant, nous en avons pour plu­sieurs années de discussions.

Iesus Christus : Monseigneur, vous venez d’être nom­mé visi­teur d’un sémi­naire qui compte 42 sémi­na­ristes et 6 pro­fes­seurs. Quelle dif­fé­rence y a‑t-​il entre la fonc­tion de visi­teur et celle de direc­teur ? Quel va être votre sou­ci, votre but comme visi­teur du séminaire ?

Mgr de Galarreta : En réa­li­té, ma fonc­tion spé­ci­fique est d’assurer une tran­si­tion tran­quille et paci­fique. J’ai la charge de direc­teur par inté­rim, sans ces­ser de rem­plir les fonc­tions habi­tuelles que j’ai, en alter­nant quelques séjours au sémi­naire avec des voyages pour admi­nis­trer les ordi­na­tions et les confir­ma­tions. Cette période de tran­si­tion peut être de six ou neuf mois en prin­cipe, mais nul ne sait… Je suis en Espagne depuis quinze ans et j’ai été nom­mé pro­vi­soi­re­ment pour un an. Grâce à Dieu, ce sémi­naire est très bien tenu, avec un corps pro­fes­so­ral expé­ri­men­té et excellent. Donc ma tâche consiste à conti­nuer l’excellent tra­vail qu’a fait mon pré­dé­ces­seur au sémi­naire, et résoudre tout sim­ple­ment les choses qui se pré­sen­te­ront ces pro­chains mois, en appor­tant, le cas échéant, quelques petites notes personnelles.

Iesus Christus : En quoi consiste la for­ma­tion du séminariste ?

Mgr de Galarreta : Ce sont essen­tiel­le­ment trois piliers : Tout d’abord, la for­ma­tion de la foi, doc­tri­nale, théo­lo­gique, qui se réa­lise à tra­vers les études de la phi­lo­so­phie, de la théo­lo­gie et de la sainte Écriture, en par­ti­cu­lier grâce à l’étude de saint Thomas d’Aquin, la grande lumière des études catho­liques. La seconde par­tie est la for­ma­tion – nous devrions dire à la pié­té – spé­cia­le­ment à tra­vers la litur­gie tra­di­tion­nelle et la par­ti­ci­pa­tion au Saint Sacrifice de la messe. Elle inclut aus­si la for­ma­tion à l’oraison per­son­nelle, pro­fonde, véri­table. En troi­sième lieu, le sémi­naire est une école de per­fec­tion, de sain­te­té. Là est l’essentiel. On recherche le pro­grès spi­ri­tuel par la pra­tique des ver­tus, en lut­tant contre les défauts que nous avons. Cette doc­trine, cette pié­té et ces ver­tus font pro­gres­ser jusqu’à la sain­te­té et l’union à Dieu.

Iesus Christus : Monseigneur, il y a une crise des voca­tions. Les sémi­naires offi­ciels ont peu de sémi­na­ristes, à la dif­fé­rence de votre sémi­naire. Comment expli­quer la quan­ti­té de voca­tions ici ?

Mgr de Galarreta : Il me semble que c’est le concept tra­di­tion­nel du sacer­doce qui les attire : le prêtre pour le sacri­fice de la messe, qui prêche la véri­té, qui sanc­ti­fie les âmes, qui est consa­cré pour éta­blir la pri­mau­té et la royau­té de Notre Seigneur Jésus Christ, tout en construi­sant l’Église. Consacrer sa vie à Dieu, aux âmes, grâce à toutes les richesses du sacer­doce catho­lique tra­di­tion­nel est sans un aucun doute un idéal attirant.

Iesus Christus : Voulez-​vous dire que Dieu appelle les hommes à son ser­vice autant qu’auparavant ?

Mgr de Galarreta : Il est dif­fi­cile de répondre à cette ques­tion. Je ne sais pas. Il se peut, que de la part de Dieu, du fait de l’abandon de Dieu, de l’apostasie, il y ait comme châ­ti­ment moins d’appelés. Je pense aus­si qu’il conti­nue à y avoir beau­coup de jeunes qui ont la voca­tion, mais que, par faute d’un véri­table idéal, en par­ti­cu­lier du fait des attraits du monde, ces dési­rs s’évanouissent. Parfois aus­si, la vie les a conduits vers cer­taines expé­riences qui empêchent la voca­tion ; il me semble que le pro­blème réside en par­tie dans le fait que les parents ne prennent pas suf­fi­sam­ment soin des âmes de leurs fils, en par­ti­cu­lier des ado­les­cents. Il y a un manque d’attention pour main­te­nir en eux les dési­rs et les apti­tudes néces­saires au sacer­doce et qui doivent déve­lop­per les ver­tus néces­saires afin de pour­suivre une voca­tion : géné­ro­si­té, sacri­fice, force, vigueur, décision.

Iesus Christus : En plus des six ans de sémi­naire, il y a « l’année d’humanités ». En quoi consiste cette année. Est-​ce un pré-​séminaire ? Une année de discernement ?

Mgr de Galarreta : En réa­li­té, c’est un peu les deux à la fois. C’est une année au cours de laquelle on donne à ceux qui ensuite n’entrent pas au sémi­naire une solide base d’études huma­nistes, qui com­plètent les énormes lacunes de l’éducation actuelle. D’un autre côté, pour beau­coup de ces jeunes, c’est une année au cours de laquelle, dans un contexte meilleur, ils peuvent trou­ver leur voca­tion et la voie qu’ils vont suivre dans la vie. C’est jus­te­ment une excel­lente idée de Monseigneur Williamson d’avoir éta­bli cette année, parce que cette dif­fi­cul­té pour décou­vrir et pour­suivre une voca­tion, dont nous par­lions, et même la per­sé­vé­rance dans la vie en tant que laïc, est en grande par­tie pal­liée par cette année d’humanités. Pour ceux qui vont conti­nuer le sémi­naire, c’est une excel­lente base. Et pour ceux qui se décident à pour­suivre leur vie dans le monde, elle leur donne une force qui leur garan­ti­ra la per­sé­vé­rance pour toute la vie.

Iesus Christus : Depuis plu­sieurs années, se déroulent les « Journées des Humanités » durant les vacances de juillet. Quel est le but de ces jour­nées ? Auront-​elles lieu cette année ? Sur quel thème ?

Mgr de Galarreta : Le but de ces jour­nées est, dans un temps plus court, d’étudier quelques thèmes-​clef du monde moderne auquel le catho­lique se trouve confron­té, de lui don­ner une for­ma­tion mais éga­le­ment un souffle pour per­sé­vé­rer dans ce com­bat. Cette année, elles se dérou­le­ront en juillet sur le thème de l’évolutionnisme. Nous ver­rons la par­tie scien­ti­fique de l’affaire, mais aus­si l’impact de l’évolutionnisme dans d’autres domaines : phi­lo­so­phie, théo­lo­gie, situa­tion actuelle de l’Église. D’autres thèmes vien­dront com­plé­ter tout cela : musique, art, lit­té­ra­ture… le tout étant évi­dem­ment adap­té au niveau des jeunes.

Iesus Christus : Une der­nière ques­tion. Dans cette ter­rible crise qui secoue l’Église quel conseil donneriez-​vous à nos fidèles ?

Mgr de Galarreta : Le conseil que j’aimerais sur­tout don­ner est de gar­der à l’esprit le fait que, dans cette crise pro­fonde, la fidé­li­té et la per­sé­vé­rance ne passent pas uni­que­ment par la foi, mais aus­si par le main­tien de l’espérance et de la cha­ri­té. Sans doute, notre devoir fon­da­men­tal est-​il d’être fidèle à la véri­té, à la foi, mais il est tout aus­si impor­tant de croire en cette véri­té, de la pro­fes­ser, de la défendre que de gar­der confiance et espé­rance en Notre Seigneur, qui est Dieu, de croire en la toute puis­sance de Notre Seigneur qui nous a dit : « N’ayez pas peur, j’ai vain­cu le monde » ou encore : « Rien n’est impos­sible à Dieu ».

De plus, si Notre Seigneur est la Vérité, il est aus­si la Charité. La grande révé­la­tion chré­tienne est celle de l’amour que Dieu a pour les hommes. La devise de notre fon­da­teur était Credidimus Caritati. « Nous avons cru en l’amour de Dieu pour nous ». Cela veut dire que nous devons main­te­nir l’amour envers Dieu et éga­le­ment main­te­nir l’amour entre nous. Le com­man­de­ment par excel­lence de Notre Seigneur est la cha­ri­té. Le com­man­de­ment nou­veau est que nous nous aimions comme Lui nous a aimés. J’ai tou­jours plai­sir à me rap­pe­ler la phrase de saint Augustin qui demande à Dieu d’adoucir son cœur, pour que l’amour de la véri­té ne lui fasse pas perdre la véri­té de l’amour. Je crois que la ten­ta­tion est grande pour ceux qui demeurent fidèles au milieu de l’agression constante du monde et par­fois même des membres de l’Église, de tom­ber dans le déses­poir et l’amertume.

Pour res­ter fidèles, nous devons gar­der toute la véri­té, mais en pre­nant bien garde à ce que cet amour de la véri­té ne nous fasse perde ni la véri­té de l’espérance – car Dieu triom­phe­ra – ni la véri­té de l’amour : Aimons-​nous les uns les autres, pour nous sou­te­nir mutuellement.

Extrait de Iesus , revue offi­cielle du dis­trict d’Amérique du Sud

FSSPX Premier assistant général

Mgr Alfonso de Galarreta, né en Espagne en 1957, a été sacré évêque auxi­liaire de la Fraternité Saint-​Pie X le 30 juin 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Ayant exer­cé de nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés notam­ment comme Supérieur du dis­trict d’Amérique du Sud et direc­teur du sémi­naire de La Reja, il est actuel­le­ment Premier Assistant du Supérieur géné­ral de la Fraternité.