Lettre aux mamans sur l’éducation n° 9

hère Madame,

Cette édu­ca­tion du cœur débute dans la famille ; elle est « l’œuvre » de la famille. A l’heure actuelle, beau­coup de parents comptent « trop » sur les écoles catho­liques pour accom­plir ce qu’ils n’ont pas su faire dès le plus jeune âge de leur enfant. Ce n’est pas ain­si qu’il y a lieu de conce­voir l’é­du­ca­tion. L’école conti­nue ce que les parents ont com­men­cé, et, en col­la­bo­ra­tion avec eux, dans les mêmes vues évo­quées précédemment.

Par le sacre­ment de mariage, les parents ont la grâce d’é­tat pour cette œuvre d’é­du­ca­tion. Savent-​ils y reve­nir pour béné­fi­cier de toutes les grâces ?

Ainsi, le prin­ci­pal agent de cette édu­ca­tion du cœur reste la famille. Elle a un rôle impor­tant dans toute cette édu­ca­tion, mais quand il s’a­git du cœur, ce rôle est pri­mor­dial et non exclu­sif, car, dans les bonnes écoles catho­liques, les prêtres ou reli­gieux (ses) pour­suivent cette for­ma­tion du cœur. Cependant, il faut que celle-​ci soit com­men­cée dès les pre­miers mois de la vie de l’en­fant. Il est dif­fi­cile de rat­tra­per, plus tard, ce qui n’a pas été fait dans la pre­mière enfance.

A quoi com­pa­rer la famille ? Elle est l’u­nique ter­rain où la jeune plante humaine puise des sucs à sa conve­nance. C’est dire com­bien il est impor­tant de pré­pa­rer ce ter­rain. Aujourd’hui, on remarque sou­vent que les plus graves dif­fi­cul­tés qui sur­viennent chez l’en­fant sont dans l’ordre du cœur. Cela vient de ce que l’en­fant ne se sent pas aimé, ou qu’il se sent incom­pris. La maman, de plus en plus pres­sée ou stres­sée par la vie moderne, ne prend pas assez le temps pour mani­fes­ter son amour véri­table vis-​à-​vis de son enfant, de chaque enfant en par­ti­cu­lier, sur­tout lors­qu’il y a plu­sieurs enfants et qu’ils se suivent de près. Cela demande du temps et il faut savoir le trou­ver. C’est capi­tal pour l’a­ve­nir de votre enfant. Cette mani­fes­ta­tion de l’a­mour peut pas­ser très faci­le­ment par le lan­gage des yeux ; c’est plus rapide et moins fati­guant que par la parole. J’ai remar­qué com­bien ce lan­gage par les yeux calme ou ras­sure l’en­fant selon le cas. Mais, il faut savoir soi-​même regar­der son enfant dans les yeux et prendre ce temps ! Car l’en­fant, pour apprendre à aimer, a besoin de cette cha­leur du cœur qui est l’a­mour. C’est aus­si vital que la nour­ri­ture pour le corps. Si l’en­fant ne voit pas ses parents s’ai­mer véri­ta­ble­ment et l’ai­mer (dans le sens expli­qué anté­rieu­re­ment), com­ment pourra-​t-​il lui-​même aimer ? L’enfant réflé­chit l’a­mour qu’il per­çoit chez l’a­dulte et, en pre­mier, chez sa mère. De là il pour­ra « sai­sir » l’a­mour de Dieu et pour­ra mon­ter direc­te­ment vers cet amour de Dieu.

Permettez-​moi de vous don­ner un exemple. J’ai tou­jours été frap­pée en lisant Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de cette puis­sance de l’a­mour en elle, déjà toute jeune. Cette puis­sance qui lui fai­sait dire plus tard : « Depuis l’âge de trois ans je n’ai jamais rien refu­sé au Bon Dieu ». Elle avait des défauts, comme tout enfant ; mais elle les a com­bat­tus très jeune (j’in­siste sur ce mot « très jeune »). Pourquoi ? Grâce à sa famille. Quel excellent ter­rain elle a eu, même en l’ab­sence de sa maman qu’elle per­dit à l’âge de quatre ans. Elle a très vite « com­pris » com­bien Dieu est Amour. Pourquoi ? L’exemple de son père était pour elle l’i­mage de l’a­mour de Dieu pour elle. Quelle puis­sance que l’exemple ! Elle a trans­po­sé dans l’a­mour du Père Eternel – « Notre Père qui êtes aux cieux » – cet amour de son père de la terre. Elle a su répondre par l’a­mour à son père qui lui pro­di­guait l’a­mour ; de même avec le Bon Dieu. Et cette petite graine qui a ger­mé dans sa toute petite enfance, au cœur de sa famille, entou­rée de ses sœurs qui, elles aus­si, véné­raient leur père (res­pect mutuel, amour réci­proque), a por­té les fruits que nous connais­sons tous : la sain­te­té et un modèle pour nous tous.

Chère Madame, ne crai­gnez pas de prendre pour modèle cette grande Sainte. Plus vous la connaî­trez, plus vous serez émer­veillée. Elle vous ensei­gne­ra com­ment incul­quer à votre enfant cette qua­li­té de l’en­fance, l’u­nique pas­se­port pour accé­der au Paradis. Nous avons tort de vou­loir que l’en­fant gran­disse vite. On forge alors en lui trop tôt cet esprit d’in­dé­pen­dance qui tue la confiance et l’a­mour, ain­si que le res­pect que l’en­fant doit à ses parents.

Les lettres de Madame Martin vous feront connaître toute la péda­go­gie de la maman de Sainte Thérèse. Elles vous mon­tre­ront com­bien cette maman était atten­tive à cha­cun de ses enfants et com­bien elle les connais­sait. Elle ne crai­gnait pas de dis­cer­ner, à côté des qua­li­tés de ses enfants, leurs défauts à cor­ri­ger. La lec­ture de ces lettres est d’un grand enseignement.

A côté de la famille, certes, l’école, les bonnes écoles catho­liques, est une grande aide, en conti­nuant l’œuvre com­men­cée dans la famille. C’est pour­quoi je me per­mets d’in­sis­ter sur le choix d’une bonne école catho­lique. L’enfant doit entendre le même son de cloche à l’é­cole et à la mai­son. Il est très impor­tant pour l’é­qui­libre de l’en­fant que l’au­to­ri­té soit UNE. Que le père ne cri­tique pas la maman devant l’en­fant quand elle le reprend, et réci­pro­que­ment. La même atti­tude est à suivre dans les rap­ports entre les parents et le pro­fes­seur de l’en­fant. Ceci est indis­pen­sable pour une bonne cohé­sion dans l’éducation.

Comment l’é­cole continue-​t-​elle l’é­du­ca­tion du cœur ? Les cama­rades sont de pré­cieux auxi­liaires pour cette for­ma­tion parce qu’ils sont « impi­toyables » aux diverses formes que prend l’é­goïsme. Rappelons-​nous le sort qui est réser­vé aux élèves qui trichent, mentent et sont insup­por­tables aux autres. Le maître et, ensuite, le pro­fes­seur, par leur impar­tia­li­té, redres­se­ront les habi­tudes égoïstes.

Enfin, une vie spi­ri­tuelle (entendons-​nous : le contact avec Dieu dans la prière et par le caté­chisme) com­men­cée très tôt faci­li­te­ra cette for­ma­tion du cœur. Voyez l’exemple pré­ci­té. Seule la reli­gion atteint le domaine secret de l’in­ten­tion, du désir ; seule elle accom­pagne tou­jours (« Dieu est par­tout, Il voit tout : tout ce que je fais, tout ce que je dis, tout ce que je pense »); seule la Providence juge tout à fait exac­te­ment et donne, au moment néces­saire, les grâces de lumière et de force pour connaître son devoir et pour l’accomplir.

Mais tous ces pré­cieux auxi­liaires, c’est à la famille de les uti­li­ser, de les appe­ler à son ser­vice, de les har­mo­ni­ser dans un effort réglé. C’est sur ce ter­rain que les parents n’ont pas le droit d’ab­di­quer. Si vous avez besoin d’être aidée – soit – mais vous ne sau­rez pas être rem­pla­cée : c’est impos­sible, même à l’école.

Si vous saviez, Chère Madame, quel magni­fique royaume à explo­rer, à munir de tout ce qui peut faire la rai­son de vivre, que le cœur d’un enfant. Quelle gran­deur que d’é­du­quer un enfant, de lui apprendre à se ser­vir de son cœur pour aimer Dieu et le pro­chain. Que c’est beau !

L’éducation du cœur débute de très bonne heure (je le réitère dès les pre­miers mois, car vous ne savez pas exac­te­ment à quel moment l’en­fant vous « sai­sit »), et conti­nue toujours.

Dans ce tra­vail, on peut dis­tin­guer deux efforts :
– l’un néga­tif qui consiste à enle­ver ce qui tue­rait le cœur, gêne­rait sa crois­sance ou la ren­drait défectueuse,
– l’autre posi­tif qui consiste à rem­plir le cœur ; le cœur plus que la nature a hor­reur du vide.

Ainsi, il faut com­battre l’é­goïsme, mais sur­tout mettre quelque chose à sa place, rem­plir le cœur. Mieux encore, il faut occu­per la place avant l’en­ne­mi et mettre l’é­goïsme, ou l’a­mour de soi dans l’im­pos­si­bi­li­té de naître, en peu­plant le cœur de belles et bonnes affec­tions, et sur­tout en fai­sant contrac­ter l’ha­bi­tude du dévoue­ment. Car l’en­fant est capable d’une grande géné­ro­si­té si la maman exploite davan­tage cette par­tie du cœur qui aime à se don­ner. Par là, vous appren­drez à votre enfant à obéir par amour en se dévouant au pro­chain « proche », (dans la famille d’a­bord) par amour pour Dieu et par amour de son pro­chain. Ceci com­mence à la maison.

(à suivre…)

Une Religieuse.

Conseil de lec­ture : « Correspondance fami­liale » (Zélie et Louis Martin) – édi­tions du Cerf.

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