Le courage du « mauvais élève »

Après avoir labou­ré, tra­vaillé la terre, semé, arro­sé, désher­bé, sar­clé, espé­ré, atten­du, nous voi­ci enfin arri­vés au temps la récolte.

Tous les pay­sans le savent : celui qui n’a rien fait ne peut rien récol­ter.

Mais l’in­verse n’est pas tou­jours vrai : il arrive que celui qui a beau­coup tra­vaillé récolte peu !

En agri­cul­ture, il y a des cir­cons­tances qui com­pliquent tout : telle terre n’est pas très bonne, telle semence non plus ; le temps n’a pas été favo­rable ; la mala­die s’y est mise ; les san­gliers sont pas­sés par là ; la grêle a tout abî­mé ; le gel tar­dif a brû­lé les jeunes pousses ; etc. Dans ce cas, le pay­san se lamente mais il a conscience nette : « J’ai fait ce que je devais faire ! » La Providence ne l’a­ban­don­ne­ra pas.

Il en est de même à la fin d’une année sco­laire. Certaines mois­sons intel­lec­tuelles sont mau­vaises, mais l’é­lève qui a réel­le­ment fait son devoir ne doit pas se décou­ra­ger. Plus que cela : ni ses parents ni ses pro­fes­seurs ne peuvent l’ac­ca­bler. Plus encore, il est très oppor­tun de le féliciter !

Car en effet, peu importe devant Dieu le nombre abso­lu de talents pré­sen­tés : si celui qui en a reçu cinq doit en gagner cinq autres et non pas un, celui qui en a reçu un seul doit en gagner un seul autre et non pas cinq.

C’est ce rap­port que l’on devrait consi­dé­rer à chaque fin d’an­née, de sorte que cer­tains élèves répu­tés bons auraient à rou­gir de leur paresse, et cer­tains autres répu­tés mau­vais à rou­gir fiè­re­ment de leur courage.

Abbé Guillaume d’Orsanne