Lettre n°89 aux Amis et bienfaiteurs du District de France

Chers amis et bienfaiteurs, 

Une épi­dé­mie a frap­pé le monde. Parallèlement, des crimes sont com­mis dans notre pays, notam­ment contre des chré­tiens, par des assas­sins se reven­di­quant de l’islam. Il est fas­ci­nant de consta­ter les étranges réac­tions de la puis­sance publique devant ces deux faits. 

Commençons par l’épidémie. Le pre­mier point à noter est que tout a été sacri­fié à la san­té cor­po­relle. La reli­gion, la culture, l’amitié, la vie sociale, l’attention aux plus fra­giles, le contact avec la nature, même l’économie, tout peut dis­pa­raître, pour­vu que per­dure la vie de nos organes. Chose extra­or­di­naire : pen­dant trois mois, il n’était même plus per­mis de se marier (à la mai­rie), il n’était pas non plus per­mis de se pro­me­ner, seul, à la cam­pagne, si l’on était à plus d’un kilo­mètre de chez soi. La seule chose encore auto­ri­sée, c’était de tra­vailler (à dis­tance, bien iso­lé dans sa bulle) et de consom­mer. Mais pas n’importe quelle consom­ma­tion : il s’agissait de man­ger, de boire, de se laver, et c’était tout. Ah oui ! On pou­vait encore s’abrutir devant des écrans avec des nou­velles ter­ri­fiantes (le décompte quo­ti­dien des morts, pour apeu­rer le bon peuple), des films ou des séries télé­vi­sées ineptes, voire se cor­rompre par une ava­lanche de pornographie. 

Derrière ces choix gou­ver­ne­men­taux, dont l’unanimité mon­diale a quelque chose d’assez impres­sion­nant, on aper­çoit un féroce maté­ria­lisme : l’homme n’est rien d’autre que le pro­duit méca­nique et chi­mique d’une évo­lu­tion bio­lo­gique aveugle et sans but. Son des­tin est de jouir le plus et le plus long­temps pos­sible, avant de rejoindre le néant. Et comme cette pers­pec­tive de la mort serait dépri­mante, il vaut mieux la cacher : les enter­re­ments ont été, durant les der­niers mois, sinon inter­dits, du moins réduits à leur plus simple expres­sion. Rien d’autre que la vie bio­lo­gique n’a d’importance. Prendre un risque, même cal­cu­lé, même modé­ré, même jus­ti­fié, est deve­nu comme impos­sible, si cela met en dan­ger la pré­cieuse vie corporelle. 

Passons main­te­nant à ce que l’on nomme le « ter­ro­risme isla­mique ». Bien enten­du, ces assas­si­nats hor­ribles, épou­van­tables, sont à condam­ner sans réserve, qui que ce soit qu’ils frappent. Et il est évi­dem­ment néces­saire que, dans toute la mesure de ses moyens, la puis­sance publique pro­tège les hon­nêtes gens de ces crimes. Mais sur ce point, et sous-​jacent à la poli­tique menée par nos gou­ver­nants, on dis­tingue pour com­men­cer un refus du péché ori­gi­nel. Si l’homme est natu­rel­le­ment bon, com­ment se fait-​il que le mal existe, mal si bru­tal, si effrayant ? Mais si, au contraire, l’humanité est conta­mi­née par le mal, par le péché, dont la noir­ceur est sans limite, alors on ne peut être sur­pris de le voir sur­gir au milieu de nous. De plus, lorsqu’on croit au péché ori­gi­nel, on sait que la paix, la concorde, le res­pect, l’honnêteté, etc. sont des réa­li­tés fra­giles qui ne se main­tiennent que par la ver­tu, elle-​même repo­sant ulti­me­ment sur la grâce. Mais pré­ci­sé­ment, le sys­tème actuel refuse toute idée de ver­tu, et ne compte que sur les réa­li­tés maté­rielles et les appé­tits de jouis­sance comme rem­part contre le mal. 

Pourtant, comme le remar­quait Monseigneur Lefebvre, on ne peut mettre un poli­cier der­rière chaque citoyen, pour le sur­veiller ou le pro­té­ger. Et d’ailleurs, même dans ce cas ima­gi­naire, qui nous pro­té­ge­rait d’un poli­cier deve­nu méchant ? 

Face à ces crimes, quelles solu­tions sont pro­mues ? A prio­ri, on s’attendrait à un ren­for­ce­ment des moyens de la police, de la jus­tice, du ren­sei­gne­ment, etc. Certes, on prend quelques mesures en ce sens, mais elles sont bien limi­tées. En revanche, et de façon carac­té­ris­tique, on en pro­fite à chaque fois pour res­treindre la liber­té du bien, et notam­ment le peu de liber­té sco­laire qui nous reste. C’est ain­si que l’obligation de suivre à la lettre les pro­grammes sco­laires éta­tiques se fait de plus en plus lourde chaque année. C’est ain­si que les ins­pec­tions des écoles hors contrat deviennent de plus en plus fré­quentes, tatillonnes, et sou­vent odieuses et injustes. C’est ain­si que l’obligation sco­laire a été éten­due de l’âge de six ans à l’âge de trois ans. C’est ain­si qu’un pro­jet de loi envi­sage de sup­pri­mer le droit de faire l’école à la mai­son, etc. A la suite de ces mesures tou­jours plus contrai­gnantes et atten­ta­toires à la liber­té du bien, les crimes d’origine isla­mique ont-​ils dimi­nué ? Aucunement, et même au contraire. Il est d’ailleurs évident que ce n’est pas le fait qu’un enfant entre à la crèche à trois ans plu­tôt qu’à l’école pri­maire à six ans qui va réduire le nombre de can­di­dats aux atten­tats ter­ro­ristes. Il n’y a, bien sûr, aucun lien entre ces deux réa­li­tés. La véri­té, c’est que la puis­sance publique uti­lise la légi­time émo­tion sus­ci­tée par des crimes hor­ribles, la peur qui naît spon­ta­né­ment de ces méfaits, pour faire avan­cer son pro­jet tou­jours plus ter­ri­fiant de « tota­li­ta­risme laïc ». L’enfant doit être mode­lé, for­ma­té, façon­né selon les normes de la pen­sée unique, et spé­cia­le­ment en l’arrachant à toute croyance reli­gieuse, à toute foi surnaturelle.

Chers fidèles, vous le savez par votre propre expé­rience, la vie chré­tienne authen­tique devient chaque jour plus dif­fi­cile : une atmo­sphère délé­tère nous entoure, nous enva­hit, notam­ment par le biais d’écrans omni­pré­sents (et, à quelques égards, impos­sibles à ne pas uti­li­ser au moins quel­que­fois), nous dis­trait, nous trouble, nous tente, nous démo­ra­lise. Et, en même temps, des obs­tacles légaux, tech­niques, humains se pré­sentent devant nous d’une façon de plus en plus oppres­sante. Ainsi, au cours de cette année, et pour de bonnes rai­sons appa­rentes (la pro­tec­tion de la san­té), vous avez été empê­chés d’assister à la messe durant de très longues semaines, y com­pris durant le Carême, la Semaine sainte, le temps pas­cal, l’Avent. Nous-​mêmes, vos prêtres, avons de plus en plus de mal à vous faire pro­fi­ter de notre minis­tère sacer­do­tal, à prê­cher la véri­té, à vous aider dans l’éducation de vos enfants. Nous essayons de pro­fi­ter des der­niers lam­beaux de liber­té qui sub­sistent, mais ce n’est pas tou­jours facile. De nom­breux fidèles âgés qui se trou­vaient dans des Ehpad ont ain­si été pri­vés durant six mois cette année de la visite du prêtre, du récon­fort des sacre­ments, par­fois même d’un enter­re­ment reli­gieux, sans que le prêtre, impuis­sant, inter­dit de visite, puisse voler au secours de ces âmes souf­frantes et abandonnées. 

Chers fidèles, si nos liber­tés exté­rieures se réduisent comme peau de cha­grin, il nous reste tou­jours le témoi­gnage quo­ti­dien de la foi, de la fidé­li­té à Notre Seigneur Jésus-​Christ en cette époque de la « grande apos­ta­sie ». Lorsque le pro­phète Élie, décou­ra­gé, décla­ra au Seigneur : « Les enfants d’Israël ont aban­don­né votre Alliance, et je suis demeu­ré seul à brû­ler de zèle pour vous », Dieu lui répon­dit : « Tu n’es pas seul, car je me suis réser­vé sept mille hommes dans Israël qui n’ont pas flé­chi le genou devant Baal((1 R 19, 1–18)) ».

En ces temps appa­rem­ment apo­ca­lyp­tiques, quand l’humanité dans sa grande masse se détourne de Dieu, nous sommes appe­lés par grâce et sans mérite de notre part à ne pas flé­chir le genou devant les idoles men­son­gères de la moder­ni­té, mais à vivre, au contraire, des grandes réa­li­tés spi­ri­tuelles de la foi, de l’Église, de la litur­gie, en les rece­vant de la Tradition. Et pré­ci­sé­ment, si pour des rai­sons éven­tuel­le­ment bonnes (la san­té, la sécu­ri­té) ou mau­vaises (le « tota­li­ta­risme laïc »), on nous empêche ou on nous rend dif­fi­cile d’accéder aux biens spi­ri­tuels « de pre­mière néces­si­té », la messe, la litur­gie, les sacre­ments, la vie parois­siale, cela doit être pour cha­cun de nous une invi­ta­tion à y faire davan­tage atten­tion, à les esti­mer à leur juste prix d’éternité, et à en pro­fi­ter au maxi­mum lorsque nous avons la grâce de pou­voir y par­ti­ci­per. Les dif­fi­cul­tés que nous ren­con­trons sont une claire invi­ta­tion de la Providence à redou­bler de fer­veur et à tra­vailler à enra­ci­ner plus pro­fon­dé­ment notre vie chré­tienne. Depuis cin­quante ans, la Fraternité Saint-​Pie X, fidèle à l’héritage de Monseigneur Lefebvre, s’efforce de vous por­ter assis­tance en cette dif­fi­cile mais magni­fique fidé­li­té chré­tienne, par ses prêtres, ses reli­gieux, ses reli­gieuses, ses prieu­rés, ses cha­pelles, ses écoles. 

Que Notre-​Dame de Bourguillon, Gardienne de la Foi, qui fut invo­quée avec fer­veur au tout début de la Fraternité (le sanc­tuaire se trouve près de Fribourg, où étu­diaient en 1969–1970 les neuf pre­miers sémi­na­ristes qui consti­tuèrent l’ébauche de ce qui devait, le 1er novembre 1970, deve­nir la Fraternité Saint-​Pie X), que Notre-​Dame de Bourguillon nous garde tous dans une foi intègre jusqu’à la fin.

Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du dis­trict de France.

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.