13 mai 1917 – La première apparition de Notre Dame : La « Cova da Iria », lieu solitaire et désolé

Les trois appa­ri­tions de l’Ange, en 1916, pré­pa­rèrent admi­ra­ble­ment les âmes des trois pas­tou­reaux Lucie, François et Jacinthe aux appa­ri­tions de Notre Dame, qui eurent lieu l’année sui­vante, du 13 mai au 13 octobre, à deux endroits dif­fé­rents mais assez proches des appa­ri­tions angé­liques, toutes ces appa­ri­tions s’étant dérou­lées sur le ter­ri­toire de la paroisse de Fatima.

Cinq des six appa­ri­tions de Notre Dame, à l’exception de l’apparition d’août, se dérou­lèrent à deux kilo­mètres envi­ron du vil­lage natal des enfants, Aljustrel, en un lieu appe­lé par la popu­la­tion locale « Cova da Iria », ce qui signi­fie : cuvette d’Irène. Il s’agit en effet d’une vaste cuvette cir­cu­laire de près de 500 mètres de dia­mètre, sur la par­tie sud-​est du pla­teau où est situé la paroisse de Fatima.

« La Cova da Iria est de fait une vaste conque entou­rée de petites élé­va­tions ; le tout forme un magni­fique amphi­théâtre natu­rel capable de conte­nir des foules très nom­breuses. Depuis trois géné­ra­tions, la famille dos Santos [famille de Lucie] pos­sé­dait tout l’espace com­pris entre le fond de la cuvette et le som­met où a été construite la basi­lique de Notre Dame du Rosaire. Ce lieu était ombra­gé par des chênes verts. » [1]

La popu­la­tion locale lui avait don­né le nom d’Irène, en hom­mage à la grande vierge et mar­tyre chré­tienne de la région, Sainte Irène, qui vécut au VIIe siècle et « dont le corps fut ense­ve­li avec hon­neur à Scalabis, ville hono­rée plus tard du nom de la sainte », nous dit le mar­ty­ro­loge à la date du 20 octobre. Il s’agit de la ville de Santarém (contrac­tion de Santa Iria) qui est aujourd’hui le chef-​lieu du dis­trict admi­nis­tra­tif où est situé Fatima.

Peu après les appa­ri­tions de 1917, le jour­nal « O Mensageiro » don­na cette des­crip­tion de la Cova da Iria : « Le lieu appe­lé Cova da Iria est affreux… Assez aride, sans eau, la mon­tagne de Fatima ou de Reguengo n’a rien d’admirable : chê­naies, amon­cel­le­ments de rochers, pinèdes et, çà et là, lopin culti­vé. C’est une cuvette sans hori­zon lorsqu’on passe par la route qui va de Fatima à Ourem. Il y a une végé­ta­tion mon­ta­gnarde. » [2]

Comme pour Lourdes, Notre Dame choi­sit donc un lieu soli­taire, sans attrait, déso­lé et oublié des hommes, pour appa­raître à trois petits pas­tou­reaux illet­trés et leur déli­vrer là un mes­sage capi­tal des­ti­né à toute l’Eglise et à toute l’humanité. Ainsi se véri­fie une nou­velle fois la parole de Saint Paul, dans sa pre­mière Epître aux Corinthiens (I27-​29) : « Ce que le monde tient pour insen­sé, c’est ce que Dieu a choi­si pour confondre les sages ; et ce que le monde tient pour rien, c’est ce que Dieu a choi­si pour confondre les forts ; et Dieu a choi­si ce qui dans le monde est sans consi­dé­ra­tion et sans puis­sance, ce qui n’est rien, pour réduire au néant ce qui est, afin que nulle chair ne se glo­ri­fie devant Dieu. »

Il semble bien que ce lieu dit « Cova da Iria » ait atti­ré la pré­di­lec­tion de Dieu des siècles à l’avance, comme le laisse sup­po­ser l’émouvant témoi­gnage sui­vant, daté de 1989, tout à fait cré­dible et digne de foi, qui relate la pro­phé­tie d’un grand miracle en ce lieu par le bien­heu­reux Nuno Alvares Pereira, béa­ti­fié le 23 jan­vier 1918 par le pape Benoît XV, qui joua dans l’histoire du Portugal exac­te­ment le même rôle que notre Sainte Jeanne d’Arc dans notre his­toire de France :

« J’ai soixante ans puisque je suis née le 4 avril 1928. J’ai deman­dé au Sacré-​Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie de m’ai­der à rédi­ger ce que je vais racon­ter. Le jour de Noël, à la Messe de l’Aurore, quand j’ai reçu Notre Seigneur, je Lui ai deman­dé la lumière pour bien faire ma nar­ra­tion. (…) Bien que main­te­nant je vive à Parede [Nord du Portugal, région de Porto], je suis ori­gi­naire de la bour­gade de Vale Travesso, qui est située à cinq kilo­mètres de Vila Nova de Ourem et à treize kilo­mètres de la Cova da Iria.

Mon grand-​père s’ap­pe­lait Jacinto Cruz et il était labou­reur, homme plein de foi et très dévot. Il avait cinq filles – par­mi les­quelles ma mère qui s’ap­pe­lait Anna da Cruz – et un seul fils. Au temps des appa­ri­tions, mon oncle était à la guerre en France d’où il revint avec une par­faite san­té, émi­grant ensuite au Brésil. A cette époque, mon grand-​père était l’u­nique homme qui savait lire dans ce coin de terre. Un jour, je lui en ai deman­dé la raison :

- Quand tu seras plus grande, je te racon­te­rai une his­toire très belle, répondit-​il. Comme tu aimes Fatima, tu appré­cie­ras cette histoire ;
J’ai déjà fait la qua­trième classe, c’est pour­quoi tu pour­rais bien me racon­ter l’his­toire, répliquai-​je ;
Tu n’as que douze ans, c’est trop jeune pour com­prendre.

Quand j’eus quinze ans, il me dit :
Maintenant je deviens vieux et mon fils ne s’in­té­resse à rien de ce que je lui dis.

Il sor­tit alors d’un bahut plu­sieurs feuilles dures et un livre.
C’est pour savoir lire ce livre que toutes les per­sonnes de sexe mas­cu­lin de notre famille, depuis des siècles, apprennent à lire.

Les grandes feuilles étaient un genre de par­che­min en peau d’agneau, écrites avec du sang, comme le décla­ra mon grand-​père. Elles avaient beau­coup de vrillettes noires, mais les terres étaient mar­quées en rouge. J’ai appe­lé ces feuilles une carte ; mon grand-​père trou­va ce nom char­mant, mais il leur avait don­né un autre nom dont je ne me sou­viens plus. Là était mar­qué le che­min que par­cou­rut l’ar­mée du Saint Connétable [3], quand elle se ren­dit à la bataille d’Aljubarrota [4]: la ferme appe­lée dos Castelhinos, la ferme appe­lée Corredoura, le bourg d’Atouguia mar­qué avec une église, une tour et sept mou­lins, et Fatima avec une grande marque et deux mou­lins. En plus de ce guide, ou carte, il y avait un livre écrit à la main sur un papier très obs­cur, laid et vieux. C’était comme un cahier avec des cou­ver­tures de tis­su noir, cou­su au fil de pite, comme me l’ex­pli­qua mon grand-​père. L’écriture com­por­tait beau­coup de P et de H avec une cal­li­gra­phie très ancienne. Je ne pus rien lire.

Mon grand-​père me racon­ta que dans ce livre – que lui-​même com­pre­nait -, il était écrit que le 13 août 1385, alors que l’ar­mée por­tu­gaise pas­sait par Fatima, au lieu où main­te­nant se trouve la Cova da Iria, les che­vaux s’a­ge­nouillèrent. Le Saint Connétable annon­ça alors qu’il y aurait plus tard, en ce jour et en ce même lieu, un grand miracle. La bataille d’Aljubarrota se dérou­la le jour suivant.

C’est l’un de nos ancêtres, qui fai­sait par­tie de « A Ala dos Namorados » [5] de l’ar­mée, qui écri­vit à la main le livre qu’il a lais­sé à ses suc­ces­seurs. C’est pour savoir ce qu’il y avait écrit dedans qu’ap­pre­naient à lire – comme je l’ai déjà dit – les enfants mâles de la famille.

Mon grand-​père mou­rut alors que j’a­vais seize ans.

Un jour, ma mère est arri­vée à la mai­son très acca­blée parce que ma grand-​mère avait allu­mé le feu avec le par­che­min et ces vieux papiers que mon grand-​père gar­dait dans le bahut et qui étaient pas­sés de père en fils depuis des siècles. Alors, comme il y avait déjà eu le miracle à la Cova da Iria, et qu’eux-​mêmes l’a­vaient vu, ma grand-​mère décla­ra que cela ne valait pas la peine de gar­der plus long­temps ces vieilles feuilles. J’y suis alors allée pour voir si on pou­vait sau­ver quelque chose mais tout était brû­lé. Aujourd’hui, j’ai beau­coup de peine de ce qui est arri­vé mais il n’y a pas de remède. » [6]

Abbé Fabrice Delestre, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Suites des apparitions

Apparition du 13 juin 1917 : Le Cœur Immaculé de Marie

Notes de bas de page
  1. F. Carret-​Petit : « Le Lourdes por­tu­gais : Notre Dame du Rosaire de Fatima », Bonne Presse, Paris, 1943, 205 pages ; page 13.[]
  2. Cité par Frère François de Marie des Anges : Fatima, joie intime, évé­ne­ment mon­dial, CRC, Saint Parres lès Laudes, France, 2ème édi­tion, 1993, 455 pages, en note 3 de la page 41. bataille d’Aljubarrota 14 août 1385[]
  3. Nom com­mu­né­ment don­né au Portugal au Bienheureux Nuno Álvares Pereira.[]
  4. Cette bataille d’Aljubarrota eut lieu le 14 août 1385 contre l’armée plus puis­sante du roi de Castille. La vic­toire de l’armée du Bienheureux Nuno assu­ra pour deux siècles l’indépendance du Portugal et conso­li­da la nou­velle dynas­tie d’Avis à la tête du pays[]
  5. Littéralement : Bataillon des Amoureux[]
  6. Témoignage paru dans la revue men­suelle por­tu­gaise Cruzada, numé­ro de février 1989, pages 41–42, avec ces indi­ca­tions : Parede, Portugal, M.I.C.N.[]