Les lois de l’État et les lois de l’Église

Désormais la seule reli­gion qui ne sup­porte pas le blas­phème, c’est la laïcité.

Le Président de la République a pro­cla­mé, le 2 octobre, que « dans la République on ne doit jamais accep­ter que les lois de la reli­gion puissent être supé­rieures aux lois de la République ». « Renforcer la laï­ci­té et conso­li­der les prin­cipes répu­bli­cains » est son objec­tif. L’oracle de Jupiter est repris par tous les poli­tiques : le 3 novembre, un dépu­té dépo­sait une pro­po­si­tion de loi consti­tu­tion­nelle à l’Assemblée natio­nale « visant à consa­crer la pré­émi­nence consti­tu­tion­nelle de la laï­ci­té et à l’inscrire dans la devise natio­nale ». Il se jus­ti­fiait : « le légis­la­teur doit réaf­fir­mer solen­nel­le­ment, aux yeux du monde, que dans notre pays les lois de la République l’emportent sur les lois de la reli­gion, que la loi com­mune est supé­rieure aux convic­tions intimes de cha­cun. » La République est tou­jours héri­tière du codi­fi­ca­teur de la laï­ci­té en France, Aristide Briand, pro­cla­mant en 1905 : « La loi doit pro­té­ger la foi, aus­si long­temps que la foi ne pré­ten­dra pas dire la loi. »

Désormais la seule reli­gion qui ne sup­porte pas le blas­phème, c’est la laïcité. 

Ce fameux com­bat de 1905, la sépa­ra­tion vio­lente de l’Église et de l’État, conti­nue, mais feu­tré. Il avait fal­lu la force pour sor­tir les reli­gieux de leurs cou­vents, les prêtres de leurs paroisses et les évêques de leurs cathé­drales, mais aujourd’hui l’Église dite conci­liaire, imbue de libé­ra­lisme, a déjà presque tout per­du : sa foi plus sen­ti­men­tale que réelle est vai­ne­ment entre­te­nue par une litur­gie de la parole bien vide des dogmes essen­tiels à la vie surnaturelle. 

Une loi peut-​elle vrai­ment pré­tendre domi­ner la foi ? Certainement pas. À part la loi éter­nelle qui est Dieu lui-​même, toute autre est une ordi­na­tion de la rai­son, nor­ma­le­ment ordon­née au bien com­mun. La foi, elle, est une adhé­sion à Dieu lui-​même et tient de lui toute sa cer­ti­tude. Elle illu­mine notre intel­li­gence pour qu’elle puisse tra­cer la voie du Ciel. Bien que l’État soit une socié­té par­faite, le bien qu’il devrait pro­mou­voir reste natu­rel : c’est la ver­tu morale natu­relle des citoyens, l’unité, la paix, la tran­quilli­té de l’ordre dans la nation. La foi, prin­cipe de l’Église, socié­té visible et par­faite elle aus­si dans son ordre, a pour fin la vision faciale et sur­na­tu­relle de la Trinité. Cependant, la vie en socié­té est rame­née aujourd’hui à un contrat social consen­ti libre­ment, c’est vrai, mais par des sujets abê­tis par les médias et sur­tout abru­tis par la por­no­gra­phie, cette drogue gra­tuite pour tous, homme, femme, céli­ba­taire, marié, jeune ou adulte. Et comme la loi natu­relle est sys­té­ma­ti­que­ment bafouée, le bien com­mun l’est de moins en moins !

Saint Pie X s’écriait, effa­ré, en 1905 : « Qu’il faille sépa­rer l’État de l’Église, c’est une thèse abso­lu­ment fausse, une très per­ni­cieuse erreur. Basée, en effet, sur ce prin­cipe que l’État ne doit recon­naître aucun culte reli­gieux, elle est tout d’abord très gra­ve­ment inju­rieuse pour Dieu, car le créa­teur de l’homme est aus­si le fon­da­teur des socié­tés humaines et il les conserve dans l’existence… Enfin, cette thèse inflige de graves dom­mages à la socié­té civile elle-​même, car elle ne peut pas pros­pé­rer ni durer long­temps lorsqu’on n’y fait point sa place à la reli­gion, règle suprême et sou­ve­raine maî­tresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. »

L’ambitieux pro­jet des Buisson, Briand, Ferry, et de leurs sec­ta­teurs, de vou­loir ter­ras­ser l’Église réussirait-​il ? L’État pourrait- il alors étouf­fer L’Église ? Cette socié­té visible fon­dée par Notre-​Seigneur Jésus-​Christ pourrait-​elle dis­pa­raître ? Non. Nous le savons : elle est divine et elle per­dure dans l’espérance de la mani­fes­ta­tion gran­diose de son Époux, Jésus, Roi des siècles. Quelles que soient les ava­nies aux­quelles elle est sou­mise, l’Église catho­lique demeure, invin­cible, la seule arche du Salut en laquelle sont embar­qués les fidèles pour atteindre à la vie éternelle.

Et voi­là le rôle admi­rable du prêtre : tout res­tau­rer dans le Christ, par­tout et en tout temps. Comment se fait-​il que ce com­bat exal­tant ne sus­cite pas tant de voca­tions ? Courir dans la car­rière du Christ, comme dit Saint Paul, et contri­buer à res­tau­rer son Église devrait inci­ter une belle jeu­nesse à s’enrôler dans la voie royale du sacer­doce de Jésus-Christ.

Abbé Benoît de Jorna

Source : Editorial de la revue Fideliter n°257

Image : Collégiale Saint-​Pancrace, monu­ment gothique du XVIe siècle à Aups (Var), van­da­li­sé en 1905 lors de la loi de sépa­ra­tion de l’Eglise et de l’Etat par l’ap­po­si­tion de la devise répu­bli­caine « Liberté, éga­li­té et fraternité ».

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.