20 août 1914

Vie de Saint Pie X

Giuseppe Sarto, né le 2 juin 1835

Giuseppe Sarto, plus connu sous le nom de Pape Pie X, naquit le 2 juin 1835 à Riese, une bour­gade de 4 500 habi­tants, dont ses parents, Jean Baptiste Sarto et Marguerite Sanson, contrac­tèrent mariage le 13 février 1833 à l’é­glise parois­siale Saint-​Mathieu. C’est jus­te­ment là que fut bap­ti­sé le petit Joseph, le len­de­main de sa venue au monde.

Issu d’une famille modeste, Jean Baptiste exer­çait l’emploi d’huis­sier muni­ci­pal ; quant à Marguerite, elle était cou­tu­rière de cam­pagne. De leur union naquirent dix enfants : Joseph, Guiseppe (Joseph), Ange, Thérèse, Rose, Antonia, Marie, Lucie, Anne, et Pierre ; mais le pre­mier et le der­nier des gar­çons (Joseph et Pierre), à peine nés s’en­vo­lèrent au Paradis. Voilà pour­quoi le second enfant fut bap­ti­sé Giuseppe (Joseph).

Comme dans toutes les modestes familles nom­breuses, la famille Sarto devait faire atten­tion, car les reve­nus étaient faibles, mais tous se rési­gnaient à la volon­té du Seigneur, contents de la table qu’il leur ser­vait chaque jour. Epouse et mère exem­plaire, Marguerite s’ef­for­çait d’in­cul­quer à ses enfants les ver­tus chré­tiennes qu’elle avait elle même héri­té de ses parents.

C’est dans cet esprit que le petit Joseph gran­dis­sait. Souvent, il allait prier au sanc­tuaire de Cendrole, à un kilo­mètre de Riese, car déjà très jeune il avait une dévo­tion toute spé­ciale pour la Sainte Vierge. Jamais il ne man­quait le caté­chisme ni man­quait à la Messe. C’était pour lui une joie d’as­sis­ter aux offices et ser­vir à l’au­tel comme enfant de chœur. À la mai­son, il se plai­sait à construire avec ses frères de petits autels, où, avec une sim­pli­ci­té enfan­tine, il s’exer­çait aux céré­mo­nies de l’é­glise. Ces actes de pié­té naïve dépo­saient en son cœur les pre­miers germes de cette voca­tion qui un jour devait faire de lui le saint Pape que nous connaissons.

Ce goût pro­non­cé pour le caté­chisme et la Messe ne man­qua pas d’at­ti­rer l’at­ten­tion de Don Fusarini, le curé qui l’a­vait bap­ti­sé. Quand il eut ter­mi­né, avec suc­cès, ses études élé­men­taires, il apprit le latin et fré­quen­ta comme externe, de 1846 à 1850, le col­lège de Castelfranco (à 7 km de Riese) pour des études secon­daires. Sur ces entre­faites, Joseph Sarto reçut la Confirmation le 1er décembre 1845 dans la cathé­drale d’Asolo, et la pre­mière Communion le 6 avril 1847.

Été comme hiver, il par­cou­rait à pied deux fois par jour la route qui le condui­sait de chez lui au col­lège, avec un mor­ceau de pain dans la poche pour son repas. Excellent élève, il était tou­jours le pre­mier. Après un brillant suc­cès aux exa­mens, le jeune gar­çon vou­lait entrer au Séminaire car il se sen­tait appe­lé par le sacer­doce. Ses parents n’é­taient pas en état de faire des frais pour payer les études de leur fils. Les maigres reve­nus de ses parents suf­fi­saient à peine à faire vivre la nom­breuse famille, et il était impos­sible de s’en­ga­ger dans des frais supplémentaires.

Les prières et la confiance en la Divine pro­vi­dence appor­ta conso­la­tion à la famille : Le patriarche de Venise dis­po­sait de plu­sieurs bourses d’é­tudes pour le sémi­naire de Padoue, en faveur des jeunes gens qui sou­hai­taient aspi­rer au sacer­doce. Le car­di­nal Jacopo Monico, ori­gi­naire de Riese, fut infor­mé par un curé du cas dif­fi­cile de la famille Sarto, et très volon­tiers on lui attri­bua l’une de ces bourses.

Du séminaire de Padoue à la cure de Salzano

Le jeune Joseph entra au sémi­naire à l’au­tomne de 1850 où il y res­ta pen­dant huit ans. Ses supé­rieurs avaient gar­dé de lui un très bon sou­ve­nir. Il devint bien vite pour ses condis­ciples un modèle d’hu­mi­li­té et de sim­pli­ci­té ; ver­tus qu’il sut tou­jours allier à une grande fer­me­té de carac­tère. Maîtres et élèves appré­ciaient son intel­li­gence, mais lui n’en tirait point vani­té, ni ne cher­chait point à paraître.

A Riese, tout le monde connais­sait la situa­tion très modeste de la famille Sarto. Bien que reçu gra­tui­te­ment au Séminaire pour ce qui regarde la pen­sion, les parents devaient faire face aux frais d’ha­bille­ment, aux achats de livres et tout ce qu’il faut à un élève de Grand Séminaire. Quelques familles, qui esti­maient et aimaient le jeune Sarto lui four­nis­saient un peu d’argent pour ces dépenses.

Le 4 mai 1852 un grand mal­heur vint trou­bler la joie de Joseph Sarto : la mort de son père, qui du coup plon­gea la famille dans une situa­tion éco­no­mique plus que dra­ma­tique. En cette dou­lou­reuse cir­cons­tance, Don Fusarini, archi­prêtre, fut vrai­ment son ange conso­la­teur : il assu­ra à son père mou­rant qu’il conti­nue­rait à aider son fils Joseph dans ses études et ne ces­se­rait de sou­la­ger les misères de la famille. Ainsi, le jeune sémi­na­riste se remit entre les mains de Dieu et se rési­gna à Sa volon­té divine en esprit de sacrifice.

Son atten­tion était aus­si tour­né à la musique et au chant d’é­glise, si bien que ses supé­rieurs firent de lui le maître de cha­pelle du Séminaire. À la fin de l’an­née sco­laire 1857–58, Joseph Sarto ter­mi­na ses brillantes études.

Le 18 sep­tembre 1858 il fut ordon­né prêtre. L’ordination se fit à la cathé­drale de Castelfranco, et le len­de­main, assis­té par le curé de Riese, il put chan­ter avec une grande dévo­tion se pre­mière Messe là même où il fut bap­ti­sé. Peu après il fut nom­mé vicaire à Tombolo.

Au mois de mai 1867, alors âgé de 32 ans, il fut nom­mé archi­prêtre de Salzano où il res­te­ra pen­dant neuf ans. Ses reve­nus étaient un peu plus impor­tant ici, mais ils ser­vaient aux pauvres et aux malades. Il pen­sait à tous, excep­té à lui-​même, heu­reux seule­ment quand il pou­vait faire du bien au prochain.

En neuf ans, il avait gagné les cœurs des parois­siens par sa parole, par ses actes et l’exemple d’une vie sainte.

De chanoine et évêque de Trévise au cardinalat et au patriarchat de Venise

Trévise est situé à trente kilo­mètres de Venise. En 1875, trois stalles de cha­noines se trou­vèrent vacantes à la cathé­drale de Trévise. L’Èvêque son­gea donc à l’ar­chi­prêtre Sarto, dont il appré­ciait les émi­nentes qua­li­tés d’es­prit et de cœur. En appre­nant que L’Èvêque vou­lait le nom­mer cha­noine, il deman­da à être ; dis­pen­sé de cette charge, mais en vain. C’est donc le 21 juillet 1875 qu’il se ren­dit à la cathé­drale de Trévise pour prendre pos­ses­sion de son canonicat.

Quand il entra en fonc­tion comme Directeur spi­ri­tuel, le Séminaire comp­tait deux cent trente élèves, dont soixante-​dix clercs.

A Trévise aus­si Mgr. Sarto dis­tri­buait en aumônes une bonne par­tie des ses reve­nus. Il vou­lait que per­sonne ne le sût, selon le mot de l’Évangile : « Que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite » (Matthieu 6, 3) ; mais il avait beau agir dans le secret, on sut bien­tôt qu’il venait en aide aux sémi­na­ristes pauvres, qu’il payait aux uns la sou­tane, aux autres le cha­peau, à beau­coup les livres…

Autant il était cha­ri­table pour les autres, autant par contre il était sévère pour lui-​même : il se sou­ciait peu de ses vête­ments ou de ses chaus­sures. Quel bel exemple de cha­ri­té pour son pro­chain… ! Après la mort de Mgr Zinelli, sur­ve­nu le 24 novembre 1879, il eut la charge de gou­ver­ner le dio­cèse de Trévise du 27 novembre 1879 au 23 juin 1880. Ce peu de temps lui suf­fit pour faire beau­coup : Il prê­chait plus qu’à l’or­di­naire, redres­sait les mau­vaises habi­tudes, intro­dui­sait les réformes que les consti­tu­tions Apostoliques per­mettent aux vicaires capi­tu­laires ; mais son plus grand sou­ci était que le peuple fût ins­truit de la reli­gion, les enfants caté­chi­sés et pré­pa­rés avec soin à la pre­mière Communion.

Les mul­tiples mérites de cet homme de Dieu, ses ver­tus remar­quables, sa sain­te­té de vie, son zèle pour le salut des âmes, sa com­pé­tence à gou­ver­ner le dio­cèse de Trévise étaient choses bien connues du Pape Léon XIII, qui, vou­lant lui témoi­gner sa confiance, le nom­ma dans le Consistoire du 10 novembre 1884, à l’é­vê­ché de Mantoue.

L’humble Joseph Sarto, loin de s’en réjouir, regar­da cette nomi­na­tion comme un mal­heur et écri­vit même au Vatican pour la faire révo­quer, se décla­rant indigne d’un tel hon­neur et inca­pable de por­ter ce far­deau ; mais sa demande fut reje­tée. Il par­tit donc pour Rome, où, le dimanche 16 novembre 1884, jour dédié au patro­nage de Marie la Vierge Immaculée pro­tec­trice de Mantoue, il fut sacré évêque dans l’Eglise de St. Apollinaire.

Le 25 février 1885, Mgr Sarto obtint l’exe­qua­tur à la Bulle pon­ti­fi­cale qui le nom­mait à l’é­vê­ché de Mantoue ; et c’est le 18 avril 1885 qu’il fit son entrée solen­nelle dans cette ville sous les applau­dis­se­ments de la foule joyeuse et au son des cloches de la citée.

Pour les hommes des­ti­né à de grandes choses, les voies de la Providence sont sou­vent mys­té­rieuses. Mgr Sarto dut faire face à beau­coup de dif­fi­cul­tés ; sa nou­velle fonc­tion se pré­sen­tant toute héris­sée d’é­pines : nom­breuses étaient les réformes à faire ; mais avec une inal­té­rable confiance en Dieu, il se mit au travail.

Il s’oc­cu­pa d’a­bord du cler­gé : afin de relan­cer les voca­tions, il deman­da que cha­cun selon son pou­voir vînt en aide aux sémi­na­ristes, de qui dépen­dait tout espoir d’un ave­nir meilleur pour le dio­cèse. Le résul­tat fut posi­tif car le nombre des clercs s’é­le­va à 147.

Mgr Sarto eut par­ti­cu­liè­re­ment à cœur de for­mer les sémi­na­ristes à l’es­prit sacer­do­tal, au zèle pour le salut des âmes jus­qu’au sacri­fice de soi-​même. Pour chaque jeune homme qui sou­hai­tait entrer au sémi­naire, il vou­lait savoir si celui-​ci avait la voca­tion, s’il était pieux, s’il fré­quen­tait les sacre­ments, s’il priait… Bref, il sou­hai­tait de vrais futurs prêtres pour l’Eglise.

Face au lais­sé aller qu’il y avait déjà à cette époque là dans cer­taines paroisses, il déci­da la tenue d’un Synode dio­cé­sain au terme duquel on y édi­ta cer­taines pres­crip­tions rela­tives à l’ins­truc­tion reli­gieuse du peuple :

  • Explication, chaque dimanche, de l’Evangile ;
  • Mieux pré­pa­rer les enfants à la pre­mière Communion ;
  • Création de cercles et asso­cia­tions catho­liques de jeunes gens, pour les tenir éloi­gnés des dangers ;
  • Réorganisation des confréries.

On peut consi­dé­rer ce Synode comme le point de départ de la res­tau­ra­tion morale et reli­gieuse de tout le dio­cèse de Mantoue.

Suite au décès, à, du Cardinal Patriarche de Venise Dominique Agostini, le Pape Léon XIII nom­mait, le 12 juin 1892, Joseph Sarto pour lui suc­cé­der. Une fois de plus, il deman­da à être dis­pen­sé de ces fonc­tions, mais en vain, et se sou­mit à la volon­té de Dieu.

En octobre de cette année là, il alla revoir sa mère bien-​aimée et sa ville natale et bap­ti­sa grand nombre d’en­fants. Hélas, ce fut la der­nière fois qu’il embras­sa sa chère maman : celle-​ci ren­dit sa belle âme à Dieu en février de l’an­née sui­vante. La perte de sa mère lui cau­sa une grande douleur.

Le 25 novembre 1894, il offi­cia pon­ti­fi­ca­le­ment pour la pre­mière fois dans la Basilique Saint-​Marc, à Venise. Le nou­veau Patriarche rece­vait chaque jour qui­conque avait besoin de lui et admi­nis­trait le sacre­ment de Confirmation. Né pauvre lui-​même, il vécut tou­jours pauvre d’es­prit, plein de pitié pour les souf­frances des mal­heu­reux ; aus­si était-​il tou­jours prêt à secou­rir ceux d’entre eux qui s’a­dres­saient à lui. On peut dire que per­sonne ne frap­pa vai­ne­ment à sa porte sans avoir été secouru.

Souvent, il visi­tait les hôpi­taux, les hos­pices d’a­lié­nés et les pri­sons. Le zèle et l’ac­ti­vi­té du Cardinal Sarto n’a­vaient pas de bornes quand il s’a­gis­sait de sou­la­ger les misères humaines de toutes sortes.

Les armoi­ries de Mgr. Sarto furent d’a­bord : « d’a­zur à l’ancre tri­den­tée d’argent au natu­rel au des­sus d’une mer agi­tée, illu­mi­née d’une étoile d’or ».

Les trois branches de l’ancre sym­bo­li­saient la foi, la cha­ri­té et l’es­pé­rance ; « que nous rete­nons pour notre âme comme une ancre sûre et ferme » (Hebr. VI-​19) ; l’é­toile rap­pe­lait Marie, Etoile de la mer ; Devenu patriarche de Venise, il ajou­ta à ses armoi­ries le lion ailé tenant l’Evangile, qui repré­sente l’é­van­gé­liste saint Marc, patron prin­ci­pal de l’au­guste cité, avec ces mots : « Pax tibi Marce evan­ge­lis­ta meus ! » ; Devenu Pape, Sa Sainteté Pie X a conser­vé le lion dans ses armes, y ajou­tant seule­ment les insignes du Souverain Pontificat.

Election au souverain pontificat

Le 20 juillet 1903, Léon XIII ren­dit son âme à Dieu. Quelques jours plus tard, le 26, le car­di­nal Sarto quit­tait Venise pour se rendre au Conclave. Les 64 car­di­naux élec­teurs sont qua­si­ment tous pré­sents à Rome pour l’inhumation du pape Léon XIII , qui a lieu le same­di 25 juillet 1903 dans la basi­lique du Latran.

Ils se ras­semblent chaque jour en congré­ga­tions, sous l’autorité du car­di­nal Louis Oreglia di San Stefano, évêque d’Ostrie et Velietri, doyen du Sacré Collège et Camerlingue. La date d’entrée en Conclave a été fixée au ven­dre­di 31 juillet à 17h00.

Depuis la mort de Léon XIII, les pro­nos­tics vont bon train dans les milieux jour­na­lis­tiques, diplo­ma­tiques et ecclé­siaux. Sur les 62 car­di­naux fina­le­ment pré­sents , 58 appar­tiennent aux grandes puis­sances euro­péennes de l’époque (Italie, France, Autriche-​Hongrie, Allemagne, Espagne). Les « papa­bile » les plus sou­vent cités sont :

  • le car­di­nal Mariano Rampolla, ex-​Secrétaire d’Etat du feu pape, archi-​favori, sou­te­nu notam­ment par les « par­tis » fran­çais, espa­gnol, et russe ;
  • le car­di­nal Girolamo Gotti, ex-​préfet de la Congrégation de la Propagande (mis­sions), carme, sou­te­nu prin­ci­pa­le­ment par les par­tis alle­mand et autrichien ;
  • le car­di­nal Serafino Vanutelli, ex-​Grand Pénitencier, qui a éga­le­ment les faveurs des par­tis ger­ma­niques ; mais il a un frère éga­le­ment car­di­nal, Vincenzo, ce qui fait craindre un pon­ti­fi­cat « népotique » ;
  • le car­di­nal Giuseppe Sarto, patriarche de Venise, qui n’est certes pas dans les grands favo­ris, mais qui est une per­son­na­li­té très popu­laire en Italie et dans l’Eglise de la Péninsule.

Ce ven­dre­di 31 juillet donc, à 17h00, la pro­ces­sion solen­nelle des car­di­naux se forme pour entrer dans la cha­pelle Sixtine. Chaque car­di­nal n’a le droit qu’à deux accom­pa­gna­teurs. Le car­di­nal Sarto a choi­si son secré­taire, Monsignor Giovanni Bressan, comme « concla­viste »] , et le comte Stanislao Muccioli comme accom­pa­gna­teur « garde noble ». Sur chaque côté de la cha­pelle ont été ins­tal­lées les stalles des car­di­naux. Chaque siège est sur­mon­té d’un bal­da­quin. Lorsque le nou­veau Pape aura accep­té le choix des urnes, tous les bal­da­quins seront abais­sés sauf celui de l’élu.

Le conclave fonc­tion­ne­ra sous la maî­tise d’œuvre du car­di­nal Oreglia, Doyen, assis­té d’un secré­taire du conclave, Monseigneur Rafaël Merry del Val, arche­vêque métro­po­li­tain in par­ti­bus de Nicée, pré­sident de l’Académie des Nobles Ecclésisatiques , d’un Gouverneur du Conclave, Monseigneur Cagiado de Azevedo, et d’un Maréchal du Conclave, le prince Mario Chigi.

Après la céré­mo­nie de pres­ta­tion indi­vi­duelle du ser­ment d’entrée en Conclave, les car­di­naux gagnent leurs cel­lules, la chambre n° 57 au troi­sème étage du palais pour le car­di­nal Sarto, puis se retrouvent pour un temps de prières. Puis, il est 20 H 00, les céré­mo­niaires par­courent les cou­loirs pour crier le troi­sième extra omnes (Tous dehors) tan­dis que le car­di­nal Oriegla et ses assis­tants véri­fientque toutes les portes sont fer­mées et que toutes les ouver­tures sont murées.

Les car­di­naux sont désor­mais seuls avec le Saint-​Esprit pour élire le suc­ces­seur de Pierre.

Depuis qu’il est prêtre, et peut-​être même depuis le sémi­naire, le car­di­nal Giuseppe Sarto ne dort que 4 à 5 heures par nuit. Alors que veut-​il dire lorsqu’au matin de ce same­di 1er août 1903, après sa pre­mière nuit dans sa cel­lule du Conclave, il confie à son secré­taire, Mgr Bressan, qu’il n’a pas pu trou­ver le som­meil et qu’il a pas­sé une grande par­tie de la nuit en prières ?

Au matin, après avoir pro­cé­dé à leur toi­lette et pris leur petit-​déjeuner, éven­tuel­le­ment avec domes­tiques et bar­bier sous l’autorité de leur garde-​noble , les car­di­naux se retrouvent en la cha­pelle Sixtine pour assis­ter « en com­mu­nion » à une messe célé­brée par le car­di­nal Doyen et com­mu­nient de sa main.

Débutent ensuite les tra­vaux du pre­mier vote . Le car­di­nal Sarto est assis dans sa stalle ; à côté de lui, à gauche, selon l’ordre pro­to­co­laire, le car­di­nal Angelo di Pietro, ex-​préfet de la Congrégation du Concile ; et à sa droite, le car­di­nal Domenico Stampa, arche­vêque de Bologne.

Il rem­plit soi­gneu­se­ment le bul­le­tin de vote de 15 cm sur 12 cm sur lequel figure son chiffre et sa devise (Instaurare omnia in Christo). De sa belle écri­ture, il ins­crit le nom de celui pour lequel il se pro­nonce, puis il signe à l’emplacement indi­qué, et rabat les volets de son iden­ti­fi­ca­tion, ne lais­sant appa­raître que le nom choisi.

Son tour venu, le car­di­nal Sarto se lève et se dirige vers l’autel situé au fond de la cha­pelle Sixtine, sous la fresque monu­men­tale du « Jugement der­nier » de Michel-​Ange. Devant l’autel, qui porte un cru­ci­fix, il pro­nonce le ser­ment préa­lable au vote, puis dépose son bul­le­tin sur la patène d’un grand calice, le fait glis­ser dans le calice, repose la patène sur le vase sacré et regagne sa place dans les stalles.

Dehors, devant la basi­lique Saint-​Pierre, la foule s’est mas­sée qui scrute avec atten­tion et impa­tience le maigre tuyau de la che­mi­née du poêle de la cha­pelle Sixtine. Mais on sait bien, en fait, qu’il est fort impro­bable que le Pape soit élu dès ce pre­mier jour de scru­tin. En fin de mati­née, vers 11 H 30, quelques flo­cons de fumée appa­raissent qui deviennent vite une épaisse fumée sombre. « Sfumata nera » : aucun des car­di­naux n’a obte­nu les deux tiers des voix néces­saires à son élec­tion. En fin d’après-midi, c’est encore de la fumée sombre qui s’échappe de la cheminée.

Les scru­tins de la jour­née sont conformes à la liste des « papa­bile », sauf en ce qui concerne le car­di­nal Serafino Vanutelli qui n’obtient pas un score signi­fi­ca­tif. Ces résul­tats font dire au car­di­nal Sarto, s’adressant en latin sous forme de bou­tade au car­di­nal Lecot, arche­vêque de Bordeaux, « Ils veulent s’amuser avec mon nom ! ». Mais, à nou­veau, le doigt de Dieu était poin­té sur le fils de pay­san de Riese, celui que beau­coup, à com­men­cer par lui-​même, dési­gnaient comme un « simple curé de campagne ».

Ce dimanche 2 août 1903, la mati­née s’est bien pas­sée, mais le vote n’est tou­jours pas concluant. Le car­di­nal Rampolla fait le même score que la veille, 29 voix, mais le car­di­nal Gotti baisse for­te­ment (9 voix) au pro­fit du car­di­nal Sarto qui tota­lise désor­mais 21 voix. Dans l’après-midi, pre­mier coup de ton­nerre sur le Conclave : le car­di­nal Puzyna Kniaz de Kozielsko, prince-​archevêque de Cracovie en Pologne, alors sous domi­na­tion autri­chienne, lut une décla­ra­tion de l’empereur d’Autriche et roi de Hongrie François-​Joseph pro­non­çant un « veto d’exclusion » contre le car­di­nal Rampolla. Le car­di­nal Rampolla s’était levé et avait cal­me­ment répli­qué qu’au nom des prin­cipes il pro­tes­tait « contre l’atteinte faite à la liber­té et à la digni­té du Sacré Collège » et main­te­nait donc sa can­di­da­ture. Mais en ce qui le concer­nait per­son­nel­le­ment « rien ne pou­vait m’arriver de plus agréable et de plus hono­rable ».

Le car­di­nal Oreglia, Doyen, fit éga­le­ment une décla­ra­tion de pro­tes­ta­tion solen­nelle contre cette inter­ven­tion poli­tique et affir­ma que le Conclave enten­dait gar­der sa pleine liber­té. Cela fut confir­mé par le second vote du jour, auquel le car­di­nal Rampolla obtint 30 voix, soit une de plus que le matin. Le car­di­nal Gotti n’en avait plus que 3, et le car­di­nal Sarto 24 voix, pro­gres­sant encore.

Mais ce sur­saut du car­di­nal Rampolla n’était qu’un trompe‑l’oeil, et tous le savaient. Il n’était mal­heu­reu­se­ment pas envi­sa­geable d’élire un pape qui ne serait pas recon­nu par l’empire austro-​hongrois, d’autant que le car­di­nal Rampolla ne pro­gres­sait plus en voix et que ses « oppo­sants » étaient somme toute nom­breux et déter­mi­nés. La solu­tion, évi­dente pour une grande par­tie des car­di­naux, était donc de repor­ter les voix sur le car­di­nal Sarto ; il appa­rais­sait aux uns et aux autres, pour des rai­sons sou­vent dif­fé­rentes, comme le plus adé­quat ; il était déjà en deuxième posi­tion et son cha­risme et sa bon­ho­mie en avaient séduits plus d’un depuis le début des congré­ga­tions .Mais l’intéressé n’était pas de cet avis. Au fur et à mesure des scru­tins, son angoisse gran­dis­sait, et sa très grande émo­ti­vi­té crai­gnait au plus haut point ce que sa brillante intel­li­gence lui indi­quait : ce serait lui. Ce même soir du dimanche 2 août, après le dépouille­ment du qua­trième scru­tin, un second coup de ton­nerre s’abat sur la Sixtine. Le car­di­nal Sarto déclare « qu’il n’était pas fait pour la papau­té, que l’on avait mani­fes­té sur son nom sans le consul­ter ».

Ce soir là, lorsque les car­di­naux regagnent leur cel­lule, le Conclave, que l’on pré­voyait de courte durée, semble dans l’impasse ; et le car­di­nal Sarto est dans la détresse. La soi­rée et la nuit ne furent pas bonnes, pro­ba­ble­ment pour aucun des car­di­naux élec­teurs, et cer­tai­ne­ment furent-​elles exé­crables pour le car­di­nal Sarto. Plusieurs car­di­naux le ren­con­trèrent et s’entretinrent avec lui, qui dans les cou­loirs du palais, qui dans sa cel­lule du troi­sième étage. Tous le pres­saient d’accepter la direc­tion que la Providence divine don­nait au Conclave : son élec­tion. En ita­lien, ou en latin avec ceux qui ne le par­laient pas, le car­di­nal Sarto écou­tait les argu­ments et leur oppo­sait tou­jours le même « Je n’en suis pas capable, je n’en suis pas digne ! ». La nuit se pas­sa en prières, avec beau­coup de larmes pour le patriarche de Venise. Mais pas plus que les car­di­naux, l’Esprit Saint ne réus­sit cette nuit à faire flé­chir les ter­ribles appré­hen­sions du car­di­nal vénitien.

Au matin de ce lun­di 3 août, le cin­quième tour de scru­tin ne laisse plus pla­ner de doute : si le car­di­nal Rampolla obtient encore 24 voix, en baisse de 6 par rap­port au scru­tin pré­cé­dent, le car­di­nal Sarto en tota­lise 27, et « passe en tête » ! A l’énoncé de ce scru­tin, le car­di­nal Sarto se lève immé­dia­te­ment ; tous les témoi­gnages concordent : il est exces­si­ve­ment pâle, il tremble, et sa voix est mêlée de san­glots ; il déclare à ses pairs qu’il est « indigne du choix que plu­sieurs ont fait de sa per­sonne » et sup­plie de façon pathé­tique « que l’on reporte sur d’autres les suf­frages et la charge ».

Pendant l’heure de midi, les car­di­naux se dis­persent. Le cardinal-​doyen Oreglia, tou­jours pré­oc­cu­pé par l’impasse actuelle du Conclave, a l’intention de faire une décla­ra­tion ren­dant offi­ciel le refus du car­di­nal Sarto d’accepter la charge s’il était élu. Il lui faut pour cela l’accord de ce der­nier, et demande au secré­taire du Conclave, Monseigneur Merry del Val, d’aller en faire la pro­po­si­tion à l’intéressé.

Vers midi, Monseigneur Merry finit par trou­ver le car­di­nal Sarto dans la cha­pelle Pauline, absor­bé dans une intense prière devant le tableau de la Vierge « Notre Dame du Bon Conseil » . Dans une scène presque sur­na­tu­relle, le car­di­nal confirme à Monseigneur Merry qu’il sou­haite bien que le Doyen fasse la décla­ra­tion offi­cielle selon laquelle il refu­se­rait la charge du minis­tère pétri­nien s’il était élu. Puis Mgr Merry le quitte en lui disant « Eminence, soyez cou­ra­geuse, le Seigneur vous aide­ra ! »

Quel a été le poids exact de cette entre­vue entre deux hommes que la Providence ne sépa­re­ra plus ? Lorsque reprend la séance du Conclave pour l’après-midi, et avant que le car­di­nal Oreglia ne fasse la décla­ra­tion pré­vue, le car­di­nal Sarto céda aux der­nières ins­tances pres­santes de ses col­lègues. Au scru­tin du soir, le car­di­nal Rampolla n’obtient plus que 16 voix ; le car­di­nal Sarto, avec 35 voix, n’est plus qu’à 8 voix du pon­ti­fi­cat suprême.

Dans son pre­mier grand texte offi­ciel, sa décla­ra­tion de pro­gramme pour le gou­ver­ne­ment de l’Eglise, le pape Pie X écri­ra dans les pre­mières lignes : « … il est inutile de vous rap­pe­ler avec quelles larmes et quelles ardentes prières Nous Nous sommes effor­cés de détour­ner de Nous la charge si lourde du Pontificat suprême … » !

Ce soir du lun­di 3 août 1903, et cette nuit encore, larmes et prières ne vien­dront pas tota­le­ment à bout de l’angoisse et des appré­hen­sions de celui qui est encore pour quelques heures Giuseppe car­di­nal Sarto, patriarche de Venise. Au pre­mier scru­tin de ce mar­di 4 août au matin, le car­di­nal Sarto obtient 50 voix, soit beau­coup plus que la majo­ri­té des deux tiers requise. Sa réac­tion montre qu’il est encore par­ta­gé entre ter­reur et rai­son. Le car­di­nal Matthieu rap­porte : « Le car­di­nal Sarto était acca­blé. Il avait les yeux pleins de larmes, des gouttes de sueur per­laient sur ses joues, et il parut prêt de s’évanouir. » On l’entendit dire à ses pairs « Quelle croix vous m’imposez ! » et, comme tou­jours, asso­cier « Mamma Margherita » au choix de Dieu : « Oh ma chère mère, ma mère bien-aimée ! »

Selon le rituel cano­nique, le cardinal-​doyen Oreglia s’approche alors de lui et lui demande s’il accepte l’élection qui le fait sou­ve­rain pon­tife. La réponse n’est pas celle atten­due : « Quoniam calix non potest tran­sire, fiat volun­tas Dei ! » Afin qu’il n’y ait aucune ambi­guï­té, le car­di­nal Oriegla repose la ques­tion, avec, dit-​on, une nuance d’impatience. Cette fois le car­di­nal Sarto répond cano­ni­que­ment « J’accepte », et ajoute « In cru­cem ! (comme une croix !) ».

Lorsque le Doyen lui demande quel nom il sou­haite prendre, le car­di­nal Sarto hésite un ins­tant. Il a pen­sé à Benoît, notam­ment en sou­ve­nir du pape Benoît XI (1303–1304) qui était, comme lui, ori­gi­naire du dio­cèse de Trévise. Mais son choix se porte fina­le­ment sur le nom « Pie » et il répond « Pius Decimus ».

Le Conclave de cette année 1903 est ter­mi­né. Dans la cha­pelle Sixtine, tous les bal­da­quins sont abais­sés, sauf celui qui est au-​dessus du siège du car­di­nal élu. Ce mar­di 4 août le car­di­nal Giuseppe Melchiorre Sarto est deve­nu le 257ième pape de l’Eglise catho­lique sous le nom de Pie X. Il sera « cou­ron­né », selon l’expression en vigueur à l’époque, le dimanche sui­vant 9 août.

Très émou­vante fut la céré­mo­nie du cou­ron­ne­ment, le 9 août 1903, dans la basi­lique saint Pierre où Pie X y célé­bra sa toute pre­mière Messe en tant que Souverain Pontife. La céré­mo­nie dura cinq heures.

Durant les onze années de son pon­ti­fi­cat, ce ne sont pas moins de 3 300 docu­ments offi­ciels qu’il rédi­ge­ra pour res­tau­rer tout dans le Christ : « Nous décla­rons que notre but unique, dans l’exer­cice du suprême Pontificat, est de tout res­tau­rer dans le Christ afin que le Christ soit tout et en tout », écrivait-​il dans sa pre­mière Encyclique « E Supremi Apostolatus » du 4 octobre 1903.

Le défenseur de Jésus-​Christ et de son Eglise

Quel est le rôle d’un Pape ?, demandais-​je un jour au curé qui se char­geait de faire le caté­chisme. Le Pape, me dit-​il, en sa qua­li­té de Vicaire de Jésus-​Christ sur la terre et défen­seur de l’Eglise, a pour rôle de main­te­nir intacte la foi et la doc­trine catho­lique. Voilà une défi­ni­tion dont on devrait s’en ins­pi­rer aujourd’­hui encore !… A peine mon­té sur le trône pon­ti­fi­cal, Pie X se mit cou­ra­geu­se­ment à l’œuvre et com­men­ça par reven­di­quer la pleine liber­té du Sacré-​Collège dans l’é­lec­tion du Souverain Pontife.

Un peu plus d’un an après son élec­tion, Pie X dut faire face à l’in­juste loi fran­çaise de sépa­ra­tion de l’Eglise et de l’é­tat, votée par le par­le­ment, le 9 décembre 1905. Les effets de cette loi se firent sen­tir aussitôt :

  • Spoliation des biens du clergé ;
  • Persécution contre les ins­ti­tu­tions de bienfaisance ;
  • Dissolution des congré­ga­tions religieuses ;
  • Attaque sans mer­ci contre les Sœurs des hôpi­taux, des écoles ; des orphe­li­nats et des asiles d’aliénés.

Pourtant, com­bien de ser­vices n’avaient-​elles pas ren­dus à la France, ces Sœurs qui, pour s’oc­cu­per des han­di­ca­pés, des orphe­lins, des enfants ou des malades, avaient quit­té parents, amis, richesses, hon­neurs et tout ce que leur offrait le monde !

C’est dans ce contexte que Pie X pro­tes­ta éner­gi­que­ment : par l’Encyclique Vehementer du 11 février 1906 ; le Pape condam­na solen­nel­le­ment la loi de sépa­ra­tion ; puis, près d’un an plus tard, il condam­na dans son Encyclique « Une fois encore » la per­sé­cu­tion contre l’Eglise, en France.

L’Eglise du Portugal fut elle aus­si per­sé­cu­tée, d’une manière plus vio­lente et plus bar­bare que l’a­vait été celle de France. Là encore, Pie X se condui­sit comme il s’é­tait conduit pour la France : L’Encyclique Jamdudum in Lusitania du 24 mai 1911 condam­na les lois de per­sé­cu­tions et renou­ve­la l’ap­pel à l’u­nion et à la per­sé­vé­rance dans la foi catho­lique. Ainsi, une seconde fois, le Pape Pie X, avec une cha­ri­té évan­gé­lique, vint au secours des vic­times de la per­sé­cu­tion, accueillant par la même occa­sion, au Vatican, les prêtres et évêques portugais.

Le 24 mai 1910, il publia l’Encyclique Editae saepe dans laquelle il met­tait en relief sa force d’âme dans la lutte contre les erreurs du temps. Il indi­quait les carac­tères qui dis­tinguent la vraie réforme de la fausse, en démas­quant les pré­ten­dus réfor­ma­teurs dont le but inavoué était de détruire la foi. C’est pour­quoi, Pie X exhor­tait tous les fidèles à vivre en bons chré­tiens, à fré­quen­ter les sacre­ments et à se dépen­ser pour le salut des âmes.

Il eut éga­le­ment à pro­tes­ter contre les vexa­tions des indiens du Pérou et des autres pays voi­sins. Il le fit par la lettre Lamentabili, du 7 juin 1912, aux évêques de l’Amérique Latine.

Les incroyants eux-​mêmes ne purent s’empêcher d’ad­mi­rer l’œuvre de Pie X : c’est ain­si que, le 24 juin 1914, la Serbie conclut un Concordat aux termes duquel les catho­liques de ce pays joui­raient désor­mais d’une pleine liber­té dans l’exer­cice du culte, et un Séminaire ouvrit à Belgrade.

Le vengeur de la Foi

Déjà à l’é­poque, des théo­ries nou­velles mena­çaient l’Eglise. Certains éprou­vaient la déman­geai­son de réfor­mer les doc­trines catho­liques en les rem­pla­çant par d’autres mieux adap­tées aux condi­tions des temps modernes ; comme si les dogmes catho­liques devaient chan­ger avec les idées des hommes et comme si c’é­tait à la reli­gion à s’a­dap­ter aux hommes, et non le contraire. Dieu devrait-​il être au ser­vice de l’homme ? Penser cela serait faire de l’homme un dieu dont Dieu serait son esclave ! Hérésie aujourd’­hui lar­ge­ment répan­due par la doc­trine progressiste…

Les moder­nistes, donc, com­men­çaient à s’in­fil­trer un peu de par­tout. Pie X s’en inquié­ta pour le salut des âmes et pour la doc­trine même de Eglise. Le 8 sep­tembre 1907, il publia son admi­rable Encyclique Pascendi domi­ni­ci gre­gis contre le moder­nisme, qui fai­sait suite au décret Lamentabili sane exi­tu paru un tri­mestre plus tôt, le 3 juillet 1907. C’est sen­si­ble­ment à cette époque qu’il inter­vient dans la ques­tion du Sillon.

Le réformateur

Le Pape Pie X régle­men­ta aus­si la pré­di­ca­tion et l’en­sei­gne­ment du caté­chisme. Rappelant aux curés leur devoir d’ins­truire le peuple des véri­tés de la reli­gion, il vou­lut que, chaque dimanche et à chaque fête de l’an­née, ils expliquent le texte du caté­chisme du Concile de Trente.

Le 20 décembre 1905, il publia le décret Sacra Tridentina Synodus où il exhor­tait à la Communion fré­quente et quo­ti­dienne, tous les fidèles ayant atteint l’âge de raison.

Cette sol­li­ci­tude du Saint-​Père à rap­pe­ler tous les fidèles à la Communion fré­quente et quo­ti­dienne pro­dui­sit par­tout une bonne impres­sion : les prêtres riva­li­sèrent de zèle pour répandre cette sainte pra­tique, et les fidèles répon­dirent avec empres­se­ment à l’ap­pel du Souverain Pontife. Ce fut un véri­table réveil uni­ver­sel de la dévo­tion à l’Eucharistie.

Constatant qu’un peu par­tout on retar­dait d’une façon abu­sive l’acte solen­nel de la pre­mière Communion, il déci­da que celle-​ci se ferait désor­mais à l’âge de sept ans.

Le liturgiste

Le seul chant litur­gique adop­té par l’Eglise fut celui auquel St. Grégoire le Grand a don­né son nom. A côté du chant gré­go­rien l’Eglise admit aus­si la musique poly­pho­nique, que le génie clas­sique de Palestrina et de quelques autres com­po­si­teurs por­ta à son apo­gée au XVIème siècle.

Toutefois, ça et là, les com­po­si­tions pro­fanes et théâ­trales pre­naient le pas sur le chant gré­go­rien qui, par ailleurs com­men­çait à être déna­tu­ré par les liturgistes.

Dans son Encyclique Motu pro­prio du 22 novembre 1903, le Pape Pie X s’é­le­vait avec force contre cette pro­fa­na­tion. Il créa une com­mis­sion spé­cia­le­ment char­gée de réta­blir dans sa beau­té pri­mi­tive le chant litur­gique, et fon­da l’é­cole supé­rieure de musique sacrée.

A ses réformes néces­saires, il se devait d’y ajou­ter celle du Bréviaire et du Missel : par la Bulle Divino affla­tu du 1er novembre 1911, il tra­ça les grandes lignes de cette impor­tante réforme, à l’is­su de quoi le nou­veau Bréviaire et le nou­veau Missel furent publiés.

Comme cha­cun le sait, les Saints et les Bienheureux sont nos inter­ces­seurs auprès de Dieu. Nous recou­rons à eux pour obte­nir les grâces dont nous avons besoin. Pie X cano­ni­sa donc quatre Saints et béa­ti­fia soixante-​treize Bienheureux :

Le cin­quan­tième anni­ver­saire de la pro­cla­ma­tion du Dogme de l’Immaculée Conception fut pour Pie X un motif de plus de faire aimer la Vierge Marie. L’Encyclique Ad diem illum, du 2 février 1904 exhorte tous les fidèles à hono­rer cette bonne Mère du Ciel et à implo­rer sou­vent sa protection.

Quatre ans plus tard, on y célé­bra le cin­quan­te­naire de l’Apparition de la Sainte Vierge à Lourdes.

Le législateur

Le 19 mars 1904, Pie X déci­da qu’il fal­lait codi­fier le Droit cano­nique. Dans ce but, il éta­blit une com­mis­sion de Cardinaux char­gée d’é­ta­blir des pro­jets de lois. Le nou­veau code fut publié sous Benoît XV, son suc­ces­seur, mais cela n’en­lève rien à la gloire de Pie X, qui vrai­ment mit toute son âme au ser­vice de son élaboration.

En France, la famille com­men­çait à être atta­quée par les idées franc-​maçonnes. Aussi, pour pro­té­ger l’in­té­gri­té de la famille, Pie X modi­fia, par décret Ne temere, du 2 août 1907, les règles rela­tives aux fian­çailles et à la célé­bra­tion du mariage.

La mort du Pape

1914 : la pre­mière guerre mon­diale éclate !. On ne sau­rait dire la souf­france de Pie X à la pen­sée de l’af­freuse tue­rie sur les champs de bataille. L’ardente prière pour la paix qu’il envoya à tous les catho­liques du monde, le 2 août 1914, fut l’ex­pres­sion la plus émou­vante de sa douleur.

Une bron­chite avait affai­bli sa robuste consti­tu­tion, mais sur­tout la vision de cette hor­rible guerre, de jour en jour plus san­glante, l’a­vait abat­tu. L’auguste malade pas­sait ses jour­nées et ses nuits à prier, pour le retour de la paix. Cependant, son état de san­té empi­rait de jour en jour.

Le 19 août 1914, le Prélat Sacriste lui admi­nis­tra les der­niers sacre­ments, qu’il reçut avec beau­coup de pié­té. Il avait per­du déjà l’u­sage de la parole, mais il gar­dait sa luci­di­té et com­pre­nait tout. A une heure et quart du matin (donc la nuit du 19 au 20), le saint Pape ren­dait son âme à Dieu.

Le testament de Pie X

Pie X débute son tes­ta­ment par une invo­ca­tion à la Très Sainte Trinité, sui­vie d’un acte de confiance en la divine misé­ri­corde, puis il ajoute :

« Je suis né pauvre, j’ai vécu pauvre et je veux mou­rir pauvre. Je prie le Saint-​Siège d’ac­cor­der à mes sœurs Anne et Marie une pen­sion qui ne dépasse pas 300 francs par mois, et à mon valet de chambre une pen­sion de 60 francs ».

De plus, il lègue 10 000 francs à ses neveux, mais en sou­met­tant ce don à l’ap­pro­ba­tion de son Successeur, qu’il prie éga­le­ment de consi­dé­rer s’il est pos­sible de déli­vrer à sa famille les 100 000 francs qu’un géné­reux dona­teur lui remit à cette inten­tion. Il demande que ses funé­railles soient aus­si simple que les règles litur­giques le per­mettent. Il défend d’embaumer son corps, et veut qu’on l’en­se­ve­lisse dans les sou­ter­rains de la Basilique Vaticane.

Ce que Pie X lègue à ses sœurs suf­fit à peine à leur assu­rer le vivre et le cou­vert. Aussi, les parents du Serviteur de Dieu restèrent-​ils, après sa mort, dans l’humble condi­tion où ils se trou­vaient lors de son élé­va­tion au Saint-Siège.

La dépouille mor­telle de Pie X, revê­tue des orne­ments pon­ti­fi­caux, fut expo­sée dans la Salle du Trône, puis on le trans­por­ta à la Basilique saint Pierre et expo­sée dans la cha­pelle du Très Saint Sacrement. La céré­mo­nie reli­gieuse eut lieu le 23 août 1914.

Pie X devient le premier pape canonisé depuis le XVIe siècle

Après sa mort, la dévo­tion envers Pie X ne cesse pas. Sa cause est ouverte le 24 février 1923 et on érige à Saint-​Pierre de Rome un monu­ment en sa mémoire pour le ving­tième anni­ver­saire de son acces­sion au pontificat.

Devant l’af­flux des pèle­rins venus prier sur sa tombe dans la crypte de la basi­lique Saint-​Pierre, on fait scel­ler une croix de métal sur le sol de la basi­lique, afin que les pèle­rins puissent s’a­ge­nouiller juste au-​dessus de son tom­beau. Des messes y sont dites jus­qu’à l’avant-guerre.

Le 19 août 1939, Pie XII pro­nonce un dis­cours à sa mémoire et le 12 février 1943, en pleine guerre, « l’hé­roï­ci­té de ses ver­tus » est pro­cla­mée. Peu après il est décla­ré « ser­vi­teur de Dieu ». C’est alors que la Sacrée Congrégation des Rites ouvre le pro­cès de béa­ti­fi­ca­tion exa­mi­nant en par­ti­cu­lier deux miracles. En pre­mier lieu, celui inter­ve­nu auprès de Marie-​Françoise Deperras, reli­gieuse qui était atteinte d’un can­cer des os dont elle a été gué­rie en décembre 1928 et en second lieu celui de Sœur Benedetta de Maria, de Boves (Italie), qui a été gué­rie d’un can­cer de l’ab­do­men en 1938.

Ces deux miracles sont offi­ciel­le­ment approu­vés par Pie XII, le 11 février 1951 et abou­tissent à la lettre de béa­ti­fi­ca­tion de Pie X le 4 mars suivant.

La céré­mo­nie en elle-​même a lieu le 3 juin 1951 en la basi­lique Saint-​Pierre en pré­sence de 23 car­di­naux, de cen­taines d’ar­che­vêques et d’é­vêques et d’une foule de 100 000 pèle­rins. Pie XII parle alors de Pie X comme du « pape de l’Eucharistie », en réfé­rence à l’ac­cès de la com­mu­nion aux jeunes enfants faci­li­té par le nou­veau bienheureux.

Le 17 février 1952 son corps est trans­fé­ré de la crypte à son empla­ce­ment actuel sous l’au­tel de la cha­pelle de la Présentation, à l’in­té­rieur de la basi­lique, dans un sar­co­phage de bronze ajou­ré par un vitrage.

Le 29 mai 1954, date de sa cano­ni­sa­tion, deux miracles sont recon­nus par l’Église catho­lique, en pre­mier lieu celui qui a per­mis la gué­ri­son d’un avo­cat ita­lien – Francesco Belsami – d’un abcès pul­mo­naire, et l’autre celui qui a per­mis la gué­ri­son d’une reli­gieuse – Sœur Maria-​Ludovica Scorcia – affec­tée d’un virus du sys­tème nerveux.

La messe de cano­ni­sa­tion célé­brée par Pie XII est sui­vie par une foule de 800 000 fidèles. Saint Pie X est le pre­mier pape depuis le XVIe siècle à être cano­ni­sé, le der­nier ayant été le saint pape Pie V.

Sa fête litur­gique est fixée au 3 septembre.

Sources : Lepetitplacide /​Notre-​Dame de Fatima /​Wikipedia